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Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Temps et modes/Paragraphe 115

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Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 312-314).
§ 115. Le waw avec les formes verbales finies.

a Le waw précédant une forme verbale finie (qatal, yiqtol, jussif, cohortatif, impératif) peut avoir des valeurs sémantiques diverses ; en conséquence le groupe composé du waw et de la forme verbale aura des valeurs différentes. Tout en gardant le sens fondamental de et, le waw peut avoir certaines nuances concomitantes que nos langues négligent ou ne peuvent exprimer qu’en ajoutant un mot. Ainsi, tandis que le latin emploie exactement de la même façon le mot et dans comēdit et bibit (où les deux actions sont censées simultanées) et dans comēdit et ivit cubitum (où la seconde action est postérieure à la première), l’hébreu distingue ces deux et, dont le second équivaut à et postea. Dans une phrase comme divide et impera où le et équivaut logiquement à ita ut (sic) imperes = et sic imperabis (consécution), et (en conséquence) tu régneras ou à ut imperes (finalité), afin que tu règnes, l’hébreu distingue une nuance modale du waw (consécutive ou finale)[1].

Au point de vue logique on peut donc distinguer un et de pure coordination et un et nuancé de succession, de consécution, de finalité. Nous appelons le premier « et simple » et le second « et énergique ».

b La langue arabe peut exprimer ces différences d’une façon assez parfaite, qui aide à faire comprendre les procédés de l’hébreu. Elle a deux formes pour exprimer et : wa وَ et fa فَ[2]. Wa s’emploie pour le et simple, fa pour le et énergique ; pour le et de succession on emploie généralt fa (rarement wa) avec l’indicatif ; pour le et final-consécutif fa avec le subjonctif. Aux diverses distinctions logiques répondent donc des formes distinctes.

c L’hébreu est bien loin de cette perfection de l’arabe. Et d’abord l’hébreu n’a que ו pour exprimer et. Pour rendre les diverses distinctions on ne peut donc songer qu’à deux procédés : une modification du waw ou de la forme verbale. Or ces deux procédés ne se trouvent réalisés que d’une façon imparfaite. Le et simple s’exprime toujours par un ו faible (à savoir sans exigence de redoublement)[3], mais le et énergique n’est pas toujours exprimé par un ו fort (à savoir exigeant le redoublement). Bien plus, on n’a en réalité le ו fort que dans le cas de la forme de succession wayyiqtol « et il tua ». Dans cette même forme, quand les lois phonétiques le permettent, la vocalisation et le ton sont également discriminants. Dans weqatal la différence de valeur du et peut parfois s’exprimer par la place du ton, par exemple weqatálti[4] « et j’ai tué » (et de pure coordination), weqataltí « et ensuite je tuerai » (forme de succession). Dans tous les autres cas, à savoir avec le cohortatif, le jussif, l’impératif, la différence entre le et de coordination et le et de finalité-consécution n’apparaît pas dans la forme. C’est par le contexte, la syntaxe, et aussi par la comparaison avec l’arabe, qu’on peut voir si le ו est alors coordinatif ou final-consécutif[5].

Nous verrons que le et énergique se trouve :

  1. 1) avec les modes volitifs ; le ו a alors un sens de finalité-consécution, comme l. ut (afin que, et en conséquence). En arabe on a alors fa et le subjonctif. Cf. § 116 a ;
  2. 2) avec les indicatifs qatal et yiqtol, à savoir weqataltí et wayyiqtol ; le ו exprime alors principalement la succession (et ensuite). En arabe on a alors fa et l’indicatif. Cf. § 117.

Voir le résumé pratique des principaux cas § 120.

  1. Comparer la double valeur de qui dans : « Venit vir qui (= et is) nuntiavit » et « Venit vir qui (= ut is) nuntiaret ».
  2. Originairement il y aurait forme unique d’après Ewald, Gramm. arab., 1 § 478 ; 2 § 726 sq. ; mais Brockelmann admet deux formes, Grundriss, 1, p. 502.
  3. Cf. § 104 c-d.
  4. La forme weqatálti (avec waw non-inversif) ainsi que la forme symétrique weyiqtol ne sont permises par l’usage classique que dans des cas déterminés ; cf. § 166 a N.
  5. De même pour un ו devant nom ou particule. Ainsi le ו est énergique dans Jug 6, 13 וְלָ֫מָּה « alors pourquoi ? » = فَلِمَ falima ; 1 R 1, 13 וּמַדּוּעַ « pourquoi donc ? » ; avec nuance de finalité-consécution : Job 38, 34 וְשִׁפְעַת « Élèves-tu la voix vers les nuages pour qu’une masse d’eau te couvre ? » (le ו a la même valeur que celui de וְיֵלֵ֑כוּ v. 35) ; 21, 3 (42, 4) וְאָֽנֹכִי (comp. 13, 13 ; Dt 32, 1 ; Ps 50, 7).