Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ÉRIC XIV, roi de Suède, fils de Gustave Wasa et de Catherine de Saxe Lauenbourg

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Administration du grand dictionnaire universel (7, part. 2p. 806).

ÉRIC XIV, roi de Suède, fils de Gustave Wasa et de Catherine de Saxe Lauenbourg, né le 15 décembre 1533, empoisonné le 26 février 1577. À la mort de son père, en 1560, il monta sur le trône, et dans les premières années de son règne il s’occupa activement des affaires de l’État et du bien-être de ses sujets. C’est ainsi qu’il introduisit d’utiles réformes dans l’administration de la justice et établit un tribunal suprême sous le nom de jury du roi. Il protégea les arts et l’industrie, fit fleurir le commerce et la navigation, porta la puissance navale de la Suède à un point qu’elle n’avait jamais atteint avant lui, et auquel elle n’a pu parvenir depuis lors, enfin répartit entre les seigneurs les plus distingués du royaume les titres de comtes et de barons, de façon à avoir une haute noblesse. Ces débuts faisaient augurer un heureux règne. Malheureusement, son frère Jean, qui avait longtemps convoité la succession paternelle, ne consentit jamais à reconnaître l’autorité d’Éric, et il lui suscita constamment des embarras. Éric l’accusa de provocation à la révolte et lui donna l’ordre de venir à Stockholm se justifier. Jean refusa et se révolta ouvertement. Les troupes royales marchèrent contre lui et le firent prisonnier le 12 août 1563.

À partir de ce moment, Éric se crut entouré de traîtres et d’assassins. Soupçonneux à l’excès, il laissa de côté la noblesse, que les premiers actes de son règne lui avaient conciliée, et il ne s’entoura plus que de favoris de basse extraction, ambitieux et incapables. L’un d’eux, Person, ne tarda pas à prendre sur le roi une influence funeste. Par ses conseils, Éric entreprit contre le Danemark une guerre malheureuse. Il fallut recourir aux impôts et s’aliéner ainsi l’affection de ses sujets. Des hommes depuis longtemps attachés à la fortune des Wasa voulurent faire entendre la voix de la raison ; Éric se montra plus irrité encore. Alors se produisirent chez lui des accès de démence pendant lesquels il commit des crimes tels que l’assassinat, dans sa prison, de Sture, que les États d’Upsal refusaient de condamner. Les remords ne tardèrent pas à venir, et dans un retour à la raison, retour de trop courte durée, Éric éloigna Person, rendit la liberté à Jean et chercha à se réconcilier avec les familles puissantes du royaume ; mais Person rentra en faveur et les persécutions recommencèrent. Une mésalliance mit le comble au mécontentement. La Finlande se révolta ; Jean vit des partisans arriver de tous côtés. Avec l’aide de Charles, son plus jeune fils, il s’empara de Stockholm, et Éric, abandonné de tous, obligé de se rendre, fut jeté dans une prison, où le poison qu’on lui administra mit fin à ses jours.

Éric XIV a été fort diversement jugé par les historiens. Les uns, sous l’impression des sentiments de haine qu’il avait inspirés à ses contemporains, ont vu en lui un tyran sanguinaire ; d’autres, et nous sommes de ce nombre, n’ont pu oublier les grandes choses exécutées par le fils de Gustave Wasa, et, sans l’absoudre de ses crimes, ils ont cru devoir en rejeter la plus grande part sur Person et les frères du roi, dont les soulèvements continuels devaient porter à des excès un caractère faible et ombrageux. « Quoique le règne d’Éric XIV ait été très-orageux, dit M. Catteau, il ne fut pas sans influence sur le rôle que la Suède joua ensuite parmi les puissances de l’Europe. Ce fut pendant ce règne que les limites du royaume prirent une plus grande extension à l’est et que les Suédois devinrent maîtres d’une partie de l’Esthonie ; que la marine suédoise gagna un plus grand développement et que les relations commerciales devinrent un des premiers objets de l’attention du gouvernement. » Gustave III pensait ainsi lorsque, sur le tombeau magnifique qu’il lui fit élever dans l’église cathédrale de Westerces, il fit placer le sceptre et la couronne qui ornaient la sépulture du roi Jean, à Upsal. Éric a rédigé le journal de son règne, sous le titre de Commentaria historiæ regis Erici XIV.