Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/États-Unis (SCÈNES DE LA VIE AUX)

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Administration du grand dictionnaire universel (7, part. 3p. 1022).

États-Unis (SCÈNES DE LA VIE AUX), nouvelles publiées dans la Revue des Deux-Mondes, et réunies en volumes par M. Alfred Assolant en 1858. En dépit de la modestie du genre, M. Assolant s’est fait une brillante réputation par ces nouvelles, son ouvrage de début, qu’il n’a jamais surpassé. Ces nouvelles, au nombre de trois, Acacia, les Butterfly et une Fantaisie américaine, sont trois tableaux de la vie américaine, empreints d’une vive couleur locale et tracés avec tant d’esprit, de gaieté et d’humour satirique que plus d’un critique n’a pas craint de rappeler, à propos de ce coup d’essai, les Contes de Voltaire. L’auteur a simplement traduit, sous une forme romanesque, l’impression exacte que lui avaient laissée les États-Unis, et il les connaissait assez bien, puisque, en jugeant d’après les habitudes du pays, il préditla pendaison de Walker, six mois avant, presque jour pour jour. Acacia, la plus gaie des trois nouvelles, est d’une vérité frappante. Elle a pour cadre une société naissante en Californie, où l’on conçoit que les disputes, les violences et tous les excès de l’individualité aventurière déchaînée trouvent mieux leur place que dans les cités de l’Union, qui ont fait, depuis plus d’un demi-siècle, l’apprentissage de la liberté. Acacia est un Français, issu de Brive-la-Gaillarde, ancien soldat d’Afrique, expédié en Californie par la fameuse loterie du lingot d’or, et de la, surnommé le Lingot. C’est un type original de l’humeur française, modifiée deux fois par l’éducation de l’Algérie et par les habitudes américaines. Autour de lui se meuvent un certain nombre de figures très-vivantes et très-diverses, dans un étrange tumulte d’événements et de catastrophes très-lestement racontés. Les deux autres nouvelles nous représentent, dans des^proportions différentes, le même mélange d’une active, d’une dévorante civilisation, avec des mœurs sauvages. Dans ces trois récits, des femmes, dont la beauté et la grâce sont de tous les pays, mais dont les libres allures ne sont pas du nôtre, ajoutent à la variété et à l’originalité du tableau. L’auteur tire lui-même de ses peintures, qui semblent n’avoir pour objet que l’amusement, une conclusion qui n’en ressort guère, c’est que la civilisation américaine, dans son rapide essor, a produit assez de merveilles pour qu’on lui pardonne quelques écarts. On sent qu’il a rapporté de son voyage aux États-Unis des impressions très-vives et très-nettes. Étant parti très-enthousiaste du pays qu’il allait visiter, il en est revenu un peu refroidi peut-être, mais bien plus affermi que jamais dans ses goûts d’indépendance personnelle. Rien n’est plus amusant que cette peinture d’un pays, où « depuis l’invention des revolvers, la moindre dispute finit par un feu de peloton, » où toutes les races se heurtent et se mêlent, où toutes les ambitions ont une ample carrière, où toutes les religions se coudoient, compliquent et colorent les querelles de l’intérêt privé ou de la politique, et où l’on cite la Bible, comme nous Molière et Rabelais : « Juges prévaricateurs, journalistes à vendre et à revendre, révérends sermoneurs jonglant avec les homélies, comme un clown avec des bouteilles, pères fripons, filles dépravées ; vols, massacres, yeux crevés, dents cassées, nez dévoré ; le tout avec permission de M. le maire, et à la grande joie des policemen, qui assistent à ces ioyeusetés en pariant pour ou contre les combattants ; » voilà le tableau peint par M. Assolant. Cette appréciation empruntée à M. Pierre Yéron est sévère ; mais on peut dire à l’auteur que la civilisation qu’il nous propose pour modèle aurait besoin de se civiliser, s’il n’en avait assombri le tableau par pure fantaisie.