Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Euclide

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Administration du grand dictionnaire universel (7, part. 3p. 1102).

EUCLIDE, célèbre géomètre grec, qui vivait vers l’an 285 avant J.-C. On a peu de détails sur sa vie : on sait seulement qu’après s’être formé à l’école de Platon il fut appelé par Ptolémée, fils de Lagus, à Alexandrie, et qu’il y ouvrit une école de mathématiques. Les Eléments de géométrie et les Données d’Euclide nous sont parvenus, ainsi que des traités d’optique et de catoptrique, et un opuscule sur la division des polygones ; les autres ouvrages, savoir : quatre livres sur les Sections coniques, deux sur les Lieux à la surface et trois sur les Porismes, ont été totalement perdus. Les meilleures éditions des ouvrages d’Euclide sont : Euclidis opera cum Theonis expositione, en grec (Bâle, 1550) ; Euclidis quæ supersunt omnia, en grec et en latin (Oxford, 1703) ; enfin les Œuvres d’Euclide, en grec, en latin et en français, d’après un manuscrit très-ancien découvert par F. Peyrard, bibliothécaire à l’Ecole polytechnique (Paris, 1814).


Un grand nombre de géomètres grecs avaient donné avant Euclide des éléments de géométrie. Proclus cite, entre autres, Hippocrate de Chio, Léon, Theudius de Magnésie, Hermotime de Colophon, Eudoxe et Thætète. « Euclide, dit Proclus, tint en ordre beaucoup de choses trouvées par Eudoxe, perfectionna ce qui avait été commencé par Thætète et démontra plus rigoureusement ce qui avait été trop mollement démontré avant lui. » C’est Euclide qui introduisit dans les éléments la méthode connue sous le nom de réduction à l’absurde, qui permettait d’éviter les considérations directes de l’infini et des incommensurables. Les Éléments sont divisés en treize livres, auxquels on en joint ordinairement deux autres sur les cinq polyèdres réguliers, que l’on attribue à Hypsiclès, géomètre d’Alexandrie, postérieur de cent cinquante ans à Euclide. « Pour se former, dit Lacroix, une idée de l’ouvrage entier, on pourrait le considérer comme composé de quatre parties. La première comprendrait les six premiers livres et se diviserait en trois sections, savoir : la démonstration des propriétés des figures planes, traitée d’une manière absolue et comprise dans les livres I, II, III, IV ; la théorie des proportions des grandeurs en général, objet du livre V, et l’application de cette théorie aux figures planes. La seconde partie renfermerait les livres VII, VIII et IX, qu’on désigne par l’épithète d’arithmétiques, parce qu’ils traitent des propriétés générales des nombres. La troisième partie serait formée du livre X seulement, où l’auteur considère en détail les grandeurs incommensurables. La quatrième partie, enfin, se composerait des cinq derniers livres, qui traitent des plans et des solides. » L’ordre admirable qui y règne, ainsi que la force et la clarté des démonstrations, a imposé les Éléments d’Euclide comme guide obligatoire dans toutes les écoles, presque jusqu’à nos jours, et au delà, du temps pendant lequel ils pouvaient rendre de bons services ; car l’impossibilité de s’en passer paraissait telle, qu’on préférait les corriger, souvent de la façon la plus choquante, plutôt que d’y renoncer. On y intercalait maladroitement les formules toutes modernes des mesures des surfaces et des volumes, dont les Grecs n’avaient pas même eu l’idée, et on en supprimait les admirables livres relatifs aux rapports des grandeurs concrètes, pour les remplacer par l’inutile et incomplète théorie des proportions entre nombres commensurables, qui n’apprend rien autre que celle des fractions ordinaires.

Les Données d’Euclide forment aux 'Éléments une sorte d’appendice destiné à en faciliter les usages et les applications. Euclide appelle donné ce qui peut résulter des constructions connues. Par exemple, « si d’un point donné on mène une droite qui touche un cercle donné de position, la droite est donnée de position et de grandeur. » Les propositions des Données, dit M. Chasles, étaient toujours citées, comme celles des Éléments, par les géomètres anciens et par ceux du moyen âge, dans toutes leurs recherches géométriques ; Newton même en fait usage dans ses Principes, ainsi que des coniques d’Apollonius ; mais, depuis, ces traces de l’antiquité ont disparu des écrits des géomètres, et le livre des Données n’est plus guère connu que de ceux qui étudient l’histoire de la science. M. Chasles ajoute que l’on peut déduire aisément la résolution des équations du second degré de quelques propositions du livre des Données, et il cite la 85e : Si deux droites comprennent un espace donné dans un angle donné, et si leur somme est donnée, chacune d’elles sera donnée. Il nous semble que le fait est indiscutable. Si Euclide, Archimède, Apollonius n’ont pas expressément employé les formules des racines des équations du second degré, c’est que, spéculant toujours sur les grandeurs elles-mêmes et non pas sur leurs mesures, ils n’avaient pas besoin des formules de ces mesures ; mais les constructions des problèmes qui ont pour objet soit la division d’une droite en moyenne et extrême raison, soit la recherche d’un rectangle équivalent à un carré donné, dont les côtés fassent une somme donnée ou aient entre eux une différence donnée, ces constructions fournissent une image tellement saisissante des formules des racines des équations du second degré, qu’il eût été impossible de ne pas les apercevoir, si la question de ces racines avait seulement été posée.

Euclide avait considérablement augmenté la théorie des sections coniques.

Montucla avait vu, dans les Lieux à la surface d’Euclide, des surfaces ou des courbes à double courbure. M. Chasles pense que c’étaient les surfaces qu’engendrent les sections coniques en tournant autour de leurs axes, et qu’Archimède nomme sphéroïdes ou conoïdes suivant qu’elles sont fermées ou illimitées. L’ouvrage des Lieux à la surface aurait eu pour objet l’étude des sections planes des surfaces de révolution du second degré.

Les Porismes d’Euclide ne sont connus que par quelques mots de Proclus et de Pappus : ce dernier, dans sa préface du VIIe livre des Collections mathématiques, dit que le traité des Porismes était éminemment utile pour la résolution des problèmes les plus compliqués ; il l’appelle : Collectio artificiosissima multarum rerum, quæ spectant ad analysin difficiliorum et generalium problematum. Le genre de propositions que contenait cet ouvrage n’est


pas même bien déterminé, quoique beaucoup de géomètres en aient tenté la divination. M. Chasles croit avoir restitué intégralement ce traité, mais la question reste douteuse. V. Porisme.