Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/FRÉDÉRIC-GUILLAUME Ier, roi de Prusse, fils de Frédéric Ier

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Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 2p. 796-797).

FRÉDÉRIC-GUILLAUME Ier, roi de Prusse, fils de Frédéric Ier, né en 1688, mort en 1740. Il reçut à la cour de son grand-père, l’électeur de Hanovre, une éducation plus bourgeoise que princière. De retour à Berlin, son père lui donna pour gouverneur le comte de Dohna, général habile, qui exerça sur son esprit une grande influence, l’habitua à l’ordre, à l’économie, à une vie active et réglée. Ce fut également ce général qui donna au jeune prince son instruction militaire, complétée plus tard par le duc d’Anhalt et le margrave Philippe, et c’est alors que commença à prédominer en lui le goût des exercices militaires. Jeune encore, il prit part à la guerre des Pays-Bas et connut le prince Eugène et le duc de Marlborough, qui devinrent ses amis. En 1700, il épousa la princesse Sophie-Dorothée de Hanovre. À la mort de Frédéric Ier, en 1713, il monta sur le trône, et opéra immédiatement de larges réformes économiques à la cour de son fastueux père. Il s’occupa en même temps de la réorganisation des finances, de la justice et de l’armée, consacra des sommes considérables aux améliorations agricoles, industrielles et commerciales, augmenta les revenus de l’État, porta l’armée à 80,000 hommes, punit sévèrement les administrateurs infidèles, et prépara enfin tous les éléments de la grandeur de son fils. À l’extérieur, il manqua quelquefois de fermeté, et sa politique flotta entre l’influence de l’Autriche et celle de l’Angleterre ; mais il saisit toutes les occasions d’agrandir ses États. Lors de la paix d’Utrecht (1713), il se fit reconnaître comme roi de Prusse par la Franco et par l’Espagne, et se fit assurer par ce traité la possession de Neufchâtel, de Valengin, de la Gueldre. Cette même année, il acquit le comté de Limbourg. Pendant la guerre du Nord, il empêcha les Russes et les Suédois de prendre possession de la Poméranie, et, par une alliance qu’il contracta avec le gouverneur de Holstein-Gottorp et le général suédois comte Velling, en juin 1713, il acquit des droits sur Stettin et Wismar. Ce traité donna lieu à un conflit entre la Suède et la Prusse. Charles XII, qui était engagé dans la guerre avec les Turcs, revint en Poméranie, refusa de ratifier le traité fait par son général et demanda à Frédéric-Guillaume la restitution de Stettin, sans vouloir lui rendre la somme de 400,000 thalers payés par lui aux Russes et aux Saxons pour les empêcher d’envahir la Poméranie suédoise. Frédéric-Guillaume, irrité de la conduite de Charle XII, s’allia avec la Russie, la Saxe et le Danemark contre la Suède (1715), et, pendant la guerre qui suivit, son général, Léopold de Dessau, s’empara de Rugen et de Stralsund. Par la paix qui fut signée à Stockholm, le 1er février 1720, après la mort de Charles XII, le roi de Prusse ajouta à ses États toute la Poméranie citérieure, moyennant une somme de 2 millions de thalers qu’il paya aux Suédois. En 1725, Frédéric-Guillaume conclut avec la Hollande et l’Angleterre une alliance contre l’Autriche ; mais l’ambassadeur de cette dernière puissance parvint à lui faire rompre cette alliance et l’amena à conclure le traité de Wusterhausen (1726), par lequel l’Autriche garantissait à la Prusse la possession des duchés de Juliers et de Berg, dès que la maison régnante se serait éteinte ; la Prusse reconnaissait la pragmatique sanction et s’engageait à fournir à l’Autriche un corps d’armée en cas de guerre. Lors de la guerre qui éclata en 1733, au sujet de l’élection d’un roi de Pologne, Frédéric-Guillaume, fidèle à ses engagements, fournit à l’Autriche un corps de 10,000 hommes, qu’il rappela lorsqu’il eut appris que cette puissance avait conclu avec la France des préliminaires de paix sans l’avoir consulté. Quoiqu’il eût, en matière de gouvernement, des idées presque républicaines, Frédéric poussait parfois la sévérité jusqu’au despotisme. On le vit notamment porter une loi par laquelle le domestique qui aurait volé plus de 3 thalers à son maître serait pendu. Dans sa vie de famille, il lui arriva maintes fois de corriger sa fille à coups de bâton et de traiter son fils, le prince Frédéric, de la façon la plus dure, même en public. Il aimait la chasse, les théâtres de marionnettes, les grenadiers à formes athlétiques, qu’il payait fort cher. Tout luxe était banni de sa cour. Il se plaisait a passer ses soirées dans des réunions sans apparat, avec ses intimes. Dans son collège tabagique, comme il appelait lui-même ces réunions, on fumait, on buvait de la bière, et les étrangers qui y étaient admis n’étaient astreints à aucune espèce de gêne. Rien de grand n’eut lieu sous son règne ; mais il se fit un grand nombre de choses utiles. Il fonda à Berlin des hospices, l’Académie de médecine, connue sous le nom de Collegium medico-chirurgicum, etc. ; il abolit le servage des paysans et le remplaça par la corvée ; il apprit au peuple à être sobre, actif, économe ; il s’attacha à faire régner la justice, voulut être au milieu de son peuple un véritable père de famille, se montra constamment l’ennemi de la diplomatie et des courtisans, qu’il détestait à cause de leurs intrigues. En un mot, son œuvre fut avant tout marquée au coin de l’utile ; mais on peut dire aussi qu’elle fut glorieuse, puisqu’elle prépara la Prusse au rôle brillant quelle allait jouer dans le monde.