Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/JOURDAN (Jean-Baptiste), maréchal de France

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Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 3p. 1035-1036).

JOURDAN (Jean-Baptiste), maréchal de France, né à Limoges en 1762, mort en 1833. Il fit la campagne de l’indépendance américaine comme simple soldat, entreprit, à la paix, le commerce de la mercerie dans sa ville natale, et partit aux frontières, en 1792, à la tête du 2e bataillon des volontaires de la Haute-Vienne. Il se distingua aux batailles de Jemmapes, de Nerwinde, de Famars, devint général de division en juillet 1793, fut renversé par un boulet à Hondschoote, où il commandait le centre, succéda à Houchard dans le commandement des armées du Nord et des Ardennes (22 septembre), battit le prince de Cobourg à Wattignies (16 octobre), et l’obligea ainsi à lever le blocus de Maubeuge. Mis à la retraite pour avoir refusé de continuer l’offensive pendant l’hiver, on raconte qu’il alla modestement reprendre le commerce de la mercerie à Limoges, se contentant, pour toute protestation contre l’injustice de l’acte qui le frappait, de suspendre au fond de sa boutique son épée et son uniforme de général en chef. Dès le mois d’avril 1794, il était rappelé, et mis à la tête de l’armée de la Moselle, devenue peu après armée de Sambre-et-Meuse. Le 25 juin, Jourdan prit Charleroi, et, le lendemain, il remporta sur les coalisés la mémorable bataille de Fleurus, qui eut pour conséquence la reprise des places de Landrecies, du Quesnoy, de Valenciennes et de Condé, enfin la délivrance de toutes nos frontières du Nord. Poussant l’ennemi l’épée dans les reins, le général victorieux passe la Meuse, bat complètement Clerfayt à Aldenhoven (2 octobre), entre dans Cologne, Coblentz et Maastricht (4 novembre). Après s’être emparé de l’importante place de Luxembourg, il franchit le Rhin le 7 septembre 1795, prit Dusseldorf, et s’avançait en Allemagne, lorsque la chute de Manheim, tombée au pouvoir de Clerfayt par la trahison de Pichegru, l’obligea à la retraite. Dans la campagne de 1796, il déploya de grands talents militaires, mais fut constamment malheureux. Élu membre du conseil des Cinq-Cents, l’année suivante, il proposa et fit adopter la conscription militaire (1798). Il prit ensuite le commandement de l’armée du Danube, composée de moins de 40,000 hommes, et opposée à celle du prince Charles, qui en comptait 70,000. Dans le commencement de la campagne, il se rendit maître de la Souabe, remporta, le 25 mars 1799, la sanglante victoire de Stockach, mais ne put garder le champ de bataille plus d’un jour, et dut encore rétrograder sur le Rhin, en face des masses autrichiennes. Rentré au conseil des Cinq-Cents, il trouva la France partout menacée au dehors, et, au dedans, travaillée par une faction liberticide. Il fit la motion de déclarer la Patrie en danger comme en 1792. Cette proposition fut ajournée (13 septembre 1799), et, quelque temps après, s’accomplissait le coup d’État du 18 brumaire. Jourdan se montra, dans cette circonstance, l’adversaire très-décidé de Bonaparte. Aussi fut-il exclus du Corps législatif. Son hostilité n’avait pourtant rien de systématique. En juillet 1800, il consentit à accepter le gouvernement du Piémont. L’empereur le comprit dans la création des maréchaux en 1804 ; mais, lors de la distribution des titres, il ne voulut point lui conférer celui de duc de Fleurus, et il répondit à Lannes, qui en faisait la demande pour son compagnon d’armes : « Il aurait un titre plus beau que le mien ; car, moi, je n’ai point gagné de bataille ayant sauvé la France. » Jourdan commanda quelque temps l’armée d’Italie (1804-1805), devint major général du roi Joseph à Naples et en Espagne, vit ses conseils dédaignés pendant les désastreuses guerres de ce dernier pays, rentra en France en 1813, adhéra, en qualité de sénateur, à la déchéance de Napoléon, (1814), fut confirmé par Louis XVIII dans le commandement de la 15e division militaire qu’il occupait à la première Restauration, reçut le commandement de Besançon pendant les Cent-Jours, le titre de comte et le gouvernement de la 7e division militaire en 1816, un siège à la Chambre des pairs en 1819. La révolution de Juillet 1830 le fit ministre des affaires étrangères ; mais, dès le 11 août, il échangeait son portefeuille contre la place de gouverneur des Invalides, qu’il a occupée jusqu’à sa mort. Napoléon, dans le Mémorial de Sainte-Hélène, avoue l’avoir fort maltraité pendant son règne. « Du reste, ajoute-t-il, c’est un vrai patriote. » Jourdan a laissé sur sa carrière militaire : Mémoires pour servir à l’histoire de la campagne de 1796 (Paris, 1819, in-8°) ; Opérations de l’armée du Danube [1799] (Paris, 1799, in-8°). On a inauguré avec beaucoup de solennité, le 29 septembre 1860, à Limoges, une statue du maréchal Jourdan, par M. Élias Robert.