Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARIE-CHRISTINE DE BOURBON, reine d’Espagne

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Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1198-1199).

MARIE-CHRISTINE DE BOURBON, reine d’Espagne, née à Naples en 1806. Elle est fille de François Ier, roi des Deux-Siciles, et de Marie-Isabelle, infante d’Espagne, seconde femme de ce prince. Marie-Christine s’adonna de bonne heure aux exercices du corps, devint une intrépide amazone, apprit la peinture et se fit remarquer par la vivacité de son esprit, par la fougue de son caractère. Elle avait vingt-trois ans lorsque sa sœur, Louise-Charlotte, qui vivait à la cour d’Espagne et avait épousé l’infant don François de Paule, conçut le projet de la marier à Ferdinand VII, déjà trois fois veuf. Cette union s’accomplit en effet à Madrid le 11 décembre 1829. Jeune, belle, passionnée pour les plaisirs, elle transforma par sa présence la triste cour du vieux et sinistre Ferdinand, sur l’esprit duquel elle prit aussitôt un grand empire. Étant devenue enceinte, elle profita de son ascendant sur son mari pour lui faire promulguer, le 29 mars 1830, la pragmatique Siete partidas Par cet acte, le roi changeait l’ordre de succession au trône et déclarait que la couronne passerait, au cas où il n’aurait pas d’enfant mâle, non à son frère don Carlos, mais aux filles qui pourraient lui naître, par ordre de primogéniture. Le 10 octobre de la même année Marie-Christine accoucha d’une fille, qui devait être Isabelle II, et mit au monde, le 30 janvier 1832, une seconde fille, la future duchesse de Montpensier. Bien qu’en butte à l’hostilité déclarée de don Carlos et surtout à celle de sa femme et de la duchesse de Beira, sœur de cette dernière, la reine sut conserver son influence sur son imbécile époux. Toutefois, Ferdinand étant tombé malade, les partisans de don Carlos, soutenus par le ministre Calomarde, obtinrent du roi le rappel de la pragmatique. Mais à cette nouvelle Louise-Charlotte, sœur de Marie-Christine, accourut à Madrid, souffleta Calomarde, fit rapporter la pragmatique et amena le roi convalescent à donner, jusqu’à son complet rétablissement, la régence du royaume à sa femme (octobre 1832).

Marie-Christine, voyant que don Carlos s’appuyait sur le parti absolutiste, chercha un point d’appui dans le parti libéral et, pour l’attirer à elle, elle débuta par une amnistie. Au commencement de l’année suivante, Ferdinand reprit en main le pouvoir. Mais le 29 septembre 1833 il mourut, laissant par son testament la régence et la tutelle de ses enfants à sa veuve et le trône à sa fille Isabelle II.

Les cortès aussitôt convoquées reconnurent la validité du testament de Ferdinand VII, sanctionnèrent la déchéance de don Carlos, et Marie-Christine fut proclamée régente avec l’assistance d’un conseil présidé par Zea Bermudez. Aussitôt les carlistes en appelèrent aux armes et commencèrent une guerre civile qui devait durer de longues années. Flottant entre les conservateurs et les libéraux, Marie-Christine laissa les ministres au pouvoir diriger les affaires, se contentant lorsqu’ils lui déplaisaient de leur susciter des tracasseries et s’occupant principalement de ses plaisirs, du soin de s’amasser une fortune privée considérable. On la vit successivement, sous l’influence des circonstances, justifier dans un manifeste l’administration de Bermudez, la politique rétrograde de Ferdinand, prêter serment, sous Martinez de la Rosa, à la constitution libérale (estatuto real) du 10 avril 1834, et adhérer au traité de la quadruple alliance (22 avril) ; mettre hors la loi, sous Toreno, les juntes provinciales dont quelques-unes s’étaient soulevées et les reconnaître sous Mendizabal (1835) ; réclamer, en 1836, pendant l’intervention française et sous Isturiz, contre la proclamation de la constitution de 1812, et reconnaître cette constitution, en 1837, sous Calatrava. À cette dernière date, une révolte avait éclaté à Madrid et la régente avait dû quitter son château de la Granja pour revenir dans cette ville. Peu après les carlistes s’avançaient jusqu’aux portes de la capitale, mais étaient victorieusement repoussés, et deux ans plus tard Espartero leur portait le dernier coup en forçant Marolo à signer la capitulation de Bergara (31 août 1839). Débarrassée enfin de la guerre civile, Marie-Christine voulut entrer dans la voie de la réaction. Elle fit présenter aux cortès, en 1840, la loi des ayuntamientos, destinée à restreindre les libertés municipales. Aussitôt une insurrection éclata à Barcelone, s’étendit à Madrid et dans un grand nombre de villes et trouva un appui dans Espartero. En ce moment la régente avait perdu toute popularité. Sa liaison avec un garde du corps nommé Mufioz n’était plus un secret pour personne, et ses dissentiments avec sa sœur aînée Louise-Charlotte avaient également transpiré dans le public. Se trouvant sans appui, elle fit appel à Espatero et le chargea de former un ministère (16 septembre 1840). Mais cet homme d’État lui imposa des conditions qu’elle ne crut pas pouvoir accepter, et elle se démit de la régence (le 2 octobre).

Marie-Christine se rendit successivement alors à Rome, à Naples et à Paris où elle se fixa avec Munoz et les enfants qu’elle avait eus de lui depuis le mariage secret qui les avait unis, paraît-il, en 1833. En 1843, Espartero ayant été renversé du pouvoir et Isabelle II ayant été proclamée majeure, l’ex-régente revint à Madrid et se maria publiquement, en 1845, avec Munoz, créé alors duc de Rianzarès. À cette époque, elle avait avec Louis-Philippe des relations très-suivies, et ce fut d’un commun accord qu’ils décidèrent le mariage d’Isabelle II avec l’infant don François de Paule, et celui de l’infante Marie-Louise avec le duc de Montpensier. Ces mariages, dont le retentissement fut énorme, faillirent amener une rupture entre la France et l’Angleterre. Grâce à l’influence qu’elle exerçait sur sa fille, Marie-Christine eut depuis lors une part cachée, mais importante, dans la direction des affaires publiques, et poussa constamment Isabelle à se séparer du parti libéral pour chercher son appui dans le parti réactionnaire. Elle prêta successivement son appui à Narvaez, à Bravo-Murillo, au comte de San-Luis, et se vit de nouveau exilée après le mouvement insurrectionnel de 1854. Marie-Christine revint alors en France, où se trouvait la plus grande partie de son immense fortune, et habita la Malmaison, qu’elle avait achetée. Par la suite, elle revint à diverses reprises en Espagne où elle séjourna peu de temps, voyagea en Italie, et fut rejointe à Paris, en 1868, par sa fille chassée du trône. Depuis cette époque, elle a vécu dans la retraite, passant la plus grande partie de son temps en Italie. En 1855, une des filles qu’elle a eues de Munoz a épousé le prince Ladislas Czartoryski. En 1870, Marie-Christine a été accusée, aux cortès, par le ministre des finances, d’avoir, ainsi que sa fille Isabelle, emporté d’Espagne la plus grande partie des diamants de la couronne, faisant partie du domaine de l’État.