Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/TALLEMANT DES RÉAUX (Gédéon), écrivain français, surnommé le Brantôme du XVIIe siècle

La bibliothèque libre.
Administration du grand dictionnaire universel (14, part. 4p. 1419).

TALLEMANT DES RÉAUX (Gédéon), écrivain français, surnommé le Brantôme du XVIIe siècle, né à La Rochelle vers 1619, mort en 1692. Après un voyage en Italie, qu’il fit avec l’abbé Tallemant, son parent, il prit ses degrés en droit civil et canonique, par déférence pour son père, qui le destinait à la magistrature, puis il épousa Élisabeth de Rambouillet, sa cousine, qui avait assez de fortune pour lui assurer une position indépendante. Ce mariage lui procura en outre l’avantage d’être reçu dans les salons de l’hôtel de Rambouillet, où il put observer à Son aise les mœurs de la haute société du temps, recueillir les anecdotes des temps passés et celles du jour. Ces anecdotes, sous la plume de Tallemant des Réaux, sont devenues de très-utiles et très-curieux documents pour l’histoire. Né dans la religion réformée, il abjura en 1685 entre les mains du P. Rapin, jésuite. Bientôt des revers de fortune lui firent perdre presque tout ce qu’il possédait, et sa position serait devenue très-précaire si le roi ne lui avait accordé une pension de 2,000 livres. Il fut uni par les liens d’une étroite amitié avec Patru et Maucroix ; celui-ci a dit de lui : « C’etoit un des plus hommes d’honneur, de la plus grande probité que j’aie jamais connus. Outre les grandes qualités de son esprit, il avoit la mémoire admirable, écrivoit bien en vers et en prose, et avec une merveilleuse facilité. Si la composition lui eût donné plus de peine, elle auroit été plus correcte ; il se contentoit peut-être un peu trop de ses premières pensées, car, du reste, il avoit l’esprit beau et fécond et peu de gens en ont autant que lui. Il parloit en bons termes et racontoit aussi bien qu’homme de France. »

La bonne intelligence qui régna longtemps entre Tallemant des Réaux et sa femme fut troublée après la mort de leurs deux filles. Mme des Reaux quitta même quelque temps le domicile commun et se retira à l’abbaye de Bellechasse.

Tallemant était poëte, mais la plupart de ses poésies sont perdues. On ne possède de lui, en vers, que le Madrigal sur la fleur de lis pour la Guirlande de Julie, un sonnet à Conrart, l’épitaphe de Patru, celle de Perrot d’Ablancourt et un épître au P. Rapin. Il travaillait à une Histoire de la Régence, qui ne fut jamais terminée, et dont ses Historiettes n’étaient pour lui que les rognures. Bans ce dernier livre, sur lequel se fonde toute sa célébrité, il raconte un peu sur tout le monde une foule d’anecdotes piquantes, où la décence n’est pas toujours respectée ; mais il le fait d’un style si facétieux, si spirituel et si fin, qu’il sera toujours compté au nombre des bons prosateurs de notre vieille langue. Si quelques esprits libertins lisent les Historiettes pour y chercher des peintures graveleuses, les érudits les liront toujours comme un tableau fidèle des mœurs de l’époque et comme un des monuments de notre langue. V. Historiettes.