Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/TRISSOTIN, personnage des Femmes savantes, comédie de Molière

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Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 2p. 519).

TRISSOTIN, personnage des Femmes savantes, comédie de Molière. C’est le poëte bel esprit, pédant, toujours en quête d’applaudissements, aux petits vers à effets, recherchés, mais vides de sens. Molière en a fait un type immortel de ridicule qui égaya tout Paris aux dépens de l’abbé Cotin, dont il cita textuellement le fameux sonnet à la princesse Uranie, où se trouve ce quoi qu’on die qui causait tant de transport à Philaminte, à Armande et à Bélise :

Ah ! que ce quoi qu’on die est d’un goût admirable !

Mais c’est surtout dans l’inimitable dialogue avec Vadius, le savant, le pédant, l’homme bourré de grec et de latin, que Molière a fait ressortir admirablement les éloges faux et intéressés, la vanité, l’orgueil ombrageux de ces écrivains qui commencent par s’aduler mutuellement pour se déchirer ensuite à propos d’un mot de critique malencontreux :

TRISSOTIN.

Vous avez le tour libre et le beau choix des mots.

VADIUS.

On voit partout chez vous l’itkos et le pathos.
      . . . . . . .

VADIUS.

Allez, rimeur de balle, opprobre du métier !

TRISSOTIN.

Allez, fripier d’écrits, impudent plagiaire !

Ces deux noms ont mérité de passer dans la langue, où ils désignent l’affectation et la fausse modestie du poète, ou le pédantisme, le style lourd et embarrassé, la science mal digérée du savant.

« Vous savez qu’il est aussi difficile d’empêcher un plaideur d’expliquer son affaire, que d’empêcher les trois ou quatre Trissotins qui restent en ce monde de nous réciter leurs
vers et de nous parler de leur gloire, véritable fléau des lecteurs, des journaux, des salons, et souvent de l’Académie. »
                 Alphonse François.

« Voyez ces couples d’êtres difformes où il entre du délateur, de l’histrion et du Trissotin ; s’ils avaient comme peintres l’équivalent de leur mérite littéraire, ils ne gagneraient
pas leur vie à barbouiller des enseignes de village. »
                   L. Veuillot.