Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/VOLTA (Alexandre), illustre physicien italien

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Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 4p. 1180).

VOLTA (Alexandre), illustre physicien italien, né à Côme (Milanais) le 18 février 1745, mort dans la même ville le 6 mars 1827. Il était déjà à dix-huit ans en correspondance avec l’abbé Nollet sur toutes les questions importantes de la physique. À vingt-quatre ans, il tenta de donner une théorie de la bouteille de Leyde ; mais ce premier essai ne contient que des idées systématiques, souvent peu justes, dont la science n’a tiré aucun profit. Un second mémoire, donné par lui en 1771, produisit une impression plus profonde et vaut au jeune physicien la place de régent de l’École royale de Côme et bientôt après celle de professeur de physique. Dans ce second mémoire, Volta étudiait les différentes manières de produire les phénomènes électriques par pression, par percussion, etc., et essayait de déterminer dans chaque cas le genre d’électricité développé sur le corps soumis à l’expérience. Peu de temps après, il imagina l’électrophore perpétuel, dont l’usage est si commode dans toutes les recherches continues où l’on se propose de comparer entre elles les quantités d’électricité développées dans une série d’expériences, d’étudier la loi de la distribution de l’électricité à la surface des corps, celle de sa déperdition dans l’air, etc. C’est encore vers la même époque que Volta fit l’invention du condensateur électrique, au moyen duquel des quantités, autrement imperceptibles, d’électricité peuvent être rendues facilement sensibles. En 1776 et 1777, des recherches sur la nature et la composition du gaz inflammable des marais suggérèrent successivement à Volta l’idée de l’eudiomètre, qui a rendu tant de services aux chimistes ; celle de la lampe perpétuelle à gaz hydrogène ; enfin celle du pistolet électrique.

Jusqu’alors, Volta n’était pas sorti de sa ville natale. En 1777, il visita Haller à Berne, Saussure à Genève, Voltaire à Ferney, et apporta la pomme de terre à ses compatriotes. La relation que Volta a écrite de ce voyage scientifique a été imprimée en 1827. Une chaire de physique ayant été créée en 1779 à l’École de Pavie, il fut appelé à la remplir et il l’a occupée avec éclat jusqu’en 1819. De 1780 à 1782, il visita la France, l’Allemagne, la Hollande et l’Angleterre, pour y lier des relations scientifiques avec Lavoisier et Laplace, Lichtenberg, Van Marum, Priestley, et rassembla les éléments du cabinet de physique de l’École où il venait d’être appelé. C’est pendant ce voyage qu’il concourut avec Lavoisier et Laplace à l’importante découverte de la cause à laquelle on peut attribuer l’électricité atmosphérique. La célèbre expérience qui conduisit à cette découverte est de 1780 : les trois illustres savants, ayant fait évaporer l’eau contenue dans un vase métallique isolé, constatèrent, à l’aide du condensateur de Volta, que ce vase se chargeait d’électricité négative. Cette découverte a malheureusement donné lieu à des revendications amères entre Volta et les deux savants français. De 1785 à 1787, Volta s’occupa d’expériences sur l’électricité atmosphérique. Il avait déjà imaginé son électromètre à pailles sèches, dont l’écart mesure à peu près exactement l’intensité électrique de la source ; il conçut l’idée heureuse d’augmenter la puissance de la tige dont s’était servi Saussure pour tirer l’électricité de l’air environnant, en terminant cette tige par une mèche enflammée. Le succès de cette expérience lui avait donné l’idée de paratonnerres à flammes, qui n’ont pas été expérimentés en grand.

Nous arrivons maintenant à la découverte de la pile voltaïque. On sait que l’origine de cette merveilleuse découverte se trouve dans la singulière observation, qui se présenta fortuitement à Galvani, des mouvements excités dans les membres d’une grenouille dépouillée par l’interposition d’un arc métallique entre deux parties différentes du tronc. Galvani avait cru remarquer que l’effet obtenu était plus considérable lorsque l’arc métallique réunissait un muscle et un nerf. Là-dessus il avait imaginé que les muscles et les nerfs, chargés d’électricité contraire, formaient comme les deux armatures d’une bouteille de Leyde et que l’arc jouait le rôle d’excitateur. Volta, en variant les expériences de plusieurs manières, en vint de son côté à se persuader que la commotion était produite par l’accouplement de deux métaux différents dans l’arc employé pour former le circuit, que c’était dans ce contact de deux métaux que se trouvait la source de l’électricité produite, et que la grenouille servait simplement de conducteur. Il est certain que le phénomène se présente avec des caractères plus tranchés dans les circonstances indiquées par Volta, mais il réussit toujours plus ou moins dans toutes les autres, c’est-à-dire quel que soit l’arc métallique, simple ou composé, et quelles que soient les parties de la grenouille que cet arc touche par ses extrémités. On ne savait, du reste, pas encore s’il se dégageait véritablement de l’électricité dans ces expériences. Les galvanistes, à la recherche de découvertes physiologiques, continuèrent de varier ces expériences et de les étendre aux débris de tous les animaux récemment morts ; quant à Volta, se retirant sur le terrain ferme de la pure physique, il marcha pas à pas à la découverte de sa pile. Il remarqua d’abord que, lorsqu’on place la langue entre deux rondelles métalliques de natures différentes, se touchant à l’extérieur, on ressent une saveur alcaline ou acide, selon l’ordre dans lequel les deux métaux sont placés. Cette remarque venait confirmer l’hypothèse qui s’était déjà présentée à lui ; pour la mettre hors de doute, il imagina de mettre en contact deux larges disques de cuivre et de zinc, tenus à l’aide de manches isolants, et, après les avoir séparés, de les présenter l’un après l’autre à l’électromètre condensateur. Les deux disques se trouvèrent sensiblement chargés d’électricités contraires, le zinc portant l’électricité positive et le cuivre l’électricité négative. En renouvelant plusieurs fois le contact, Volta parvint à charger une bouteille de Leyde. C’était déjà un grand pas de fait. Volta franchit le dernier en 1800, et ce qu’il y a de particulièrement remarquable dans cette longue série de recherches qu’il venait de parcourir, c’est qu’il avait été théoriquement amené de l’une à l’autre par d’habiles inductions fondées sur des analogies heureusement comprises. C’est, au reste, le caractère général de toutes les découvertes de Volta, qu’aucune n’est due au hasard, et que ses plus savantes combinaisons étaient faites pour ainsi dire à coup sûr.

La découverte de la pile, bientôt suivie de celle des nombreux effets physiques et chimiques qu’on en obtient, excita l’admiration de toute l’Europe. Bonaparte en appela l’heureux auteur à Paris en 1801, pour y répéter ses expériences devant l’Institut, et il voulut y assister lui-même. Il proposa de décerner une médaille en or à l’illustre physicien, ce qui fut voté par acclamation, ajouta 2,000 écus au nom du gouvernement et fonda un prix de 60,000 francs en faveur de celui qui ferait faire à la science un nouveau pas comparable à ceux qu’on devait à Franklin et à Volta ; il nomma en outre celui-ci comte et sénateur du royaume d’Italie. Depuis lors, Napoléon ne cessa de s’intéresser à l’illustre savant. « Je ne saurais consentir, dit-il en 1804, à la retraite de Volta ; si les fonctions de professeur le fatiguent, il faut les réduire. Qu’il n’ait, si l’on veut, qu’une leçon à faire par an ; mais l’université de Pavie serait frappée au cœur le jour où je permettrais qu’un nom aussi illustre disparût de la liste de ses membres. D’ailleurs, un bon général doit mourir au champ d’honneur. » Toutes les Académies d’Europe tinrent à honneur de s’associer l’heureux professeur de Pavie.

Postérieurement à 1800, Volta ne donna plus que deux mémoires, l’un en 1806, sur le Phénomène de la grêle, l’autre en 1817, sur la Périodicité des orages et le froid qui les accompagne. À partir de 1819, il cessa à peu près toute relation avec le monde savant. Une légère attaque d’apoplexie vint le surprendre en 1823 et donna de graves inquiétudes. Une fièvre l’enleva en quelques jours en 1827. Il s’était retiré depuis huit ans dans sa ville natale. Côme célébra ses obsèques avec la plus grande pompe et toute l’Italie s’associa au deuil du Milanais. Un beau monument lui a été élevé près du village de Camnago, dont sa famille était originaire.

« Intelligence forte et rapide, dit Arago, idées grandes et justes, caractère affectueux et sincère, telles étaient les qualités dominantes de Volta. L’ambition, la soif de l’or, l’esprit de rivalité ne dictèrent aucune de ses actions. Chez lui, l’amour de l’étude resta pur de toute alliance mondaine. »

Volta s’était marié en 1794, à l’âge de quarante-neuf ans, et il eut trois enfants. Il prenait un soin particulier de leur éducation et ressentit vivement la perte de l’un d’eux, qui donnait de grandes espérances et déjà montrait une aptitude singulière pour les mathématiques. Toutes ses découvertes ont été exposées par lui, avec non moins de clarté que de simplicité, dans des Lettres et des Mémoires, qu’avec une trop grande modestie il n’a pas même pensé à recueillir en une seule édition. C’est à un Toscan, amateur éclairé de ces études, le chevalier Vincent Antinori, que le public est redevable de la Collezione delle opere del cav. conte Alessandro Volta (1816, 5 vol. in-8o). En lisant ce recueil, on aime à voir avec quelle sagacité ce grand homme surprenait la nature dans ses opérations les plus secrètes, et on ne se lasse pas d’admirer les moyens et les appareils si simples et si ingénieux qu’il inventait pour s’assurer par l’expérience de ce que ses réflexions lui avaient fait entrevoir. Il faudrait, pour compléter l’œuvre d’Alexandre Volta, joindre aux cinq volumes donnés en 1816 par Vincent Antinori : un poëme latin sur les principaux phénomènes de la physique et de la chimie, la vocation de l’auteur aux recherches sur l’électricité y perce dans plus d’un endroit ; un petit poëme italien sur le voyage fait par Saussure au mont Blanc et plusieurs autres pièces de vers ; des observations et expériences sur les vapeurs, ouvrage resté inédit ; de nombreux articles de physique et de chimie, disséminés dans différents recueils périodiques d’Italie, de France, d’Angleterre et de Suisse.