Henry Dunbar/43

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Traduction par Charles Bernard-Derosne.
Hachette (tome IIp. 221-232).

CHAPITRE XLIII

La chasse au corbeau.

Carter connaissait si bien l’endroit où le Corbeau était à l’ancre qu’il se rendit tout droit à cette partie du quai et regarda dans cette direction, s’attendant à revoir le malencontreux capitaine toujours couché sur ses cordages et fumant toujours sa pipe noire et malpropre.

Mais à son grand étonnement il vit un autre vaisseau à l’endroit où il s’attendait à trouver le Corbeau, et en réponse aux questions qu’il adressa aux badauds du quai et à ceux qui étaient à bord des navires on lui dit que le Corbeau avait levé l’ancre il y avait une demi-heure et qu’il était encore visible à l’horizon.

Et on lui montrait un point sombre en mer, qu’on lui affirma n’être ni plus ni moins que le Corbeau, à destination de Copenhague.

Carter demanda si on s’attendait à ce prompt départ.

— Non, — lui dit-on, — on ne s’attendait pas à le voir partir avant le point du jour, et il n’a pas encore à son bord les deux tiers de sa cargaison.

L’agent demanda si ce n’était pas là un procédé étrange.

— Oui, — lui dit-on, — cette façon d’agir est étrange, mais le patron du Corbeau est de tous points un étrange individu, et c’est à bord de son vaisseau que plus d’un banqueroutier frauduleux a trouvé refuge pour fuir à l’étranger.

Un des badauds prétendit que le patron devait avoir à son bord un passager de cette espèce qu’on avait vu passer sur le quai dix minutes avant que le Corbeau mît à la voile.

— Qui est-ce qui veut essayer de le rattraper ? — dit Carter. — Qui est-ce qui veut essayer cela pour deux souverains ?

Les hommes hochèrent la tête. — Le Corbeau a trop d’avance, — disaient-ils, — et de plus il a le vent pour lui.

— Mais il se peut que le vent change au coucher du soleil, — répondit l’agent. — Allons, mes amis, un peu de courage ! Il y a cinq livres à gagner ! Qui veut essayer de le rattraper pour un billet de cinq livres ?

— Moi ! — s’écria un gros gaillard vêtu d’une vareuse rouge et de grandes bottes qui lui montaient jusqu’au ventre ; — je m’en charge avec l’aide de mon camarade. N’est-ce pas, Jim ?

Jim était un autre gros gaillard, vêtu d’une vareuse bleue et propriétaire, en sa qualité de pêcheur, d’un petit bateau à voile brune. Les deux grands diables de pêcheurs coururent sur le quai, et l’un d’eux sauta dans un bateau attaché à l’une des extrémités à l’endroit où un escalier de pierre conduisait au niveau du fleuve. Le second courut chercher les armatures de l’embarcation et rapporta en même temps deux lourds pardessus.

— Il serait bon d’emporter des provisions, monsieur, — dit le jeune homme revenant en courant chargé de ces divers objets ; — car il se peut que nous restions dehors toute la nuit si nous voulons rattraper le bateau.

Carter lui donna un souverain et lui dit d’acheter ce qu’il jugerait convenable.

— Vous feriez bien aussi d’avoir quelque chose pour vous couvrir outre vos vêtements, monsieur, — ajouta l’homme, — car, après le coucher du soleil, il fait froid en mer.

Carter reconnut la justesse de cette observation et courut acheter une couverture de voyage. La sienne était restée à la gare confiée aux bons soins de Sawney. Il fit cette emplette dans une boutique voisine du quai et dix minutes après il était de retour.

Le pêcheur à la vareuse bleue était dans son bateau qui ne laissait pas que d’être, dans son genre, de solide construction. Cinq minutes après, le pêcheur à vareuse rouge parut portant une grande bouteille de grès, au goulot de laquelle était attaché un gobelet d’étain, et un grossier panier rempli de provisions. La bouteille et le panier ne tardèrent pas à être rangés au fond du bateau, et Carter fut invité à s’asseoir sur le banc qu’on lui désigna.

— Pouvez-vous gouverner, monsieur ? — demanda l’un des pêcheurs.

Oui, Carter pouvait gouverner. Il y avait bien peu de choses qu’il ignorât, après avoir couru le monde pendant vingt ans.

Il prit la barre quand le bateau eut gagné le large, les deux jeunes gens laissèrent tomber leurs avirons, et le bateau s’élança vers la pleine mer où l’œil le plus exercé pouvait seul découvrir le point noir qui représentait le Corbeau.

— Si c’était un faux mouvement ! — pensa Carter ; — cependant ce n’est pas vraisemblable. S’il avait voulu me distancer et regagner Londres, il eût pris l’un des trains que nous avons guettés ; s’il avait voulu rester caché dans la ville, il n’eût disposé d’aucun de ses diamants, et puis, d’un autre côté, pourquoi le Corbeau serait-il parti avant d’avoir à bord la totalité de sa cargaison ? Quoi qu’il advienne, je crois avoir bien fait de risquer cette démarche et de suivre le Corbeau. Si c’est une chasse à l’oie sauvage, ce n’est pas la première que j’aie faite, et je m’en suis toujours bien tiré.

Le petit bateau pêcheur se conduisit bravement une fois à la mer ; mais même avec l’aide des avirons, vigoureusement maniés par les deux jeunes gens, ils ne gagnèrent pas sur le Corbeau, car le point noir s’effaça insensiblement et finit par disparaître tout à fait.

— Jamais nous ne le rattraperons, — dit l’un des hommes en se versant une rasade de l’eau-de-vie contenue dans le flacon de grès et comme pris d’un accès de désespoir. — Nous ne rattraperons pas plus le Corbeau que nous ne pouvons rattraper le jour d’avant-hier, à moins que le vent ne change.

— Je crois que l’autre vent changera au coucher du soleil, — répondit le jeune homme qui avait donné l’accolade plus souvent que son camarade au flacon de grès et qui voyait plus gaiement les choses, — je crois que le vent va changer à la nuit.

En parlant ainsi, il regardait dans la direction du vent. Il prit ensuite la barre des mains de Carter, et ce gentleman s’enveloppa dans sa nouvelle couverture de voyage et se coucha dans le fond du bateau en se servant de l’un des pardessus des pêcheurs en guise d’oreiller, et de l’autre comme d’un couvre-pieds. Bercé par le bruit monotone de l’eau contre les parois de l’embarcation, il tomba dans un sommeil profond dont le charme était cependant un peu tempéré par le contact peu moelleux des planches sur lesquelles il était couché.

À son réveil, il apprit que le vent avait changé et que la Jolie Polly, c’était le nom du bateau appartenant aux deux pêcheurs, gagnait le Corbeau de vitesse.

— Nous serons dans ses eaux avant une heure, — dit l’un des hommes.

Carter se secoua pour chasser le sommeil et se dressa sur ses pieds. Il faisait un magnifique clair de lune, et le petit bateau laissait un sillage argenté derrière lui. Au loin, à l’horizon, on voyait une faible tache blanche que l’un des pêcheurs montra du doigt à Carter. C’était la grande voile du Corbeau que les rayons de la lune faisaient paraître blanche.

— Il ne fait pas assez de vent pour éteindre une chandelle de deux sous, — dit l’un des jeunes gens. — Nous sommes sûrs maintenant de le rattraper.

Carter, à l’instigation de l’un de ses compagnons, but une rasade d’eau-de-vie et se prépara à l’événement qu’il avait devant lui.

De toutes les aventures hasardeuses dans lesquelles l’agent s’était trouvé engagé, celle-ci n’était pas la moins hasardeuse. Il allait s’aventurer à bord d’un vaisseau inconnu dont le capitaine avait une très-mauvaise réputation, et dont l’équipage se modelait sans doute sur les mœurs de son patron. C’était parmi ces gens-là qu’il allait se jeter dans l’espoir de capturer un criminel dont la position, s’il était pris, était si désespérée qu’il ne devait pas vraisemblablement hésiter dans le choix des moyens qui pouvaient l’empêcher d’être arrêté. Mais ce n’était pas le premier cas où les chances fussent contre l’agent, et il envisageait la possibilité d’être jeté par-dessus le bord dans une lutte corps à corps avec Wilmot avec autant de calme que si la mort par submersion était la fin naturelle de l’homme.

Une seule fois, et tandis que, debout à la proue du bateau, il regardait le point à l’horizon, Carter porta la main à la poche de côté de son vêtement où était caché le plus joli et le plus nouveau revolver du monde. Mais à part ce geste presque involontaire, rien ne vint révéler qu’il songeât au danger qui l’attendait.

La lune étincelait dans un ciel sans nuages, et le bateau pêcheur fendait l’eau tandis que les solides avirons semblaient battre la mesure d’un hymne sans paroles. Par ce beau clair de lune, les voiles du Corbeau devenaient plus blanches et plus larges à chaque coup des avirons qui faisaient bondir si légèrement la Jolie Polly sur la surface bleue de la mer.

En voyant le bateau gagner le navire de vitesse, Carter apprit sa mission aux deux jeunes gens et leur dit à quel titre il courait après le fugitif.

— Je peux compter sur vous en cas de besoin… hein, mes enfants ? — demanda-Ml.

— Oui, — répondirent les jeunes gens, — vous pouvez compter sur nous jusqu’à la mort.

Leur courage semblait augmenter à l’approche du danger, surtout lorsque Carter leur donna à entendre qu’il pourrait bien y avoir une prime pour chacun d’eux, pour les récompenser de leur participation à la capture d’un malfaiteur.

Ils coururent une bordée parallèlement au vaisseau noir et de méchant aspect. Puis Carter, se dressant dans le bateau, cria :

— Yo… ho ! du navire… ho !…

Sa voix retentit au loin sur l’eau étincelante.

Un homme, la pipe à la bouche, passa la tête par-dessus le bord.

— Hilloa ! quel est ce bateau ? — demanda-t-il d’un ton furieux.

— Je veux parler au capitaine.

— Qu’est-ce que vous lui voulez ?

— C’est mon affaire.

Un autre homme à visage sombre, ayant aussi une pipe à la bouche, passa sa tête par-dessus le bord, et, retirant sa pipe de ses lèvres, s’adressa à l’agent.

— Mille diables !… qu’est-ce qui vous prend de venir nous accoster ? — s’écria-t-il. — Allons, au large ! ou je vous passe sur le corps.

— Oh ! que non pas, monsieur Spelsand, — répondit un des deux pêcheurs ; — vous y regarderez à deux fois. Est-ce que vous avez oublié que vous êtes passé en jugement pour avoir aidé à la fuite de John Bowman, l’employé qui avait volé la Compagnie d’assurance ?… Avez-vous oublié que vous avez été arrêté pour votre peine ?

Spelsand donna un ordre au timonier et le vaisseau vira de bord brusquement ; si brusquement, que si les deux jeunes gens n’avaient pas été aussi bons marins, ils eussent fait très-intime connaissance, ainsi que Carter, avec l’élément qui les entourait. Mais les deux jeunes gens étaient d’excellents matelots, et, de plus, ils étaient accoutumés aux allures du capitaine Spelsand du Corbeau ; aussi, au moment où le noir vaisseau vira de bord, ils coururent une bordée au large et accueillirent par un éclat de rire la manœuvre de leur adversaire.

— Je vous conseille de mettre en panne et de me laisser monter à votre bord, — dit l’agent, tandis que le bateau dansait sur les vagues. — Vous avez donné refuge à un gentleman, à un gentleman contre lequel j’ai un mandat d’amener. S’il lui importe peu que je l’arrête maintenant ou à son arrivée à Copenhague, puisque dans tous les cas il ne peut m’échapper, il peut vous en cuire beaucoup à vous, capitaine Spelsand, si vous résistez à mon autorité.

Le capitaine hésita un instant, tout en tirant quelques bouffées précipitées de sa pipe.

— Montrez-nous votre mandat, — dit-il enfin d’un ton rogue.

L’agent était parti de Scotland Yard avec un mandat pour l’arrestation d’un meurtrier. Il fit passer ce document au capitaine du Corbeau, et ce gentleman, qui était loin d’exceller dans les arts peu maritimes de la lecture et de l’écriture, tourna et retourna le parchemin en l’examinant d’un air réfléchi à la lumière de la lune.

Il y put voir un formidable appareil de mots et de fioritures, et il fut convaincu que c’était bien le véritable et menaçant document.

— Vous pouvez monter, — dit-il. — Après tout, ce qu’il y a de sûr, c’est que ce n’est pas à moi que vous en voulez.

Le capitaine du Corbeau dit ces paroles avec un air de résignation sublime, et, l’instant d’après, l’agent escaladait le bordage du vaisseau à l’aide d’une corde jetée par un des matelots.

Un des pêcheurs suivit Carter, et, avec ce puissant allié, Carter se sentit assez fort pour affronter tous les dangers.

— Si vous voulez bien me prêter une lanterne, — dit l’agent, — je vais jeter un petit coup d’œil en bas.

Ce ne fut pas de bonne grâce que ce désir fut exécuté, et il fallut que Carter exhibât une seconde fois son mandat pour obtenir une petite lampe fumeuse. À l’aide de cette faible lueur, il tourna le dos à la charmante lumière de la lune et descendit dans un entrepont très-bas de plafond, sombre et malpropre, et garni de cadres aussi noirs que repoussants, et possédant aussi peu d’attraction que les compartiments destinés à recevoir les corps dans un caveau funèbre.

Il y avait trois hommes endormis dans ces cadres, et Carter examina les trois dormeurs avec autant de calme que s’ils eussent été réellement les hôtes d’un caveau mortuaire. Parmi eux, il vit un homme dont le visage était tourné vers la paroi de l’entre-pont mais il avait un habit bleu fourré et une casquette également fourrée, garnie d’oreillettes et attachée sous son menton.

L’agent saisit cet homme par le collet de son habit et le secoua rudement.

— Allons ! debout, monsieur Joseph Wilmot, — dit-il. — Vous m’avez assez fait courir après vous ; mais je vous tiens, enfin.

L’homme sortit de son cadre et se tint dans une attitude ramassée ; car la cabine n’était pas assez élevée pour lui, et il dévisagea Carter.

— Qu’est-ce que vous dites, maître fou que vous êtes ?… — dit-il. — Qu’y a-t-il de commun entre moi et Joseph Wilmot ?

L’agent n’avait pas lâché le collet de son prisonnier. Les deux hommes se regardaient face à face, mais ne se voyaient que faiblement à la lueur de la lampe fumeuse. L’homme au vêtement fourré montrait deux rangées de dents féroces, découvertes jusqu’aux gencives par un sourire narquois.

— Pourquoi me tirez-vous de mon sommeil ? — demanda-t-il. — Pourquoi me brutalisez-vous de la sorte ? Vous me payerez cela, mon beau monsieur. Vous êtes agent de la police de sûreté, n’est-ce pas ? un rusé, par conséquent, et vous m’avez suivi depuis le comté de Warwick et découvert ici, enfin, après des peines énormes ? Mais dites-moi, mon maître, pourquoi n’avez-vous pas arrêté le gentleman que vous avez trouvé à la maison ? Pourquoi n’avez-vous pas suivi ce pauvre homme estropié qui était à Woodbine Cottage, près de Lisford, et qui a habillé sa jolie fille en servante, et qui a joué une petite comédie pour vous faire courir aux antipodes, mon beau mouchard, tout fin que vous êtes ? Arrêtez-moi, monsieur l’agent ; empêchez-moi d’améliorer mon éducation et mon esprit par de lointains voyages ; allez, ne vous gênez pas, monsieur l’agent. Ça fera un joli petit procès pour arrestation illégale, voilà tout.

Il y avait dans le ton gouailleur de cet homme quelque chose qui trahissait bien la nature du bandit. Carter grinça des dents dans une rage silencieuse.

Trompé par une jeune servante la tête enveloppée d’un mouchoir ! Envoyé sur une fausse piste pendant que le criminel gagnait le large tout à son aise ! Raillé, dupé et trompé, après vingt ans de service ! C’était dur.

— Ce n’est pas Joseph Wilmot, — murmurait Carter ; — ce n’est pas Joseph Wilmot !…

— Pas plus que toi, fiston, — répondit avec insolence le voyageur.

Les deux hommes étaient là, face à face. Il y eut dans ce ton insolent quelque chose qui éveilla un souvenir confus dans l’esprit de l’agent et le fit tressaillir. Il éleva tout à coup la lampe, toujours en fixant son prisonnier et en murmurant presque involontairement :

— Ce n’est pas Joseph Wilmot !

Les rayons de la lampe frappèrent brusquement les yeux de l’homme.

— Non, — s’écria l’agent d’un ton de triomphe, — non, tu n’es pas Joseph Wilmot, mais tu te nommes Stephen Vallance, Steeve… le mauvais drôle, le faussaire, l’homme évadé de l’île Norfolk après le meurtre d’un de ses geôliers… c’est toi qui lui as fait sauter le crâne avec une barre de fer… si j’ai bonne mémoire. Ah ! maître Vallance, vous avez su vous dérober longtemps à nos recherches, mais je vous tiens, et il y a une prime pour qui vous appréhendera. Au moins je n’aurai pas fait mon voyage pour rien !

L’agent voulut saisir de l’autre main le collet de Vallance ; mais Vallance repoussa violemment la main levée, et, s’arrachant à l’étreinte de son ennemi, se précipita par l’escalier de l’entre-pont.

Carter courut après lui.

— Arrêtez cet homme ! — cria-t-il à l’un des pêcheurs, — arrêtez cet homme !

Il est probable que l’instinct de la conservation seul poussa Vallance à agir de la sorte, quoiqu’il n’y eût aucun moyen de s’enfuir du navire, sinon avec l’aide d’un bateau. Il ne fallait pas songer à se sauver à la nage. En se dérobant à l’étreinte de l’agent, il vit un des pêcheurs s’élancer sur lui d’une autre partie du pont. Ainsi traqué, et ébloui peut-être par le passage soudain de l’obscurité à la grande lumière, il se recula vers une ouverture dans la muraille du vaisseau, perdit l’équilibre et tomba lourdement à l’eau.

Le pont fut en révolution, et un cri partit de toutes les poitrines au moment où l’équipage se précipita sur le bord.

— Sauvez-le, — cria l’agent. — Il a autour du corps une ceinture pleine de diamants.

Carter disait cela au hasard, car il ignorait lequel des deux hommes possédait la ceinture aux diamants.

L’un des pêcheurs retira sa chaussure et piqua une tête dans l’eau. L’équipage regarda avec anxiété les deux têtes qui surnageaient sur les vagues éclairées par la lune et les bras qui s’agitaient dans l’eau. La force du courant emporta les hommes loin du navire.

Pendant quelques instants on ne sut que penser. Le schooner, immobile tout à l’heure, semblait fuir devant une brise fraîche qui s’était levée. Enfin on entendit un cri, et une tête parut au-dessus de l’eau, avançant rapidement vers le vaisseau.

— Je le tiens ! — cria le pêcheur ; — je le tiens par la ceinture.

Il se rapprochait du vaisseau, fendant l’eau vigoureusement d’une main, et de l’autre supportant un fardeau.

Quand il fut à portée, le capitaine du Corbeau lui lança une corde ; mais au moment où le pêcheur levait le bras pour la saisir, il poussa un cri et retira de l’eau son autre main.

— La ceinture s’est rompue et il coule ! — s’écria-t-il.

La ceinture s’était rompue, en effet. Une petite lueur vive scintilla, éclairée par la lune, et fit l’effet de gouttes d’eau tombant d’une fontaine. Ces gouttes étincelantes, qui ressemblaient à celles qui s’échappent d’une fontaine, c’étaient quelques-uns des diamants achetés par Wilmot, et Vallance, autrement dit Steeve le drôle, autrement dit Herr Von Volterchoker, autrement dit Vernon, disparut à tout jamais dans les profondeurs de la mer.