Hermine Gilquin/XLIII

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E. Fasquelle (p. 223-226).
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XLIII


Quand Hermine revint à elle, elle ressentait les mêmes douleurs dont elle avait souffert si cruellement la veille, sur la route, en allant à la messe, des douleurs intolérables qui s’étaient emparées de tout le côté gauche de son corps, de sa poitrine, de son bras, de sa main.

Une fièvre intense la brûlait. Elle se tournait et se retournait sur le foin, sans pouvoir trouver une position possible. Elle se leva, se tenant le bras, lourd comme un bras de plomb.

Il lui fallut aller et venir à travers le grenier pour tenter de dissiper cette douleur où il y avait à la fois, intérieurement, avec de l’engourdissement, la brûlure d’une flamme et la morsure d’une dent cruelle. Elle allait et venait, lentement parfois, puis vite, avec l’allure d’une bête enfermée dans une cage, les traits contractés, la bouche plaintive et grondante, n’ayant plus qu’une idée en tête : qu’il était impossible de vivre ainsi. Elle dut s’arrêter, reprise par une suffocation terrible.

Elle s’approcha de l’ouverture du grenier pour se rafraîchir à l’air glacé du dehors. Elle respira mieux, mais les douleurs ne la quittèrent pas.

Elle aperçut la traîtresse petite Zélie, faillit l’appeler, puis sa fierté protesta, elle ferma la porte du grenier, se dit qu’elle mourrait là, ou qu’elle se sauverait, si elle retrouvait ses forces.

Elle cacha son coffret et son argent sous le foin, et attendit.

Vers le soir, elle perçut du bruit dans la cour : on lui montait une couchette, une table, de la soupe, une cruche d’eau. Elle ne put manger, et but à longs traits.

Elle se coucha, se releva cent fois, marcha encore d’un bout à l’autre du grenier, sans pouvoir trouver le repos. Il lui restait un peu d’eau : avec son mouchoir, elle mouilla, de cette eau glacée, sa main, son bras, sa poitrine, et connut enfin un répit à ses souffrances.

La fatigue eut raison d’elle. Abattue sur le foin, sa douleur apaisée, elle s’endormit, ne fut réveillée que par un cauchemar, lorsqu’après avoir rêvé paisiblement de Jean, se voyant heureuse avec lui, elle jeta un cri d’angoisse en l’apercevant suspendu aux solives et se balançant, le visage livide, dans la clarté verte du clair de lune.