Histoire amoureuse des Gaules/Tome 2/Le Palais-Royal

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LE PALAIS-ROYAL [1]


OU


LES AMOURS DE MME DE LA VALLIÈRE [2]


Laissons un peu les intrigues des particuliers, pour nous entretenir de plus relevées et de plus éclatantes ; voyons donc le Roi dans son lit d’amour avec aussi peu de timidité que dans celui de justice, et n’oublions rien, s’il se peut, de toutes les démar ches qu’il a faites, ni des soins du duc de Saint-Aignan [3], que nous appellerons désormais duc de Mercure, comme celui qui par ses peines a accouplé nos dieux, malgré la jalousie de nos déesses.

Commençons par le fidèle portrait du Roi [4]. Il est grand, les épaules un peu larges, la jambe belle, danse bien, fort adroit à tous les exercices du corps ; il a assez l’air et le port d’un monarque, les cheveux presque noirs, marqué de petite vérole, les yeux brillans et doux, la bouche rouge, et avec tout cela il n’est assurément pas beau. Il a extrêmement de l’esprit, son geste est admirable avec ce qu’il aime, et l’on diroit qu’il réserve le feu de son esprit, comme celui de son corps, pour cela. Ce qui aide à persuader qu’il en a infiniment, c’est qu’il n’a jamais donné son attache qu’à des personnes de ce caractère. Il a avoué que rien dans la vie ne le touche si sensiblement que les plaisirs que l’amour donne, et c’est là son penchant. Il est un peu dur, beaucoup avare, l’humeur dédaigneuse et méprisante, avec les hommes assez de vanité, un peu d’envie et pas commode s’il n’étoit roi, mais beaucoup de courage, infatigable, variable, plein d’honneur, gardant sa parole avec une fidélité extrême, reconnoissant, plein de probité, estimant ceux qui en ont, haïssant ceux qui en manquent, ferme à tout ce qu’il a entrepris. Quoique j’aie dit que son foible étoit pour les femmes, il n’en a jamais aimé grand nombre. Sa première amourette fut la princesse de Savoie [5]. Le cardinal Mazarin avoit engagé la duchesse de Savoie à venir à Lyon avec les princesses ses filles, sous prétexte de faire épouser l’aînée au roi. Elle s’appeloit Marguerite. L’artifice réussit [6]. À peine la cour d’Espagne en fut avertie qu’elle dépêcha Pimentel à Lyon, où le Roi s’étoit rendu avec toute la cour. Il lui offrit l’infante Marie-Victoire [7] d’Autriche, que le Roi épousa. On renvoya la duchesse fort mécontente. Le Roi n’avoit pas laissé de concevoir de l’amour pour sa fille ; mais il fallut que cette inclination naissante cédât à la politique. Au reste, la princesse n’étoit pas belle [8].

Elle n’avoit pas été sa première inclination : il avoit vu aux Tuileries Élisabeth de Tarneau [9], fille d’un avocat au Parlement, et d’une grande beauté. Il fit diverses tentatives pour l’engager à répondre à son amour. Comme elle se piquoit de sagesse, elle refusa même une entrevue, pour ne pas mettre sa vertu en danger.

Une troisième fut moins fière, et elle remplit quelque temps le poste que l’autre avoit refusé. Elle se nommoit de la Mothe-Argencourt [10], fille d’honneur de la Reine-Mère. Entre autres qualités attrayantes (car elle étoit fort jolie), elle possédoit celle de danser parfaitement. Ce fut dans cet exercice que le Roi en devint amoureux. Il ne put si bien cacher son commerce que le Cardinal n’en fût averti. Il suscita un chagrin à la demoiselle, qui prit aussitôt le parti du couvent.

Le Roi chercha à s’en consoler dans les bras d’une autre maîtresse [11]. Il choisit mademoiselle de Mancini [12], laide, grosse, petite, et l’air d’une cabaretière, mais de l’esprit comme un ange, ce qui faisoit qu’en l’entendant on oublioit qu’elle étoit laide, et l’on s’y plaisoit volontiers. Comme elle aimoit le Roi, ils passoient, dit-on, de bonnes heures, et souvent madame de Venelle [13] les surprenoit comme ils s’apprêtoient à goûter de grands plaisirs ; mais il faut dire la vérité, que leurs joies n’ont été qu’imparfaites. Le Roi l’auroit épousée sans les oppositions du Cardinal [14], soufflé par la Reine, qui lui fit promettre, un jour qu’il souhaita d’elle des marques de son amour, qu’il empêcheroit la chose. « Ce que je vous demande, lui disoit-elle, n’est pas une si grande preuve de votre passion que vous pensez ; car enfin, si le Roi épouse votre nièce, assurément il la répudiera et vous exilera, et je vous jure que cette dernière chose m’inquiète plus que le mariage, quoique je voie absolument mes desseins ruinés pour la paix si le Roi n’épouse la fille du Roi d’Espagne. » Le Cardinal donna dans le panneau, promit tout à la Reine pour avoir tout : tant il est vrai que chair d’autrui ne nous est rien ! Cette fois il ne fut pas Italien [15], car le Roi a aujourd’hui marqué une aversion invincible pour les démariages, et il le déclare si souvent qu’il donne bien lieu de croire qu’il ne se seroit pas voulu servir de cet infâme usage. Le Cardinal [16] maria enfin sa nièce au duc de Colonna [17]. Notre prince pleura, cria, se jeta à ses pieds et l’appela son papa ; mais enfin il étoit destiné que les deux amans se sépareroient. Cette amante désolée, étant pressée de partir et montant pour cet effet en carrosse, dit fort spirituellement à son amant, qu’elle voyoit plus mort que vif par l’excès de sa douleur : « Vous pleurez, vous êtes roi, et cependant je suis malheureuse, et je pars effectivement. » Le Roi faillit à mourir de chagrin de cette séparation ; mais il étoit jeune, et à la fin il s’en consola, selon les apparences. Il ne se consoleroit pas aujourd’hui si facilement. Il est vrai qu’il aime plus que jamais on n’a aimé : c’est mademoiselle de La Vallière, fille de la maison de Madame. (Quoiqu’elle ne soit pas selon l’ordre de Melchisédech, vous me dispenserez de raconter sa généalogie, n’y ayant rien de si illustre que sa personne. Je dirai seulement en passant que le duc de Montbazon avoit promis au père de cette fille de lui faire donner sa noblesse [18] ; mais il mourut avant que monsieur de Montbazon eût exécuté sa parole. Sa veuve épousa monsieur de Saint-Remy. Enfin tout ce qu’on en peut dire, c’est que La Vallière, qui n’étoit pas demoiselle il y a cinq ans, est présentement noble comme le Roi [19].)

Il faut un peu dire comment est faite une personne qui a si fortement pris le cœur d’un Roi fier et superbe [20]. Elle est d’une taille médiocre, fort menue ; elle ne marche pas de bon air, à cause qu’elle boîte ; elle est blonde et blanche, marquée de petite vérole, les yeux bruns ; les regards en sont languissans, et quelquefois aussi sont-ils pleins de feu, de joie et d’esprit ; la bouche grande, assez vermeille, les dents pas belles, point de gorge, les bras plats, qui font assez mal juger du reste de son corps. Son esprit est brillant, beaucoup de vivacité et de feu. Elle pousse les choses plaisamment ; elle a beaucoup de solidité, et même du sçavoir, sçachant presque toutes les histoires du monde : aussi a-t-elle le temps de les lire ; elle a le cœur grand, ferme et généreux, désintéressé, tendre et pitoyable, et sans doute qui veut que son corps aime quelque chose ; elle est sincère et fidèle, éloignée de toute coquetterie, et plus capable que personne du monde d’un grand engagement ; elle aime ses amis avec une ardeur inconcevable, et il est certain qu’elle aima le Roi par inclination plus d’un an avant qu’il la connût, et qu’elle disoit souvent à une amie qu’elle voudroit qu’il ne fût pas d’un rang si élevé. Chacun sçait que la plaisanterie que l’on en fit donna la curiosité au Roi de la connoître [21], et, comme il est naturel à un cœur généreux d’aimer ceux qui l’aiment, le Roi l’aima dès lors. Ce n’est pas que sa personne lui plût, car, comme s’il n’eût eu que de la reconnoissance, il dit au comte de Guiche [22] qu’il la vouloit marier à un marquis [23] qu’il lui nomma et qui étoit des amis du comte, ce qui lui fit repartir au Roi que son ami aimoit les belles femmes. « Eh bon Dieu ! dit le Roi, il est vrai qu’elle n’est pas belle ; mais je lui ferai assez de bien pour la faire souhaiter. » Trois jours après, le Roi fut chez Madame [24], qui étoit malade, et s’arrêta dans l’antichambre avec La Vallière, à laquelle il parla long-temps. Le Roi fut si charmé de son esprit, que dès ce moment sa reconnoissance devint amour. Il ne fut qu’un moment avec Madame. Il y retourna le jour suivant et un mois de suite, ce qui fit dire à tout le monde qu’il étoit amoureux de Madame, et l’obligea même de le croire ; mais, comme le Roi chercha l’occasion de découvrir son amour parce qu’il en étoit fort pressé, il la trouva. Il lui auroit été bien facile s’il n’eût considéré que sa qualité de Roi, mais il regardoit bien autrement celle d’amant. En effet, il parut si timide qu’il toucha plus que jamais un cœur qu’il avoit déjà assez blessé. Ce fut à Versailles, dans le parc, qu’il se plaignit que depuis dix ou douze jours sa santé n’étoit pas bonne. Mademoiselle de La Vallière parut affligée, et le lui témoigna avec beaucoup de tendresse. « Hélas ! que vous êtes bonne, Mademoiselle, lui dit-il, de vous intéresser à la santé d’un misérable prince qui n’a pas mérité une seule de vos plaintes, s’il n’étoit à vous autant qu’il est. Oui, Mademoiselle, continua-t-il avec un trouble qui charma la belle, vous êtes maîtresse absolue de ma vie, de ma mort et de mon repos, et vous pouvez tout pour ma fortune. » La Vallière rougit et fut si interdite qu’elle en demeura muette. Elle voyoit un grand Roi qu’elle aimoit à ses genoux, tout passionné : peut-on pas s’embarrasser à moins ? « À quoi attribuerai-je ce silence, Mademoiselle ? reprit-il. Ah ! c’est un effet de votre insensibilité et de mon malheur ; vous n’êtes pas si tendre que vous paroissez, et, si cela est, que je suis à plaindre vous adorant au point que je fais ! — Moi ! Sire, répliqua-t-elle avec assez de force, je ne suis point insensible à ce que vous ressentez pour moi, je vous en tiendrai compte dans mon cœur si c’est véritablement que vous m’aimez ; mais aussi, si, parceque l’on m’a voulu tourner en ridicule dans votre cœur à cause de l’estime particulière que j’ai eue pour votre personne, et qu’il semble que l’on ne doit regarder en un roi que sa couronne, son sceptre et son diadème, qu’il est presque défendu de le louer pour sa personne, que cependant je me suis si peu souciée de l’usage que j’ai loué ce qui véritablement est à vous ; si, par cette raison, vous croyez qu’il sera facile de flatter ma vanité, et de m’engager à vous répondre sérieusement sur ce chapitre, ah ! Sire, que Votre Majesté sçache qu’il ne vous seroit pas glorieux de faire ce personnage, et que votre sincérité et votre honneur sont les choses qui me charment le plus en vous. Je prendrois la liberté de vous blâmer dans mon cœur tout comme un autre homme, si je n’avois pas dans toute la France une personne assez à moi pour lui dire en confidence que votre vertu n’est pas parfaite. — Que j’estime vos sentimens, répliqua le Roi, de mépriser les vices jusque dans l’âme des monarques ! mais que j’ai lieu de me plaindre de vous si vous pouvez me soupçonner du plus honteux de tous les crimes ! Vrai Dieu ! quelle gloire y a-t-il de passer pour habile fourbe quand on sçaura par toute la terre que j’ai abusé la fille de France la plus charmante ; l’on dira aussi qu’infailliblement je suis le plus grand de tous les trompeurs. Est-ce là une belle chose pour un roi ? Non, Mademoiselle, croyez que je suis né ce que je suis, et que, grâces à Dieu, j’ai de l’honneur et de la vertu ; et, puisque je vous dis que je vous aime, c’est que je le fais véritablement et que je continuerai avec une fermeté que sans doute vous estimerez. Mais, hélas ! je parle en homme heureux, et peut-être ne le serai-je de ma vie. — Je ne sçais pas ce que vous serez, répliqua La Vallière, mais je sçais bien que, si le trouble de mon esprit continue, je ne serai guère heureuse. » La pluie qui survint en abondance interrompit cette conversation, qui avoit déjà duré trois heures. On remarqua beaucoup de tristesse sur le visage de La Vallière et d’inquiétude sur celui du Roi [25], qui la fut revoir le lendemain, et eut avec elle une conversation de même nature, après laquelle il lui envoya une paire de boucles d’oreilles de diamant [26] valant 50,000 écus, et deux jours après un crochet et une montre d’un prix inestimable, avec ce billet :

BILLET. Voulez-vous ma mort ? Dites-le-moi sincèrement. Mademoiselle ; il faudra vous satisfaire. Tout le monde cherche avec empressement ce qui peut m’inquiéter. L’on dit que Madame n’est point cruelle, que la fortune me veut assez de bien ; mais on ne dit pas que je vous aime et que vous me désespérez. Vous avez une espèce de tendresse pour moi qui me fait enrager. Au nom de Dieu, changez votre manière d’agir pour un prince qui se meurt pour vous ; ou soyez toute douce, ou soyez toute cruelle.

Le Roi, qui est le plus impatient de tous les hommes lorsqu’il aime, et qui a pour maxime que plus une femme a d’esprit et de sagesse et plus elle donne son cœur, et que, lorsqu’elle l’a donné, il n’est plus en son pouvoir de refuser rien à son amant, se résolut enfin de sçavoir où il en étoit avec sa maîtresse. Elle a avoué elle-même que toute sa fierté l’abandonna et qu’il ne l’aborda qu’en tremblant. Il s’étoit mis le plus magnifique qu’il eût jamais fait, et l’alla voir chez Madame, que le comte de Guiche entretenoit. Alors les filles qui étoient avec La Vallière se retirèrent par respect, si bien qu’il demeura seul avec elle. Il lui dit tout ce qu’un amour tendre et violent peut faire dire à un homme qui a de l’esprit et de la passion, l’assura que sa flamme seroit éternelle, qu’il ne lui demandoit point cette faveur par un sentiment que les hommes ont d’ordinaire, que ce n’étoit que pour avoir la satisfaction de se dire mille fois le jour qu’il n’avoit plus lieu de douter que son cœur ne fût absolument à lui. Elle, de son côté, lui fit comprendre que ce n’étoit qu’à la seule tendresse qu’elle accordoit cette grâce, que la grandeur ne l’éblouissoit pas, qu’elle aimoit sa personne, et non pas son royaume ; et enfin, après avoir dit : « Ayez pitié de ma foiblesse », elle lui accorda cette ravissante grâce pour laquelle les plus grands hommes de l’univers font des vœux et des prières [27]. Jamais fille ne chanta si haut les abois d’une virginité mourante ; elle redoubla son chant plusieurs fois. Le Roi étoit plus brave qu’on ne peut penser (et avec raison il eût pu défier mille… et mille Saucourts [28]). Il sentit, après la faveur reçue, de si grands redoublemens d’amour, qu’il lui jura que, si elle lui demandoit sa couronne, il la lui donneroit de bon cœur. Il la retourna voir le jour suivant ; elle le pria qu’ils cachassent leur commerce, et lui dit que Madame le croyoit amoureux d’elle. Il est certain qu’il lui dit qu’il ne pouvoit avoir le cœur assez perfide pour aider à la tromper. « Mais si je vous en priois ? dit La Vallière. — Ah ! que vous m’embarrasseriez ! dit le Roi ; mais enfin, je vous l’ai dit, je suis tout à vous. » Ils continuèrent encore quinze jours ce commerce secret. Mais le hasard le fit découvrir (ce qui obligea le Roi et mademoiselle La Vallière de ne plus rien dissimuler) [29]. On ne peut exprimer les dépits, les emportemens de Madame, et combien elle se croyoit indignement traitée. Elle est belle, elle est glorieuse et la plus fière de la cour. « Quoi ! disoit-elle, préférer une petite bourgeoise de Tours, laide et boiteuse, à une fille de Roi faite comme je suis ! » Elle en parla à Versailles aux deux Reines, mais en femme vertueuse, qui ne vouloit pas servir de commode aux amours du Roi. La Reine-Mère résolut qu’il en falloit parler à La Vallière. En effet, toutes trois lui en parlèrent avec tant d’aigreur que la pauvre fille résolut de s’aller camper le reste de ses jours dans un couvent et de mortifier son corps pour les plaisirs qu’elle avoit pris. Elle y alla deux jours après, et d’abord qu’elle y fut entrée elle demanda une chambre et s’y alla fondre en larmes. En ce temps-là, il y avoit des ambassadeurs pour le Roi d’Espagne à Paris, dans la salle où l’on les reçoit d’ordinaire [30] ; plusieurs personnes de qualité y étoient, entre lesquelles se trouva le duc de Saint-Aignan, qui, après s’être entretenu avec le marquis de Sourdis [31], qui parloit bas, reprit assez haut d’un ton étonné : « Quoi ! La Vallière en religion [32] ! » Le Roi, qui n’avoit entendu que ce nom, tourna la tête vers eux tout ému et demanda : « Qu’est-ce, dites-moi ? » Le Duc lui repartit que La Vallière étoit en religion à Chaillot. Par bonheur les ambassadeurs étoient expédiés : car, dans le transport où cette nouvelle mit le Roi, il n’eût eu aucune considération. Il commanda qu’on lui apprêtât un carrosse, et, sans l’attendre, il monta aussitôt à cheval. La Reine, qui le vit partir, lui dit qu’il n’étoit guère maître de lui. « Ah ! reprit-il, furieux comme un jeune lion, si je ne le suis de moi, Madame, je le serai de ceux qui m’outragent. » En disant cela il partit et courut à toute bride à Chaillot, où il la demanda. Elle vint à la grille. « Ah ! lui cria le Roi, de la porte, tout fondu en larmes, vous avez peu de soin de la vie de ceux qui vous aiment ! » Elle voulut lui répondre, mais ses larmes l’empêchèrent. Il la pria de sortir ; elle s’en défendit long-temps, alléguant le mauvais traitement de Madame. « Enfin, dit-elle en levant les yeux au ciel, qu’on est foible quand on aime ! Et le moyen de résister ! » Elle sortit et se mit dans le carrosse que le Roi avoit fait amener. « Voilà, dit-elle en y montant, pour tout achever. — Non, reprit son amant couronné, je suis roi, Dieu merci, et je le ferai connoître à ceux qui auront l’insolence de vous déplaire ; je n’excepte personne. » Il lui proposa sur le chemin de lui donner un hôtel et un train ; mais cela lui sembla trop éclatant, elle l’en remercia fort civilement. Enfin le Roi, en arrivant, dit à Madame qu’il la prioit de considérer mademoiselle de La Vallière comme une fille qu’il lui recommandoit plus que sa vie. « Oui, dit Madame, je la regarderai comme une fille à vous. » Le Roi parut mépriser cette sotte pointe et continua ses visites avec plus d’attachement qu’auparavant ; il lui envoya continuellement, à la vue de Madame, des présens très-magnifiques. Cependant le Roi la pressoit incessamment de vouloir prendre une maison à elle, et enfin elle y consentit, afin de le voir, disoit-elle, plus commodément ; il lui donna le Palais Biron [33], qu’il alla lui-même voir meubler des plus riches meubles qui soient en France. Elle en change quatre fois l’année ; il a honoré son frère, qui n’est pas honnête homme, d’une belle charge [34], lui a fait épouser une héritière qui étoit assez considérable pour un prince [35]. La Reine en a pensé mourir de jalousie, car elle aime le Roi et le Roi aime La Vallière. Sur ces entrefaites, il tomba malade à Versailles : pendant sa maladie il rêva continuellement à sa maîtresse, qui ne vouloit pas le voir de peur de le mettre dans le péril. Après qu’il n’y eut plus rien à craindre, monsieur de Saint-Aignan, par l’ordre du Roi, l’alla quérir ; mais, comme ils arrivèrent, la chambre étoit toute pleine de monde, de sorte qu’il fallut qu’elle restât dans la prochaine ; et d’abord que le duc parut dans celle du Roi, qui lui fit connoître que La Vallière étoit proche, le Roi, se voulant défaire de la compagnie, fit civilité à Monsieur le Prince [36] en lui disant qu’il étoit nécessaire qu’il vît et qu’il fît réponse à un paquet qu’on venoit de lui apporter, et par ce moyen ne différa pas un moment la vue de La Vallière. « Hélas ! lui dit-elle en entrant, d’un ton le plus tendre du monde, la fortune me redonne mon cher prince. — Oui, mon bel enfant, pour vous aimer avec plus d’ardeur que jamais. » Il lui montra la lettre qu’elle lui avoit écrite, et qu’il portoit sur son cœur ; elle étoit conçue en ces termes :

BILLET. Tout le monde dit que vous êtes fort mal ; peut-être n’est-ce que pour m’affliger. L’on dit aussi que vous êtes inquiet de ce dernier bruit [37] : dans ces troubles, je vous demande la vie de mon amant et j’abandonne l’État et tout le monde même. Pourquoi, si vous m’aimez comme l’on dit, ne me vouloir point voir ? Adieu, envoyez-moi quérir demain, c’est-à-dire si mon inquiétude me permet de vivre jusqu’à ce jour-là.

Le Roi baisa cette lettre devant elle mille et mille fois, lui dit qu’il lui devoit la vie et sa joie ; mais quelque excès que son amante lui fit faire le fit tomber malade presque comme devant. Cependant ils ne furent pas sans effet, puisqu’au bout de neuf mois mademoiselle de La Vallière paya ses plaisirs par des douleurs, en mettant au monde une petite fille faite comme le père [38]. Mais pour en revenir à la maladie du Roi, qui fut plus violente que longue, il faut savoir qu’au retour de sa santé il n’y eut pas de femme à la cour qui ne travaillât à lui donner de l’amour. Madame de Chevreuse, dont la personne est le tombeau des plaisirs, après en avoir été le temple, ne pouvant plus rien pour elle, produisit madame de Luynes [39], qui est une des plus belles femmes de France, mais peu ou point d’esprit. Madame la duchesse de Soubise [40], dont les yeux vont tous les jours à la petite guerre, n’y réussit pas mieux que la Princesse Palatine [41] et madame de Soissons [42] ; mais en vérité le Roi en fit confidence à La Vallière et s’en divertit avec elle ; aussi alla-t-elle voir sans façon la Princesse Palatine et lui fit beaucoup de civilité et d’amitié [43]. Le Roi le sut et en eut du chagrin. « Quoi ! lui dit-il, si peu de jalousie ? Ah ! Mademoiselle, il y a peu d’amour. — Excusez-moi, lui répondit-elle, j’ai le cœur plus jaloux en amitié que qui que ce puisse être, mais j’ai trop bonne opinion de votre esprit pour croire que vous aimassiez une grande statue (et une grande masse de neige [44]). Cela ne satisfit point le roi, qui est le plus incommode de tous les hommes sur ce chapitre [45], de manière que, sans avoir nulle bonne raison, il picota cette fille un mois durant. Elle en souffrit quelque temps avec une patience extrême, mais enfin elle le traita mal à Vincennes ; il le souffrit assez patiemment, quoiqu’il lui parût un désespoir épouvantable dans les yeux. Il vit Belfonds [46], à qui il dit qu’il étoit le plus heureux de tous les hommes de n’aimer plus que la gloire [47]. « Ah ! Sire, répliqua spirituellement Belfonds, la gloire [48] est une maîtresse plus difficile à servir qu’une femme ; et plût au ciel m’avoir donné un cœur aussi sensible à l’amour [49] comme il est à cette autre passion, je serois bien plus heureux. » Le Roi soupira sans lui répondre rien ; mais le jour suivant il vit mademoiselle de la Motte [50], qui est une beauté enjouée, fort agréable et qui a beaucoup d’esprit, à qui il dit beaucoup de choses obligeantes, et fut toujours auprès d’elle ; soupira souvent et en fit assez pour faire dire dans le monde qu’il en étoit amoureux, et pour le persuader [51] à Madame sa mère, qui grondoit sa fille de ne pas répondre à la passion d’un si grand monarque. Toutes les amies de la Maréchale s’assemblèrent pour en conférer (et, après lui avoir bien dit que nous n’étions plus dans la sotte, simplicité de nos pères, où une simple galanterie passoit pour une injure et où une fille n’entendoit parler d’amour que le jour de ses noces ; aujourd’hui le monde est plus fin et plus raisonnable, et, par une heureuse vicissitude, l’amour et la galanterie se sont introduits partout [52]) ; enfin ils querellèrent à outrance cette aimable fille, qui, dans son cœur ayant une secrète attache pour le marquis de Richelieu [53], voyoit sans joie la passion du Roi (et reçut mal les avis de ses parens [54]). Cependant le Roi continuoit d’aller chez La Vallière ; mais il y rêvoit et lisoit, ou sortoit sans lui avoir presque parlé. Il n’y eut que monsieur de Vardes et de Bussy qui ne s’y trompèrent point, et qui dirent toujours que ce n’étoit qu’un dépit amoureux. En effet, le Roi devint jaune, n’alla plus à la chasse, rioit par force et se donnoit mille maux à plaisir. Il s’en ouvrit au duc de Saint-Aignan en des termes qui faisoient bien connoître qu’il étoit pris pour sa vie. « Oui, disoit-il au Duc, si jamais homme fut à plaindre, c’est moi ; je ne fais rien qui ne me coûte et qui ne me gêne, et la couronne, en de certains momens, m’incommode. J’aime, Saint-Aignan, autant qu’on peut aimer, et ne connois que trop que l’on ne m’aime point, ou si foiblement que je ne serai jamais content. Cependant, que n’ai-je point fait pour me bien faire aimer ? Parle, Saint-Aignan, mais parle sincèrement : suis-je indigne d’être aimé ? Ne voyez-vous pas que tous ceux qui ont aimé de cette cour sont incomparablement plus aimés que je ne suis ? » Le duc, qui a de l’esprit, connut bien que le Roi n’étoit en cet état que par son extrême passion, et parla si obligeamment pour La Vallière que le Roi l’en aima encore mieux, et lui dit qu’il prétendoit avoir pour sa maîtresse une foi inviolable, mais qu’il vouloit en être aimé. C’étoit sur les deux heures que le Roi disoit tout ceci au Duc, et sur les sept heures du soir il fut pris d’étranges maux de tête et de vomissemens furieux. Le Duc alla trouver La Vallière, et lui raconta mot pour mot tout ce que le Roi lui avoit dit. La Vallière lui répondit que le caprice du Roi l’avoit affligée, mais qu’après tout elle n’étoit pas d’humeur à lui demander des pardons (pour un mal qu’elle n’avoit pas fait [55]), qu’elle avoit lieu de se plaindre de lui et qu’il n’en avoit point de se plaindre d’elle, et que ce n’étoit point parce qu’il étoit son roi qu’elle avoit pris soin de lui plaire ; qu’elle en auroit usé tout de même pour un autre qu’elle auroit aimé.

Cependant le Roi passa une fort méchante nuit, et toute la cour le fut voir le lendemain ; de Vardes [56] lui dit mille équivoques sur son mal fort spirituellement [57] ; enfin, ce malade amoureux pria son confident d’aller trouver de sa part sa maîtresse, de lui apprendre la cause de son mal. Elle le reçut avec une mélancolie extrême et lui avoua qu’elle souffroit des maux inconcevables, et qu’il lui feroit plaisir de porter ce billet au Roi, dont voici les paroles [58] :

BILLET. Si l’on savoit la cause de vos maux, l’on y apporteroit du remède, quand il en devroit coûter la vie ; mais, mon Dieu ! qu’il est inutile de vous dire ce que je vous dis, ce n’est pas moi qui donne à Votre Majesté ses bons ni ses mauvais jours !

Le Duc alla promptement porter ce billet au Roi. La jeune Reine étoit pour lors sur son lit, et d’abord qu’il l’eut vu il s’écria : « Saint-Aignan, je suis bien foible, et je le suis plus que vous ne pouvez penser. » La Reine se retira, et le Roi relut vingt fois ce billet ; il fit admirer au Duc cette manière d’écrire, mais il ne pouvoit souffrir ce cruel terme de Votre Majesté. Il en parloit encore quand mademoiselle de La Vallière entra dans sa chambre avec madame de Montausier [59], à laquelle cette visite aux flambeaux a servi de toute sa faveur ; elle se retira par commodité et par respect au bout de la chambre avec le Duc. Mademoiselle de La Vallière se mit sur le lit du Roi ; elle étoit en habillement négligé, et le Roi, qui prend garde à tout, lui en sut bon gré. Elle le regarda avec une langueur passionnée à lui faire entendre que son cœur seroit éternellement à lui ; le Roi fut si transporté qu’après lui avoir demandé mille pardons, il baisa un quart d’heure ses mains sans lui rien dire que ces trois paroles : « Et que je serois misérable, Mademoiselle, si vous n’aviez pitié de moi ! » Enfin, ils se parlèrent et se contèrent leurs raisons, et furent cinq heures à dire : Que je vous aime ! Que vous aviez de tort ! Votre cœur est hors de prix ! Que nous avons lieu d’être contens ! Aimons-nous toujours ! Ils s’en tinrent aux paroles tendres, et ma foi je le crois, mais je ne sçais pas si le Roi, qui le lendemain se leva pour passer tout le jour avec La Vallière, le passa aussi sagement. Après ce raccommodement, il n’y a jamais eu de vie plus heureuse que la leur ; ils ont pris tant de peine à se persuader de la fidélité et de la tendresse l’un de l’autre qu’ils n’ont plus lieu d’en douter [60]. La Vallière a pris avec elle mademoiselle d’Attigny [61], fille de haute qualité, belle comme un ange, qui l’a toujours fortement aimée. C’est sa chère, et le Roi lui fait de grands présens. Il en use assez librement devant elle. Madame de Soissons, qui a été autrefois aimée du Roi, a supporté avec une étrange impatience la faveur de La Vallière, en sorte qu’un jour, la voyant passer devant une fille dont madame de Soissons fait ses délices, et qui est fille d’un avocat au Parlement nommé Brisac : « Je suis bien surprise, dit-elle fort haut à madame de Ventadour [62] ; j’avois toujours bien cru que La Vallière étoit boiteuse, mais je ne savois pas qu’elle fût aveugle. » La Vallière, qui l’entendit, sentit cela fort sensiblement. Le Roi l’alla voir, qui, la trouvant fort triste, lui demanda avec un empressement d’amitié ce qui l’affligeoit. Elle lui en dit le sujet avec les paroles du monde les plus piquantes pour madame de Soissons. Le Roi s’anima encore davantage, et sortit de chez elle avec un emportement épouvantable contre madame de Soissons. D’abord qu’il fut dans la rue, il fit appeler le Duc, qu’il fit monter dans son carrosse. Mais quand il y fut il ne lui dit rien, et descendirent au Louvre [63]. « Hé bien ! parce que j’aime une fille, il faut que toute la France la haïsse ! Mais ce n’est pas aux plaintes que je m’en veux tenir ; je veux que vous alliez tout présentement dire à madame de Soissons que je lui défends l’entrée du Louvre [64]. » Le Duc lui demanda s’il avoit bien songé à cet ordre. « Oui, reprit le Roi, si bien que je veux que vous l’exécutiez tout à l’heure. — Mais si j’osois, répliqua le Duc, vous faire ressouvenir que vous avez eu autrefois quelque considération pour madame de Soissons. — Je vous entends, répliqua le Roi, c’est que vous voulez dire que je l’ai aimée. Non, croyez que je ne l’ai jamais fait ; elle n’a pas assez d’esprit pour m’avoir jamais rien inspiré, sinon à l’âge de quinze ans, où elle m’entretenoit des couleurs qui me plaisoient le plus ; aussi je ne me priverai de rien qui puisse être un obstacle à la vengeance que je dois à mademoiselle de La Vallière. — Je le veux croire, répondit le Duc ; mais, Sire, n’avez-vous point égard à toute une grande famille et à la mémoire de son oncle ! — Que vous me connoissez peu, Saint-Aignan, lui dit-il, si vous croyez que la considération de ce que l’on aime l’emporte par dessus celle d’une famille ! Quoi ! il sera permis à monsieur celui-ci, à madame celle-là, d’insulter une personne que j’honore ? Est ce avoir du respect pour moi que d’en manquer pour ce que j’aime ? Peut-on pousser une insolence plus loin que de mépriser ce que son Roi estime ? Après tout, une Vallière ne vaut-elle pas bien une Manchini ? Je m’étonne que de Vardes, qui sait si bien aimer, n’a pas appris à madame de Soissons que l’on sent incomparablement davantage ce qui s’adresse à ce qu’on aime que ce qui touche soi-même. Ma foi, ces petites gens-ci règleront bientôt ce que je dois aimer. Pardieu ! c’est être bien misérable ; il n’y a pas un petit gentilhomme qui ne fasse respecter sa maîtresse par ses amis et ses vassaux, et un roi n’en peut venir à bout ? Je proteste pourtant qu’en quelque manière que ce soit, j’y réussirai, et je commencerai par madame de Soissons. — Mais, lui dit le Duc, Votre Majesté a-t-elle bien pensé aux intérêts de mademoiselle de La Vallière ? Ne croyez-vous point que les Reines vont être ravies d’avoir prétexte de crier contre elle, et de pouvoir dire qu’elle ne cause que des désordres ? — Ha ! reprit le Roi, le plus affligé du monde, c’est assez, je n’ai plus rien à dire, sinon que je suis le plus malheureux de tous les hommes. En effet, y a-t-il quelqu’un, pour chétif qu’il soit, qui ne venge ce qu’il aime ? et moi je ne puis. Vous avez raison, les Reines feroient rage contre cette pauvre fille, et l’on n’a désormais qu’à l’insulter, qu’à la piller et qu’à la maltraiter : Mesdames le trouveront bon, tant elles ont d’amitié pour moi. » En disant cela les larmes lui tombèrent des yeux de chagrin et de rage. Le Duc alla faire un fidèle récit de tout ceci à La Vallière, qui écrivit par lui ce billet :

Que je vous aime et que vous méritez de l’être, mon cher ! mais il me fâche de troubler vos plaisirs par mes malheurs. Pourquoi appeler malheur ce qui ne l’est point ? Non, je me reprends : tant que mon cher prince m’aimera, je n’en aurai jamais ; rien ne me peut affliger que sa perte. Voilà mes sentimens, conformez-y les vôtres, et nous mettons au dessus de ces gens qui ne sauroient nous nuire. Adieu, venez ce soir plus tôt qu’à l’ordinaire.

Le Roi n’eut pas plutôt lu ce billet qu’il partit aussitôt, et Dieu sait s’ils se dirent et se firent des amitiés. Cependant le Roi vit madame de Soissons dans les jardins de Saint-Cloud, à laquelle il fit mille incivilités. Dans ce temps, madame de Bellefonds eut un différend avec son mari. Le roi donna tout le bon côté à Bellefonds. Quinze jours après, le Roi, qui avoit passé depuis midi jusques à quatre heures après minuit avec La Vallière, vint se coucher ; il trouva la jeune Reine en simple jupe auprès du feu, avec madame de Chevreuse. Comme le Roi se sentit encore mécontent contre elle pour La Vallière, il lui demanda avec une horrible froideur pourquoi elle n’étoit pas couchée. « Je vous attendois, lui dit-elle tristement. — Vous avez la mine, lui répondit le Roi, de m’attendre bien souvent. — Je le sçais bien, lui répondit-elle ; car vous ne vous plaisez guère avec moi, et vous vous plaisez bien davantage avec mes ennemies. » Le Roi la regarda avec une fierté qui approchoit bien du mépris, et lui dit d’un ton moqueur : « Hélas ! Madame, qui vous en a tant appris ? » et en la quittant : « Couchez-vous, Madame, sans tant de petites raisons. » La Reine fut si vivement touchée, qu’elle s’alla jeter aux pieds du Roi, qui marchoit à grands pas dans la chambre. « Eh bien, Madame, que voulez-vous dire ? lui dit-il. — Je veux dire, répondit la Reine, que je vous aimerai toujours, quoi que vous me fassiez. — Et moi, lui dit le Roi, j’en userai si bien que vous n’y aurez aucune peine ; mais si vous voulez m’obliger, vous n’écouterez plus madame de Soissons ni madame de Navailles [65] », parce qu’il savoit qu’elles avoient causé de La Vallière, et comme elle continuoit, et que La Vallière n’avoit jamais eu d’inclination pour elle, avant même qu’elle fût en crédit, le Roi se défit d’elle et de son mari.

Deux mois après, le Roi se mit en tête que La Vallière fût reçue des deux Reines, et souhaita qu’elles la vissent de bon œil. Pour cet effet il en parla à madame de Montausier, qui alla par ordre du Roi dès ce moment à la chambre de la jeune Reine. « Madame, lui dit-elle, c’est un Roi qui veut que je m’acquitte d’une commission que je doute qui vous soit agréable ; il n’a pas été en mon pouvoir de m’en dispenser : c’est, Madame, qu’il souhaite que Votre Majesté reçoive mademoiselle de La Vallière [66], qui veut vous rendre ses respects. — Je l’en quitte, répliqua la Reine, il n’est pas besoin. — Si j’osois, ajouta madame de Montausier, dire à Votre Majesté que cette complaisance que vous aurez pour le Roi le touchera sans doute, et qu’au contraire votre refus l’aigrira ; enfin, Madame, si le Roi aime cette fille, votre froideur pour elle ne le guérira pas : ainsi Votre Majesté feroit quelque chose de plus glorieux pour elle si elle vouloit surmonter cette petite répugnance qui s’oppose aux volontés du Roi, et si elle vouloit suivre l’exemple de tant d’illustres femmes qui en ont dignement usé avec ce que leurs maris aimoient. — Mais, Madame, interrompit la Reine, le moyen de voir cette fille ! j’aime le Roi et le Roi n’aime qu’elle. » Le Roi, qui étoit aux écoutes, entra brusquement ; sa vue surprit si fort la Reine qu’elle en rougit et saigna du nez, de manière qu’elle se servit de ce prétexte pour sortir. Trois jours après elle accoucha d’une petite Moresque velue qui pensa la faire mourir [67]. Toute la cour fut en prières ; la Reine-Mère fondoit en larmes auprès de son lit ; le Roi en parut triste, mais il ne discontinua point de voir La Vallière en secret, et de lui donner mille et mille marques de son amour. Cependant la jeune Reine le pria, en présence de sa mère et de son confesseur, de vouloir marier La Vallière ; le Roi, qui ne sçauroit être fourbe, ne put se résoudre à le leur accorder, et ne leur fit que dire, tout interdit, que si elle vouloit il ne s’y opposeroit pas, et qu’ils pouvoient lui chercher parti. Ils pensèrent à monsieur de Vardes, comme l’homme de la cour le plus propre à se faire bien aimer ; mais de Vardes étoit amoureux à mourir de madame de Soissons : ainsi, quand on lui en parla, il se mit à rire, disant qu’on se moquoit, qu’il n’étoit pas propre au mariage. Madame [68], qui savoit la passion de Vardes pour madame de Soissons, alla voir la Comtesse, comme la plaignant si son amant consentoit à ce mariage, et lui offroit ses services en cette occasion, en le faisant détourner par le comte de Guiche, intime ami du marquis. Voilà nos deux admirables qui lient une grande amitié et s’ouvrent leurs cœurs de leurs amours. Vardes vint voir la comtesse, à laquelle il fit valoir le refus de La Vallière avec un million : « car, lui dit-il, ce n’est point par délicatesse, je me moque de son commerce avec le Roi ; feu le comte de Moret mon père, qui étoit un des plus honnêtes hommes de France, épousa bien une des maîtresses de Henri IV, de laquelle je suis sorti : jugez si j’en ferois difficulté ; d’ailleurs, ne l’aimant point, le Roi me feroit un extrême plaisir de la divertir. Mais, Madame, reprit-il avec un air charmant et passionné, ce sont vos yeux qui m’en empêchent, qui ne voudroient plus me regarder avec douceur, ou, pour mieux dire, c’est la possession de votre illustre cœur, de laquelle je me rendrois indigne si je pouvois consentir à vous déplaire. Ainsi je vous jure par vous-même, qui êtes une chose sacrée pour moi, que jamais je ne penserai à aucun engagement, quelque avantageux qu’il puisse être [69]. » La comtesse étoit si charmée de voir des sentimens si tendres et si honnêtes à son amant, qu’elle ne savoit que lui dire pour lui exprimer sa joie. Madame survint sur le point de leur extase, accompagnée du comte de Guiche, auquel ils ne firent mystère de rien. Voilà l’établissement d’une agréable société, chacun se promettant de se servir utilement.

Cependant nos deux couples d’amants résolurent de faire rompre un commerce plus honnête et plus spirituel que le leur. Pour cet effet, ils écrivirent une lettre [70] à la señora Molina [71], que le comte tourna en espagnol, par laquelle ils lui mandoient le mépris que le Roi faisoit d’elle, l’amour qu’il portoit à La Vallière, et mille choses de cette nature : car il est à remarquer que le dépit de Madame duroit toujours contre La Vallière, et que la Comtesse enrageoit qu’on lui vouloit ôter son amant pour elle. La señora Molina fut montrer cette lettre au Roi, qui la fit voir à de Vardes, et s’en plaignit à lui comme à un fidèle ami. En vérité il faut que l’amour soit une violente passion pour faire changer les inclinations en un moment, car il est constant que de Vardes est de bonne foi et la probité même ; cependant, s’il eut quelques remords de cette perfidie envers son Roi, ce ne fut que depuis le Louvre jusques à l’hôtel de Soissons, où il trouva sa maîtresse et ses confidens, lesquels railloient le Roi avec beaucoup de liberté ; ils le traitèrent de fanfaron qui prétendoit que l’amour ne devoit avoir de douceur que pour lui ; ils s’en écrivoient souvent en ces termes, le Comte et Madame, parce que le Roi avoit apporté quelques obstacles à leurs visites.

Ce fut en ce temps-là qu’il se déguisa en fille [72], où il fut vu dans la chambre de Madame par la Reine d’Angleterre, et ce fut un peu après que le Roi lui ordonna d’aller à Marseille [73] et de partir dans le même jour sans aller chez Madame. Dieu sait s’il observa cet ordre ; il y fut tout botté. « Hé bien, Madame, s’écria-t-il de la porte, pour vous voir je brave le Roi et les puissances souveraines ; trop heureux si vous seule, qui me tenez lieu de tout, m’assurez qu’en quelque lieu que ma misérable fortune me porte, vous me voudrez du bien. Oui, Madame, dans la douleur qui me transporte, ni la colère du Roi ni celle des Reines ne m’est point redoutable ; j’appréhende la rigueur qu’apporté une longue absence. — Non, repartit Madame toute fondue en larmes en l’embrassant, non, non, cher comte, rien ne diminuera jamais l’affection que je vous ai promise, et aussi bien que vous je mépriserai toutes choses ; mais, mon cher, aimez-moi et ne m’oubliez jamais. » Et après bien des pleurs et des embrassemens il fallut se séparer.

Peu de temps après on trama de furieuses malices contre la vie de La Vallière, et le Roi, qui l’aimoit avec plus d’ardeur que jamais, et qui avoit connu la grandeur de sa passion à la proposition qu’on lui avoit faite de la marier, l’alloit voir trois fois par jour avec une assiduité qui marquoit bien son amour. Ce n’est pas qu’elle ne l’eût extrêmement grondé de l’avoir mise en liberté devant les Reines de se marier. « Êtes-vous, lui dit-elle, celui même que j’ai vu me jurer que la mort la plus cruelle ne l’est pas à l’égal de voir ce que l’on aime entre les bras d’un autre ? Êtes-vous celui qui disoit que dans ces occasions l’on se devoit servir des poignards et des poisons ? Non, vous ne l’êtes plus ; (mais pour mon malheur je suis encore ce que j’étois ; je vois bien cependant qu’il est temps que je travaille à trouver dans mon courage de quoi me consoler de la perte que je ferai bientôt de votre cœur [74]). — Mais, lui disoit le Roi, mettez-vous en ma place, et au nom de Dieu apprenez-moi ce que vous auriez répondu. Que pouvois-je moins dire, voyant une Reine à l’extrémité me conjurer de vous marier ? Le moyen d’avoir la dureté de lui dire, aussi cruellement que vous voulez, que je n’en ferois rien ? N’est-ce pas assez de dire que je ne m’y opposerois pas, si vous le vouliez ? Est-ce que je devois encore douter de votre tendresse pour ne m’y pas fier ? Non : je vous faisois plus de justice en m’assurant sur la fidélité de votre cœur. Combien y en auroit-il eu qui, n’ayant plus tant d’aversion pour la trahison que moi, auroient tout accordé à une pauvre reine mourante ? Mais, grâces à mon amour et à ma sincérité, je ne pus jamais obtenir sur moi de dire que j’y travaillerois. Après cette scrupuleuse vertu, vous fierez-vous à moi ? ne croirez-vous pas à mes paroles comme à vos yeux ? — Il est certain, répliqua La Vallière, que je vous crois beaucoup de vertu. Eh ! s’il se peut, mon cher prince, ayez autant d’amour [75] ; car enfin, je vous déclare aujourd’hui qu’il m’est facile de mourir, mais qu’il m’est impossible de me retirer d’un engagement aussi puissant que le vôtre, et que je renoncerai plutôt à la vie qu’aux charmantes espérances que vous m’avez données : ainsi, aimez-moi ; si vous cessez, je sens bien qu’après la perte de votre cœur, il n’y a plus rien à faire en la vie pour moi. — Quelle indignité ! s’écria le Roi en lui embrassant les genoux, si après ce que je viens d’entendre je pouvois vivre pour une autre que pour vous. »

Après qu’il l’eut assurée d’une constance éternelle, il lui dit adieu jusques au lendemain. C’étoit, comme j’ai déjà dit, dans ce temps-là que le roi passoit presque toutes les nuits avec elle ; il ne la quittoit qu’à trois heures. Il n’en venoit que de partir, elle commençoit à s’endormir, quand sa petite chienne l’éveilla par ses jappemens ; elle entendit du bruit à ses fenêtres et marcher dans sa chambre ; elle courut dans celle de ses filles ; tous les gens de la maison virent des crochets et des échelles de cordes. Cela fit grand bruit. Dès le matin le Roi le sçut, qui alla la voir pour être éclairci de la vérité. Quand il l’eut sçue par elle-même, il en fut épouvantablement troublé ; il lui donna cette même semaine des gardes et un maître d’hôtel pour goûter tout ce qu’elle mangeroit. Chacun en philosopha à sa mode, mais les habiles gens jugèrent bien de qui ce coup venoit. Depuis cet accident, l’amour du Roi augmenta, et la peur de la perdre le fit pâlir mille fois en compagnie. Madame, qui n’est pas tout à fait de cette trempe, ne laissoit pas de se divertir, quoique le comte de Guiche fût absent. Un jour qu’elle causoit avec le Roi, elle tâchoit encore à le séduire : en tirant un mouchoir de sa poche, elle laissa tomber une lettre [76] que monsieur de Vardes avoit écrite, laquelle disoit positivement toute la lettre qu’on avoit écrite à la senora Molina de l’amour du Roi pour La Vallière, et le traitoit comme à son ordinaire de jeune fanfaron. Jamais surprise ne fut si grande que celle qu’eut le Roi en lisant cette lettre et connoissant que de Vardes, à qui il s’étoit confié, étoit complice de cette malice ; il en parla à Madame sans aucun emportement, mais avec une extrême douleur qui faisoit connoître la bonté de son cœur. Elle, qui ne se soucioit de rien pourvu qu’elle pût justifier le comte de Guiche, avoua au Roi toute la menée de madame de Soissons et de Vardes. Le Roi envoya quérir ce dernier, et, après lui avoir fait de sanglans reproches de son infidélité, l’exila [77]. On ne peut s’imaginer le déplaisir de madame de Soissons à cette nouvelle, que de Vardes lui apprit par un billet que voici :

Je vous représenterois, Madame, quelle est ma douleur, si je ne craignois de vous envelopper dans mon malheur, que je recevrois avec beaucoup de courage s’il ne me séparoit pas de vous pour jamais. J’attends de mon désespoir une prompte mort, qui finira mes infortunes et qui me donnera le repos qu’il y a si long-temps que j’ai perdu. Au nom de Dieu, Madame, souvenez-vous quelquefois de moi, comme d’un assez honnête homme que l’amour rend misérable ; et, par un généreux effort, ne vous abattez point de toutes les traverses que vous aurez à souffrir. Ah ! Madame, si je vous voyois dans ce moment, j’ouvrirois mon cœur à vos pieds.

Madame l’alla voir et tâcha de la consoler, l’assurant que monsieur de Vardes reviendroit bientôt. Cela la remit un peu ; mais enfin, ne voyant pas l’exécution de ses promesses, et après lui avoir bien recommandé son amant et reproché ses trahisons, elle perdit patience et alla trouver le Roi dans un de ses emportemens, à qui elle découvrit tout, ne se souciant pas de se perdre si elle perdoit le comte de Guiche. Elle réussit, car le Roi donna ordre à son exil ; mais elle et son mari prirent la peine d’en tâter ; il n’y eut que Madame qui s’en sauva, et depuis tout ceci le Roi ne l’aima ni l’estima.

Pendant tout ce désordre, le duc Mazarin, qui faisoit le dévot [78], demanda au Roi une audience particulière, laquelle le Roi lui accorda, durant laquelle il l’entretint d’une vision qu’il avoit eue, comme tout le royaume alloit se bouleverser s’il ne quittoit La Vallière, et lui donnoit avis de la part de Dieu. — « Et moi, repartit le Roi, je vous donne avis de ma part de donner ordre à votre cerveau, qui est en pitoyable état, et de rendre tout ce que votre oncle a dérobé [79]. » Le Duc lui fit un très-humble salut, et s’en alla.

Le pauvre père Annat [80], confesseur du Roi, soufflé par les Reines, l’alla aussi trouver, et feignit de vouloir quitter la cour, faisant entendre finement que c’étoit à cause de son commerce. Le Roi, se moquant de lui, lui accorda tout franc son congé. Le Père, se voyant pris, voulut raccommoder l’affaire ; mais le Roi en riant soupira, et lui dit qu’il ne vouloit désormais que son curé, et point de jésuite. L’on ne peut dire le mal que tout son ordre lui voulut d’avoir été si peu habile.

Deux ou trois mois [81] après, la Reine-Mère voulut faire son dernier effort de larmes, de tendresse et de maternité ; après quoi elle supplia le Roi de penser au scandale que son amour public faisoit. Le Roi, qui n’entend point raillerie sur ce chapitre, et qui est extrêmement fier, lui repartit : « Hé quoi, Madame, doit-on croire tout ce que l’on dit ? Je croyois que vous moins que personne prêcheroit cet Évangile [82] ; cependant, comme je n’ai jamais glosé sur les affaires des autres, il me semble qu’on en devroit user de même pour les miennes. » La Reine, prudente, se tut. Le soir, au cabinet, le Roi, se souvenant de cette conversation, la drapa des mieux, car il dit tout franchement qu’il ne pouvoit souffrir ces créatures qui, après avoir vécu avec la plus grande liberté du monde, veulent censurer les actions des autres : parce que (les plaisirs les quittent, elles enragent qu’on soit en état d’en goûter, et quand nous serons las d’aimer et de vivre, nous parlerons comme elles [83]). « Voyez madame de Chevreuse, dit-il : rien n’est plus hardi que cette femme à parler contre la galanterie des femmes ; encore une duchesse d’Aiguillon [84], une princesse de Carignan [85], et généralement toutes celles de la cour (excepté la princesse de Conty, qui a toujours été la dévotion même [86]). » Ensuite, se tournant vers Roquelaure [87] : « Ma foi, la galanterie a toujours été et sera toujours ; les femmes dont on ne parle point, c’est qu’elles font leurs affaires plus secrètement avec quelque malhonnête homme, sans conséquence, ou qu’elles sont si sottes qu’on ne s’adresse point à elles [88] ». Comme le Roi étoit en belle humeur, il parla un peu de toutes nos dames, de madame de Chastillon et monsieur le Prince [89], madame de Luynes avec le président Tambonneau [90], la princesse de Monaco [91] avec Pegelin [92], mesdames d’Angoulême [93], de Vitry [94], de Vinne [95], de Soubise [96], de Bregy [97], pour les désirés La Feuillade [98], de Vivonne [99], Le Tellier [100], d’Humières [101], et rioit de tout son cœur.

Le jour suivant, sa joie se changea en douleur par un accident assez fâcheux : car, comme il étoit seul avec sa maîtresse, propre, beau comme un Adonis, qu’il étoit dans un de ces momens où on ne peut souffrir de tiers, la pauvre créature fut prise de ce mal qui fait tant crier, mais en fut prise avec tant de violence et des convulsions si terribles que jamais homme ne fut si embarrassé que notre monarque : il appela du monde par les fenêtres, tout effrayé, et cria qu’on allât dire à mesdames de Montausier et de Choisi [102] qu’elles vinssent au plus tôt, et une fille de La Vallière courut à la sage-femme ordinaire. Tout le monde vint trop tard pour empêcher que la veste en broderie de perles et de diamans, la plus magnifique qui se soit jamais vue, ne portât des marques du désordre. Les dames arrivant, trouvèrent le Roi suant comme un bœuf d’avoir soutenu La Vallière dans les douleurs, et qui avoient été assez cruelles pour lui faire déchirer un collet [103] de mille écus, en se pendant au cou du Roi ; (elle ne pouvoit souffrir que d’autres mains approchassent d’elle que celles qui sont destinées à manier des sceptres et des couronnes [104]). Enfin le Roi fit des choses en cette occasion sinon propres, du moins passionnées ; il est constant qu’il faillit à mourir lorsque madame de Choisi cria comme une folle : « Elle est morte ! » Madame de Montausier le crut aussi, tant elle eut une syncope violente. « Au nom de Dieu, s’écria le Roi fondu en larmes, rendez-la moi, et prenez tout ce que j’ai. » Il étoit à genoux au pied de son lit, immobile comme une statue, sinon dans de certains momens, qu’il faisoit des cris si funestes et si douloureux que les dames et les médecins fondoient en larmes. La nuit, enfin, elle revint. D’abord elle regarda où étoit le Roi ; madame de Montausier le fit approcher de son lit : elle lui serra les mains, quoique très foiblement, mais la douleur du Roi augmenta ; on l’en arracha par force, et on le mit sur un lit. Ce fut un petit garçon [105] qui donna toutes ces douleurs à cette créature, qui diminuèrent quelque peu après par des remèdes souverains que les médecins y apportèrent. D’abord qu’elle eut quelque soulagement de ses douleurs, elle demanda à madame de Montausier ce qu’il lui sembloit de l’amour du Roi ; et elle lui en parla comme en étant charmée, et voulant qu’on l’en entretînt. Madame de Montausier, qui étoit toute surprise de ce qu’elle voyoit, lui dit sincèrement [106] qu’on ne pouvoit trop aimer un prince qui aimoit si passionnément. On ne peut dire avec quelle ardeur il remercia nos dames ; il les assura qu’il auroit des reconnoissances royales des services qu’elles lui venoient de rendre, et en effet on voit assez qu’elles les ont eues.

L’on ne peut assez faire valoir à La Vallière les marques d’amour que le Roi lui avoit données, étant certain que naturellement il a un cœur qui ne sauroit souffrir les ordures d’un accouchement, et l’on a toujours vu qu’il a témoigné des répugnances horribles d’entrer dans la chambre de la Reine quand elle est en cet état [107] ; cependant il étoit tous les jours cloué au chevet du lit de la belle, lui faisoit lui-même prendre ses bouillons et mangeoit auprès d’elle. Cependant, quelque soin qu’il ait pu prendre, La Vallière est demeurée presque percluse d’un côté, qui est bien plus foible que l’autre, avec une maigreur épouvantable qui sent son bois, de manière qu’il n’y a plus que l’esprit qui fait aimer le corps ; il est vrai que c’est tous les jours de plus en plus, et que selon les apparences ces deux cœurs s’aimeront éternellement. La Vallière sera toujours la grande passion du Roi, (qui lui occupera le cœur et l’esprit) ; pour les autres, ce ne seront que de petits feux follets, (qui ne seront seulement que pour satisfaire son corps [108]), et qui n’auront pas de durée. Je pense aussi que le comte de Guiche aimera toujours Madame, mais je ne dis pas que Madame aimera toujours le comte ; car cette belle princesse n’aime pas les vieux soupirs, et, si elle ne donne rien à faire, je suis sûr qu’elle donnera bien à penser. Cependant le comte a mandé au maréchal son père qu’il le supplioit de faire donner ses charges au comte de Louvigny [109] son frère, qu’il renonce pour jamais à revenir en France, qu’il fuira plus que la mort cette terre ingrate et malheureuse, qu’il n’aime ni n’estime son Roi, qu’il n’a que des amis sans vertu, qu’il n’a aucun engagement agréable, parce que la femme qu’il a épousée par son ordre [110] est peu aimable pour lui, qu’il vivroit toujours mal avec elle comme à son ordinaire ; que c’est une foible raison d’alléguer sa beauté, puisqu’elle ne le touche point ; qu’aussi il le conjure de vendre son bien, qu’il saura bien le remplacer ; qu’il n’y eut jamais un si beau pays que celui où l’on s’aime. Le Maréchal a eu de la douleur, mais il s’est armé de résolution [111].

Le chagrin de Madame a été bien plus violent ; elle a choisi madame la duchesse de Créqui [112] pour être sa confidente, qui est une des plus aimables femmes qui soient à la cour. Elle est grande, brune ; elle a les yeux pleins d’éclat et de langueur, la bouche belle et de l’esprit infiniment, un peu mélancolique ; elle a voulu être dévote, mais chez elle la nature surmonte de fois à autre la grâce ; bonne catholique, encore meilleure romaine, je ne sais si le Saint Père lui pardonnera d’avoir entrepris jusque sur ses terres, et d’avoir partagé avec lui son empire [113]. C’est notre beau légat, dont j’entends parler ; chacun sait que c’est plus belle mine d’homme que l’on puisse voir, et qu’il n’y a que les anges qui lui puissent disputer l’avantage de la beauté, et même de l’esprit ; il en a extraordinairement ; il est doux, insinuant et flatteur ; son cœur est tendre pour les femmes ; il est de la meilleure foi du monde, il aime madame de Crequi passionnément ; elle ne lui est pas sans doute ingrate ; l’Église et la cour retentissent de ses coups, car le comte de Froulay [114] est aussi fort amoureux ; mais à le voir, on diroit que l’amour seroit le Dieu des malades ou des enragés, tant il fait de cris et de plaintes.

Mais laissons-le là pour écouter Madame, qui se plaint à la Duchesse du peu de soin que le comte a de lui donner de ses nouvelles : « Eh bien, ma chère, dit-elle, que pensez-vous de cet ingrat, qui, après avoir reçu mille et mille marques de ma tendresse, m’a quittée sans espoir de retour, et m’abandonne à des chagrins épouvantables ? Je sais que le misérable qu’il est n’est éloigné que par les ordres du Roi. Je l’avoue, ma chère ; mais aussi avouez que, s’il m’aimoit autant comme il m’a toujours fait paroître, il travailleroit à apaiser le Roi. Mais, hélas ! il fait trop bien voir que l’aversion qu’il a pour lui, et ses ressentimens contre ses ennemis, se rapportent sur l’amour qu’il a pour moi. » Après qu’elle eut essuyé ses beaux yeux, elle fit ces deux couplets de chanson, qu’elle chanta tristement :


Iris au bord de la Seine,
Les yeux baignés de pleurs,

Disoit à Célimène :
Conservez vos froideurs,
Les hommes sont trompeurs.

Ils vous diront, peut-être,
Qu’ils aiment tendrement ;
Mais si-tôt que les traitres
Sont quinze jours absens,
On les voit inconstans.

« Voilà, ma chère, dit-elle à la Duchesse, ce que je pense en général de tous les hommes ; ce n’est pas que je ne connoisse bien qu’il est quelque commerce secret où il se trouve de la fidélité et de la constance. — Ah ! Madame, reprit la Duchesse, que vous avez de raison, et qu’il est des gens heureux dans le monde qui ne font point de bruit, qui ne veulent qu’eux-mêmes pour être les témoins de leur fidélité, et sans doute qu’elle est grande ! Mais j’avoue que je ne me puis persuader que l’amour à tambour battant soit tendre et sincère ; non, il ne l’est jamais : les hommes n’ont qu’une certaine envie de débusquer leurs rivaux, et ce n’est que par vanité que les femmes retiennent leurs esclaves ; elles seroient bien fâchées si l’on ne disoit en cour : Monsieur le duc, monsieur le comte, monsieur le chevalier est amoureux de madame une telle. Elles aiment bien mieux l’éclat et la dépense que des soupirs et des larmes. Ainsi il ne faut pas s’étonner si ces commerces se rompent : comme l’on trouve partout des belles, on en retrouve autant que l’on en perd. Mais, Madame, on ne trouve pas aisément des personnes qui aient l’esprit éclairé et au-dessus des bagatelles, dont le cœur soit tendre et délicat, qui n’aiment leur amant que pour sa vertu, son amour et sa fidélité. — Jamais, interrompit Madame, jamais je n’avois si bien compris le plaisir qu’une amour secrète peut donner ; mais en vérité, Duchesse, je vois bien que notre beau Légat a rendu votre cœur merveilleusement savant ; vous m’en direz des particularités à Saint-Cloud, où je vous prierai de venir passer quelques jours avec moi. » Elle lui accorda, et se séparèrent à cette condition.

Allons retrouver le Roi, qui cause bien plus à son aise que ces dames ici de la joie qu’il a d’aimer et d’être aimé : c’est avec le duc de Saint-Aignan et madame de Montausier qu’il s’entretenoit pour lors ; et, sur une contestation qu’il y avoit entre le Duc et la dame, des effets d’une prompte inclination, le Roi écrivit ceci sur ses tablettes par un effet de sa mémoire ou de son esprit, j’ignore lequel, mais toujours est-il certain qu’il leur montra ces quatre vers :


Ah ! qu’il est bien peu vrai que ce qu’on doit aimer
Aussitôt qu’on le voit prend droit de nous charmer,
Et qu’un premier coup d’œil n’allume point les flammes
Où le ciel en naissant a destiné nos âmes !

L’on doit bien penser combien cela est divin, combien cela est ravissant. Il voulut que madame de Montausier, qui fait tout ce qui lui plaît, écrivît aussi quelque chose de son amour. Elle s’en défendit tout autant qu’elle put, et à la fin elle fit aussi ceux-ci, sur ce que le Roi dit qu’il étoit bien résolu de satisfaire son cœur, et qu’il se railloit de ces gens qui passoient leur vie à blâmer ce que les autres faisoient.


L’on ne peut vous blâmer des tendres mouvemens
Où l’on voit qu’aujourd’hui penchent vos sentimens ;
Et qu’il est mal aisé que sans être amoureux
Un jeune prince soit et grand et généreux !
C’est une qualité que j’aime en un monarque ;
La tendresse d’un roi est une belle marque,
Et je crois que d’un prince on doit tout présumer,
Dès qu’on voit que son cœur est capable d’aimer.

Le Roi rendit bien les éloges que madame de Montausier lui avoit donnés, et obligea le Duc à inspirer aussi sa Muse, qui lui dicta ceux-ci :


Oui, cette passion, de toutes la plus belle,
Traîne dans un esprit cent vertus après elle ;
Aux nobles actions elle pousse les cœurs,
Et tous les grands héros ont senti ses ardeurs.

Madame de Montausier était trop spirituelle pour manquer une si belle occasion de faire sa cour au Roi, en lui faisant connoître que sa joie ne seroit pas parfaite si La Vallière ne voyoit cette petite conversation en vers. Le Roi lui en sut bon gré, et dit qu’il seroit bon de l’embarrasser, en lui envoyant par un inconnu, ce qu’ils firent, et voyez ce qu’elle ajouta ensuite :


Est-il rien de plus beau qu’une innocente flamme
Qu’un mérite charmant allume dans notre âme ?
Et seroit-ce un bonheur de respirer le jour,
Si d’entre les mortels on bannissoit l’amour ?
Non, non, tous les plaisirs se goûtent à le suivre,
Et vivre sans aimer, proprement, n’est pas vivre.

Le même qui porta les tablettes les rapporta, et le Roi marqua autant d’impatience de voir la réponse, et ouvrit les tablettes avec autant de désordre, qu’il en eût eu des nouvelles du gain ou de la perte d’une grande bataille, tant il est vrai que la moindre chose de la part de ce que l’on aime est de conséquence aux véritables Amants. Il fut ravi d’y trouver des vers d’un caractère si passionné, qu’il les crut faits pour l’encourager à son amour ; aussi ne tarda-t-il pas long-temps à lui en aller donner des preuves. Il fut aussitôt chez elle ; mais s’il la trouva avec sa tendresse ordinaire, il la trouva aussi en une mélancolie extrême, qui ne venoit, lui disoit-elle, que de la peur qu’elle avoit qu’il ne l’aimât pas toujours avec autant d’ardeur : « car, continua-t-elle, ne croyez pas que mon miroir ne m’apprenne bien que ma personne désormais n’est pas trop agréable ; j’ai perdu presque ce qui peut plaire, et enfin je crains avec raison que, vos yeux n’étant plus satisfaits, vous ne cherchiez dans les beautés de votre cour de quoi les contenter. Cependant, ne vous trompez pas ; vous ne trouverez jamais ailleurs ce que vous trouvez en moi. — J’entends, j’entends tout, répartit le Roi avec une passion extrême ; oui, je sais que je ne trouverai jamais en personne ces divins caractères qui m’ont su charmer, et que je ne trouverai jamais qu’en vous cet esprit admirable et charmant qui fait qu’auprès de vous, dans les déserts effroyables, on pourroit passer sa vie sans chagrin, et, au contraire, avec beaucoup de plaisir. Cessez donc d’outrager, par vos injustes soupçons, un prince qui vous adore, et croyez que je sais que je ne trouverai jamais en personne ce cœur que j’estime tant, et sur la bonne foi duquel je me repose ; et je m’imagine qu’il n’y a que lui qui aime comme je veux être aimé. Quelle peine aurois-je à discerner si ces coquettes aimeroient ma personne ou ma grandeur, si la joie de voir un roi à leurs pieds ne leur donneroit pas plus de plaisir que l’excès de mon amour leur donneroit de tendresse ? Mais pour vous, je suis persuadé que votre esprit est au-dessus des couronnes et des diadèmes ; que vous aimez mieux en moi la qualité d’amant passionné que celle de roi grand et puissant ; qu’il est même des momens où vous voudriez que je ne fusse pas né sur le trône, pour me posséder en liberté : jugez donc si, connoissant en vous des sentiments si vertueux et si héroïques, je pourrois jamais changer en faveur de quelque beau petit visage que la moindre maladie pourroit détruire ? Non, non, Madame, croyez que je ne me suis point donné à vous par l’éclat de votre teint, et par le brillant de vos yeux ; cela a été par des qualités si belles que vous ne me perdrez jamais qu’avec la vie : en un mot, cela a été par votre âme, par votre esprit et par votre cœur, que vous m’avez fait perdre la liberté. — Que vous avez de bonté, mon cher prince, d’employer toute la force de votre éloquence pour assurer un cœur qui ne craint trop que parce qu’il aime trop ! Que je suis heureuse d’aimer un prince qui connoît et qui pénètre si bien mes sentimens ! Oui, continua-t-elle en l’embrassant, vous avez raison de croire que votre grandeur ne m’éblouit point, que je n’ai point regardé votre couronne en vous aimant, et que je n’ai envisagé que votre seule personne : elle n’est, croyez-moi, que trop aimable pour se faire bien aimer sans le secours des trônes ni des sceptres ; et plût au ciel, ai-je dit mille fois en moi-même, que mon cher prince fût sans fortune et sans autre bien que ceux que la vertu lui donne, et pouvoir passer ma vie avec lui dans une condition privée, éloignés de la cour et de la grandeur ! Mais mon amour ne m’a pas fait faire long-temps un souhait si injuste : je connois trop bien qu’aucun autre des mortels n’est digne de vous commander ; que le ciel ne pouvoit rien mettre au-dessus de vous sans injustice ; que des vertus aussi illustres que les vôtres ne doivent être entourées que de pourpre et de couronnes. — Quoique la modestie, répliqua le Roi, m’eût fait entendre toutes ces louanges avec confusion, j’avoue cependant que je vous ai écoutée avec un plaisir sans égal ; car, enfin, rien dans le monde n’est si doux que se voir estimé de ce que l’on aime ; et peut-on s’imaginer une plus grande satisfaction que celle-là ? » Mademoiselle de La Vallière réitéra encore que, quand elle ne seroit plus aimée du Roi, elle prendroit le parti de la retraite, en cas qu’il diminuât de sa tendresse pour elle ; et on ne peut s’imaginer avec quelle passion le Roi lui répondit [115].

Après que le Roi fut parti, La Vallière alla chez madame la Princesse [116], où il y avoit une bonne partie des dames de la cour et grand nombre d’hommes bien faits. Quelque temps après le Roi y arriva, sur le visage duquel il paroissoit une grande satisfaction. Madame la duchesse de Mazarin [117] y dit deux ou trois grandes naïvetés à M. de Roquelaure [118] ; le prince de Courtenai [119], qui en étoit amoureux, en eut tant de honte qu’il en rougit, et que le Roi s’en aperçut ; il se leva avec un emportement de rire d’auprès le prince de Conti [120], et dit à mademoiselle de La Vallière à demi-bas qu’il la remercioit de ne dire que d’agréables choses, et qu’il mourroit s’il lui étoit arrivé la même chose qu’au prince de Courtenai. La Vallière, en riant tout de même, lui dit qu’elle avoit aussi à le remercier d’avoir autant d’esprit qu’il en avoit, et qu’elle sentoit bien qu’elle ne se consoleroit pas, non plus que lui, si un tel malheur lui étoit arrivé. Il est vrai que M. Bussy, qui les entendoit, dit qu’on ne peut traiter plus agréablement et plus malicieusement un chapitre qu’ils firent celui-là.

Cependant madame de Créqui alla trouver Madame au jour qu’elle lui avoit marqué pour leur partie de Saint-Cloud. Elle y trouva Chison, qui étoit venu voir une des filles de Madame qui étoit malade : c’est le médecin de La Vallière, lequel a de l’esprit et du facétieux. Après qu’il eut entendu le mal de cette demoiselle : « Courage, lui dit-il, j’ai des remèdes pour tout, même pour le cœur des amans. — Hé ! bon Dieu, reprit Madame, enseignez-les-moi promptement, pour dix ou douze que j’ai que je voudrois bien guérir, pourvu qu’il ne m’en coûtât que quelques herbes du jardin. — Ah ! Madame, reprit-il, il m’en coûte bien moins que des herbes, il ne m’en coûte que des paroles. » Enfin, Chison, qui sacrifioit tout pour le divertissement de Madame, lui conta que le Roi l’avoit envoyé quérir, et qu’il lui avoit demandé avec une extrême émotion si effectivement mademoiselle de La Vallière pouvoit vivre, et si sa maigreur n’étoit pas un mauvais présage. — Et que lui avez-vous répondu ? reprit Madame. — Quoi ? reprit-il, Votre Altesse pouvoit-elle en être en doute ? Je vous assure que je l’ai assuré avec autant de hardiesse de la longueur de ses années comme si j’avois eu lettre de Dieu. J’ai parlé en homme savant, de la vie, de la mort, des destinées ; il ne s’en est presque rien fallu, lorsque j’ai vu la joie du Roi, que je ne lui aie promis une immortalité pour cette fille. — Vrai Dieu ! s’écria Madame, quels charmes secrets a cette créature pour inspirer une si grande passion ? — Je vous assure, reprit Chison, que ce n’est pas son corps qui les fournit. » Madame, en congédiant Chison, le pria de lui faire part de toutes ses petites nouvelles, et une heure après nos deux dames montèrent en carrosse pour Saint-Cloud.

En y allant elles rencontrèrent madame de Chevreuse avec son mari secret, M. de l’Aigles [121] ; mais comme elles n’avoient alors que le bonheur de La Vallière en tête, elles ne s’arrêtèrent pas à parler de celui de ces deux personnes, quoique je n’en connoisse pas de plus grand. Elle demanda donc à la Duchesse si elle connoissoit rien de plus heureux que cette fille. — Oui, Madame, reprit hardiment la Duchesse, je me crois encore plus heureuse qu’elle lorsque je vois le Légat ; car il est certain qu’il est mille et mille fois plus charmant que le Roi. — Ah ! reprit Madame, que le Roi est pourtant aimable pour cette créature, et qu’il y a peu de gens qui lui puissent rien contester ! — Mais, Madame, répliqua la Duchesse avec du dépit, vous demeurez toujours d’accord que monsieur le Cardinal-Légat est incomparablement plus beau et a plus de douceur, et, je pense, plus d’esprit que le Roi ; pour de la tendresse, mon cœur en est bien content. — Il est certain ce que vous dites, répliqua Madame, que le Légat a plus de mine et de douceur que le Roi ; mais pour de l’esprit, il faut que vous sachiez qu’on n’en peut pas avoir plus que le Roi n’en a avec ce qu’il aime, ni plus de respect. Encore une fois, Madame, vous ne savez pas combien le particulier du Roi est agréable avec une personne pour qui il a de la passion. Imaginez-vous que l’on diroit qu’il n’y a que cette seule personne en tout l’univers, qu’il regarde avec tout autant d’amour et de passion dans le dernier moment d’une visite de sept ou huit heures comme dans le premier ; il lui sacrifie toutes choses et paroît ne dépendre que d’elle ; il a mille et mille petits soins ; enfin, si tout ce que mademoiselle d’Attigny [122] disoit à une de mes amies, ces jours passés, étoit vrai, comme je le crois, je ne connois personne qui aime si bien que le Roi. — Quoi, Madame, reprit la Duchesse, même le comte de Guiche ? — Il est bien aimable, reprit Madame, mais il n’est pas si passionné que le Roi. »

Après cela, la Duchesse la pria de lui tenir la parole qu’elle lui avoit donnée, de lui conter un peu comme elle découvrit que le Roi étoit amoureux de La Vallière. Madame lui accorda et lui satisfit en ces termes.

APPENDICE

À L’HISTOIRE DE Mlle DE LA VALLIÈRE.

Nous donnons ici, comme nous l’avons annoncé plus haut, les pages qui terminent dans Conrart l’histoire de mademoiselle de La Vallière ; on y trouvera, outre quelques détails sur les amours de madame de Créqui et du Légat, des particularités nouvelles.

Mais pendant qu’ils goûtoient tant de délices dans leur entretien, Madame et la duchesse de Créquy n’en avoient pas tant. Elles étoient allées se promener toutes deux pour se parler dans la liberté que leur amitié leur donnoit, quand Madame, qui n’avoit que des choses tristes dans le cœur, commença la conversation par des soupirs et la finit par des larmes. La Duchesse regrette aussi un amant, encore plus aimable et aussi tendrement aimé : car il faut dire à la louange de madame de Créquy que son cœur ne se peut donner à demi ; et puis, à vous dire le vrai, ce n’est point à monsieur le Légat à qui l’on feroit de petits présens. Chacun sait qu’il a la plus belle mine d’homme que l’on puisse voir, et qu’il n’y a que les anges qui lui puissent disputer l’avantage de la beauté. Son esprit est admirable, doux infiniment et flatteur ; son cœur est tendre pour les femmes, et il aime avec une passion extrême. Madame de Créquy sans doute ne lui est pas ingrate.

Pour ne nous éloigner pas de l’affliction de Madame, qui étoit causée par le peu de soin que le comte de Guiche avoit pris de lui donner de ses nouvelles : « Eh bien ! ma chère, disoit-elle, que pensez-vous de cet ingrat, qui, après avoir reçu mille et mille marques de ma tendresse, me quitte sans espoir de retour, et m’abandonne à des chagrins épouvantables ? Je sais que vous me direz que le misérable qu’il est ne s’éloigne que par les ordres cruels du Roi, et qu’il n’a pu aller contre. Je l’avoue, mais aussi avouez-moi que, s’il aimoit autant qu’il m’a toujours témoigné, il travailleroit à son retour et à apaiser le Roi. Mais, hélas ! l’aversion qu’il a pour lui et le ressentiment qu’il a contre ses ennemis l’emportent sur la passion qu’il a pour moi. Enfin, après avoir essuyé ses beaux yeux, elle fit ces deux couplets de chanson :

Iris au bord de la Seine…

Voilà, ma chère, dit-elle à la Duchesse, ce que je pense en général des hommes. Je vous trouve si sage de n’en aimer aucun, que j’admire votre prudence, ou plutôt la froideur de votre âme. »

La Duchesse rougit, et son cœur fit voir dans ses yeux que la flamme, pour en être sèche, n’en étoit pas moins ardente. De manière que Madame, qui est adroite, reprit finement, et cependant selon son cœur : « Quoi que je dise contre les hommes, il est pourtant vrai que je connois bien qu’il y a mille et mille agréables commerces secrets qui sont bien plus charmans que ceux où il y a tant de galanterie et d’éclat qu’ils obligent tout le monde d’en causer. — Ah ! Madame, reprit la Duchesse, qu’il est bien vrai ce que vous dites, et qu’il y a de gens heureux dans le monde qui ne font point de bruit ! Ils ne veulent qu’eux-mêmes à être les seuls témoins de leurs félicités, ou tout au plus quelque agréable confident ou confidente. — Pensez-vous en vérité me persuader que tous les amours sont tendres et sincères ? — Non, Madame, ils ne le sont point. Il n’y a qu’une certaine manière de débusquer ses rivaux, et j’ai ouï dire à monsieur le duc de Guise bien des fois qu’il n’a jamais mieux aimé mademoiselle de Pons [123] que lorsque personne ne le croyoit. Mais quand quelqu’un le sut, sa tendresse changea, et il l’aima depuis pour faire dépit à ceux qui en parloient. J’en connois mille qui n’aiment point, et ce qu’ils en font n’est que pour faire enrager des rivaux, et je pense même que les faveurs secrètes de leurs maîtresses ne leur sont chères qu’autant qu’elles sont publiques. Ah ! Madame, est-ce là être amoureux ? L’amour ne veut que le mystère, le silence et le secret, et ces gens-là ne le veulent pas souffrir. Les femmes font de même, n’aimant pas plus que les hommes, et ce n’est que par vanité qu’elles retiennent leurs cœurs ; elles seroient bien fâchées si l’on ne disoit au cercle : Monsieur le duc, monsieur le chevalier, est amoureux de madame une telle. Elles aiment bien mieux une magnifique collation, un bal bien ordonné, qu’un saisissement, qu’une plainte de n’être pas aimée, et enfin qu’une lettre tendre et touchante. Ce n’est pas que ces dames n’accordent aussi franchement les dernières faveurs à leurs amants que si elles les aimoient ; mais c’est pour les obliger à faire de la dépense ou à leur donner de quoi en faire. Aussi ne faut-il pas s’étonner si ces commerces se rompent, si une absence détruit tout ; et si l’on trouve beaucoup de femmes belles et de cette humeur, on en retrouve autant qu’on en perd. Mais, Madame, on ne retrouve pas aisément des personnes qui aient l’esprit délicat et au-dessus de la bagatelle. L’on n’en voit pas souvent dont le cœur se donne sans réserve, qui soient sincères et tendres, qui n’aiment en leurs amans que leur ardent amour, leur vertu et leur fidélité. Les femmes dont je vous parle chasseroient un empereur s’il déplaisoit à leur amant. Elles n’ont que ce qu’elles aiment en tête ; elles sont ravies quand l’occasion leur présente une entrevue secrète ; elles s’abandonnent aux transports ; elles se redisent en secret tout ce que leurs amans leur ont dit, et enfin ces cœurs-là sont bien pris. — Jamais, reprit Madame, je n’avois si bien compris les plaisirs qu’un amour secret donne, comme je fais maintenant ; mais en vérité, Duchesse, tu en parles trop bien pour ne les pas expérimenter. Dis-moi, je te prie, pour qui ton cœur s’est rendu si savant ? » La Duchesse se prit à rire, et lui demanda qui elle croyoit dans la cour qui l’avoit si bien instruite ! — Hé ! je ne sçai pas, dit Madame, car vous donnez si bon ordre à vos affaires que vous passez ici pour prude. Mais, ma belle, vous avez été à Rome. Je doute que, s’il y a quelque aimable Italien dont les passions sont violentes, il n’ait fait quelque effet dans votre âme. Mais je suis bien folle, ma foi ! c’est votre beau-frère, ou je suis bien trompée ; il vous voit assiduement, et l’un et l’autre vous paroissez fort amis, comme gens de nouvelle connoissance. — Aussi, reprit la Duchesse, cela est, car il m’a connue dès que j’étois à Rome. — Oui, dit Madame, vous aima-t-il dès ce temps-là ? — Et que vous êtes méchante de me vouloir embarrasser ! Mais enfin, je vous l’avoue, puisque je le veux bien, et vous ne me volez point mon secret ; je confesse donc que le Légat est plus aimable mille fois par l’esprit que par le corps, quoiqu’il le soit infiniment, même autant qu’on peut aimer ; et moi je l’estime plus que personne. — Ah ! Duchesse, tu n’en dis point assez ; tu as bien plus que de l’estime : car, enfin, jamais l’estime n’a inspiré tout ce que tu viens de dire. — Eh bien ! reprit la Duchesse, croyez si vous voulez que quelque chose de plus tendre m’ait fait ressentir la passion du Légat avec plaisir. » Et sur ce chapitre elle prit sa belle humeur et conta cette affaire tout autant qu’il plut à Madame de l’entendre, et la Duchesse l’avoua avec certitude.

  1. L’histoire de ce libelle est longuement rapportée dans les Mémoires de Daniel de Cosnac. Voy. notre Introduction.
  2. La famille de La Baume Le Blanc tire son origine du Bourbonnois, où l’on trouve son nom dès l’an 1301. Au 16e siècle, le chef de la race s’établit en Touraine, où il se maria en 1536 et acheta la terre de La Vallière. Son arrière petit-fils, Laurent de La Baume Le Blanc, chevalier, seigneur de La Vallière, etc., fut lieutenant pour le Roi au gouvernement d’Amboise et lieutenant de la mestre de camp de la cavalerie légère de France. Né en 1611, il se distingua aux batailles de Rocroy et de Sedan et dans son gouvernement ; en 1650, sa terre de La Vallière fut érigée en châtellenie. Il avoit épousé, en 1640, Françoise Le Prévost, fille d’un écuyer de la grande écurie, veuve de P. Bénard, seigneur de Rezay, conseiller au Parlement ; elle lui apportoit deux mille livres de revenu.

    De ce mariage : 1º Jean François de La Baume Le Blanc, marquis de La Vallière, né le 4 janvier 1642 ;

    2º Jean Michel Emard de La Baume Le Blanc, né le 19 août 1643 ;

    3º Françoise Louise de La Baume Le Blanc, dame des baronnies de Châteaux, en Anjou, et de Saint-Christophe, en Touraine, née le samedi 6 août 1644 et baptisée à Saint-Saturnin de Tours. Elle fut nommée en 1662 fille d’honneur de Madame, duchesse d’Orléans, à qui l’avoit donnée madame de Choisy. Elle avoit été élevée avec la sœur de Mademoiselle, et celle-ci la menoit souvent à la cour, « quoiqu’elle aimât beaucoup mieux demeurer chez elle. » (Mém. de Mad., édit. de Maestricht, t. 5, p. 172.)

  3. Voy. ci-dessus, p. 8.
  4. Voy. ci-dessus, p. 4.
  5. Voy., dans les Mémoires de Mademoiselle (édit. Maestricht, 1776, t. 4, p. 241 et suiv.), le récit du voyage de Lyon que fit le roi pour voir Marguerite de Savoie, petite-fille de Henri IV par sa mère Christine de France, l’arrivée de Pimentel, envoyé d’Espagne, la rupture du mariage projeté ; mademoiselle de Montpensier confirme longuement ce passage de notre auteur.
  6. C’est que Mazarin n’avoit eu d’autre but que d’amener la cour d’Espagne à se décider.
  7. C’est Marie Thérèse d’Autriche, fille de Philippe IV et d’Élisabeth de France. Comme Marguerite de Savoie, Marie Thérèse étoit, par sa mère, petite fille de Henri IV. Elle étoit née, comme Louis XIV, en 1638.
  8. « Quand on sut Madame Royale proche, on le vint dire au Roi. Il monta à cheval et s’en alla au devant d’elle… Le Roi revint au galop, mit pied à terre et s’approcha du carrosse de la Reine avec une mine la plus gaye et la plus satisfaite. La Reine lui dit : « Eh bien ! mon fils ? » Il répondit : « Elle est bien plus petite (la princesse Marguerite) que madame la maréchale de Villeroy. Elle a la taille la plus aisée du monde ; elle a le teint… » Il hésita… Il ne pouvoit trouver le mot ; il dit olivâtre, et ajouta : « Cela lui sied bien. Elle a de beaux yeux, elle me plaît, et je la trouve à ma fantaisie. » — Mademoiselle ajoute en son nom : « La princesse Marguerite, quand elle marche, paroît avoir les hanches grosses pour sa taille ; cela paroît moins par devant que par derrière, quoique cela soit fort disproportionné. » D’ailleurs elle appartenoit à une famille de bossus. La pièce du Gobbin, par Saint-Amant, avoit été faite contre le duc de Savoie. — Madame de Motteville confirme de tous points le récit de Mademoiselle.
  9. Nous connoissons un avocat de ce nom, mais qui plaidoit au grand Conseil. Il étoit protestant, et on voit son nom mêlé dans une affaire assez délicate, où étoient mis en cause le pasteur Alex. Morus et l’écrivain Samuel Chappuzeau. (Mss. de Conrart.)
  10. Sur mademoiselle d’Argencourt, voy. Mém. de madame de Motteville, Loret, etc. Quand mademoiselle de La Porte épousa le chevalier Garnier, elle lui succéda dans la charge de fille d’honneur de la Reine Mère. Cette amourette est de 1657. « Elle n’avoit ni une éclatante beauté, ni un esprit fort extraordinaire ; mais toute sa personne étoit aimable. Sa peau n’étoit ni fort délicate, ni fort blanche ; mais ses yeux bleus et ses cheveux blonds, avec la noirceur de ses sourcils et le brun de son teint, faisoient un mélange de douceur et de vivacité si agréable qu’il étoit difficile de se défendre de ses charmes. (Mad. de Motteville, collect. Petitot, t. 39, p. 401.) Voy., pour la suite de cette intrigue, madame de Motteville, ibid., et p. suiv.
  11. Ces mots, fort compromettants pour la vertu de mademoiselle d’Argencourt et de Marie de Mancini, sont peu d’accord avec les Mémoires du temps, qui n’ont vu dans ces liaisons du Roi que des passions toutes platoniques. C’est entre ces deux amours que l’on place l’aventure de Louis XIV et de madame de Beauvais, Cateau la Borgnesse, comme l’appelle Saint-Simon.
  12. Voy. ci-dessus, p. 3.
  13. Gouvernante des nièces de Mazarin. Pendant qu’il étoit à Saint-Jean-de-Luz, pour le mariage du roi, Mazarin écrivoit à la reine (29 juillet 1659) : « Madame de Venel fait tout ce qu’elle peut, mais la déférence qu’on a pour elle est fort médiocre. » (Négociations de la paix des Pyrénées.)
  14. Voy. ci-dessus, p. 10. Cf. Mém de Brienne, Choisy, Motteville, La Fayette, Montglat, etc.
  15. Var. La copie conservée dans les ms. de Conrart (in-fol. XVII) porte cette variante précieuse :
    « Car le Roi a toujours paru avoir une trop grande aversion pour ce mariage pour l’avoir voulu faire, et il s’en est expliqué souvent. »
  16. Voy. ci-dessus.
  17. Var. : Ms. de Conrart :
    « Le roy pleura, cria, se jetta aux pieds du cardinal, l’appelant son père ; mais enfin il estoit destiné que ces deux cœurs ne s’espouseroient pas. Mademoiselle de Mancini, voyant son amant plus mort que vif, elle ne se sentant pas mieux, luy dit fort spirituellement, montant en carrosse pour partir : « Vous m’aimez, Sire, vous pleurez, vous vous desesperez, vous estes le roy, et cependant je pars ! »
  18. Voy. la note, p. 1. Quant aux relations possibles du père de mademoiselle de La Vallière et du duc de Montbazon, elles s’expliquent par le séjour que faisoit le duc en Touraine, à sa maison de Cousières, où il mourut en 1654, à l’âge de 86 ans. Bayle (art. de Marie Touchet) dit à ce sujet  : « L’historien des Amours du Palais-Royal n’a-t-il pas dégradé la noblesse de mademoiselle de La Vallière, pour n’en faire qu’une petite bourgeoise de Tours ? Cependant elle étoit d’une famille alliée à celle de Beauvau le Rivau, l’une des plus nobles de la province. »
  19. Ce passage manque dans la copie de Conrart.
  20. Mademoiselle, dans ses Mémoires, dit : « Elle étoit bien jolie, fort aimable de sa figure. Quoiqu’elle fût un peu boiteuse, elle dansoit bien, étoit de fort bonne grâce à cheval ; l’habit lui en seyoit fort bien. Les juste-au-corps lui cachoient la gorge, qu’elle avoit fort maigre, et les cravates la faisoient paraître plus grasse. Elle faisoit des mines fort spirituelles, et les connoisseurs disent qu’elle avoit peu d’esprit. » (Éd. de Maestricht, VI, 351, 352.)
  21. Pour les détails sur ce commencement des amours du roi pour mademoiselle de la Vallière, voy. plus loin : Histoire de l’amour feinte du roi pour Madame.
  22. Armand de Grammont et de Toulongeon, comte de Guiche, fils du maréchal de Grammont et de Françoise Marguerite du Plessis-Chivray, né la même année que le roi, en 1638, marié en 1658 à Marguerite Louise Suzanne de Béthune, dont il n’eut pas d’enfants, mort le 29 novembre 1673, colonel du régiment des gardes et ami particulier du roi. Ses amours avec Madame sont ici longuement rappelés.
  23. Ne seroit-ce point Antonin Nompar de Caumont, marquis de Puyguilhem, depuis duc de Lauzun ? Quand madame de Sévigné annonça à M. de Coulanges cette nouvelle étonnante, surprenante, merveilleuse, miraculeuse, et le reste, elle lui dit que M. de Lauzun épousoit… « devinez qui ? » Madame de Coulanges dit : « Voilà qui est bien difficile à deviner : c’est madame de La Vallière. » — La lettre est de 1670. Mais nous voyons ici que le bruit dont madame de Sévigné se faisoit l’écho étoit antérieur. Mademoiselle de Montpensier, pour le combattre, il est vrai, le répète aussi : « On dit même qu’elle s’étoit mis en tête d’épouser M. de Lauzun. Je crois que ce sont ses ennemis qui firent courir ce bruit. Il a le cœur trop bien fait pour vouloir jamais épouser la maîtresse d’un autre, même du roi. » Deux pages plus haut, perçoit un sentiment qui pourroit bien s’expliquer par un peu de jalousie : « Madame de La Vallière, dit Mademoiselle, n’a jamais été autant de mes amies que madame de Montespan. » Il n’avoit jamais couru de bruits d’une galanterie entre madame de Montespan et Lauzun. (Mém. de Mademoiselle, édit. de Maestricht, 1776, VI, 353 et 355.) C’est là d’ailleurs une simple conjecture, que nous donnons sous toutes réserves.
  24. « Madame revint malade de Fontainebleau ; elle étoit grosse ; elle fut obligée de garder le lit ou la chambre tout l’hiver… Le roi lui alloit rendre des visites très régulières ; elles avoient été assez empressées pour laisser tout le monde en doute, pendant que la cour demeura à Fontainebleau, s’il étoit amoureux d’elle dans le temps que le comte de Guiche faisoit semblant de l’être de La Vallière. L’on ne fut pas long-temps à connoître que le roi l’étoit de celle-ci et que l’autre étoit passionné pour Madame. C’étoit une affaire que l’on se disoit tout bas et que l’on connoissoit visiblement. » (Mém. de Madem., éd. citée, V, 206.)
  25. Var. : La copie de Conrart porte, après ce mot :
    « Il mit son chapeau sur sa teste, et lui alla la teste nue. Il la fut revoir, etc. »
  26. Ce dernier mot a été ajouté dans la copie de Conrart.
  27. « Toute la cour alla à Vaux… Le Roi étoit alors dans la première ardeur de la possession de La Vallière, et l’on a cru que ce fut là qu’il la vit pour la première fois en particulier ; mais il y avoit déjà long-temps qu’il la voyoit dans la chambre du comte (depuis duc) de Saint-Aignan, qui étoit le confident de cette intrigue. » (Hist. de madame Henriette, par madame de La Fayette, collect. Petitot, t. 64, p. 403-404.)
  28. Manque dans la copie de Conrart. — Antoine Maximilien de Belleforière, marquis de Soyecourt, qui fut reçu en 1670 grand veneur de France par la démission de Louis, chevalier de Rohan, qu’on appeloit M. de Rohan, fils de Louis VII de Rohan, prince de Guemené, duc de Montbazon. Il avoit épousé, en 1656, Marie Renée de Longueil, fille du président Longueil de Maisons. Il avait une réputation de grand abatteur de bois, et c’est ainsi qu’en parlent Tallemant et les chansons. Voy. aussi le Récit des plaisirs de l’île enchantée, dans les œuvres de Molière.
  29. Manque dans la copie de Conrart.
  30. En 1661, l’ambassadeur d’Espagne à Londres avoit insulté notre ambassadeur, le comte d’Estrades. Le 24 mars 1662, l’ambassadeur d’Espagne vint protester en audience solennelle, devant vingt-sept ambassadeurs et envoyés des princes de l’Europe, que le Roi son maître ne disputeroit jamais le pas à la France. La réception dont il s’agit ici concorde parfaitement, par sa date, avec ce que dit Mademoiselle sur la retraite de La Vallière, qui eut lieu pendant l’hiver. Moreri se trompe en reportant au mois de mai cette audience fameuse. (Voy. la Gazette.)
  31. Charles d’Escoubleau, marquis de Sourdis et d’Alluye, gouverneur de l’Orléanois, mort à 78 ans, en 1666. Voy. notre édit. du Dict. des Pretieuses, t. 2, p. 375.
  32. « Pendant tout cet hiver (de 1661 jusque vers Pâques de 1662) il y eut beaucoup d’intrigues et de tracasseries. La Reine Mère étoit dans de grandes inquiétudes de l’amour du Roi pour La Vallière ; elle étoit chez Madame, elle logeoit au Palais-Royal chez Monsieur, et les scènes se passoient chez eux sans qu’ils en sussent rien. Je ne sais quel chagrin il prit un jour à La Vallière ; elle partit de bon matin et s’en alla sans que l’on pût découvrir où elle étoit. C’étoit un jour de sermon ; le Roi, qui devoit y assister, étoit occupé à la chercher, et il ne s’y trouva pas. La Reine Mère appréhendoit que la Reine ne découvrît la raison de l’absence du Roi ; elle étoit dans un chagrin mortel. Après le sermon, la Reine alla à Chaillot, et le Roi, avec un manteau gris sur le nez, alla à Saint-Cloud, dans un petit couvent de religieuses où il avoit appris que s’étoit jetée La Vallière. La tourière ne voulut pas lui parler ; après avoir essuyé quelques refus, il parvint à voir la supérieure et ramena La Vallière dans son carrosse. Cette retraite fit grand bruit et attira beaucoup d’affaires à ceux qui y pouvoient avoir pris part, dont je ne dois ni ne veux parler. » (Mém. de Madem., édit. citée, V, 209.) D’après la version de Mademoiselle, la jeune Reine auroit encore ignoré l’intrigue du Roi : c’est la seule différence importante des deux récits. Sur cette première retraite de mademoiselle de La Vallière, Cf. La Fayette, Hist. d’Henriette d’Angleterre, collect. Petitot, t. 64, p. 412-415 ; Mém. de Conrart, t. 63, p. 282 ; Motteville, t. 60, p. 170, 179.
  33. C’étoit un des plus beaux hôtels du faubourg Saint-Germain.
  34. Jean François de La Baume Le Blanc, marquis de La Vallière, homme d’un esprit peu cultivé et de lourdes manières (c’est ce qu’entend l’auteur en disant qu’il n’étoit pas honnête homme), étoit gouverneur et grand sénéchal de la province de Bourbonnois, capitaine commandant les chevau-légers du jeune dauphin, maréchal des camps et armées du Roi.
  35. Gabrielle Glay de la Cotardaye. Elle mourut dame du palais de la reine, le 21 mai 1707, à l’âge de cinquante-neuf ans. (Voy. la Gazette), Elle étoit donc née en 1648.
  36. Le prince de Condé.
  37. Var. : Au lieu de cette phrase on lit dans la copie de Conrart : « On dit aussi que vous estes inquiet de ce qui se passe à Marseille. »
  38. Marie-Anne de Bourbon, née en octobre 1666. — Le Roi avoit eu déjà un autre enfant naturel, dont la mère est restée inconnue. Nos recherches pour la découvrir nous ont fait connoître, dans les registres de l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois, conservés à l’Hôtel-de-Ville, le document suivant, qui explique combien il est difficile d’éclaircir ce mystère.
    «Du samedi 5 janvier 1664.
    « Fut baptisé Louis, filz de M. Laurent Limosin, sergeant à verge au Chastellet de Paris, et de Claude Lescuier, sa femme, et ouvriers de Monseigneur le Daulphin, rue du Cocq. Le Parein Mre Alexandre Bontemps, premier vallet de chambre du Roy, tenant pour Louis quatorzième, Roy de France et de Navarre ; la mareine dame Catherine du Tost, dame de Braguemont, femme de chambre de la Reyne Mère, tenant pour Anne d’Autriche, Reyne Mère de Sa Majesté. COLOMBEL. »
    Dans ce Louis, fils d’un sergent à verge, qui est baptisé le 5 janvier 1664, et qui a pour parrain le Roi, pour marraine la Reine Mère, il nous semble impossible de ne pas reconnoître cet enfant que les généalogies nomment Louis de Bourbon, qu’elles font naître le 27 décembre 1663 et mourir le 15 juillet 1666. — Les gazettes n’ont parlé d’ailleurs ni de sa naissance ni de sa mort.
  39. Jeanne Marie Colbert, fille aînée du ministre, épousa, le 3 février 1667, Charles Honoré d’Albert, duc de Luynes, fils de Louis Charles d’Albert, duc de Luynes, de Chevreuse et de Chaulnes, et de sa première femme, Marie Seguier, fille du chancelier. Louis Charles d’Albert, le beau père de Jeanne Marie Colbert, étoit fils de Charles d’Albert, duc de Luynes, et de Marie de Rohan, la fille aînée d’Hercule de Rohan-Montbazon, depuis duchesse de Chevreuse. Les Mémoires de Brienne regardent la disgrâce de Fouquet comme « la dernière affaire » de madame de Chevreuse. Il répugneroit par trop de penser que cette affaire ait été suivie d’une intrigue aussi odieuse que celle dont il s’agit, et aussi improbable, dans la première année, dans les premiers mois, du mariage de son petit-fils.
  40. Anne de Rohan-Chabot, qui épousa en 1663 François de Rohan, prince de Soubise, fils aîné de la seconde femme d’Hercule de Rohan-Montbazon : il étoit donc, par son père, frère de la duchesse de Chevreuse. Anne de Rohan-Chabot étoit fille de Henri Chabot et de cette Marguerite de Rohan dont la mère, née Sully, soutint contre elle un si scandaleux procès au sujet de Tancrède, « vil enfant de la terre, fruit du libertinage de quelque valet », comme dit Patru dans son plaidoyer. (Voy. notre édit. de Saint-Amant, I, 457, Bibliot. elzev.)
  41. La Princesse Palatine dont il est ici question n’étoit pas Anne Marie de Gonzague, sœur de la reine de Pologne, âgée alors de cinquante ans, et qui avoit épousé, en 1645, Édouard, prince palatin du Rhin, mais sa fille aînée, alors âgée de vingt ans, dont la sœur cadette avoit épousé Henri Jules de Bourbon, prince de Condé. Cette fille aînée de la princesse Anne devint, en 1671, femme de Charles Théodore Othon, prince de Salm. Elle avoit vingt ans en 1666.
  42. Olympe Mancini, nièce du cardinal, pour qui le roi avoit eu une inclination avant d’aimer Marie de Mancini : elle étoit alors surintendante de la maison de la jeune reine. Voy. Amédée Renée, les Nièces de Mazarin.
  43. Var. : La copie de Conrart porte :
    « Madame de Chevreuse, ne pouvant rien pour elle, produisit madame de Luynes, qui est une des plus belles du royaume, avec peu ou point d’esprit. La princesse Palatine, madame de Soissons et madame la duchesse de Soubize, tout cela y fit ses efforts ; mais, en vérité, le roy en fit des trophées à La Vallière et s’en divertit avec elle. Aussi alla-t-elle voir sans façon la Princesse Palatine et lui fit cent civilitez. »
  44. Manque dans la copie de Conrart.
  45. Var. : On lit dans la copie de Conrart :
    « De manière que, durant un mois, il pressa La Vallière sans avoir bonne raison d’elle ; elle en souffrit quelque temps, mais enfin elle perdit patience et traita le roy à Vincennes comme un Basque. »
  46. Bernardin de Gigault, marquis de Bellefonds, premier maître d’hôtel du roi depuis trois ans à cette époque (1666), et deux ans plus tard maréchal de France. Il avoit alors trente-six ans et le Roi vingt-huit. Le marquis de Bellefonds se distingua par sa piété et contribua beaucoup à la retraite définitive de mademoiselle de La Vallière.
  47. Var. : de n’aimer que sa fortune. (Ms. de Conrart.)
  48. Var. : la fortune. (Ibid.)
  49. Var. : que le mien l’est à la gloire, je le serois bien plus souvent. (Ibid.)
  50. Mademoiselle de La Mothe-Houdancourt (Françoise Angélique), fille de Philippe de La Mothe-Houdancourt, duc de Cardonne, maréchal de France, et de mademoiselle de Toussy, fille de Louis de Prie, marquis de Toussy, dont le mariage eut lieu en novembre 1650, et dont elle étoit la seconde enfant. Elle ne pouvoit donc être née avant 1652 ; en 1666 à peine avoit-elle quatorze ans. Elle étoit déjà en 1663 fille d’honneur de la reine Marie-Thérèse, comme mademoiselle de La Mothe-Argencourt l’étoit de la Reine-Mère. Il y a souvent confusion entre ces deux noms. Ainsi mademoiselle de Montpensier dit dans ses Mémoires (édit. Maestricht, IV, 143) : « Mademoiselle de La Mothe-Houdancourt qui étoit entrée chez la Reine-Mère comme fille d’honneur à la place de mademoiselle de La Porte. » Or, mademoiselle de La Porte épousa en 1657 (voy. Loret) le chevalier Garnier, et c’est par mademoiselle de la Mothe-Argencourt qu’elle fut remplacée. Au tome 5, p. 222-223, elle parle encore de mademoiselle de La Mothe-Houdancourt. Cette fois le nom est exact, et un trait que rapporte Mademoiselle nous paroît plutôt une boutade de petite fille qu’un acte de dépit d’une maîtresse jalouse : « Le bruit courut que le Roi alloit toujours à ses fenêtres pour parler à La Mothe et qu’il lui avoit porté un jour des pendants d’oreille de diamant, qu’elle les lui avoit jetes au nez, et lui avoit dit : « Je ne me soucie ni de vous, ni de vos pendants, puisque vous ne voulez pas quitter La Vallière. »
  51. Var. : À la maréchale de la Mothe, qui grondoit sa nièce de ne pas repondre à l’amitié d’un si grand monarque. » (Ms. de Conrart.)
  52. Manque dans la copie de Conrart.
  53. Armand Jean du Plessis, né en 1629, substitué au nom et aux armes de du Plessis par le cardinal de Richelieu, son grand-oncle, dont il prit le nom et le titre de duc. Il étoit marié depuis 1649 avec madame veuve de Pons. Peut-être, puisque le titre n’est pas indiqué, s’agit-il du marquis de Richelieu, son père, né en 1632, et qui avoit épouse dès 1652 la fille de cette Catherine Bellier, dame de Beauvais (Cathau la Borgnesse), qui avoit été le premier caprice de Louis XIV. — Cf. t. 1, p. 71.
  54. Manque dans le ms. de Conrart.
  55. Manque dans le ms. de Conrart.
  56. Le marquis de Vardes, maître passé en galanterie. Sur ce personnage, « l’homme de France le mieux fait et le plus aimable », disent les Mémoires de Daniel de Cosnac, sur ses nombreuses intrigues, et en particulier sur ses amours avec la comtesse de Soissons, voy. Les Nièces de Mazarin, par M. Amédée Renée, p. 189 et suiv. ; Mém. de Conrart, p. 250 et 278. — Cf. t. 1, p. 270.
  57. Var. : Madame lui dit cent equivoques fort spirituelles. (Ibid.)
  58. Var. : Le texte de Conrart, beaucoup plus rapide, nous paroît être celui de la rédaction primitive :
    « Enfin le Roy pria le Duc d’aller voir sa maîtresse, et elle, qui souffroit encore plus que luy, donna ce billet à son confident. »
  59. Var. : avec madame de Montauzier, qui l’avoit amenée faire cette visite aux flambeaux, assurée de toute la faveur. (Ibid.) Julie d’Angennes, la fille célèbre de la marquise de Rambouillet, femme du marquis, puis duc de Montausier. On lui a justement reproché la part qu’elle a prise aux galanteries du Roi.
  60. Encore une rédaction abrégée qui nous paroît le vrai texte : « Le roy fut si transi d’amour qu’il baisa une de ses mains plus d’un quart d’heure sans lui parler. Enfin ils parèrent, se contèrent leurs raisons, et furent cinq heures à se dire : que je vous aime ! nous avons lieu d’être très contents ! Ils s’en tinrent, dit-on, aux paroles tendres. » (Ibid.)
  61. C’est mademoiselle d’Artigny qu’il faut lire. Elle avoit succédé à mademoiselle de Montalet dans les confidences de mademoiselle de La Vallière. Toutes trois étoient, avec mademoiselle de Barbezières, filles d’honneur de Madame.
  62. Ce nom se trouve dans l’édit. de Londres 1654. Marie de La Guiche, fille de Jean François de La Guiche, seigneur de Saint-Géran, née en 1623, avoit épousé en 1645 Charles de Levis, marquis d’Annonai, puis duc de Ventadour. Voy. notre édit. du Dictionn. des précieuses, Biblioth. elzév., t. 2, aux noms Angoulême et Saint-Géran.
  63. Nous empruntons à la copie de Conrart tout ce paragraphe. En le comparant au texte des éditions précédentes, on en reconnoîtra la supériorité.
  64. La mesure étoit d’autant plus exorbitante que la comtesse de Soissons, sans parler de son titre de surintendante de la maison de la Reine, étoit, par son mariage avec un prince du sang, au premier rang des personnes qui avoient le droit d’entrer au Louvre, et d’y entrer en carrosse.
  65. Suzanne de Beaudan, mademoiselle de Neuillan, dont il est souvent parlé sous ce nom dans les écrits du temps, épousa en 1651 Philippe de Montault, duc de Navailles. À l’époque qui nous occupe, M. de Navailles étoit gouverneur du Havre et commandant des chevau-légers. Madame de Navailles étoit dame d’honneur de la reine Marie-Thérèse, avec 1,200 livres de gages. « Cette espèce de disgrâce, dit Mademoiselle (éd. cit., V, 278), n’a pas ruiné leurs affaires. Ils vendirent leurs charges et leur gouvernement bien cher ; ils ont fait peu de dépense, ont payé leurs dettes et acheté des terres. Le duc de Chaulnes acheta la charge de commandant des chevau-légers, et le duc de Saint-Aignan le gouvernement du Havre, et celle de dame d’honneur fut achetée par madame de Montausier, à quoi elle étoit plus propre que madame de Navailles », qui, est-il dit à la page précédente, « s’est si extraordinairement occupée de mesquins ménages que cela lui a fait tort et à son mari. » Le duc de Navailles revint bientôt en faveur ; en 1669 il étoit gouverneur de La Rochelle, du pays d’Aunis et du Brouage ; la même année il commanda l’armée de Candie, et, après plusieurs commandements importants et plusieurs succès militaires, il fut même fait maréchal de France.
  66. Sans doute à l’occasion de la nouvelle année. C’étoit le 31 décembre 1666. Voy. la note suivante.
  67. Nous sommes maintenant en 1667. Le 2 janvier de cette année, la reine eut une fille, qui porta son nom, Marie-Thérèse, et mourut le 1er mars 1672. — Qu’elle fût noire et velue, nous ne trouvons pas ailleurs ce renseignement.
  68. Henriette d’Angleterre, femme de Monsieur, frère du Roi, dont on lira plus loin les intrigues avec le comte de Guiche. Elle étoit fort jalouse de La Vallière, parce que, quand le Roi avoit commencé à aimer celle-ci, il avoit feint de la rechercher elle-même.
  69. Var. : Après cette phrase, on lit dans la copie de Conrart : « Madame survint sur ces entrefaites, à qui ils ne firent mystère de rien ; elle loua sa fidélité. Le comte de Guiche fut de leur société. Ce soir-là, ces deux blondins voulurent faire merveilles ; mais, hélas ! qu’elles furent petites ! Cela auroit déplu aux dames, si elles n’avoient eu leurs maris qui étoient meilleurs gendarmes que leurs amants. Cependant ces deux couples…
  70. « Ils écrivirent une lettre à la Reine », lit-on dans les mss. de Conrart. Le nom de la señora Molina n’y est pas même prononcé.
  71. Dona Maria Molina, première femme de chambre espagnole. Ce n’est pas ainsi que madame de La Fayette raconte cet incident, qui auroit causé le renvoi de madame de Navailles, dénoncée comme coupable par de Vardes lui-même, au lieu d’avoir suivi cette calomnie, comme il est dit ici ; Conrart, résumant madame de La Fayette, cite un entretien du Roi et de Madame. Celle-ci auroit dit « que la comtesse de Soissons s’étoit rencontrée chez la Reine à l’ouverture d’un paquet du Roi son père, en avoit ramassé et serré l’enveloppe sans qu’on s’en aperçût ; qu’on avoit fait faire un cachet aux armes d’Espagne tout semblable à celui dont les lettres du roi d’Espagne avoient accoutumé d’être cachetées, et que, cette lettre contrefaite étant enfermée dans cette enveloppe véritable, le paquet en avoit été porté, comme de la poste, à la señora Molina, première femme de chambre de la Reine, qui les reçoit ordinairement. » (p. 282, collect. Petitot, t. 48, 2e série.)
  72. « Madame étoit malade et environnée de toutes ses femmes… Elle faisoit entrer le comte de Guiche, quelquefois en plein jour, déguisé en femme qui dit la bonne aventure, et il la disoit même aux femmes de Madame, qui le voyoient tous les jours et qui ne le reconnoissoient pas. » (Hist. de Mme Henriette, collect. Petitot, t. 44, p. 410.) L’œil pénétrant d’une mère, de la reine d’Angleterre, ne pouvoit être aussi complaisamment aveugle.
  73. Ce n’est point à Marseille que fut envoyé le comte de Guiche. « L’on n’avoit pas trouvé à propos de le chasser, de crainte que cela ne fît de méchants bruits ; on l’avoit envoyé commander les troupes qui étoient à Nancy : c’étoit proprement un honnête exil. » (Mém. de Mademoiselle, éd. citée, 5, 233.)
  74. Ce passage manque dans la copie de Conrart.
  75. On lit dans la copie de Conrart un texte qui nous paroît plus vrai : « Croyez une bonne fois que, puisque mon malheur vous a fait naître sur le trône, je ne veux jamais penser au mariage. Ainsy, aimez-moy ou cessez, je sens bien que je ne puis plus rien aimer. » Le Roy lui exprima les choses les plus tendres. Et c’étoit, comme j’ai dit, en ce temps-là que le roi passoit presque toutes les nuits avec elle. »
  76. Ce n’étoit pas sans dessein : « Madame la comtesse de Soissons eut quelques démêlés avec Madame ; celle-ci, pour s’en venger, dit au roi que la comtesse de Soissons et Vardes avoient écrit cette lettre (la lettre espagnole) ; Vardes fut envoyé prisonnier à Montpellier (où il resta deux ans). Madame de Soissons en fut enragée. Elle avoua au roi que c’étoit le comte de Guiche qui l’avoit écrite, parce qu’il savoit parfaitement l’espagnol ; qu’elle l’avoit su, et que Madame y avoit eu part. Vardes demeura toujours en prison. Le comte de Guiche fut envoyé en Pologne ; madame la comtesse de Soissons fut chassée, et Madame traitée assez mal par le Roi. Voilà ce qu’un démêlé de femmes attira à ces deux messieurs. » (Mém. de Montpensier, édit. cit., 5, 235-236.)
  77. « Il est à Montpellier. » (Ms. de Conrart.). — Le billet qui suit ne paroît pas dans Conrart.
  78. Armand Charles de La Porte, duc de La Meilleraye, substitué au nom et aux armes du cardinal de Mazarin quand il épousa, le 28 février 1661, Hortense Mancini. Sur cette dévotion dont l’excès ridicule alla jusqu’à briser des statues précieuses, voy. la 2e partie des Mélanges curieux, dans les œuvres de Saint-Evremont, t. 8, 1753, in-18.
  79. « Les parents et les amis de madame Mazarin lui conseillèrent de se servir de la dissipation de son mari pour le poursuivre en séparation de biens. Cette dissipation étoit certaine ; M. Mazarin même s’en faisoit un devoir, sur ce principe injurieux à la mémoire de son bienfaiteur, que les biens des ministres étoient mal acquis et un pillage sur la misère des peuples et sur la facilité du prince. » (Factum pour dame Hortense Mancini, duchesse Mazarin, au t. 8 des œuvres de Saint-Évremont, p. 229.) Louis XIV entroit, on le voit, complétement dans les idées du duc lui-même. Ce qu’il auroit eu à rendre, d’après l’État des biens délaissés à M. le duc Mazarin et à madame la duchesse sa femme par feu M. le cardinal Mazarin, tant par le contrat de mariage, legs universel, que codicilles, montoit à dix millions six cent mille livres en argent ou en propriétés, plus un revenu de deux cent soixante-dix mille livres en charges et gouvernements qui se pouvoient vendre, soit en totalité seize millions de francs, représentant au moins quarante millions de notre monnoie.
  80. Les Provinciales l’ont fait assez connoître. Né le 5 février 1590, confesseur du roi de 1654 à 1670, qu’il se retira de la cour, quatre mois avant sa mort. Il continue d’ailleurs à figurer sur les États de la France, malgré le prétendu congé que lui auroit donné le roi.
  81. Jours. (Ms. de Conrart.)
  82. Var. : Mais, après tout, comme je n’ay jamais glosé sur vos affaires, je vous demande d’en être de même sur les miennes. (Ms. de Conrart.)
  83. Manque dans Conrart.
  84. La duchesse d’Aiguillon est assez connue par les Historiettes de Tallemant des Réaux, les Lettres de Guy Patin, etc., etc.
  85. Marie de Bourbon-Soissons, qui avoit épousé en 1624 le prince de Carignan, qu’on appeloit le prince Thomas, grand-maître de la maison du roi. Celui-ci mourut en 1656, pendant le siége de Crémone, où il commandoit une armée françoise. La princesse de Carignan étoit mère du comte de Soissons (Eugène-Maurice de Savoie), qui avoit épousé Olympe Mancini le 21 février 1657.
  86. Cette addition nous est donnée par les ms. de Conrart.
  87. Gaston, duc de Roquelaure, qui depuis le 15 décembre 1657 étoit veuf de cette belle Charlotte-Marie de Daillon (mademoiselle du Lude) dont parlent avec admiration tous les contemporains. Aimée de Vardes, elle n’avoit pu résister à son amour, qu’elle partageoit, paroît-il. L’infidélité de Vardes l’auroit tuée, dit Conrart ; mais il ajoute, ce qui combat son dire, qu’elle mourut en couches, et les Mémoires de Mademoiselle confirment ce détail.
  88. Aux noms qui se trouvent dans le texte que nous suivons, l’édition donnée à Cologne en 1680 par J. Le Blanc (in-12) ajoute, entre madame de Vitry et madame de Vinnes, madame de Valentinois.
    Le texte est tout différent dans l’édition de Londres, 1754 ; on y lit :
    « Comme le roi étoit en belle humeur, il parla un peu de toutes nos dames, de madame de Châtillon et de Monsieur le prince, madame de Luynes avec le président Tambonneau, la princesse de Monaco avec Pegevin, mesdames d’Angoulême, de Vitry, de Vinne, de Soubize, de Vivonne ; Le Tellier, d’Humières, et il rioit de tout son cœur. »
    Voici maintenant le texte de Conrart :
    « Le roi, qui étoit en belle humeur, parla de toutes les dames : madame d’Arpajeux, que l’on croyoit si insensible, et le marquis de Piennes ; la princesse de Monaco et Peguilin, madame de Chastillon et monsieur le prince, madame de Ventadour la prude et l’archevesque de Bourges ; mesdames d’Angoulesme, de Valentinois, de Brégy et de Vitry, pour les Soubise, d’Asserac, les Destrades, La Feuillade, Vivonne et d’Humières rioient de tout leur cœur. »
  89. Nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer le lecteur à une savante note de M. P. Boiteau, dans le 1er volume de cette Histoire, p. 153 et suiv. — Nous la compléterons par ces quelques lignes tirées du portrait qu’elle fit d’elle-même pour mademoiselle de Montpensier : « Le peu de justice et de fidélité que je trouve dans le monde, dit-elle, fait que je ne puis me remettre à personne pour faire mon portrait ; de sorte que je veux moi-même vous le donner le plus au naturel qu’il me sera possible, dans la plus grande naïveté qui fût jamais. C’est pourquoi je puis dire que j’ai la taille des plus belles et des mieux faites qu’on puisse voir. Il n’y a rien de si régulier, de si libre ni de si aisé. Ma démarche est tout à fait agréable, et en toutes mes actions j’ai un air infiniment spirituel… Mes yeux sont bruns, fort brillants et bien fendus ; le regard en est fort doux, et plein de feu et d’esprit. J’ai le nez assez bien fait, et, pour la bouche, je puis dire que je l’ai non seulement belle et bien colorée, mais infiniment agréable par mille petites façons naturelles qu’on ne peut voir en nulle autre bouche… J’ai un fort joli petit menton ; je n’ai pas le teint fort blanc ; mes cheveux sont d’un châtain clair et tout à fait lustrés ; ma gorge est plus belle que laide… On ne peut pas avoir la jambe ni la cuisse mieux faite que je ne l’ai, ni le pied mieux tourné. »
  90. Nous avons parlé ailleurs (voy. ci-dessus, p. 47) de madame de Luynes. Tambonneau, président à la Chambre des Comptes, nous est connu par Tallemant, qui s’étend avec complaisance sur ses malheurs domestiques. Long-temps trompé par sa femme, qu’il trompoit à son tour, le président menoit de front les affaires, les amourettes et les fêtes. Plus difficile pour sa table qu’un profès en l’ordre des Coteaux, le président s’est attiré de la part de Saint-Évremont une épigramme assez vive et qui ne confirme pas mal certaines assertions de Tallemant.
  91. La princesse de Monaco, Catherine-Charlotte de Grammont, fille d’Antoine III, maréchal de Grammont ; elle avoit épousé, le 30 mars 1660, Louis Grimaldi, prince de Monaco, duc de Valentinois. Elle étoit sœur du comte de Guiche, célèbre dans cette histoire.
  92. Antonin Nompar de Caumont, duc de Lauzun, marquis de Puyguilhem. — Nous le retrouverons dans l’Histoire des amours de mademoiselle de Montpensier. Voy. t. 1, p. 132 et suiv.
  93. Mariée le 3 novembre 1649 à Louis de Lorraine, duc de Joyeuse, à qui elle avoit apporté le titre de duc d’Angoulême, Françoise-Marie de Valois, fille de Louis-Emmanuel de Valois, duc d’Angoulême, et de Henriette de La Guiche, perdit son mari en 1654. Née en 1630, elle avoit passé la première jeunesse à l’époque où nous sommes arrivés, et n’avoit pas moins de 37 ans ; elle avoit un fils de 17 ans qui s’étoit marié au mois de mai de cette même année 1667.
  94. Marie-Louise-Élisabeth-Aimée Pot, fille de Claude Pot, seigneur de Rhodes, grand-maître des cérémonies de France, et d’Anne-Louise-Henriette de La Châtre. Elle fut fiancée, le 24 mai 1646, à François-Marie de L’Hôpital, duc de Vitry et de Château-Villain, qu’elle épousa peu de temps après.
  95. Quel nom propre est caché derrière ce nom de seigneurie ? Les dictionnaires généalogiques ne le disent point, et les mémoires n’ont pas parlé d’elle.
  96. La première femme de François de Rohan, prince de Soubise, mourut en 1660. En 1663, il épousa Anne Chabot de Rohan, de la même famille que lui par sa mère. Elle étoit née en 1648 et mourut en 1709, ayant le titre de dame du palais de la reine depuis 1679. Au temps de ce récit, elle avoit à peine dix-huit ans.
  97. Voy. dans cette collection, notre édit. du Dictionnaire des Précieuses, t. 1, p. 38, et t. 2, p. 80 et suiv.
  98. François d’Aubusson, troisième du nom, comte de La Feuillade, duc de Roannez, et depuis maréchal de France. Il avoit épousé, en avril 1667, quelques mois avant ce récit, Charlotte Gouffier, fille d’Artus Gouffier, marquis de Boissy.
  99. Louis-Victor de Rochechouart, duc de Vivonne-Mortemart, né en 1636 de Gabriel de Rochechouart, duc de Mortemart, et de Diane de Grandseigne ; maréchal de France en 1675 ; il étoit père de madame de Thianges et de madame de Montespan.
  100. François-Michel Le Tellier, marquis de Louvois, etc., ministre et secrétaire d’État, né en janvier 1641 Il avoit épousé, en 1662, Anne de Souvray. Il mourut subitement en juillet 1691.
  101. Louis de Crevant, troisième du nom, premier duc d’Humières, fils de Louis Crevant III, marquis d’Humières, et d’Isabeau Phelippeaux. Il étoit né en 1628, et avoit épousé, le 8 mars 1653, Louise-Antoinette-Thérèse de La Châtre. Il mourut en 1694, avec le titre de maréchal de France.
  102. Ce dernier nom manque dans la copie de Conrart : le récit d’ailleurs est le même, mais plus serré et plus simple dans le ms.
    Les biographies font mourir madame de Choisy en 1660, et nous-même avons trop facilement accepté cette date dans notre édit. du Dict. des Précieuses, t. 2 p. 203. Ce passage, qui rapporte un fait de l’an 1667, le prouve déjà. Ajoutons qu’il existe à la Bibliothèque de l’Arsenal, sous le nº 148 B. L, in-fol. ms., une lettre d’elle au duc de Chaulnes, ambassadeur à Rome en 1668 ; et enfin (ce détail nous est fourni par M. Desnoiresterres, qui publie les mémoires de l’abbé de Choisy son fils), à la date du 1er juin 1669 Bussy rapporte une anecdote singulière sur sa mort. Madame de Choisy mourut donc à la fin de 1668 ou au commencement de 1669. Pour d’autres détails sur cette femme célèbre, voy. le Dict. des Précieuses, t. 1, p. 55, 117, 205, et t. 2 p. 203-205.
  103. De deux mille escus, dit la copie de Conrart.
  104. Cette phrase manque dans le ms. de Conrart.
  105. Louis de Bourbon, comte de Vermandois, amiral de France, né le 2 octobre 1667, mort en 1683.
  106. « Madame de Montausier… lui dit sincèrement ses sentimens sur la passion du Roi, car il étoit allé faire un tour au Louvre, où sa présence étoit nécessaire. On peut s’imaginer le gré qu’elle en a sçu à madame de Montausier. Le Roi l’assura qu’il en auroit des reconnoissances toutes royales, et en effet il les a eues. En vérité, cette dame a eu raison de faire valoir à La Vallière les marques d’amour du Roi, étant certain… » (Copie de Conrart.)
  107. Var. : « Cependant il n’avoit point mal au cœur de s’y mettre jusqu’au col pour La Vallière, la veste en fait foi, qu’il n’a pu porter depuis tant d’années ; elle est en un pitoyable état. Il ne pensoit pas mesme à se laver, quoiqu’il en eust un besoin extrême ; tous les jours il étoit cloué au chevet de son lit ; il luy donnoit luy-mesme ses bouillons. Mais quel que soin… » (Copie de Conrart.)
  108. Les passages entre crochets manquent dans la copie de Conrart.
  109. Antoine Charles, comte de Louvigny, frère du comte de Guiche et de la princesse de Monaco. Après la mort du comte de Guiche, en 1673, il prit le nom de comte de Guiche, et enfin, en 1678, à la mort du maréchal son père, le titre de duc de Grammont.
  110. Marguerite-Louise-Suzanne de Béthune, mariée à treize ans au comte de Guiche. « Le comte de Guiche se soucioit si peu de sa femme, qu’il n’avoit épousée que parceque son père le vouloit, qu’il étoit bien aise de ne la jamais voir, et on disoit qu’il vivoit avec elle comme un homme qui vouloit se démarier un jour. » Dès les premiers temps de ce mariage, Benserade, dans son ballet d’Alcidiane, faisoit dire au comte de Guiche (1658) :
    Ma jeunesse, vive et prompte,
    Se modère d’aujourd’hui,
    Et trouvoit assez son compte
    Parmi les troupeaux d’autrui.
    Mais un pasteur m’a fait prendre
    Une brebis jeune et tendre,
    Douce et belle à regarder.
    Elle est tout à fait mignonne.
    Bien m’en prend qu’elle soit bonne,
    Car il faut toujours garder
    Tout ce qu’un pasteur nous donne.
  111. Var. : Le ms. de Conrart est ici tout différent du texte que nous avons suivi. Il est surtout beaucoup plus court. Après la phrase qu’on vient de lire, on trouve ce passage :
    « Pour Vardes, il a été si constant pour feu madame d’Elbœuf, qu’on lui feroit tort de douter qu’il le fût pour une femme qu’il aime si tendrement. Mais de toutes les amours du Palais-Royal, c’est celles du Roi et de La Vallière où il se trouve le plus de constance, de vertu et de tendresse. Et comme ils ont tous deux beaucoup d’esprit, de fermeté et de grandeur, leurs passions sont plus fortes et leur amitié sera sans doute plus grande que celle de Madame et de la princesse de Bade pour le comte de Froulay. Madame de Montausier lui envoya des tablettes, du consentement du Roi, qui dit vingt fois que madame de Montausier avoit raison et qu’il seroit admirable d’embarrasser La Vallière et de les lui envoyer par un visage inconnu. Voici ce qu’elle ajouta au bas de cette conversation :
    Est-il rien de plus beau ? »
    Il nous semble qu’il y a plutôt ici une suppression qu’il n’y auroit une addition dans notre texte.
  112. Armande de Saint-Gelais de Lusignan de Lansac, dont il est souvent parlé, avant son mariage, sous le nom de mademoiselle de Saint-Gelais, dans les écrivains du temps, avoit épousé Charles III, premier duc de Créqui, dont elle eut une fille, Magdelaine qui fut mariée en 1657 à Charles Belgique Holland de la Trémouille, prince de Tarente. On trouve son portrait, par le marquis de Sourdis, dans le Recueil de Mademoiselle. (Voy. édit. de Maëstricht, à la suite des Mémoires, t. 8, p. 282.) Le marquis vante sa beauté, sa prudence à la cour, sa piété.
  113. Le légat ordinaire du Saint-Siége étoit le cardinal Antoine Barberin, grand-aumônier de France ; mais comme le cardinal Antoine avoit alors soixante ans, on voit facilement qu’il est ici question du légat extraordinaire qui fut envoyé en France à cette époque, et pour qui des fêtes brillantes furent données à Fontainebleau, le card. Fabio Chigi, neveu du pape Alexandre VII. Il avoit fait son entrée à Paris le 9 août 1664.
  114. D’une célèbre famille du Maine, d’où sortit entre autres le maréchal de Tessé, neveu à la mode de Bretagne du comte de Froullay dont il s’agit ici, lequel étoit fils de Charles de Froullay et de Marguerite de Beaudan. Il fut, après son père, grand maréchal des logis de la maison du roi, avec 3,000 livres de gages, bouche à la cour ou son plat, deux pistoles par jour quand la cour marche, et autres appointements. Il mourut sans alliance, en 1675, dans un combat près de Trèves.
  115. Tout le passage qui suit, jusqu’à la fin, manque dans la copie de Conrart. Nous donnons à la suite de cette histoire le texte qui se trouve dans le manuscrit.
  116. Claire-Clémence de Maillé-Brezé, fille du maréchal de Brezé et de la sœur du cardinal de Richelieu.
  117. Voy. plus haut.
  118. Voy. plus haut.
  119. Louis-Charles, prince de Courtenay, comte de Cesy, fils de Louis, prince de Courtenay, et de Lucrèce-Chrétienne de Harlay. Il étoit né le 24 mai 1640 ; il se maria en 1669.
  120. Armand de Bourbon, prince de Conti, frère du grand Condé.
  121. Le marquis de Laigues (et non l’Aigle), étant allé à Bruxelles en 1649, pour traiter avec l’Espagne au nom des Frondeurs, y trouva madame de Chevreuse. Laigues étoit jeune et fort bien de sa personne ; il réussit à lui plaire, et tous deux s’attachèrent si bien l’un à l’autre qu’ils ne se quittèrent plus. Brienne regarde aussi le marquis de Laigues comme « le mari de conscience de la duchesse ». Voy. M. Cousin, Vie de madame de Chevreuse, p. 225.
  122. Lisez : d’Artigny. Voy. plus haut.
  123. Tallemant a parlé longuement des amours du duc de Guise et de mademoiselle de Pons. Voy. édit in-18, tom. 7, p. 111 et suiv.