Histoire amoureuse des Gaules/Tome 3/Avertissement du Libraire au Lecteur

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SUITE DE LA FRANCE GALANTE OU LES DERNIERS DÉRÉGLEMENTS DE LA COUR.


AVERTISSEMENT[1] DU LIBRAIRE AU LECTEUR.[2].

L’auteur de la suite de la France Galante a été si mal informé de ce qui s’est passé sur le sujet de Madame de Maintenon, que l’on peut dire que la plupart des choses, qu’il y a avancées n’ont été que pour grossir son historiette[3]. Il y a même mis plusieurs choses malhonnêtes et peu séantes à un auteur, qui doit être plus modeste, et qui doit savoir que son ouvrage sera lu par l’un et l’autre sexe. Aussi la plupart n’ont pas voulu le lire à cause des saletés qu’ils y ont trouvées, mais surtout les dames, dont quelques-unes se sont plaintes de ce que plusieurs auteurs, par leurs ordures[4], les privoient de lire plusieurs petites histoires galantes de ce temps. C’est donc pour y remédier et satisfaire à leur curiosité que j’ai bien voulu, dans cette seconde édition, corriger toutes les périodes sales et les faussetés que j’ai remarquées dans l’autre édition, pour les accommoder au goût de toutes sortes de personnes. C’est, dis-je, pour leur faire plaisir que j’ai fait imprimer cette seconde édition, dans laquelle je me suis étudié à leur plaire. Si l’auteur de la première a tiré, comme il dit, de la cassette de madame de Maintenon tout ce qu’il a inséré dans son ouvrage, j’ose dire que c’est une fort vilaine cassette. Ainsi l’on pourra lire cette édition sans scrupule, et j’espère que l’on me saura bon gré de la peine que j’ai prise à faire ce retranchement, comme je ferai encore à l’avenir, en tout ce qui passera de tel par mes mains. Adieu.

  1. Deux éditions de ce pamphlet ont paru : l’une reproduite par l’édition de 1754 et les éditions modernes, l’autre par l’édition de 1740. Toutes deux sont également fausses, et, à ce titre, la plus courte nous a paru la meilleure. Toutefois, nous reproduisons en note les passages de la première supprimés dans la seconde.
  2. Var. I.
    AU LECTEUR.

    L’amour et la fortune ont des effets si bizarres et si surprenants que l’esprit de l’homme, qui s’accoutume à penser à toutes choses, n’y sauroit penser sans étonnement. On n’y voit pas seulement les plus viles et les plus abjectes créatures élevées jusques au faîte de la gloire et de la grandeur, mais encore les plus hautes et les plus agréables renversées par le caprice de ces brutales passions et de ces chimériques effets de l’imagination que les hommes encensent comme des divinités ; et la nature n’a jamais tant eu de diversités dans ses productions que l’amour et la fortune en ont dans leurs adorateurs et dans leurs esclaves. L’histoire que nous entreprenons d’écrire nous marquera cette vérité. Madame de Maintenon en sera l’héroïne. Elle en est aussi la preuve la plus surprenante et la plus agréable, comme la suite le pourra faire voir ; heureuse elle-même, si dans la vie on peut réputer pour bonheur la prospérité dont elle jouit. Au reste, je veux bien avertir le lecteur que, quoique diverses personnes aient écrit sur de semblables matières et n’aient fait que de purs romans, au moins ce que j’écris est une vérité essentielle, car les Mémoires d’où ceci est tiré sont sortis de la cassette de madame de Maintenon. Ils sont en partie écrits de sa propre main, et nous les avons recouvrés d’une demoiselle qui l’a servie pendant un assez long temps. C’est donc d’elle que nous tenons ce que nous allons vous exposer. Je souhaite qu’il vous satisfasse autant qu’il m’a satisfait dans la peine que j’ai prise à rassembler les Mémoires que je vous donne ; et s’il y a quelque chose de ridicule, n’en accusez que les originaux, et non la copie. Adieu.

  3. L’auteur de cette préface a voulu faire son texte meilleur qu’il n’est. A quelques suppressions près, les deux textes sont, en général, également erronés.
  4. Le libraire calomnie l’édition rivale pour assurer le débit de la sienne. Ni dans l’une ni dans l’autre on ne trouve un style ordurier.