Histoire de la vie et des ouvrages de Saint-Évremond/Chapitre II

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II. Saint-Évremond aux jésuites. — L'académie. — Premières armes. — Les campagnes de Condé.
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CHAPITRE II.
Saint-Évremond aux jésuites. — L'académie. — Premières
armes. — Les campagnes de Condé.

Le collége de Clermont étoit alors dans tout l’éclat de sa prospérité. Malgré la puissance de l’Université qui leur avoit disputé le droit d’enseigner la jeunesse ; malgré le peu de sympathie que leurs doctrines ultramontaines inspiroient à l’ancienne Église gallicane, et la résistance constante que la magistrature françoise avoit opposée à leur introduction en France, les Jésuites surmontant tous les obstacles, avoient fondé dans Paris l’un des plus grands établissements qu’ils aient eu dans le monde. Ils s’étoient, presque furtivement, logés d’abord rue des Carmes, dans les bâtiments abandonnés du vieux collège des Lombards ; puis, rue de la Harpe, dans l’hôtel même de Guillaume Duprat, évêque de Clermont, leur opulent et zélé protecteur. Mais lorsqu’ils eurent recueilli les libéralités que ce dernier leur laissa, par son testament, en 1560, et qu’ils eurent triomphé de l’opposition de l’Université soulevée à l’occasion de ce legs fameux, ils achetèrent rue St-Jacques, en face de la rue des Poirées, un hôtel, ou local, appelé la Cour de Langres, où ils firent approprier un collége, que, du nom de leur protecteur, ils appelèrent Collége de Clermont1. Les vicissitudes de cet établissement furent diverses, comme celles que subit la Société de Jésus elle-même, dans ces temps difficiles. Mais, à partir de 1603, où les jésuites furent rappelés, après un bannissement de neuf années, le Collége de Clermont prit un rapide essor, et s’éleva au plus haut degré de faveur, dans l’opinion. Les enfants de la haute noblesse et de la riche bourgeoisie, furent confiés à ce collége, pour leur éducation. Précurseur de Voltaire, Saint-Évremond fut, comme Voltaire, élevé aux Jésuites.

Entré en cinquième au Collége de Clermont, Saint-Évremond y parvint, en quatre années, aux classes supérieures d’humanités, et fit sa rhétorique sous le père Canaye : personnage qu’il a rendu célèbre, et dont il avoit gardé un souvenir qui s’est retrouvé sous sa plume piquante, dans la Conversation du maréchal d’Hocquincourt2. M. de Saint-Denis, homme éclairé, n’ayant pas voulu que l’éducation tout entière de son fils fût dirigée par les jésuites, lui fit étudier la philosophie, à l’université de Caen, puis au collége de Harcourt, autre collége renommé de Paris, fondé au treizième siècle, par un gentilhomme de Normandie, et dont nous avons vu naguère disparoître les vieux murs, pour faire place aux constructions nouvelles du Lycée Saint-Louis. En même temps, Saint-Évremond suivoit ce qu’on appeloit l’Académie : école de gentilshommes, où l’on apprenoit à monter à cheval, à faire des armes ; le blason, un peu de mathématiques et d’histoire militaire.

Ces académies étoient ordinairement établies dans un vaste enclos. On y exécutoit, avec appareil, des courses de bague, et divers exercices de chevalerie. Une année ou deux y étoient consacrées, et l’on disoit du jeune homme, pendant ce temps, qu’il faisoit ses exercices. Il y avoit au dix-septième siècle plusieurs académies renommées. Loret raconte une fâcheuse aventure, arrivée le 25 mars 1651, chez Mémont, grand académiste, où de belles dames étoient venues assister à une course de bague. La Cour du Dragon, objet d’effroi pour ceux qui la traversent aujourd’hui, étoit alors une académie célèbre, qui recevoit des élèves internes et externes, sous la direction de M. de Longpré. Cette école fut un moment sans rivale. L’académie de M. de Benjamin jouissoit aussi de beaucoup de réputation, et le grand Condé y reçut l’instruction du gentilhomme.

Le plan de Comboust indique encore d’autres académies : celle de del Campo, entre la rue du Four et la rue du Vieux-Colombier ; celle de Forestier, rue de Sorbonne ; celle de M. de Toise, rue Saint-Honoré, joignant le célèbre manége qui occupoit la place actuelle de la rue de Rivoli, entre la rue de la Paix et les Tuileries.

Pluvinel, premier écuyer du roi, et gentilhomme de la chambre, avoit sous Henri IV, établi, au Louvre même, une académie qui servit de modèle aux autres, et dont M. de Benjamin fut le second directeur.

Loret (31 janvier 1654), qualifie de Manége royal, l’académie tenue par Arnolfini, au Petit-Bourbon3, et où le jeune roi Louis XIV, alloit apprendre à monter à cheval4. Pluvinel avoit donné ce même titre, au livre curieux qu’il composa, pour l’instruction de ses élèves. Saint-Évremond, dit Des Maizeaux, « ne se distingua pas moins dans ses exercices que dans ses études, et particulièrement dans celui de faire des armes, de sorte qu’on parloit de la botte de Saint-Évremond. »

Mais, destiné par sa famille à la magistrature, il commença, vers 1628, l’étude du droit, peu compatible, en apparence, avec ses penchants, mais à laquelle, cependant, il appliqua sérieusement son attention, pendant un an : l’estimant déjà comme la plus digne d’un homme qui veut ou doit prendre une part active à la direction des affaires de son pays. Il s’en expliquoit encore en ces termes, quarante ans après, dans une épitre célèbre adressée au maréchal de Créqui.

Bientôt après, cédant à un entraînement irrésistible, Saint-Évremond embrassa la carrière des armes, pour laquelle il avoit plus d’inclination (1629). La Rochelle venoit de se rendre, et Richelieu, après avoir réduit à l’obéissance la rébellion des réformés, tournoit ses regards vers un autre et grand objet de sa politique, l’abaissement de la maison d’Autriche. Il préparoit une expédition, que Louis XIII devoit commander en personne, pour relever en Italie le crédit de la France, atteint dans sa considération. En haine du nom françois et du patronage de la France, Charles, duc de Nevers, étoit repoussé de la principauté de Monferrat et du duché de Mantoue, dont il étoit l’héritier légitime, par la coalition de l’Espagne, qui soutenoit d’autres prétendants à l’héritage, et de l’Autriche qui prétendoit occuper à titre de séquestre, les États en litige, jusqu’à la fin du débat. Une armée de 40 000 François alloit passer les monts, destinée à soutenir le duc de Nevers ; et au nombre des généraux qui la commandoient, sous le roi, se trouvoit le maréchal de Bassompierre, beau-frère du comte de Tillières, et proche allié de Saint-Évremond. La réputation du maréchal, son esprit, et l’occasion de se distinguer avec éclat, sous les yeux du prince lui-même, tout séduisit notre jeune homme, qui s’enrôla dans les troupes dirigées vers le pas de Suze ; il y fut reçu en qualité d’enseigne. En tête de cette armée, se trouvoit aussi le premier maréchal de Créqui, célèbre par sa valeur, par ses duels avec don Philippe de Savoie5, et dont le fils, qui fut depuis un des plus habiles généraux du dix-septième siècle, étoit déjà connu de Saint-Évremond, qui l’avoit rencontré à l’Académie. On sait quel fut le résultat de cette guerre, terminée par le traité de Chérasque, et par la paix de Saint-Germain, qui donna Pignerol à la France. Saint-Évremond y gagna une lieutenance (1632).

On étoit, alors, en pleine guerre de Trente ans. Tout le monde connoît, et la part qu’y prit la France, dès sa première période ; et le traité passé par Richelieu avec Gustave-Adolphe, pour s’assurer la coopération de ce prince ; et la mort du roi de Suède, dans sa victoire de Lutzen ; et comment Richelieu, poursuivant ses profonds desseins, fut conduit à porter activement la guerre en Allemagne. Saint-Évremond fit, sur le Rhin et dans les Pays-Bas, les campagnes de 1632 à 1636, et s’y montra bon officier. Il se distingua surtout, en 1637, à la prise de Landrecies, où sa belle conduite lui fit obtenir une compagnie. Il y servoit sous le cardinal de la Valette, et ce fut la première occasion de ses rapports avec le duc de Candale, frère cadet du cardinal, avec le vicomte de Turenne, dont Saint-Évremond fut heureux d’étre remarqué ; et avec le comte de Guiche, devenu plus tard le maréchal de Grammont, frère aîné du célèbre chevalier illustré par Hamilton.

Mais la vie militaire, où Saint-Évremond se trouvoit engagé, n’absorba point les facultés de son esprit ; la profession des armes fut, au contraire, pour lui, et par un heureux concours de circonstances, un complément d’éducation, qui n’a pas été sans influence sur sa destinée. Le métier de la guerre, alors, n’exigeoit point le sacrifice de la vie entière, comme aujourd’hui ; et le service des armées permanentes n’étoit point ce qu’il est devenu. En quartier d’hiver, peu d’officiers restoient au régiment. Ils revenoient dans leurs foyers, et le monde et la guerre avoient ainsi chacun leur temps ; la noblesse partageoit son année entre les salons et les camps. La guerre avoit sa saison, le salon avoit la sienne. Les gentilshommes entroient en campagne au printemps, livroient des combats, assiégeoient des places ; et retournoient, l’hiver, cultiver leurs affections et leur esprit, dans leurs châteaux ou dans la société parisienne. Telle étoit alors la vie de la noblesse françoise. Pendant les mois de trêve, elle s’adonnoit aux arts de l’intelligence, et aux relations du monde ; et, les mois de la guerre revenus, elle couroit batailler aux frontières, enflammée de l’amour de la gloire, et de l’ambition de la renommée. Tous les rapports sociaux se ressentaient de ce mélange de préoccupations, chez les hommes comme chez les femmes.

On comprend sans peine quelle supériorité d’esprit un jeune homme aussi bien élevé, aussi bien préparé, que l’étoit Saint-Évremond, dut porter dans l’exercice de la profession militaire ; et quelle influence, à son tour, la vie indépendante des camps, l’habitude journalière des privations et des périls, dut exercer sur une âme qui avoit reçu de la nature même un rare talent. Cette admirable école de l’ancien officier françois a fourni aux lettres Brantôme, Descartes, la Rochefoucauld, Bussy-Rabutin, Saint-Évremond, Saint-Simon, Vauvenargues, Tracy ; sans compter Malherbe, Racan, Parny, et bien d’autres.

Saint-Évremond en rapporta l’émancipation de sa pensée, un esprit pratique et vrai, un tact délicat et sûr, que ne sauroient donner les leçons du collège. Il lut Montaigne, dont le P. Canaye avoit oublié de lui parler, et il en fit le livre de toute sa vie. Il nous apprend lui-même que, vers cette époque, son esprit se porta vers les matières philosophiques, avec une curiosité profonde et réfléchie. Il examima s’il étoit bien vrai que les maîtres lui eussent fait connoître la nature des choses. Ce qu’ils lui avoient fait recevoir comme évident, dit Des Maizeaux, lui paroissoit à peine vraisemblable. Le scepticisme avoit en lui déjà l’un de ses adeptes. Les conversations qu’il eut avec Gassendi datent de ce temps (1639). Elles portèrent leur fruit et fixèrent sa vocation pour le doute philosophique. Alors, dit-il, « la philosophie qui m’étoit déjà suspecte, me parut trop vaine, pour m’y assujétir plus longtemps : je rompis tout commerce avec elle, et commençai d’admirer comme il étoit possible à un homme sage de passer sa vie à des recherches inutiles. »

Non content d’employer ses facultés supérieures à l’analyse de la certitude et à l’observation générale des phénomènes de la vie humaine, il voulut assouplir son intelligence par les exercices les plus variés : tantôt, animant son imagination, par la poésie ; et tantôt, reportant vers la critique littéraire les jugements de son esprit.

Le goût de la littérature italienne, introduit par les Médicis, avoit encore la vogue, dans les salons. Anne d’Autriche y ajouta celui de la littérature espagnole, jusqu’alors peu connue à Paris. Saint-Évremond dut s’appliquer à l’étude de ces deux littératures, qui, au début du dix-septième siècle, offroient à l’esprit françois des modèles, dont notre langue étoit encore dépourvue. Le génie, le tour, l’agrément et les défauts de ces deux littératures se retrouvent dans Saint-Évremond.

Il porta donc, dans les camps, la politesse de l’homme du monde, et l’esprit cultivé de l’homme de lettres ; et ces avantages se joignant à l’aptitude militaire, lui valurent l’estime et l’amitié des personnages les plus distingués de cette époque. Il avoit été remarqué, à l’expédition de Trêves, par le maréchal d’Estrées, qui, malgré la distance des âges, l’honora de sa bienveillance et fut charmé d’une liberté d’esprit qui convenoit à la sienne6. Il se fit de plus particuliers amis, au siége d’Arras, de 1640, où la plus belle jeunesse de France fit assaut de bravoure, d’aventures et d’exploits chevaleresques. Il s’y acquit l’affection demeurée inviolable du comte de Miossens, connu depuis sous le nom de maréchal d’Albret ; et du comte de Palluau, qui fut ensuite le maréchal de Clérembaut.

Mais ce qui le flatta le plus, ce fut d’être distingué par le duc d’Enghien, jeune général d’héroïque espérance, qui s’éprit pour Saint-Évremond d’un goût justifié par son talent, sa valeur et ses belles manières. Saint-Évremond étoit de ceux avec qui le prince aimoit à se retirer et à s’entretenir familièrement ; on le mettoit même assez souvent des parties de plaisir du prince ; et celui-ci étoit si charmé de sa conversation, qu’il lui donna la lieutenance de ses gardes (1642), afin de l’avoir toujours auprès de lui7. Il voulut aussi qu’il assistât à ses lectures, auxquelles on sait que le prince donnoit tout le temps qu’il pouvoit dérober aux soins du commandement. Saint-Évremond ne s’y borna point au rôle d’assistant passif ; il prenoit une part active aux discussions qui les suivoient, et il n’oublia rien pour rendre ces lectures intéressantes et utiles au duc d’Enghien, aux côtés duquel il combattit à Rocroi (1643). Je ne redirai point ici cette bataille, sur laquelle la relation de Lenet, et une savante dissertation de M. Cousin ont jeté un jour lumineux : bataille que Schiller n’a pas daigné mentionner, dans l’Histoire de la Guerre de Trente ans, bien que ce fait d’armes en ait été l’un des plus brillants épisodes. Je remarquerai seulement que la compagnie des gardes, où servoit Saint-Évremond, faisoit partie du corps d’élite confié à Gassion, la veille de l’affaire, pour faire pointe dans la plaine de Rocroi, et préparer, par cette périlleuse manœuvre, l’exécution des plans arrêtés par le prince pour la belle journée du lendemain8. De cette année 1643 datent les relations particulières de Saint-Évremond avec Fouquet. Ce dernier étoit alors intendant de l’armée, et en sa qualité de chef du service des approvisionnements, il avoit des rapports multipliés avec la maison militaire du prince, dont Saint-Évremond faisoit partie. Fouquet étoit un homme de beaucoup d’esprit : on ne sera pas étonné qu’il ait trouvé celui de Saint-Évremond à son gré.

Lorsque l’armée eut pris ses quartiers d’hiver, Saint-Évremond revint, avec le duc d’Enghien, à Paris ; il y fut témoin de la réception enthousiaste que la cour et la ville firent au vainqueur. Admis dans les salons de l’hôtel de Condé, rendez-vous de la plus grande et de la plus spirituelle compagnie, Saint-Évremond y trouva un nouveau théâtre de succès ; je le soupçonne même d’y avoir fait partie de la fameuse cabale des petits maîtres.

Après la reprise des hostilités, vint la bataille de Fribourg en Brisgau (1644), si sanglante et si disputée, du moins au début, et où Saint-Évremond combattant encore auprès du duc d’Enghien, partagea tous les périls auxquels le prince fut exposé. L’année suivante (1645), il se trouvoit à la bataille de Nordlingen, où il fut grièvement blessé. Ayant reçu l’ordre de se mettre à la tête d’une troupe choisie, pour prendre à revers une hauteur occupée par les ennemis, et d’où ils incommodoient l’armée françoise, il essuya pendant trois heures le feu de leur mousqueterie et d’une batterie de campagne. Il opéra, sans doute, une diversion puissante, mais il y perdit presque tout son monde, et il fut blessé lui-même, au genou gauche, d’un coup de fauconneau. On demeura quelques semaines dans l’incertitude sur le sort de ses jours. Sa bonne constitution et l’habileté d’un chirurgien le sauvèrent de la mort.


NOTES

1. Cet ancien bâtiment ne subsiste plus ; il fut démoli, en 1628, pour faire place à des constructions nouvelles, et plus considérables, qui, sous Louis XIV, reçurent le nom de Collége Louis-le-Grand. C’est le lycée impérial de ce nom, qui existe encore de nos jours.

2. Voy. pag. 38 de ce vol.

3. Ancien et vaste hôtel du connétable de Bourbon, confisqué, comme ses autres biens, après sa rébellion, et démoli, en 1660, pour faire place à l’aile du Louvre actuel, où nous admirons la colonnade. Au dix-septième siècle, on voyou encore, peinte en jaune, en signe d’infamie, sa porte d’entrée qui donnoit sur l’ancienne rue des Poulies. La galerie de cet hôtel, où Louis XIV, dans sa jeunesse, a dansé des ballets célèbres, se prolongeoit jusqu’à la Seine. Molière y a joué la comédie. Voy. le livre curieux de M. Éd. Fournier : Paris démoli. — Cf. Cousin, J. de Long., p. 69.

4. On trouve des détails intéressants au sujet de l’instruction que l’on recevoit à l’académie, dans l’ouvrage rare de Nemeitz, intitulé : Séjour de Paris… pour les voyageurs de condition. Leide, 1727, 2 vol. in-12. — Sur le livre recherché de Pluvinel, voy. Brunet, hoc Vº.

5. Don Philippe ou Philippin, bâtard de Savoie, craignant d’être reconnu, dans une retraite précipitée, remit à un soldat son écharpe, dont lui avoit fait présent une belle dame. Le soldat fut pris par Créqui, ainsi que l’écharpe, dont ce dernier connut ainsi l’histoire. Créqui ayant fait dire à don Philippin d’avoir plus de soin, à l’avenir, des faveurs de sa belle, Don Philippin envoya un cartel à Créqui, mais oublia de se trouver au rendez-vous. Créqui fut fait prisonnier, à son tour, par le duc de Savoie, et Don Philippin étant allé lui rendre visite, Créqui ne demeura pas en reste de coups de bec avec lui. Après l’échange des prisonniers, Philippin appela de nouveau Créqui en duel, et les deux champions s’étant rencontrés, tout se passa en explications dont Créqui fit imprimer un récit qui déplut à don Philippin. Le combat étoit inévitable. Don Philippin y fut dangereusement blessé. Créqui lui donna la vie, mais il eut le tort de s’en vanter, et Philippin exaspéré, provoqua de nouveau Créqui à se battre. Au rendez-vous, près la frontière, les adversaires ne purent s’entendre sur la forme du duel, et Créqui publia une nouvelle relation, peu gracieuse pour don Philippin, lequel, après avoir riposté par un autre imprimé, envoya un dernier défi, qui ramena les deux champions en présence. Ils se battirent en chemise et en caleçons, à l’épée et au poignard. La lutte fut acharnée, désespérée. Philippin eut un moment le dessus ; on crut Créqui perdu. Mais celui-ci ayant gardé plus de sang-froid, finit par l’emporter et frappa Philippin de trois coups mortels, dont le dernier le cloua contre terre.

(Voy. Tallemant, I, p. 138, avec la note de M. Paulin Paris ; la Colombière, Chorier, Brantôme, etc.)

6. Voy. sur le maréchal d’Estrées, ses curieux Mémoires de la régence de Marie de Médicis, dans la Collection de Michaud et Poujoulat ; et l’Historiette de Tallemant, I. Pag. 383.

7. Voy. Des Maizeaux, et la préface de Silvestre.

8. Lenet, édit. de Champollion, pag. 479.