Histoire des églises et chapelles de Lyon/Lazaristes

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H. Lardanchet (tome Ip. 337-351).

LAZARISTES

Il n’est personne qui ne connaisse de réputation la congrégation de missionnaires fondée par saint Vincent de Paul et répandue maintenant dans le monde entier. Ce grand serviteur de Dieu naquit à Pouy, au diocèse de Dax, en 1576, de parents obscurs : il garda d’abord les troupeaux, mais la pénétration et l’intelligence qu’on remarquait en lui engagèrent ses parents à l’envoyer à Toulouse. Après avoir fini ses études, il fut élevé au sacerdoce en 1600. Un modique héritage l’ayant appelé à Marseille, le bâtiment sur lequel il revenait à Narbonne tomba entre les mains des Turcs ; esclave, à Tunis, sous trois maîtres différents, il convertit le dernier. Tous deux s’embarquèrent, et abordèrent heureusement à Aigues-Mortes en 1607. Le vice-légat d’Avignon, instruit du mérite de Vincent, le conduisit à Rome. Là, il fut chargé d’un important message pour Henri IV en 1608. Louis XIII le nomma abbé de Chaulne, et la reine Marguerite de Valois le prit pour aumônier.

Madame de Gondy, chez qui, plus tard, il devint précepteur, l’engagea à former une congrégation de prêtres qui iraient faire des missions à la campagne. Cette communauté, qui connut d’abord d’humbles débuts, et dont les membres se nommèrent prêtres de la Mission, prit le nom de Lazaristes, lorsque le prieuré de Saint-Lazare lui fut cédé par les chanoines de Saint-Victor, en 1633. Le digne prêtre mourut dans cette maison, le 27 septembre 1660, après une vie consacrée tout entière à des œuvres de prédication et de charité.

La fondation d’une maison à Lyon ne devait venir qu’après la mort du saint prêtre. Elle se produisit dans des circonstances particulièrement intéressantes.

Décidée le 30 août 1668, elle est due à l’abbé Pierre Chomel, comme l’apprend un acte conservé aux Archives départementales, et dont voici des extraits : « Par devant les notaires du roi, au Châtelet de Paris, soussignés, fut présent Pierre Cluimel, prestre, ci-devant conseiller du roi en sa cour de parlement de Paris, demeurant dans le séminaire des Bons-Enfants, proche la porte Saint-Victor, paroisse Saint-Nicolas du Chardonnet, lequel ayant connaissance des grands biens spirituels que font les prêtres de la congrégation de la Mission, partout où ils sont établis et exercent les fonctions de leur institut, et désirant reconnaître les obligations qu’il a à cette congrégation depuis plusieurs années, il a cru ne le pouvoir mieux faire qu’en contribuant à une fondation de ces prêtres en quelque diocèse, où jusqu’à présent ils ne sont point établis. Ayant appris qu’une maison serait fort nécessaire à ces prêtres à Lyon, à cause du besoin qu’ils ont de passer fréquemment par cette ville pour aller dans les provinces voisines, et dans l’Italie où ils ont plusieurs maisons : il a jeté les yeux sur la ville de Lyon, préférablement à toute autre, dans l’espérance que les fonctions de la congrégation produiront, avec le temps, des fruits considérables dans toute l’étendue du diocèse et particulièrement dans les paroisses de la campagne, où les prêtres ont coutume de faire des missions gratuitement pendant sept à huit mois de l’année, sans être aucunement à charge aux peuples.

« Pour ces causes, le sieur Chomel a donné, par ces présentes, par donation irrévocable, à la congrégation de la Mission stipulant par René Aimeras, prêtre, supérieur général, demeurant en la maison de la Mission établie à Saint-Lazare-lès-Paris, mille livres de rente, appartenant au donateur, et à lui dus par Philippe Andrault de Langeron, chevalier, comte de Langeron et dame Claude Paye Despesses, son épouse, qui ont solidairement constitué cette rente à son profit, sous l’acceptation de Claude Chomel, son frère, moyennant la somme de 20.000 livres, par contrat passé par devant Louis Langlois et Philippe Le Moyne, notaires au Châtelet, le 10 juin 1659. À ce contrat est intervenu Séraphin de Mauroy, conseiller du roi, constitué caution pour les sieurs et dame de Langeron, de la rente. Outre, le donateur transporte à la congrégation, sous l’acceptation du sieur Aimeras, les arrérages dus et échus de la rente depuis le 10 juin dernier.

« La présente donation est ainsi faite pour être employée au commencement de l’établissement d’une maison de la Mission à Lyon, qui sera composée de tel nombre de prêtres qui sera jugé à propos par le supérieur général, et à proportion du revenu de la fondation qu’il a dessein d’augmenter avec le temps, tout autant qu’il pourra, pour donner lieu aux prêtres de faire plus facilement leurs fonctions dans le diocèse. Le tout sous le bon plaisir et l’agrément de monseigneur l’archevêque de Lyon. » Afin de faciliter cet établissement qui est irréalisable si les missionnaires n’ont pas un logement dans notre ville, le donateur « promet de fournir au sieur Aimeras, dans deux ans, et même plus tôt, la somme de 10.000 livres, pour être employée à l’acquisition d’une maison à Lyon, propre à loger les prêtres. Et, jusqu’au payement de la somme de 10.000 livres, le donateur payera 500 livres par an, du jour que les prêtres auront pris à loyer une maison à Lyon ; pour laquelle meubler le donateur a présentement fourni au sieur Almeras la somme de 1.000 livres, en louis d’or, louis d’argent et monnaie ».

Deux mois après cette donation, le 29 octobre 1668, le supérieur de la Mission acceptait l’offre de M. Chomel, et recevait de celui-ci la somme promise de 10.000 livres pour l’achat de la maison nécessaire aux prêtres missionnaires. On n’avait pas négligé de s’assurer des dispositions de Camille de Neuville, archevêque et comte de Lyon, qui, le 14 novembre, confirmait l’établissement à Lyon des prêtres de la Mission, en donnant d’intéressantes explications, utiles à rappeler ici. « Bien que », dit-il, « par l’établissement que nous avons déjà fait, en notre diocèse, de deux séminaires et de deux communautés de prêtres missionnaires, nous ayons tâché de procurer aux ecclésiastiques de notre diocèse, et, par eux, aux peuples commis à notre charge, la connaissance et les instructions nécessaires pour leur salut, nous croyons néanmoins qu’il est encore de notre soin pastoral d’augmenter, autant que nous pouvons, le nombre de ceux qui, par la dispensation de l’évangile et la pratique des vertus, peuvent enseigner utilement les devoirs chrétiens, et insinuer dans les cœurs l’amour de Dieu. C’est dans cette vue qu’étant pleinement informé de la capacité, du zèle ardent et de la vertu exemplaire des prêtres de la congrégation de la Mission, dûment autorisée par les souverains pontifes, et des grands secours spirituels qu’en reçoivent plusieurs diocèses où ils sont établis, tant pour les séminaires que pour les missions ; vu la requête à nous présentée par René Aimeras, supérieur général de la congrégation, par laquelle il nous a exposé que Pierre Chomel, prêtre et ci-devant conseiller au parlement de Paris, avait, par un saint mouvement, formé le dessein de donner commencement à un établissement de cette congrégation à Lyon, nous, archevêque et comte de Lyon, avons, pour la plus grande gloire de Dieu et l’avantage de notre diocèse, permis l’établissement en cette ville d’une maison des prêtres de la Mission, pour y vaquer par eux les fonctions de leur institut, et y faire un séminaire ecclésiastique dans la ville et des missions gratuites dans les villages où le besoin le demandera. À condition toutefois qu’ils ne pourront prêcher, catéchiser, confesser ni rendre aucune assistance au prochain que sous notre autorité et par notre permission. Nous prions le ciel qu’il rende à messire Chomel la digne rétribution de sa piété et libéralité et qu’il favorise ses saintes intentions de ses grâces et bénédictions. »

Il fallut ensuite obtenir les autorisations nécessaires du Consulat ; elles ne tardèrent pas. Le 20 novembre, le prévôt des marchands donnait en ces termes son consentement à la fondation : « Ayant vu les lettres de monseigneur l’archevêque et comte de Lyon ; et après que le sieur Berthe, prêtre de la congrégation de la Mission, nous a assuré que les missionnaires ne seront en aucune façon à charge à cette ville, nous consentons que les missionnaires s’établissent en cette ville, en tel endroit qu’ils jugeront à propos ; à la charge que voulant y faire bâtir, ils seront tenus de prendre du Consulat les mesures et alignement en la forme et manière accoutumée, et auparavant de nous indiquer le lieu où ils désireront s’établir ; et aussi à condition que pour leur subsistance, ni pour quelque autre cause et occasion que ce soit, ils ne seront à aucune charge à cette ville. » Le document est signé : Mascrany, Falconet, Boisse et Blauf.

Tous ces préliminaires étaient nécessaires pour obtenir l’autorisation du pouvoir central. L’année suivante, en février 1669, Louis XIV accordait des lettres patentes à l’établissement et s’exprimait ainsi : « Désirant ne rien omettre de tout ce qui tourne à la gloire de Dieu et à l’édification de nos peuples, et d’ailleurs considérant que par la déclaration que nous avons fait expédier au mois de décembre 1606, touchant les nouveaux établissements, nous avons dispensé ceux des séminaires de toutes les formalités portées par la déclaration ; après avoir vu l’ordonnance du sieur archevêque de Lyon, du 14 novembre 1668, et le contrat de donation de Pierre Chomel : nous approuvons par ces présentes, signées de notre main, l’établissement des prêtres de la Mission à Lyon, pour y faire un séminaire ecclésiastique, exercer par eux les fonctions de leur institut, et faire des missions gratuitement dans les villages où besoin sera. Et en faveur dudit établissement, nous amortissons la maison dans laquelle seront logés les prêtres de la Mission et l’enclos d’icelle, sans qu’ils puissent être troublés en la possession et jouissance, comme étant dédiés à Dieu et à son église, ni qu’ils soient tenus de nous payer aucune finance ni indemnité de laquelle nous leur faisons don. » Ces lettres patentes furent enregistrées au Parlement le 21 mars 1669.

Cette même année, la congrégation de la Mission fut unie à la communauté de Saint-Michel et ce fut là un événement capital sur lequel un document des archives donne d’intéressants détails. Cette dernière avait été fondée par un digne prêtre de Saint-Étienne, pour l’évangélisation des pauvres et avait pris un prompt essor. « Antoine Roussier, prêtre d’une vertu éminente », raconte l’acte d’union, « natif de Saint-Étienne de Furan, (en Forez), ayant vu l’extrême ignorance des mystères de notre religion et le débordement des vices où vivaient la plupart des peuples de ce diocèse, et surtout ceux de la campagne, par un zèle vraiment apostolique, entreprit de chasser l’ignorance et combattre le péché, et commença pour cet effet, dès l’année 1630, de catéchiser et faire des missions dans les paroisses de ce diocèse. Antoine Journet, d’Arlant en Auvergne, et Jean Bréas, de Saint-Étienne, prêtres d’un mérite excellent, touchés d’un si saint exemple et pleins d’un zèle semblable s’étaient associés avec Roussier, et tous trois consacrèrent leurs travaux et leurs vies à ces charitables et pénibles exercices. » Loris Bruyas, de Saint-Héand en Forez, archiprêtre de Jarez, après avoir longtemps vaqué en personne aux missions, avait, par un généreux mouvement, fait don, le 20 juin 1642, de la somme de 12.000 livres, et peu après de 7.000 livres « pour être les revenus employés à l’entretien de Journet et Bréas qui vivaient dans une pauvreté évangélique, et à celui d’un troisième missionnaire, et, après eux, à l’entretien d’autres prêtres qui succéderaient. »

Les Lazaristes, au xviiie siècle.

D’autres bienfaiteurs firent des libéralités pour l’œuvre des Missions ; par exemple : Etienne Bouquin, curé de Saint-Ennemond de Saint-Chamond, avait versé la somme de 3.600 livres sous la réserve néanmoins d’une pension de 200 livres sa vie durant ; André Jacquemin, prêtre de Saint-Genest-Malifaux, 1.000 livres sous la réserve de 50 livres de pension sa vie durant ; Mathieu Guyot, obéancier de Saint-Just, celle de 6.500 livres pour la fondation d’une quatrième place de catéchiste missionnaire ; François de Grésolles, seigneur dudit lieu, avec mesdames de Sassenages et de Liergues, celle de 3.000 livres dont le revenu devait être distribué aux pauvres assistant aux catéchismes qui avaient lieu pendant les missions, « desquelles sommes la plus grande partie a été employée en l’acquisition de quelques domaines ruraux et d’une maison, en cette ville, dite du Bouquet. Successivement plusieurs ecclésiastiques savants et vertueux se sont unis avec ces prêtres, ont catéchisé, fait beaucoup de progrès spirituels et attiré les bénédictions du ciel. Ce qui ayant été reconnu, Camille de Neuville, archevêque et comte de Lyon, afin que les missions fussent conduites avec plus d’ordre, de discipline et de fruit, a érigé et établi une communauté, qui a été confirmé par lettres patentes de sa Majesté. » Veut-on savoir pourquoi la communauté s’appela Saint-Michel ? Parce que Camille de Neuville la gratifia des revenus de la cure et de l’église paroissiale Saint-Michel de Lyon et de la chapelle « ou hermitage du mont Dizoure (d’Izore) en Forest. »

Mais revenons à la fusion des deux communautés ; en voici les raisons. « Ledit seigneur archevêque, veillant sur les nécessités de son diocèse, et reconnaissant de plus en plus l’abondance de la moisson et le besoin d’ouvriers, a établi à Lyon une maison des prêtres de la congrégation de la Mission, instituée en ce siècle par le grand serviteur de Dieu Vincent de Paul, de laquelle l’emploi est de vaquer aux missions et à l’instruction des peuples. Cette conformité d’exercices avec ceux des prêtres de Saint-Michel, et la connaissance que toute la France a des succès heureux dont il plaît à Dieu de favoriser les travaux de la congrégation, composée de grand nombre d’ecclésiastiques savants, vertueux et exemplaires et déjà répandue en plusieurs diocèses, auraient fait penser à quelques personnes pieuses que si la communauté de prêtres catéchistes et missionnaires de Saint-Michel était unie à la maison de la Mission établie à Lyon, ce serait un bien commun aux deux et un grand avantage pour le diocèse, et ce serait aussi suivre les intentions de messire Brujas, premier bienfaiteur, qui, comme par un esprit de prophétie, a opposé, par une clause expresse, dans son contrat de fondation, que pour perpétuer la mission, il serait loisible à ceux qui y seraient employés de s’unir et s’agréger, de l’autorité de monseigneur l’archevêque, à la congrégation de la Mission établie à Saint-Lazare à Paris, où il se trouverait toujours nombre suffisant de sujets pour les missions.

« Ces personnes ayant proposé la chose aux uns et aux autres, après avoir vu qu’ils y inclinaient, ils en ont ensuite donné communication à monseigneur l’archevêque et ayant trouvé en lui les saintes dispositions qu’il a toujours pour l’avancement de la gloire de Dieu et le salut du prochain, après quelques assemblées et conférences entre les catéchistes missionnaires de Saint-Michel et le supérieur de la maison de la Mission établie à Lyon, par devant le notaire gardenotes du roi à Lyon, soussigné, présents les témoins bas nommés, François de Gresolles, seigneur de Gresolles, Marc-Antoine de Lamure, seigneur de Chamlois, Pierre Baudrand, bachelier de Sorbonne, et Jean Groslebois tant en son nom que comme procureur de Jean de Giraud prieur de Roizé supérieur, et de messire Jean Blanc, tous prêtres représentant la communauté de prêtres catéchistes de Saint-Michel, d’une part ; et Thomas Berthe, supérieur de la maison de la Mission établie à Lyon, tant en son nom que comme procureur fondé de René d’Almeras, supérieur général de la Mission, d’autre part ; lesquelles parties, de leur bon gré, sous le bon plaisir toutefois dudit seigneur archevêque, consentent que la communauté de prêtres catéchistes missionnaires de Saint-Michel soit dès à présent unie par monseigneur l’archevêque à la maison de la Mission établie à Lyon, en sorte que des deux il n’en soit, fait qu’une. » Pour aider à cette union, les prêtres de Saint-Michel cèdent à la maison de la Mission « l’hermitage et chapelle du Mont Dizoure avec ses revenus, les domaines ruraux, la maison située à Lyon, les meubles, ornements d’église appartenant à leur communauté, pour en être ceux de la Mission de Lyon faits possesseurs en toute propriété, à commencer du 1er janvier prochain. » En signe de cession, les Lazaristes reçoivent tous les titres, contrats, documents et autres papiers concernant la communauté Saint-Michel, à la charge, néanmoins, d’un inventaire qui sera fait tant des papiers que des meubles et ornements d’église, sans que toutefois les prêtres catéchistes et missionnaires de Saint-Michel soient tenus d’aucune garantie ni engagement quelconque de leurs biens temporels et patrimoniaux.

De leur côté, les prêtres de la Mission seront tenus et obligés, comme le sieur Berthe promet tant pour lui que pour eux, » de s’acquitter ponctuellement et fidèlement des charges, devoirs et obligations prescrites et imposées à la communauté de Saint-Michel, soit par les titres, contrats de fondation, donation et dotation, soit par ceux d’érection en communauté, lettres patentes du roi, arrêt de l’enregistrement et titre d’union du mont Dizoure, sans préjudice des autres obligations qu’ils peuvent avoir à l’égard de ce diocèse. Ils seront tenus de payer, pour une fois, la somme de 2.000 livres due en reste par la communauté pour l’acquisition et affranchissement de la maison située à Lyon dite du Bouquet, comme aussi ceux de la Mission seront tenus d’approuver tous les traités, contrats et conventions faits par la communauté au sujet de leurs affaires faites jusques à présent. »

Chapelle actuelle des Lazaristes.

Quelle sera désormais la situation réciproque des membres des deux communautés ? Trois membres de la société Saint-Michel, « messires de Giraud, de Gresolles et Chamtois travaillent volontairement et sans rétribution aux missions depuis plusieurs années ; trois autres, messires Blanc, Baudrand et Groslebois, occupent trois desdites places fondées (la quatrième n’étant remplie pour n’y avoir jusqu’à présent un revenu suffisant). » Il est convenu entre les parties, qu’ils pourront continuer comme auparavant et vaquer aux missions sous l’autorité de monseigneur l’archevêque conjointement ou séparément avec ceux de la Mission, et sans obligation à l’égard des trois premiers, ni à l’égard des trois derniers, que celles qui sont portées par les titres des fondations et les traités par eux faits avec la communauté, et sans aucune sujétion ou dépendance de la congrégation de la Mission. Celle-ci sera tenue de fournir à Blanc, Baudrand et Groslebois la somme de 336 livres à chacun, payable chaque année pendant leur vie, « ou qu’ils voudront être de ladite Mission, par avance et de quartier en quartier, le premier terme commençant au 1er janvier prochain, sans que la pension leur puisse être refusée pour quelque cause que ce soit, même de maladie, vieillesse, ou autre impuissance de vaquer auxdites missions, le tout conformément aux traités faits avec eux. Pourront les trois prêtres demeurer quand bon leur semblera dans la maison de la Mission, où ceux qui la composent seront obligés de les nourrir et fournir à chacun une chambre, moyennant douze sols par jour, même en cas qu’ils vinssent à être malades, tandis qu’ils seront dans la maison ou en mission. Ceux de la maison de la Mission seront tenus de les traiter, médicamenter, nourrir et leur fournir toutes autres choses nécessaires, sans pouvoir rien prétendre que douze sols par jour, dont ils seront aussi obligés de se contenter pour leur nourriture lorsqu’ils seront ensemble en mission. »

Messieurs de Gresolles, de Giraud et de Chamtois désirent continuer les exercices des missions, où depuis tant d’années ils s’emploient gratuitement : c’est pourquoi ils pourront travailler aux missions selon leur volonté, comme ils ont fait jusqu’à présent, sans aucune obligation, ensemble ou séparément, avec ceux de la Mission ou ceux de la communauté Saint-Michel ; ils pourront, quand ils voudront, se retirer et séjourner autant de temps que bon leur semblera, dans la maison des Lazaristes à Lyon. Ceux-ci seront obligés de les recevoir, les nourrir et leur fournir un appartement honnête et commode, lequel, ainsi que les chambres des trois autres catéchistes missionnaires, sera garni principalement des meubles cédés à présent par la communauté Saint-Michel, et ce moyennant quinze sols par jour pour chacun. Messires de Giraud, de Gresolles et Chamtois non plus que Blanc, Baudrand et Groslebois n’entendent pas s’obliger aux règlements de la Mission, mais seulement se conformer aux exercices extérieurs. Il y a donc liberté absolue pour les prêtres de Saint-Michel ; mais d’autre part, au cas où un d’entre eux « ne pourrait s’accommoder à ce genre de vie, ou qu’il en naîtrait quelque inconvénient, il sera libre au supérieur de la Mission de prier lesdits sieurs de se retirer ailleurs, après toutefois que Mgr l’archevêque aura connaissance du motif et approuvé la retraite ». Même dans ce cas les pensions ne pourront être refusées aux sieurs Blanc, Baudrand et Groslebois. Si l’un d’eux venait à se désister ou à renoncer à sa place par acte valable ou par mort, « la maison de la Mission sera tenue de remplir incessamment la place vacante d’un sujet de son corps et de la qualité requise » ; en sorte qu’il y ait toujours trois missionnaires dans le diocèse de Lyon. Après que, par la mort de messire Bouquin, la rente de 200 livres dont est chargée la communauté de Saint-Michel sera éteinte, et que le revenu « de ce qui est cédé et transporté présentement à la Mission vaudra 1.600 livres annuellement », celle-ci sera tenue de fournir et d’entretenir constamment quatre missionnaires avec un frère dans le diocèse de Lyon, sans préjudice des autres missionnaires Lazaristes qu’ils doivent y employer suivant l’acte de leur fondation.

Quant à « l’ermitage du mont Dizoure, à présent régi et occupé par messire Claude de Lestang », prêtre commis à cet effet par la communauté Saint-Michel. Lestang ne pourra être dépossédé sa vie durant, et tant qu’il voudra y demeurer, « il jouira de tous les revenus du lieu, comme ci-devant. Après lui, la maison de la Mission sera obligée d’y tenir un prêtre servant et résidant ». Comme la congrégation des Lazaristes désire n’être chargée d’aucune cure, afin de pouvoir vaquer plus facilement aux exercices de sa règle, on conclut que l’affaire de la cure sera exclue de l’union qu’on veut accomplir, et que celle-ci restera dans le statu quo. Comme marque de gratitude pour les prêtres de Saint-Michel « hommes excellents qui ont commencé, poursuivi, doté et fondé les missions », les Lazaristes chanteront chaque année, dans l’octave des Morts, une messe solennelle, et chaque prêtre récitera une messe basse à leur intention. Enfin les prêtres de Saint-Michel, « tant morts que vivants, seront faits participants des bonnes œuvres et prières de la congrégation de la Mission ». À la fin de l’acte, les deux parties supplient unanimement et humblement Mgr l’archevêque d’agréer cette union ; elles s’en rapportent toutefois à lui pour corriger, modifier les conditions, selon que bon lui semblera, et promettent de se soumettre avec respect à tous ses ordres.

Cet accord était dressé le 23 décembre 1669 ; un mois après, le 25 janvier 1670, Camille de Neuville approuvait l’union des deux maisons ; il en montrait les avantages, en particulier par rapport à l’augmentation du nombre des missionnaires. La congrégation de la Mission de Lyon, ayant un revenu de 1.000 livres par sa fondation, sera obligée de fournir deux missionnaires sur cette somme, et, de plus, trois autres, en conséquence de la présente union, « même un quatrième lorsque le revenu de tous les biens cédés se trouvera monter à 1.600 livres, et un cinquième, outre et par dessus les deux premiers, lorsque le supérieur aura conféré le prieuré fondé par Jean Valoux », prieuré uni à la Mission le 19 mai 1686 ; « ce qui fera en tout sept prêtres missionnaires ».

Les Lazaristes ne cessèrent de prospérer à Lyon, et, avec le temps, il fallut songer à agrandir la modeste chapelle du début et même bâtir grand : c’est ce qu’on fit au xviiie siècle. Là encore les archives fournissent de précieux renseignements.

En 1763, une convention fut passée entre Jean-Baptiste Casson, Antoine Margant, Pierre-Joseph Prost, Anthelme Mognet, tous quatre de la paroisse de Villebois en Bugey, et Gabriel Mercier, prêtre, procureur de la Mission ; les premiers s’engageaient à fournir et à rendre sur les ports des Cordeliers ou des trailles du Rhône à Lyon la pierre de taille de choin brute, conformément aux mesures qui leur avaient été données. En 1769, un autre traité fut passé entre François Daudet, procureur de la Mission, et Maurice Benoît, de la paroisse de Bassy en Savoie. Ce dernier promit de fournir et de conduire au port de Lyon, la pierre blanche de la meilleure qualité, provenant des anciennes carrières de Sainte-Foy en Savoie ; les pierres « seront sans clous, sans veines terreuses, équaries et d’égale épaisseur de partout, propres à tailler, et seront reconnues aux us et coutumes de Lyon. » En 1768, on continua la construction de l’église. On éprouva des difficultés avec les marchands de pierre de Villebois, à cause du retard apporté à la livraison des pierres de choin. Les difficultés aplanies, on creusa les fondations du mur de façade de l’église jusqu’à la recoupe.

Un document inédit, la toisée des ouvrages en maçonnerie, fait connaître les dimensions diverses de l’église, renseignements d’autant plus intéressants qu’ils sont très précis. Longueur du mur de l’église jusqu’au pilastre du sanctuaire 64 pieds ; mur du sanctuaire depuis le pilastre 21 pieds ; mur du fond du sanctuaire en face du côté d’occident 22 pieds ; mur de face de la sacristie et des chapelles côté du midi 62 pieds ; mur de façade des chapelles côté du midi formant arrière-corps sur la face côté d’orient 14 pieds ; mur de refend suivant tirant côté d’occident 12 pieds ; mur de refend séparant la sacristie 12 pieds ; arc dans la sacristie, longueur en circonférence, 16 pieds ; dosseret au-dessus pour la tribune, o pieds ; dosseret au-dessus du mur de la sacristie, 2 pieds ; mur de la sacristie, côté d’occident, li pieds ; hauteur à la recoupe et fondation, 21 pieds ; partie au-dessus, hauteur 9 pieds ; mur de façade au-dessus du portail, formant avant-corps, côté d’orient, longueur 33 pieds, hauteur 6 pieds ; arc au mur de face dans l’angle côté septentrion, longueur en circonférence 33 pieds ; mur de façade des chapelles du côté septentrion, 62 pieds ; mur de façade de la sacristie, côté d’occident, 14 pieds : arc dans la sacristie, longueur en circonférence, 16 pieds ; mur de refend des chapelles, côté d’occident, 12 pieds ; autre mur de refend suivant côté d’orient, 12 pieds ; mur de façade des chapelles faisant arrière-corps sur la façade côté d’orient, 14 pieds. À l’intérieur, on comptait quatorze chapiteaux faisant saillie sur les murs ornés d’arcs et de clefs également en saillie.

La congrégation avait à diverses époques acheté des maisons qui avoisinaient la sienne ; sans entrer dans trop de détails à ce sujet, il sera utile de signaler quelques acquisitions dont l’une, fort intéressante, se rapporte à une petite chapelle à peine connue, Saint-Barthélemy, qui, après avoir été recluserie, passa aux Ursulines, servit aux dames de la Doctrine chrétienne, et appartint enfin aux Lazaristes.

Le 4 mai 1673, Paul Mascrany, écuyer et seigneur de la Verrière, ancien prévôt des marchands de Lyon, et Anne Pellot son épouse, vendaient à Boniface Dubois, supérieur de la Mission, une grande maison appelée de Montangle, sise au quartier de Fourvière, paroisse Saint-Paul, consistant en plusieurs corps d’hôtel avec jardins, vignes, prés, vergers, écuries, fenil, remise de carrosse, cours et terrasses ; le tènement était situé «jouxte les maisons de Michel Pros, seigneur de Saint-Joyre, et encore la maison et monastère des dames religieuses de Sainte-Ursule, la maison du sieur de Rhodes, docteur médecin, le tout de matin ; la rue de Saint-Barthélémy, tendante à l’église des pères Récollets, aussy de matin, l’église et couvent desdits pères Récollets, une mette commune entre deux, le jardin et verger des pères Récollets de vent ; un chemin tendant à l’église dudit Fourvière de soir et bize, et la rue tendant du couvent des pères Carmes Déchaussés à la maison du sieur Octavio Mey, proche le couvent des Cappucins, le tout de bize ». L’acquisition fut faite moyennant le prix de 83.000 livres.

En 1756, les prêtres de la Mission achetèrent la maison des religieuses Sainte-Ursule, qui confinait à la maison de Montangle. Le monastère des sœurs renfermait une chapelle dédiée à saint Barthélémy et sur laquelle les Archives donnent d’intéressants renseignements. M. de Saint-Nizier, sacristain de Saint-Paul, écrivait, le 2 juillet 1738 : « Je reconnais que c’est à ma prière que les dames religieuses du premier monastère de Sainte-Ursule de Lyon ont accordé l’usage de leur chapelle de Saint-Barthélémy, située à la montée des Récollets, tant à M. l’abbé Pitiot qu’à moy, pour raison de quoy, elles m’en, ont remis les clefs, que je promets leur rendre toutes et quantes fois qu’elles les souhaiteront, et de faire murer la grille de la mesme manière qu’elle l’étoit ; promettant en outre de les faire tenir quittes de l’indemnité que pourroit demander la veuve Greny, qui loue et occupe le bas à côté de la chapelle, servant autrefois de chœur aux dames religieuses qui y habitoient, pour raison de la démolition de la grille et de l’usage qu’on fait dudit bas. »

Seize ans plus tard, le 4 juillet 1754, les clefs de cette chapelle étaient remises par les Ursulines, alors établies rue de la Vieille-Monnaie, aux filles de la Doctrine chrétienne, fondées à Lyon par Charles Démia, et qui maintenant portent le nom de sœurs Saint-Charles. D’après l’acte de location, Charlotte Pinet, Marguerite Perrier et Clémence Magot, filles majeures, supérieure, assistante et secrétaire de la congrégation des filles de la Doctrine chrétienne, demeurant à Lyon, rue du Four, rue Juiverie et rue du Charbon-Blanc, déclarent que les membres de cette société s’assemblaient autrefois pour leurs exercices de piété dans la chapelle Saint-Romain, et depuis quelques années dans la chapelle Saint-Alban, place du palais. Au nom des religieuses composant la Congrégation, elles acceptent avec empressement l’usage de la chapelle Saint-Barthélémy, prêtée par les Ursulines, et reconnaissent « que ce n’est et ne pourra jamais être qu’à titre précaire qu’elles occupent la chapelle pour y faire leurs exercices de piété, sans que le droit de propriété du monastère en la chapelle puisse jamais être susceptible d’aucune prescription. » Les filles de la Doctrine chrétienne promettent de rendre les clefs « toutes les fois qu’elles en seront requises par les religieuses, sans qu’en aucun temps et sous aucun prétexte les religieuses puissent être tenues de rembourser à la Congrégation les réparations et ajancements qu’elles pourroient faire dans la chapelle, lesquelles réparations apartiendront au monastère à quelques sommes qu’elles puissent monter. »

Intérieur de la chapelle des Prêtres de la Mission, dits Lazaristes.

Avant la remise de l’édifice, on fit un inventaire dont voici des extraits : « Elles ont trouvé la chapelle boisée tout le tour jusqu’à l’hauteur environ de dix pieds, et au-dessus de la boiserie jusqu’aux planches, des toiles peintes en tableaux clouées sur cadre ; de plus, il s’y est trouvé les effets suivants : dans le chœur : 1° un autel avec deux rétables garnis de leurs parements en soye, galons soye, avec le cadre doré, les gradins, tabernacle double, la niche pour l’exposition du Très Saint-Sacrement, le tout bois doré, surmonté d’un tableau aussi à cadre doré, représentant Notre-Dame de Pitié ; plus haut, un baldachin bois doré, garny au-dessus de deux statues représentant deux anges ; l’autel ayant sa pierre sacrée et un tapis, et garny tout le tour de marche-pieds de bois noyer ; 2° deux statues, l’une représentant saint Genest et l’autre saint Barthélémy, bois doré et peint, placez aux deux coins du chœur près l’autel, sur deux colonnes formées par la boiserie ; 3° deux ornements, bois doré, avec leurs chapiteaux, placés l’un contre une grille qui répondoit de l’ancien chœur des religieuses au chœur de la chapelle, et l’autre vis-à-vis ; 4° une ballustrade, bois noyer, de deux pieds d’hauteur, à colonnes, garnie de ses portes ferrées, séparant le chœur d’avec le reste de la chapelle. Dans la chapelle, en deçà du chœur : 1° une chaire de prédication, bois marbré, avec son chapiteau et ornement doré ; 2° dans un enfoncement du mur et à côté de ladite chaire, un autel avec son parement satin broché, galon soye blanche, avec son cadre bois peint, le dedant dudit autel garny de rayons bois sapin, des gradins bois doré, d’une statue de la Sainte Vierge portant l’Enfant Jésus, surmontée par deux anges portant un couronne, le tout bois doré et appliqué, deux bois de reliquaires ; l’autel ayant son marchepied, bois noyer, fermé de deux petits rideaux de taffetas broché doublé de toile bleue ; 3° au côté dudit autel un tronc bois noyer happé dans le mur ; au-dessus est une plaque cuivre pareillement happée dans le mur, sur laquelle est gravée la fondation de la demoiselle Sublin, et finalement un petit bénitier pierre attaché au mur, et des bancs de noyer tout le tour de la chapelle, clouez au mur ». Enfin, dans le clocher se trouve une cloche «bon métal, de six pouces de hauteur, sur huit pouces de largeur, mesurés par le bas. »

Les Filles de la Doctrine chrétienne ne devaient pas garder longtemps l’usage de la chapelle. Celle-ci, deux années plus tard, passait aux mains des prêtres de la Mission. Catherine de Ruolz supérieure, et les religieuses professes du premier monastère de Sainte-Ursule, établi rue de la Vieille-Monnaie, tinrent conseil, dit un document inédit, en vue d’examiner la proposition à elles faite par les prêtres de la congrégation de la Mission établis rue et montée Saint-Barthélemy, d’acheter d’elles le tènement de maisons, chapelle et jardin situés montée Saint-Barthélemy, appartenant à leur monastère, en conséquence de la réunion de la communauté des Ursulines de Saint-Barthélemy avec le monastère de la Vieille-Monnaie. Elles se décidèrent à accepter cette proposition d’autant plus volontiers que, « par ce parti, elles arrêtent les sujets de contestations qui étoient à la veille de s’élever entre le monastère et la Congrégation, au sujet du partage et distribution des eaux qui sont communes, que d’ailleurs elles s’assurent un revenu plus fixe et plus solide, et se débarrassent du soin de réparations auxquelles lesdites maisons sont sujettes. »

Le 13 avril 1756, les religieuses, en vue d’obtenir l’autorisation nécessaire, présentèrent une requête au cardinal de Tencin pour qu’il voulût bien leur permettre de faire cette aliénation, ce qui leur fut accordé. Le roi donna également son autorisation par lettres patentes datées de Compiègne, juillet 1756. En conséquence, le 16 septembre, les religieuses vendirent aux prêtres de la Mission « tout le tènement appartenant au monastère de Sainte-Ursule, consistant en maisons hautes, moyennes et basses, chapelle, jardin, cabinet, avec les boisages étant dans iceluy et adossés à la maison Pilata, terrasse, cour et fontaine. Lequel tènement se confine par la montée Saint-Barthélemy d’orient, les fonds et clos de la dite Congrégation d’occident, la maison du sieur Chancey et les jardins desdits missionnaires de midy, les bâtiments de la maison Pilata, et le pré de ladite congrégation de septentrion. » Le prix de la vente fut fixé ainsi : 1° une rente annuelle de 800 livres, payable au monastère Sainte-Ursule, par moitié, de six mois en six mois ; 2° la somme de 10.000 livres, qui demeura convertie en une rente annuelle de 400 livres, payable elle aussi en deux termes, à la fête de Noël et à celle de Saint-Jean.

Malgré cet acte de vente, les filles de la Doctrine chrétienne gardèrent la jouissance de la petite chapelle Saint-Barthélémy comme l’apprennent deux actes postérieurs à la vente. Par le premier, elles reconnaissent que les prêtres de la Mission ne leur permettent qu’à titre précaire d’occuper la chapelle Saint-Barthélémy pour y faire leurs exercices de piété. « Outre la chapelle, ils ont bien voulu nous donner la jouissance d’un local pour nous servir de sacristie, de vingt pieds de long sur sept de large, dans le bas attenant à la chapelle, à prendre depuis la porte du sanctuaire communiquant au local, jusques à la porte de la chapelle, c’est-à-dire dans toute la longueur ; nous nous engageons à leur payer chaque année, tandis que nous en jouirons, la somme de 30 livres, à commencer à la fête de tous les Saints 1759. » Dans le second acte, daté du 13 décembre 1788, Mlles Roviol, Corsent, Benoît et Bal, supérieure, assistante, trésorière et secrétaire de la congrégation de la Doctrine chrétienne, reconnaissent les prêtres de la Mission comme seuls possesseurs de la chapelle, et s’engagent à faire toutes les réparations nécessaires dans l’église et à la toiture.

À la Révolution, la propriété entière des Lazaristes fut saisie et vendue comme bien national. Il ne sera pas sans intérêt d’entrer à ce sujet dans quelques détails.

En 1792, la municipalité fit dresser l’inventaire des objets contenus dans la chapelle des Lazaristes. On trouva dans la sacristie cinq calices d’argent avec leurs patènes, deux ciboires, dont l’un plus grand et l’autre fort petit ; un ostensoir, une pixyde ; un encensoir aussi d’argent ; une niche garnie en étoffe d’or ; trente-quatre chandeliers d’arquemie et de cuivre ; une croix et huit urnes de même métal que les chandeliers ; cinq ornements complets, c’est-à-dire composés chacun de deux dalmatiques, de trois chappes, de trois chasubles et d’une écharpe, plus trois chasubles, dont deux de velours et une de toile d’argent ; quinze chasubles en soie pour les dimanches, dix chasubles de camelot pour tous les jours ; environ vingt nappes d’autel toutes assez usées, trente aubes, cent soixante amicts, deux cents corporaux et purificatoires, enfin cent vingt surplis.

La bibliothèque comptait environ 700 volumes in-folio, 500 in-quarto, 400 in-octavo et 3.000 in-12.

Au moment de la Révolution, la maison des Lazaristes de Lyon avait vu passer trois cent quatre-vingt-dix prêtres et deux cent trente-cinq frères. Outre la maison de Lyon, la congrégation possédait encore dans le diocèse deux résidences : la première était située à Valfleury (Loire). Les Lazaristes y arrivèrent en 1 687, mais leur établissement n’acquit la stabilité légale que par une ordonnance royale de 1711, contestée d’ailleurs et poursuivie en justice par les Bénédictins jusqu’en 1744. Dans cette maison se trouvaient trois prêtres sans cesse occupés aux missions. Le second établissement était situé à Mornant. Il fut fondé en 1717 par MM. de Murât et de Roquemond. Les Lazaristes y établirent un petit séminaire avec des classes depuis la sixième jusqu’à la philosophie, et y admirent seulement cinquante pensionnaires qui avaient chacun leur chambre. Cette maison eut l’honneur de compter quatre prêtres qui confessèrent la foi pendant la Révolution ; ce furent :

M. Guinand, né à Mornant, et de la maison de cette ville, pris à Lyon et y exécuté le 16 janvier 1794, à l’âge de 60 ans ;

M. Imbert, né à Lyon, professeur à Mornant, prisàSaint-Chamond, et exécuté à Feurs, à la fin de 1793, à l’âge de 65 ans ;

M. Leclerc, de Saint-Chamond, supérieur du séminaire de Mornant, condamné à l’échafaud, à Lyon, le 24 février 1794, à l’âge de 74 ans ;

M. Verne, du diocèse du Puy, professeur au séminaire de Mornant, fut pris au Puy, et y mourut en prison, à l’âge de 61 ans.

Le 12 juin 1796, les administrateurs du département du Rhône vendaient à Pierre Lassaveur, négociant de Lyon, la totalité des possessions des Lazaristes. Elles consistaient « en plusieurs maisons sur la montée Saint-Barthélemy, cours sur les derrières, église, maisons claustrales, terrasses, jardins, prés, verger, terres, allées et vignes au-dessus ». Ces propriétés étaient limitées : à l’est, parle pré et jardin du sieur Lortet et par la montée Saint-Barthélemy ; au midi, par les Récollets, une ruelle commune entre les bâtiments, et par la maison Olivier ; au nord-ouest, par la montée des Anges ; au nord, par la montée des Capucins, dite aujourd’hui montée des Carmes-Déchaussés et par les jardins de Lortet ; enfin, à l’ouest, par le jardin du même Lortet. Le tout contenait environ trente bicherées. Ces biens furent vendus 123.354 livres. L’acquéreur ne pouvait aucunement disposer des eaux de source, dont la propriété demeurait réservée à la nation ; il n’avait à exiger d’autres titres de propriété que ceux qui lui étaient remis à l’amiable. Enfin, on exceptait de la vente les livres de la bibliothèque des Lazaristes.

On sait que l’ancienne propriété des Lazaristes est aujourd’hui occupée par le grand pensionnat ayant appartenu aux frères des Écoles chrétiennes et maintenant dirigé par une Société civile. Lorsque nous étudierons l’histoire des établissements créés à Lyon, par les fils de saint de La Salle, nous aurons l’occasion de traiter plus amplement de cette maison.

En 1861, les Lazaristes furent rétablis à Lyon ; bientôt, l’Institut prospéra et s’agrandit. Le 23 janvier 1873, le supérieur général de Saint-Lazare était autorisé par le ministre des cultes à acquérir, au prix de 27.000 francs, de Mme veuve Regipas, un immeuble avec jardin situé 47 et 49, montée du Chemin-Neuf. C’est là que vécurent les Lazaristes, jusqu’au moment où, par suite d’une brutale expulsion, ils durent quitter, il y a trois ans, la maison où ils avaient fait tant de bien. Là se trouvait un personnel de neuf prêtres, occupés soit aux missions, soit au juvénat. Les Lazaristes donnaient une moyenne de soixante missions ou retraites annuelles. De plus, ils avaient la direction de soixante maisons de Filles de la Charité situées dans sept départements voisins du diocèse de Lyon. La chapelle des Lazaristes, située 49, montée du Chemin-Neuf, est de style roman. Elle fut construite, en 1867, par l’architecte Franchet qui débutait alors. Cet édifice remplaça un oratoire provisoire dont le sanctuaire devint la sacristie de la nouvelle chapelle. En 1874, la chapelle reçut des embellissements, c’est-à-dire des peintures et des statues. Elle fut enfin complétée, aux dépens des bâtiments réservés aux missionnaires, lorsqu’on établit, dans la chapelle, une vaste tribune qui correspondait au premier étage ; dans le vestibule de cette tribune on installa deux autels et des confessionnaux.

Le maître-autel, de bois sculpté, est dédié à Notre-Dame de Lourdes ; on l’a décoré de cinq statuettes : le Bon Pasteur ayant à ses côtés saint Pierre et saint Paul et, aux extrémités, sainte Jeanne de Chantai, fondatrice de la Visitation, et la vénérable Louise de Marillac, veuve Legras, institutrice des filles de la Charité ou religieuses Saint-Vincent de Paul. Les statues qui ornent la nef sont celles de saint Vincent de Paul, de l’apôtre saint Jean, de saint François de Sales et de saint Louis. Les deux autels placés dans le vestibule sont de marbre blanc et dédiés l’un au Sacré-Cœur, l’autre à saint Joseph. La tribune en possède un autre sous le vocable de saint Vincent de Paul. Mentionnons enfin qu’au-dessous de la sacristie se trouvait un petit oratoire dédié à la Passion de Notre-Seigneur, avec autel et chemin de croix.