Histoire des églises et chapelles de Lyon/Marie-Thérèse

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H. Lardanchet (tome Ip. 323-326).

MARIE-THÉRÈSE

La chapelle de Marie-Thérèse, située 59, montée du Chemin-Neuf, appartient aux religieuses de ce nom. C’est le siège de la maison-mère de la congrégation sur laquelle nous allons donner quelques renseignements historiques. Avant la Révolution, vivaient à Lyon Claude Brochet de la Rochetière, bourgeois de cette ville et son épouse Antoinette Voland. De cette union naquirent plusieurs enfants et notamment Marie-Sophie, venue au monde le 3 avril 1776. Cette famille chrétienne eut à souffrir des excès de la Révolution. Le père fut poursuivi pour avoir pris une part active à la condamnation de Chalier. La mère et les filles furent emprisonnées à Lyon : Marie-Sophie se rendit plus tard à Bordeaux et confia la direction de sa conscience à un prêtre de choix, l’abbé Lespiaut, Chartreux avant la l’évolution, puis réfugié en Irlande, et enfin revenu à Bordeaux en qualité de curé de Saint-Éloi. Sous la conduite de cet homme de Dieu, elle se sentit confirmée dans la vocation où elle pensait se trouver depuis longtemps, de fonder à Bordeaux une communauté de religieuses qui allieraient l’oraison à l’apostolat en priant particulièrement pour les prêtres, en instruisant chrétiennement les enfants pauvres et en s’efforçant de ramener à Dieu par la charité les âmes oublieuses de leur principe et de leur fin. Dans ce but, elle s’adjoignit deux compagnes, Pauline Chicard et Jeanne-Victoire Gueiseler. Mais son dessein fut retardé par les empêchements que suscitèrent les parents de Mlle Gueiseler.

Chapelle de Marie-Thérèse.

Le 15 octobre 1815 enfin, naquit l’institut de Marie-Thérèse, jour où le vénérable archevêque de Bordeaux, monseigneur d’Aviau du Bois de Sanzay imposa le voile blanc aux trois jeunes filles ; Mlle Brochet de la Bochetière prit en religion le nom de sœur Marie de Jésus. Toutes trois s’établirent sans bruit, dans quelques étroites et pauvres chambres d’une maisonnette de la rue Mondenard, sur la paroisse Saint-Seurin, où elles restèrent vingt-sept mois, non sans y avoir ouvert, le plus tôt qu’elles purent, une classe gratuite pour les enfants pauvres. En janvier 1818, elles se transportèrent dans un logis plus grand et plus commode de la rue Saint-Étienne, qui faisait partie de la même paroisse, et M. Lespiaut vint habiter avec elles. Elles prospérèrent : les habitants de ce quartier, pourtant mal réputé, se laissèrent gagner ])eu à peu à la douceur et aux bons procédés de la nouvelle congrégation. La chapelle pouvait contenir quatre à cinq cents personnes : elles se remplit, et par l’autorisation de l’archevêque, devint église co-paroissiale en 1824. Les religieuses se multiplièrent sans que leur premier esprit diminuât.

En 1821, sœur Marie de Jésus commença ses voyages à Lyon, où il n’avait pas tenu à elle que fût établi le berceau de son œuvre et où elle voulait au moins fonder sa seconde maison : cela n’alla pas sans peine ; pourtant, en janvier 1824, grâce aux bons offices du chanoine Allibert, elle prit possession de l’ancien hôtel d’Albon dans la rue des deux Cousins, au quartier Saint-Jean, avec deux de ses filles que lui avaient envoyées de Bordeaux l’abbé Lespiaut : sœurs Séraphine et Louise, une converse sœur Céleste et une prétendante Marianne David. Cette seconde fondation égala la première en régularité et en fécondité. Les sœurs partageaient leur temps entre la prière, le soin du modeste externat, bientôt très fréquenté, et le travail manuel nécessaire à leur subsistance.

Le Père Lespiaut, fondateur de Marie-Thérèse.

Le 25 juin 1824, elles quittèrent l’ancien hôtel d’Albon pour l’immeuble Généla, au n° 32 de la montée du Chemin-Neuf ; mais cette maison, encore qu’elle fut plus propre à leur genre de vie, était trop étroite, aussi Mère Marie de Jésus acheta-t-elle, dès la fin de l’été, au prix d’une rente viagère, une maison et un terrain attenant à l’immeuble Généla. Elle eut ainsi les coudées plus franches. Le jardin avec ses deux allées de marronniers et de tilleuls donnait à la maison un fort bon air ; au bout de l’allée de marronniers, se trouvait un ample pavillon isolé : on en fit la chapelle en attendant mieux. L’institut dès lors se propagea assez vite : la troisième fondation fut celle de Limoges en 1832, puis vint celle de Nîmes en 1837, après que le pape Grégoire XVI eut approuvé, le 9 mai 1835, les constitutions, et le 20 avril de la même année confirmé solennellement cette approbation par un bref.

La règle définitive voulait pour directeur un supérieur général : l’abbé Lespiaut étant mort le 11 novembre 1830, M. l’abbé Féret, vicaire général de Limoges, lui succéda. Mère Marie de Jésus, cette parfaite religieuse, dont la bonté était la marque distinctive, mourut, le 6 décembre 1842, entre les bras de sa sœur, Mlle Julie Brochet de la Bochelière. Elle avait épuisé ses dernières forces par d’incessantes visites à ses diverses communautés et par le chagrin qu’elle éprouva profondément de certaines dissensions, dont l’effet après sa mort fut que la maison de Bordeaux et celle de Limoges se séparèrent de la maison-mère et se mirent sous la juridiction de leurs évêques respectifs. L’œuvre ne fut pas atteinte au cœur, toutefois, par ce déchirement : les maisons de Carcassonne, de Dijon, de Pélussin, de Madrid, établies en 1854, 1868, 1878 et 1880, en font foi. La mère fondatrice n’avait pas eu le loisir de donner à celle de Lyon tous les perfectionnements qu’elle désirait ; de vieilles masures chevauchaient confusément sur le terrain qu’elle avait acheté. Mère Scolastique, qui lui succéda, embarrassée d’affaires extérieures et distraite surtout par le schisme qui diminua son troupeau, n’eut pas la liberté d’esprit ni non plus les ressources nécessaires pour construire. La joie en fut réservée à la troisième supérieure générale, Marie-Thérèse de Jésus.

Commencées en 1870, un peu avant la guerre, les bâtiments vastes et réguliers qui s’élèvent aujourd’hui furent repris activement au printemps de 1871 et achevés pendant l’été de 1875. Le 5 août, Mgr Thibaudier, évêque auxiliaire de Mgr Ginouilhac et futur archevêque de Cambrai, consacra solennellement la chapelle dédiée au Sacré-Cœur avec sainte Thérèse pour seconde patronne.

Aujourd’hui la congrégation compte cent cinquante sujets répartis dans six maisons, savoir : la maison-mère de Lyon, qui jusqu’à cette année possédait un pensionnat, et abrite aujourd’hui l’ancien petit séminaire de la Primatiale devenu collège libre ; Nîmes, maison de refuge et de préservation ; Carcassonne, orphelinat el autrefois pensionnat ; Dijon, ex-pensionnat ; Madrid, pensionnat et externat ; enfin Pélussin, orphelinat.

La chapelle construite dans le style de M. Bossan ne comprend qu’une nef avec deux chapelles au transept. Son élévation lui donne un air majestueux, tempéré toutefois par l’aspect gracieux des ornements et des décorations dont on va parler : c’est en somme une des belles chapelles de Lyon. Le maître-autel n’offre pas de sculptures particulières, mais il est abondamment éclairé par cinq vitraux présentant chacun deux compartiments : en haut, un saint ou une sainte ; au bas une scène appropriée à l’histoire de la congrégation. Voici l’énumération de ces sujets : sainte Thérèse, sainte Claire, saint Augustin et saint Bruno, fondateur de l’ordre des Chartreux auquel appartint le Père Lespiaut ; Mère Marie-Thérèse de Jésus, fondatrice, consacre au Sacré-Cœur la première maison de la congrégation ; mère Scholastique, deuxième supérieure ; le Père Lespiaut compose les règles de l’institut ; M. Féret, second supérieur, les fait approuver à Rome par Grégoire XVI ; enfin le chanoine Allibert, secrétaire de l’archevêché de Lyon et ancien aumônier de la maison, veille à l’exécution de cette règle.

Les deux chapelles latérales sont consacrées à la sainte Vierge et à saint Joseph dont elles renferment les statues. Près de la table de communion se trouve une belle chaire en bois sculpté, décorée des portraits de saint Pierre et saint Paul. Le long des murs court un rang de stalles et de boiseries exécutées sur les dessins de M. Trémont. Au fond de la chapelle s’élève une vaste tribune. La sacristie est enrichie de quelques ornements et de missels anciens ; enfin un très remarquable Christ en ivoire, présent du cardinal Fesch, orne l’intérieur de la communauté.