Histoire des Abénakis/0.1

La bibliothèque libre.


PRÉFACE


Ce livre est l’histoire d’une tribu sauvage, qui aujourd’hui compte à peine 350 âmes en Canada : cette tribu est celle des Abénakis.

Quelques uns penseront peut-être que cet ouvrage est inutile, et prétendront qu’il n’était pas nécessaire, pour ne rien dire de plus, de faire des recherches dans le but d’écrire l’histoire de cette petite tribu, qui s’éteint graduellement, et qui, dans un avenir non éloigné, disparaîtra complètement de notre pays.

Mais lorsqu’ils se souviendront que ces sauvages sont les descendants d’une grande nation, qui, pendant cent-cinquante ans, remplit un rôle très-important au milieu des colonies de la Nouvelle-Angleterre et de la Nouvelle-France, et qui, pendant cette longue période, fut constamment alliée aux Français, pour lutter contre les Anglais ; lorsqu’ils se souviendront surtout que ces sauvages furent, pendant près de quatre-vingts ans, d’un grand secours aux Français du Canada, pour se défendre contre les invasions de leurs ennemis, ils avoueront alors avec nous, nous pensons, qu’il n’est pas tout-à-fait inutile de recueillir les antiques traditions et les curieuses légendes de ces anciens alliés et amis de nos ancêtres, de raconter leurs longues luttes, leurs défaites comme leurs victoires, afin de conserver d’eux quelques souvenirs.

La reconnaissance que nous devons à ces sauvages, pour les importants services qu’ils ont rendus à nos pères, a été pour nous un motif assez puissant pour nous engager à ce travail.

Quand la tombe sera fermée sur le dernier des Abénakis, on lira avec un vif intérêt l’histoire de cette antique tribu, qui, pendant si longtemps, unit ses armes à celles des Français, pour combattre un ennemi commun. Et quand le temps, qui détruit tout, aura effacé en Canada la dernière trace du dernier de ces sauvages, les Canadiens aimeront encore à relire les anciennes traditions et les intéressantes légendes de ces amis de leurs ancêtres.

Chargé depuis vingt-cinq ans de la desserte de ces sauvages, nous avons pu étudier leur histoire plus facilement que tout autre, et nous avons pensé que la Providence nous imposait aussi la tâche d’en écrire les principaux évènements.

Cet ouvrage, nous l’avouons, est, quant à la forme, rempli de défectuosités ; mais nous osons espérer que, quant au fond, il offrira au lecteur quelqu’intérêt.