Histoire des Canadiens-français, Tome II/Chapitre 10

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Wilson & Cie (IIp. 139-150).

CHAPITRE X

1640 — 1646


Seigneuries concédées. — Colons nouveaux. — Conclusion de ce volume.



G
ardée à vue, pour ainsi dire, par les bandes iroquoises, de 1637 à 1646, la petite population blanche du Canada n’avait songé, durant ce laps de temps, ni à s’étendre ni même à recruter en France pour augmenter son nombre : elle demandait des soldats, une protection militaire quelconque — faute de quoi il lui faudrait abandonner la colonie. Avec l’année 1646, nous verrons reprendre quelque peu le mouvement de la colonisation, par suite de la confiance qu’inspira d’abord la compagnie des Habitants : on la croyait en position de remédier aux abus du passé.

La date de l’arrivée de chaque groupe de colons, la classe sociale à laquelle appartenaient ces hommes, l’octroi des seigneuries et les conditions qui les régissaient, les influences qui affectaient les intérêts de l’habitant : tout cela compose la véritable histoire des Canadiens ; aussi nous faisons-nous un devoir de ne rien omettre de ces circonstances, sans lesquelles notre tableau serait incomplet.

« Informés des bonnes intentions de François de Chavigny, escuyer, sieur de Berchereau, et damoiselle Éléonore de Grandmaison, sa femme, de la paroisse de Creancée, en Champagne, et de leur zèle… octroyons… deux arpents de terre, à prendre dans le lieu désigné pour la ville et banlieue de Québec, s’y trouvant des places non encore concédées, ou de proche en proche, pour y faire un logement avec jardinage, où il se puisse retirer avec sa famille ; plus trente arpents de terre à prendre hors de la dite banlieue de la ville de Québec et de proche en proche icelle en lieux non encore concédés, — et outre encore…[1] une demie lieue de terre en large, à prendre le long du fleuve Saint-Laurent… sur trois lieues de profondeur en avant dans les terres… les dits deux arpents de terre dans la ville et banlieue de Québec, et les trente arpents proche et hors la dite banlieue, en roture à la charge d’un denier de cens payable au fort de Québec par chacun an, au jour qui sera ci-après désigné, le dit cens portant lods et ventes, saisines et amendes ; et la dite demie lieue de terre au fleuve Saint-Laurent sur trois de profondeur dans les terres, en toute propriété, justice et seigneurie… à la réserve de la foi et hommage que le dit sieur de Chavigny… seront tenus de porter au fort de Québec… par un seul hommage lige à chaque mutation de possesseur… conformément à la coutume de Paris… Et outre ne pourront les dits sieur Chavigny, ses successeurs ou ayans cause et autres qui passeront de France ou qui se trouveront sur les lieux pour habiter et cultiver les dites terres concédées, traiter de peaux de castors et pelleteries avec les sauvages si ce n’est par troc et échange des choses qu’ils pourront recueillir[2] sur les terres ci-dessus concédées[3]… Fera le dit sieur de Chavigny passer jusqu’à quatre hommes de travail au moins pour commencer le défrichement, outre sa femme et sa servante, et ce par le prochain (départ) qui se fera à Dieppe ou à la Rochelle, ensemble les biens et provisions pour la subsistance d’iceux durant trois années, qui lui seront passés et portés gratuitement jusqu’à Québec… le tout à peine de nullité de la présente ; et afin que la compagnie soit certifiée du travail qui se fera pour le défrichement des dites terres, seront les dits… obligés de remettre, tous les ans, entre les mains du secrétaire de la dite compagnie, le rôle des hommes qu’ils feront passer, qui doivent être réputés de ceux que la compagnie doit envoyer… pour former la colonie… Fait en l’assemblée générale des associés en la compagnie de la Nouvelle-France, tenue en l’hôtel de M. Bordier, conseiller et secrétaire des conseils de Sa Majesté, à Paris, le mardi quatrième jour de décembre mil six cent quarante… Signé : Lamy[4]. » Le 16 avril 1647, la compagnie ajoute à cette concession, par l’octroi en fief, et aux mêmes conditions, d’une étendue de terrain égale à la première. « D’autant que le dit sieur de Chavigny nous a fait entendre qu’il a disposé[5] de la plus grande partie des dites terres (concession du 4 décembre 1640) à cens et rentes, au profit de plusieurs particuliers[6], et qu’il en avait besoin d’autres pour les faire pareillement défricher, le tout pour le bien et augmentation de la colonie[7]… »

Le 10 mars 1646, M. de Montmagny, agissant au nom des Cent-Associés, concède à Jean Bourdon, ingénieur et arpenteur en la Nouvelle-France, « soixante et quinze arpents de terre ou environ, en nature de bois et roture, situés dans la banlieue de Québec… bornés d’un côté, au sud-ouest, par la route Sainte-Geneviève, d’un côté, au nord-est, par les terres non-concédées, d’un bout, au sud-est d’une ligne parallèle du chemin qui va de Québec vers le cap Rouge, d’un bout, au nord-ouest, par le côteau Sainte-Geneviève… à condition que le dit Jean Bourdon fera travailler aux dites terres et défrichement d’icelles… » Le 31 octobre, même année, le gouverneur accorde « à vénérable et discrète personne M. Jean Le Sueur, prêtre, curé de Saint-Sauveur[8], la consistance de cinquante arpents de terre ou environ… dans la banlieue de Québec, au coteau de Sainte-Geneviève[9]… borné d’un côté, au sud-est, par une route qui court sud-est et nord-ouest ou environ, d’autre côté, au nord-est, aussi par une route qui court sud-est et nord-ouest, d’un bout, au sud-est, par une route éloignée de douze toises du grand chemin qui va de Québec au cap Rouge, d’autre bout, au nord-ouest, le coteau Sainte-Geneviève, » aux mêmes conditions que l’octroi précédent. Ces deux concessions, qui forment le fief Saint-François, furent confirmées le 29 mars 1649, Puis augmentées, le 30 décembre 1653, par un acte de M. de Lauzon, gouverneur général : « La commune ci-devant accordée aux habitants de Québec étant d’une étendue trop vaste, en laquelle les habitants ne font aucun travail ni défrichement… accordons au sieur Bourdon et au sieur de Saint-Sauveur la prolongation des concessions qu’ils ont au lieu de Saint-François, en la côte Sainte-Geneviève, jusqu’à la rivière Saint-Charles… eu égard à la dépense que les sieurs Bourdon et Saint-Sauveur font sur les dits lieux pour couvrir Québec de l’irruption des Iroquois[10]. »

D’après un passage du Journal des Jésuites, il paraîtrait que M. de la Ferté, abbé de la Madeleine, aurait donné aux jésuites la seigneurie du cap dit de la Madeleine dès l’année 1646, et que Jacques Leneuf de la Poterie, alors gouverneur des Trois-Rivières, « disputa puissamment » cette concession, « affectée aux sauvages… L’affaire fut indécise. » Les jésuites avaient demandé ces terrains en 1645 ; nous voyons que, le 1er juin 1649, le père Buteux en distribua quatorze lopins à des Français qui y devinrent immédiatement des colons stables ; c’étaient Jean Houdan dit Gaillarbois, François Boivin, Claude Houssard, Jean Véron, Pierre Guillet, Mathurin Guillet, Étienne de Lafond, Mathurin Baillargeon, Pierre Boursier, Émery Cailleteau, Urbain Baudry, Jacques Aubuchon, Bertrand Fafart et Jean Aubuchon. Le 20 mars 1651, M. de la Ferté donna aux pères la seigneurie en question, par un contrat qui en affecte le revenu à leur collège, pour en jouir au profit des sauvages convertis à la foi, le tout conformément aux coutumes et aux institutions de la compagnie des jésuites, et sans obligation ni redevance aucune. La délimitation de la seigneurie est précisée comme suit : « deux lieues le long du fleuve, depuis le cap nommé des Trois-Rivières, en descendant sur le grand fleuve jusqu’aux endroits où les dites deux lieues se pourront étendre, sur vingt lieues de profondeur du côté du nord, y compris les bois, rivières et prairies qui sont sur le dit grand fleuve et sur les dites Trois-Rivières. » Par un diplôme du 12 mars 1678, le roi confirma cette donation.

La commission de M. de Montmagny avait été renouvelée le 6 juin 1645, et ce gouverneur commença des défrichements sur l’île aux Oies, où l’attirait son penchant pour la chasse. On voit que, le 25 octobre (1645), il[11] se fit accompagner à l’île par M. Gilles Nicolet[12], prêtre séculier, qui célébra la messe en présence des hommes travaillant à la terre[13]. Bientôt il reçut d’autres concessions, comme le montre l’acte qui suit : « La rivière appelée du Sud, à l’endroit où elle se décharge dans le fleuve Saint-Laurent, avec une lieue de terre le long du dit fleuve Saint-Laurent, en montant de la dite rivière vers Québec, et demie lieue le long du dit fleuve en descendant, le tout sur la profondeur de quatre lieues en avant dans les terres en cotoyant la dite rivière de part et d’autre et icelle comprise dans la dite étendue[14]… de plus, les deux îles situées dans le dit fleuve Saint-Laurent, proche du dit lieu, en descendant sur le dit fleuve, l’une appelée l’île aux Oies et l’autre appelée l’île aux Grues, avec les battures qui sont entre deux, le tout contenant quatre lieues ou environ de longueur sur le dit fleuve… Ne pourra le dit sieur de Montmagny, ni ses successeurs ou ayans cause, ni autres qui passeront au dit pays pour habituer et cultiver les terres ci-dessus concédées, traiter des peaux et pelleteries avec les sauvages, si ce n’est qu’ils soient reconnus pour habitants du pays et qu’ils aient part en cette qualité à la communauté des Habitants… Fait… en l’assemblée générale… en l’hôtel de M. Bordier, conseiller et secrétaire des conseils de Sa Majesté, ancien directeur de la dite compagnie… à Paris, le cinquième may mil six cent quarante-six. Signé : Lamy[15]. » On voit quelles précautions étaient prises pour que le droit de traite accordé aux seuls Habitants ne passât point aux mains de quelques compagnies rivales ; cette stipulation est répétée, dans les mêmes termes, dans d’autres titres de seigneuries. Le 2 mai 1651, à Paris, en présence de A. Cheffault, secrétaire des Cent-Associés, M. de Montmagny prêta le serment de fidélité requis pour les concessions ci-dessus. Plus tard (1654), l’île aux Oies passa aux sieurs Louis Théandre Chartier de Lotbinière et J.-Baptiste Moyen, lequel y fut tué (1655), avec plusieurs membres de sa famille, par les Iroquois.

Le même jour (5 mai 1646), la compagnie accorde à François de Champflour, « commandant des Trois-Rivières en la Nouvelle-France, » quarante arpents de terre en superficie dans le voisinage des Trois-Rivières — mais pas assez proche du fort pour en gêner les fortifications — à prendre sur les terres de la compagnie qui sont encore non-défrichées. On se conformera pour les fins de la justice à la coutume de Paris. Le concessionnaire devra y installer des colons sans retard. S’il se décidait par la suite à vendre ou à se désaisir de cette propriété, il ne pourrait le faire qu’en faveur d’une personne résidant en Canada. La compagnie donne aussi à M. de Champflour, « pour lui fournir plus de moyen de faire valoir les dites terres, » la charpente d’une maison de cent pieds de long sur seize de large qui a été taillée proche du fort. M. de Montmagny devra préciser la location de cette terre. C’est le fief Champflour ou Niverville, situé entre les rues Bonaventure, des Champs, Saint-Pierre et Saint-Joseph. Au printemps de 1649, Jacques Leneuf de la Poterie en devint acquéreur, et il le vendit à son tour, le 7 avril 1660, à Pierre Boucher, lequel le passa à son fils Niverville.

René Mézeray dit Nopce, ou plutôt Noce, avait épousé à Québec, en 1641, Hélène Chastel. Au mois d’octobre 1645, il était veuf et demeurait chez M. de Chavigny (fief Chavigny ci-dessus), lorsque le père Le Jeune le maria avec Nicole, fille de Pierre Garemand dit le Picard. Mézeray alla ensuite résider sur le fief de M. Leneuf de la Poterie, à Portneuf. Vers 1650, il alla s’établir au Cap-Rouge, où il était encore en 1658.

Pierre Gadois, d’abord fixé à Sillery avec sa famille, s’était rendu à Montréal au printemps de 1642 ; mais il paraît qu’il retourna à Sillery, où il était en 1645. Il alla de nouveau s’établir à Montréal, et y prit une terre (1648) à l’endroit du marché Sainte-Anne actuel. En 1660, M. Dollier de Casson cite sa bravoure et dit ce « vieillard était le premier habitant du lieu » (Montréal). En 1644, à Québec, Roberte Gadois épousa César Léger, de Montréal, lequel vécut jusqu’à sa mort dans cette dernière ville.

Les colons, peu nombreux, arrivés de 1640 à 1645, se sont répartis comme suit :

Québec, 1639. — Louis Gagné et sa femme, Marie Michel, étaient à Québec en 1639. Leur nombreuse postérité est répandue dans plusieurs paroisses.

Québec, 1640. — Claude Étienne, de Gélicourt, en Lorraine, épousa (1640), à Québec, Hélène Martin.

Québec, 1641. — Guillaume Bance, de Fréneuse, près la Roche-Guyon, Normandie ; en 1646, sa maison, située sur sa terre, au dessus du saut de la rivière Saint-Charles, ayant été consumée par les feux de forêt, on fit, le dimanche suivant, une corvée de quinze hommes pour la relever. Deux ans plus tard, il épousa Marguerite Bigot. Il avait une sœur, Marguerite, mariée à Québec (1642) avec Jean Brossier, venu du Maine.

Québec, 1641. — Guillaume Couture, de Saint-Godard de Rouen, interprète, donné aux jésuites, paraît être arrivé dans le pays en 1641, sinon auparavant. Capturé par les Iroquois avec le père Jogues (1642), il fut torturé presqu’à la mort ; cependant, il retourna dans les cantons de ces tribus féroces (1644, 1645), et réussit à lier quelques rapports entre elles et les Français. M. de Lauson lui accorda une terre à la côte de Lauson (1648), et il se maria (1649) avec Anne Aymart. Capitaine de milice et juge de la seigneurie, il ne resta pas toujours sédentaire ; car on le voit (1660) se rendre à la baie d’Hudson, et plus tard (1666) dans la Nouvelle-Angleterre, en mission du gouvernement. Sa descendance est très nombreuse et compte deux évêques, monseigneur Turgeon et monseigneur Bourget, parmi ses membres.

Québec, 1643. — Jean Leblanc, de Saint-Lambert, évêché de Bayeux, Normandie, épouse à Québec (1643) Euphrasie-Madeleine Nicolet. En 1646, il était serviteur de Guillaume Couillard ; il fut tué (1662) par les Iroquois, à l’île d’Orléans.

Québec, 1643. — Massé-Joseph Gravelle épousa (1er mai 1644) à Québec, Marguerite Tavernier. Il demeurait alors à la Longue-Pointe. Plus tard, on le retrouve au Château-Richer, d’où sa postérité s’est répandue dans le district de Québec.

Québec, 1643. — Éloi-Jean Tavernier, de Randonnay, au Perche, était marié, depuis 1626, avec Marguerite Gagnon. Ils avaient trois filles. Leur terre était au Château-Richer.

Il faut noter aussi Martin Prévost, natif de Vincennes, qui, en premières noces (1644), épousa une femme sauvage.

Québec, 1644. — Gilles Bacon, de Saint-Gilles près de Caen, Normandie, était au service des jésuites dès 1644. L’année suivante, il revint du pays des Hurons et y retourna. En 1647, il se fixa au Château-Richer et épousa Madeleine Tavernier. Sa descendance existe à la côte de Beaupré.

Québec, 1644. — Claude Larchevêque, du pays de Caux, Normandie, épousa (6 février 1645), à Québec, Marie Simon. Sa descendance est nombreuse dans le Bas-Canada.

Québec, 1645. — Mathieu Chourel, Chorel ou Choret, était au service des jésuites en 1645, lors de son arrivée de France. En 1647, à Québec, il épousa Sébastienne Veillon. Trois ans plus tard, il demeurait à Beauport, et, en 1651, sa maison brûla tandis qu’il assistait à la messe de la paroisse avec sa femme. Nombreuse descendance.

Québec, 1645. — Toussaint Toupin, sieur du Saut, épousa à Québec (1645), Marguerite Boucher, fut un bourgeois influent de Québec et propriétaire d’une barque sur le fleuve. Son fils Jean devint seigneur de la pointe aux Écureuils. L’une de ses filles, Marie, épousa Pierre Mouet, seigneur et officier, ancêtre du fameux Charles de Langlade.

Trois-Rivières, 1641. — Étienne Pépin, sieur de Lafond, de Saint-Laurent de la Barrière, en Saintonge, était aux Trois-Rivières en 1641. Il épousa (1645) Marie Boucher, fut l’un des principaux habitants du Cap-de-la-Madeleine, seigneur du fief Lafond, près Nicolet, et laissa une nombreuse descendance. Jean Pépin, établi aux Trois-Rivières (1643), et qui fut syndic, devait être son parent.

Trois-Rivières, 1641. — Antoine Desrosiers, de Renaison dans le Forez, près Lyon, épousa (1649) mademoiselle Anne Leneuf du Hérisson. Il fut juge de la seigneurie de Champlain. Nombreuse descendance.

Trois-Rivières, 1644. — Médard Chouart des Groseillers, né en 1625, paroisse Saint-Cyr, en Brie, était au service des jésuites, pays des Hurons, 1645-6. Il épousa (1647) Hélène Martin, veuve de Claude Étienne. Nous parlerons de lui ; car ses voyages l’ont rendu célèbre. Il est le fondateur de la compagnie de la Baie-d’Hudson.

Trois-Rivières, 1645. — Jacques Aubuchon dit le Loyal et dit Désellier, de Saint-Remi de Dieppe, Normandie, épousa (1647) Mathurine Poisson. Nombreuse descendance.

Montréal, 1641. — Charles Lemoine, né 1624, fils de Pierre Lemoine et de Judith Duchesne, paroisse de Saint-Rémy de Dieppe, Normandie, arriva dans la Nouvelle-France en 1641 sous les auspices de son oncle, Adrien Duchesne. Il demeura quatre ans chez les Hurons, au service des jésuites. L’automne de 1645, il fut envoyé aux Trois-Rivières en qualité d’interprète et de commis. Le printemps suivant, on le plaça à Montréal où sa connaissance des langues sauvages, sa bravoure et son esprit entreprenant le firent distinguer, et il devint lieutenant-général civil et criminel. En 1654, il épousa Catherine Tierry (âgée de treize ans), de Saint-Denis le Petit-Bourg (d’autres disent de Senneville), évêché de Rouen, orpheline adoptée par Antoine Primot. Il avait obtenu (1650) une terre à Montréal. Le roi l’anoblit (1676), et il porta les surnoms de Longueuil et Chateauguay, qu’il imposa à deux de ses seigneuries. L’histoire du Canada est remplie des hauts faits de ses fils d’Iberville, Sainte-Hélène, Maricourt, Chateauguay, Bienville et Sérigny.

Montréal, 1645. — Jacques Archambault, marié, vers 1620, avec Françoise Toureau, avait un fils et trois filles à son arrivée au Canada. En 1648, on le voit à Québec ; deux ans plus tard, il reçut une terre à Montréal, et il mourut dans cette ville en 1688. Sa descendance est très nombreuse.

Montréal, 1645. — Gabriel Duclos de Celles dit le sieur de Sailly, natif de Noraie, était à Québec l’hiver 1645-6. Il épousa Barbe Poisson, à Montréal, en 1652. Sa femme est citée avec éloge pour avoir porté des fusils aux travailleurs des champs surpris par les Iroquois (1660). Duclos fut juge civil et criminel. L’un de ses descendants est M. A.-D. DeCelles, journaliste de grande valeur.

Homme. Province. Arrivé. Mariés. Province. Femme
Champlain Saintonge 1608 1610 Paris Boulé
Marsolet Normandie 1608 1636 La Barbide
Couillard 1613 1621 Paris Hébert
Martin 1614 1613 Langlois
Pivert 1614 Lesage
Desportes 1614 Langlois
Hertel Normandie 1615 1641 Normandie Marguerie
Jonquest Normandie 1617 1617 Paris Hébert
Hébert Paris 1617 1600 Id. Rollet
Nicolet Normandie 1618 1637 Canada Couillard
Duchesne Id. 1618 Normandie Nom inconnu
Le Tardif 1621 1637 Canada Couillard
Godefroy Normandie 1626 1636 Normandie Leneuf
Godefroy[16] Id. 1626
Godefroy Paris 1626 1646 Normandie Le Gardeur
Hubou Normandie 1627 1629 Paris Rollet[17]
Marguerie Id. 1627 1645 Perche Cloutier
Giffard Perche 1627 1633 Id. Renouard
Juchereau[16] Beauce 1632
Juchereau Id. 1634 1624 Beauce Langlois
Boucher Perche 1634 1632 Perche Malet
Boucher Id. 1634 1619 Id. Lemaine
Cloutier Id. 1634 1615 Id. Dupont
Giroux Id. 1634 Inconnue
Guyon Id. 1634 1633 Perche Boulé
Guyon Id. 1634 1619 Id. Robin
Langlois Normandie 1634 1634 Normandie Grenier
Sauvaget Rochelle 1634 1613 Rochelle Dupuis
Pepin Saintonge 1634 1645 Méchin
Isabel 1634 1648 Perche Dodier
Dodier Perche 1634 1644 Bonhomme
Blondel 1634 1633 Gourdin
Bourdon Normandie 1634 1635 Potel
Auber 1635 1620 Fauconnier
Amyot Beauce 1635 1627 Picardie Convent
Drouin Perche 1635 1636 Perche Cloutier
Côté 1635 1635 Martin
Delaunay Maine 1635 1645 Pinguet
Grouvel 1635 1635 Auber
Drouet Perche 1636 1638 Anjou Godin
Le Gardeur Normandie 1636 1630 Normandie Favery
Le Gardeur Id. 1636 1648 Beauce Juchereau
Leneuf Id. 1636 1630 Normandie Le Gardeur
Leneuf[18] Id. 1636
Poutrel Id. 1636 1630 Normandie Leneuf
Delaporte Paris 1636 1645 Paris Voyer
Gourdeau Poitou 1636 1652 Champagne Grandmaison[17]
Pelletier Beauce 1636 1635 Roussy

Brassard Normandie 1636 1637 Méry
Bélanger Id. 1636 1637 Perche Guyon
Bourguignon 1636 1636 Id. Morin
Sevestre Paris 1636 1627 Paris Pichon
Selle 1636 1637 Bérard
Sédillot Picardie 1636 1635 Picardie Charrier
Maheu Perche 1636 1648 Corriveau
Maheu Id. 1636 1639 Picardie Convent[19]
Mézeray Normandie 1636 1641 Chastel
Caron 1636 1637 Le Crevet
Racine Normandie 1636 1637 Martin
Pinguet Perche 1636 1637 Boucher
Duquet 1637 1638 Paris Gautier
Poulin Perche 1637 1638 Mercier
Fafart Normandie 1637 1644 Picardie Sédillot
Hayot Perche 1637 1636 Boucher
Drouet Id. 1637 1638 Anjou Le Magnan
Dabancour Picardie 1637 1617 Picardie Dorgeville
Jolliet Brie 1637 1639 Id. Dabancour
Crevier Rochelle 1638 1636 Normandie Enard
Bigot Bretagne 1638 1639 Id. Panie
Gory Id. 1638 1639 Id. Panie
Garemand Picardie 1638 1630 Picardie Charlot
Cochon Normandie 1638 1622 Normandie Abraham
Damien Id. 1639 1641 Fouquet
Gagnon Perche 1639 1640 Normandie Cochon
Morin Brie 1639 1649 Canada Desportes[19]
Gagnon Perche 1639 1642 Normandie Desvarieux
Gagnon Id. 1639 1647 Id. Godeau
Bonhomme Normandie 1639 1640 Id. Goujet
Gadois Perche 1639 1625 Perche Mauger
Rainville Normandie 1639 1638 Normandie Poête
Grimaud Id. 1639 1648 Saintonge Bayeux
Macart Champagne 1639 1646 Canada Couillart[19]
Poisson Perche 1639 1644 Champagne Chamboy
Massé 1639 1644 Pinel
Miville Rochelle 1639 1629 Rochelle Mangis
Gagné 1639 Michel
Bridé 1639 Inconnue
Badeau Perche 1639 Perche Ardouin
Étienne Lorraine 1639 1640 Canada Martin
Boissel 1640 1639 Eripert
Millouer Maine 1640 1642 Normandie Hubou
Chavigny Champagne 1640 1638 Champagne Grandmaison
Paradis Perche 1640 1641 Perche Guyon
Desrosiers Forez 1641 1649 Normandie Du Hérisson
Damien Normandie 1641 1641 Joly
Hébert Id. 1641 1646 Duvivier
Godé Perche 1641 1634 Perche Gadois
Bance Normandie 1641 1648 Paris Bigot
Brossier Maine 1641 1642 Normandie Bance
Couture Normandie 1641 1649 Poitou Aymart
Pepin Saintonge 1641 1645 Perche Boucher
Lemoine Normandie 1641 1654 Normandie Tierry-Primot
Barbier Nivernois 1642 1650 Delavau
D’Ailleboust Champagne 1643 1640 Paris Boulogne
Tavernier Perche 1643 1626 Perche Gagnon
Godé Id. 1643 1649 Auvergne Bugon
Léger Saintonge 1643 1644 Perche Gadois
Lucault 1643 1648 Id. Poisson
Leblanc Normandie 1643 1643 Normandie Nicolet
Gravelle 1643 1644 Canada Tavernier
Pepin Saintonge 1643 Inconnue
Prevost Paris 1643 1644 Canada Femme sauvage
Lambert 1644 1656 Laurence
Bacon Normandie 1644 1647 Perche Tavernier
Larchévêque Id. 1644 1645 Poitou Simon
Chouart Brie 1644 1647 Canada Martin[19]
Choret 1645 1647 Veillon
Toupin 1645 1645 Perche Boucher
Aubuchon Normandie 1645 1647 Id. Poisson
Archambault 1645 1620 Toureau
De Celles 1645 1652 Perche Poisson
Robineau Paris 1645 1652 Normandie Leneuf

Sans oser prétendre que tous les colons du Canada (1608-1645) sont représentés dans la liste qui précède, nous pensons que ce tableau est assez complet pour servir de base aux observations que le lecteur voudra faire sur cet intéressant sujet. Ainsi, on y voit que cent vingt-deux colons ou habitants, établis dans l’espace d’une quarantaine d’années, ont, dans les neuf-dixièmes des cas, laissé parmi nous une nombreuse descendance[20]. Ces hommes, presque tous nouvellement mariés au moment de leur immigration, appartenaient à la classe des cultivateurs ou petits métayers ; ils étaient éminemment propres à la vie de défricheurs d’abord, et ensuite d’habitants ; ceux qui n’étaient pas encore mariés ne tardèrent pas à épouser les Françaises et à fonder des familles. Cette petite population est tout-à-fait typique : elle offre ce caractère que toutes les familles se sont conservées, et que chaque individu compte comme fondateur de paroisse. Nous donnerons dans un troisième volume la liste des Français qui composaient la population flottante de cette époque, et qui étaient, à proprement parler, des hivernants. Nos observations portent uniquement sur la population stable, c’est-à-dire les Canadiens. La plupart des cent vingt-deux colons fondateurs que nous montre le tableau précédent étaient arrivés entre les années 1634 et 1641, puisque durant cette période on n’en compte pas moins de quatre-vingts. La guerre des Iroquois et la mauvaise administration des Cent-Associés furent cause qu’il en vint seulement dix-neuf dans les quatre années qui suivirent.

De 1608 à 1645, la Normandie nous donna trente-cinq colons ; le Perche, vingt-sept ; la Beauce, quatre ; la Picardie, trois ; Paris, cinq ; le Maine, trois ; la Brie, trois — soit un total de quatre-vingts pour la région située au nord de la Loire. Les années qui en fournirent le plus sont 1636 et 1639, à savoir, dix-sept et dix-huit chaque fois.

Sur cent dix-neuf femmes mariées, il y en avait vingt-trois du Perche, vingt-deux de la Normandie, onze de Paris, deux de l’Anjou et deux de la Beauce — soit soixante-huit au nord de la Loire. Il est vrai que trente femmes n’ont pas de lieux d’origine connus ; mais tout nous porte à croire que la plupart venaient aussi des provinces du nord ; en d’autres termes, elles avaient suivi leurs parents, et, par conséquent, le groupe des quatre-vingts hommes mariés que nous venons de signaler au lecteur comme étant venus du nord était balancé par quatre-vingts femmes mariées originaires de ces mêmes provinces.

Cinq femmes, nées au Canada, se sont mariées avant l’année 1645 ; trois d’entre elles, étant devenues veuves, ont convolé en secondes noces. Trois femmes nées en France et venues avec leurs maris se sont remariées après la mort de ceux-ci. On remarque que des jeunes filles de treize et quatorze ans entraient en ménage à mesure que les hommes arrivaient de France, et qu’elles fondèrent des familles nombreuses qui se sont perpétuées jusqu’à nos jours.

Dans toute cette période qui s’arrête à 1645, il n’y a pas eu d’organisation spéciale pour le recrutement des femmes ; si, d’un côté, il en est venu quatre-vingts du nord de la France (chiffre correspondant à celui des hommes de ces endroits), celles qui sont indiquées comme provenant de la Champagne, de l’Auvergne, de la Saintonge, de la Rochelle et du Poitou s’élèvent à peine au nombre de dix, contre neuf à dix hommes de ces mêmes provinces ; elles avaient donc, comme celles du nord, suivi leurs parents dans leur immigration. Si l’on rapproche le nombre des hommes de provenance inconnue du nombre des femmes de cette même classe, on voit qu’il est à peu près semblable, soit un sixième du nombre total.

À la fin de l’année 1645, il y avait vingt-cinq seigneuries concédées en Canada. C’était, au sud du fleuve, Lauzon, Sainte-Croix, Godefroy et la Citière ; dans le fleuve, les îles aux Oies, Orléans, Montréal et Jésus ; au nord, Beaupré, Beauport, Notre-Dame des Anges, l’Espinay, banlieue de Québec, Sainte-Foye, Sillery, Port-Neuf, Chavigny, Grondines, Batiscan, l’Arbre-à-la-Croix, Saint-Louis des Trois-Rivières, Dautray et Saint-Sulpice. Il ne paraît pas y avoir eu d’habitants au sud du fleuve. Les îles aux Oies, Orléans et Montréal avaient des commencements d’habitations. Au nord, les colons étaient concentrés depuis le cap Tourmente jusqu’à Chavigny ou Deschambault ; il y avait un petit poste naissant à l’Arbre-à-la-Croix, dans la seigneurie actuelle du cap de la Madeleine ; aux Trois-Rivières, quatorze ou quinze ménages possédant des terres particulières. C’était bien peu de chose pour une colonie commencée depuis près de quarante ans, et que l’autorité royale avait placée depuis dix-sept ans entre les mains d’une société puissante, soumise à l’obligation d’établir le pays. La compagnie de la Nouvelle-France, qui s’était obligée à fournir quatre mille colons durant cet espace de temps, n’en avait envoyé qu’un peu plus d’une centaine, et encore faut-il tenir compte, sur ce nombre, de ceux qui avaient suivi MM. Giffard, Le Gardeur, Le Neuf, Chavigny, Bourdon et les pères jésuites, ce qui réduit l’influence de la grande compagnie à un recrutement de cinquante colons, en lui faisant la part très belle.

Dans ces circonstances défavorables, une seule chose sauva le Canada : l’organisation seigneuriale. Les concessionnaires des grands terrains agissaient par eux-mêmes, dans leur intérêt propre, et fondaient des paroisses destinées à se maintenir par leurs seules ressources. Ce principe était tellement vivace que plus tard, aux jours féconds de Colbert, l’organisation seigneuriale fut encore la planche de salut de la colonie. Ces Canadiens, qui avaient adopté le nouveau pays et qui le servaient de tout leur cœur et de toutes leurs forces, devinrent le pivot sur lequel tournèrent les événements.

La seigneurie, telle que nous l’entendons, c’est la paroisse, et l’idée de la paroisse, c’est l’état municipal. Toute l’administration du pays devait entrer dans ce moule ; malheureusement, les gouverneurs recevaient de Paris des instructions qui gênaient le libre développement de ces justes instincts. Il y eut mécontentement, c’était légitime, mais presque point de lutte à cause du pouvoir centralisateur et absolu que possédait alors la royauté. L’habitant, à qui on refusait une voix dans les conseils de la colonie, se replia sur lui-même, entretint sa vigueur en embrassant la terre, et se trouva assez fort, à l’heure de la conquête, pour conserver le pays dont on n’avait pas voulu lui confier les intérêts.

L’œil de l’historien s’arrête avec plaisir sur ces premiers efforts des Canadiens pour créer une patrie à leurs enfants, et doubler la valeur du sentiment français dans le monde. Nous verrons, sans surprise, ces Français transplantés prendre goût aux habitudes d’une nouvelle situation, et tirer parti des circonstances les plus difficiles. Ils ont vaincu le climat, terreur des premiers hivernants ; ils se sont procuré une nourriture substantielle, supérieure à celle de l’Europe ; ils ont étendu leurs regards aux limites extrêmes de l’Amérique, et compris l’avenir qui attendait leurs descendants ; on les a vus donner leur sang et leurs biens pour le succès d’une idée ; ils ont eu foi dans la France tant qu’elle ne s’est pas retirée d’eux, et plus tard, obligés de se défendre sur un terrain nouveau, les habitants ont conquis l’indépendance politique dont nous jouissons.

Que serait-il arrivé si la France eût écrasé les Iroquois, lorsque ceux-ci reprirent les armes en 1646 ? Un grand nombre de colons n’eussent point tardé à s’emparer des terres du Saint-Laurent, puisque tout le nord du royaume se trouvait alors comme ouvert au recrutement des agriculteurs. Les esprits étaient préparés. Si l’on n’eût point laissé reparaître le fantôme, hélas ! trop réel, de la guerre sauvage, la situation de la colonie devenait assurée, et bientôt nous eussions devancé les Anglais, nos voisins ; car la révolution qui renversa Charles i était commencée et paralysait les établissements de la Virginie et de la Nouvelle-Angleterre. Trois cents soldats, quelques fortins sur le fleuve, deux ou trois coups hardis portés au cœur du pays des Iroquois, il n’en fallait pas davantage pour sauver le Canada ; mais la cour absorbée par les intrigues, le cardinal de Mazarin aux prises avec la noblesse, la guerre aux frontières, faisaient bien aisément oublier une centaine de pauvres familles perdues dans les forêts lointaines du Nouveau-Monde. D’ailleurs, le devoir de protéger les Canadiens incombait encore plus aux Cent-Associés qu’à la France elle-même. Les membres de cette association méritent toute la censure de l’Histoire : ils ont constamment manqué à leur parole et opéré sous de faux prétextes. À lire les pièces qu’ils ont signées, telles que lettres aux missionnaires, contrats de concessions de terres, déclarations de toute nature, on les croirait inspirés du plus noble et du plus religieux sentiment ; mais tout se borne aux mots, comme dans les documents, en apparence si honnêtes, de François i, Henri ii, Henri iii et Henri iv. Le Canada était un pays à exploiter — on l’exploitait. Fallait-il mentir pour conserver ce riche monopole — on mentait. Dans ce calcul, l’habitant seul ne comptait pas ; cependant, il était l’unique homme qui eût la justice et le patriotisme de son côté ; mais on entravait sa marche, au lieu de l’aider. Les Cent-Associés servaient de prétexte aux rings ou cercles de spéculateurs dont on ne voulait pas avouer ouvertement le métier. Strictement parlant, cette compagnie n’a jamais existé que sur le papier, ce qui n’empêche pas les écrivains de nos jours de s’enthousiasmer sur les travaux qu’elle avait promis d’accomplir. Promettre et tenir ne sont point la même chose. Si la compagnie eût cessé de jouir de ses privilèges à l’époque où elle se déclarait incapable de remplir ses obligations (1633), personne ne la blâmerait ; mais elle se garda bien de renoncer aux bénéfices qu’elle en retirait ! Après 1645, elle semblait avoir fini son triste rôle ; néanmoins, elle intrigua et se soutint encore vingt années — les vingt années les plus lamentables de notre histoire. C’est à peine si, de tous les Associés, on en voit quatre qui prirent leur devoir au sérieux.

Dans une situation aussi précaire, les habitants ne voulurent ni se disperser ni retourner en France. Tenaces comme tous les Normands, ils plongèrent des racines dans le sol, et s’y maintinrent. Braves comme la race dont ils descendaient, on les vit soutenir des combats journaliers contre les bandes iroquoises, et créer cette légende qui semble plutôt tirée de l’imagination des poètes que de la vie réelle : le laboureur, une main à la charrue et l’autre portant ses armes. Les femmes et les enfants, si paisibles et si doux dans les campagnes de la France, se transformaient au Canada ; le cri de guerre du sauvage leur allumait les veines. Il n’était point rare de voir les défricheurs secourus par leurs épouses, leurs filles et leurs jeunes garçons lorsqu’une surprise de ce genre avait lieu. Les Canadiens d’aujourd’hui se figurent difficilement l’existence que menaient leurs ancêtres au milieu des embûches des ennemis, et celui qui parcourt nos riches et belles paroisses ne songe pas « que près de la borne où chaque terre commence, aucun épis n’est pur de sang humain. »

S’il est dans le nombre des colonies, petites et grandes, que l’Europe a éparpillées sur la surface du globe, un groupe d’hommes méritant le respect et l’admiration de l’Histoire, c’est assurément celui dont nous avons entrepris l’étude. Aussi est-il bon de relever avec soin, de page en page, ce qui touche à chacun de ces premiers Canadiens ; car ils méritent tous les honneurs que l’on décerne aux pères d’une nation — et, plus heureux que les Romains, nous avons gardé, outre les noms des Romulus et des Remus du Canada, le nom, le souvenir respecté et la descendance directe des fondateurs de notre patrie.


  1. Ici commence le titre du fief de Chavigny de la Chevrotière, enclavé à présent dans la seigneurie de Deschambault.
  2. À Québec, on commença à vendre du bois de chauffage et à se servir du blé du pays, l’automne de 1645, dit le Journal des Jésuites. Nous savons, cependant, que, aux Trois-Rivières et à Beauport, on récoltait du blé depuis 1634.
  3. C’est la première fois, croyons-nous, qu’il est enjoint aux habitants de ne traiter que des produits de leurs cultures.
  4. Titres seigneuriaux, 375.
  5. Comme seigneur, il y était obligé.
  6. Il est question des habitants partout dans ces deux pièces, et non des engagés.
  7. Titres seigneuriaux, 377. Documents de la tenure seigneuriale, vol. B, 36, 39.
  8. Saint-Sauveur de Thury, en Normandie. Le faubourg Saint-Sauveur de Québec porte ce nom en mémoire de M. Le Sueur. En 1645-6, il était missionnaire à la côte de Beaupré.
  9. M. Le Sueur desservit la chapelle Saint-Jean, sur le coteau Sainte-Geneviève.
  10. Titres seigneuriaux, 114-16.
  11. M. de Chavigny tenait sa place à Québec.
  12. Il y retourna au mois de novembre suivant. En 1648, on y rencontre le père Bailloquet, et en 1651, le père Ragueneau.
  13. Ferland : Notes, 43 ; Cours, I, 412-2 ; Journal des Jésuites, 8 ; Doutre et Lareau ; Droit civil, 35.
  14. C’est la seigneurie de Montmagny ou Rivière du Sud.
  15. Titres seigneuriaux, 370. Bouchette : Dictionnaire, article « Rivière-du-Sud ».
  16. a et b Célibataire
  17. a et b Veuve remariée
  18. Veuf
  19. a, b, c et d Veuve remariée.
  20. Consultez toujours, sur la généalogie de nos familles, le dictionnaire de Tanguay.