Histoire du Parnasse/Leconte de Lisle chef du Parnasse

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CHAPITRE VII
Leconte de Lisle chef du Parnasse

Mais ils tardent, au gré du poète qui souffre de son isolement ; il se plaint à Mme Louise Colet, en 1853, de n’avoir personne autour de lui[1]. Heureusement le Figaro le prend en grippe, et, s’acharnant contre lui, lui fait la plus profitable des réclames : à force d’entendre bafouer Leconte de Lisle, quelques débutants pressentent en lui une force, vont vers lui, et sont conquis[2]. Ver- laine lui-même a beau le trouver très dru : à l’occasion : il le range parmi ceux qu’il appelle les poètes magistrats, Hugo, Baudelaire, et Banville[3].

Peu à peu, le petit salon de Leconte de Lisle, au 8 du boulevard des Invalides, se peuple le samedi soir : les jeunes poètes qui forment le groupe parnassien, grimpent, quatre à quatre, les cinq étages, gais, rieurs, bruyants d’abord, puis retenus peu à peu par un sentiment de respect : « en vérité, dit Coppée, mes camarades et moi nous allions chez Leconte de Lisle comme les croyants vont à la Mecque[4] ! » Cette admiration cache-t-elle une ironie ? Maurice Barrès lui aussi raconte l’émotion avec laquelle il gravit « ce sommet redoutable, ce lieu sacré[5] ». C’est le Maître lui-même qui ouvre sa porte, aimable et imposant : « l’auteur des Érinnyes, dit Th. de Banville, ne manque pas au premier devoir du poète, qui est d’être beau. Sa tête a un aspect guerrier et dominateur… Le front, très haut, se gonfle au-dessus des yeux en deux bosses qui ne font guère défaut dans les têtes des hommes de génie, et ses yeux vifs, perçants, impérieux et spirituels, sont comme embusqués au fond de deux cavernes sombres… La bouche rouge, charnue, que surmonte un plan net, est ferme, fière et malicieuse, très accentuée d’un pli railleur qui la termine[6] ». Telle est la grande figure qui se dresse au seuil ; puis les jeunes gens vont s’incliner devant la maîtresse de la maison. Faut-il la reconnaître dans le portrait qu’en a esquissé M. Léon Daudet ? « femme d’aspect doux et timide, telle qu’une libellule épouvantée… Jamais je ne lui ai entendu dire un seul mot, je le jure, pas un seul mot. Les vers du maître l’avaient pétrifiée[7] ». Ce n’est pas l’impression des Parnassiens ; Theuriet constate que Mme de Lisle, petite et vive, reçoit avec beaucoup de bonne grâce[8]. Son mari est pour elle d’une délicatesse parfaite et protectrice. Il n’admet pas qu’un de leurs amis lui dédie un de ses romans, et livre ainsi le nom de sa femme au public[9]. Beaucoup plus âgé qu’elle, il la traite avec une douceur paternelle qui touche les jeunes parnassiens[10]. Mlle Jules Breton a traduit cette impression dans un joli croquis : « sa gentille petite femme, vive et gaie, était autour de lui comme un petit oiseau des îles prêt à se blottir à la moindre alerte sous sa vaste envergure, et il avait coutume de l’appeler — Mon enfant[11] ! » Dans leur intimité, il écrit pour elle de courts billets en vers où il lui dit sa tendresse :


Tes beaux yeux sont un double éclair,
Et sur la pourpre de ta joue
Les tresses que ta main dénoue
Comme des fleurs embaument l’air ;
Mais tes yeux noirs ont moins de flamme
Sous le velours de tes cils bruns,
Et tes cheveux moins de parfums
Que tu n’as de trésors dans l’âme[12].


Tels sont les maîtres de la maison, recevant les élus dans un salon où nul ne songerait à s’émanciper. Au début, quelques-uns regrettent leur sans-gêne chez Nina de Villars ou chez Mme de Ricard, la liberté des réceptions de Catulle Mendès ; certains, dit Xavier de Ricard, se sentent fascinés par le terrible monocle du Maître, et la menace de sa redoutable ironie[13].

Ricard exagère ; le salon çst hospitalier : le groupe des premiers fidèles est là comme chez lui : Louis Ménard, Jean Marras, Mendès, France, Coppée, Verlaine, Villiers de l’Isle-Adam, Alphonse Lemerre, Dierx, de Gueme ; un peu plus rarement Mallarmé et des Essarts qui professent en province, André Lemoyne, Sully Prudhomme, d’Hervilly, et les deux inséparables, Mérat et Valade ; parfois même Banville[14]. Henry Houssaye est admis, à vingt ans, à cause de son Histoire d’Apelle ; il parle peu, mais avec une douce honnêteté, suivant le mot du Maître[15].

Ce qui fait le charme de cette première société, c’est la complète liberté des conversations, et en même temps leur élévation : l’atmosphère intellectuelle est salubre ; on s’y accoutume à penser noblement, à juger de haut[16]. C’est, dit un des habitués, le salon des hommes, « le salon mâle », si attirant que, chaque samedi, se présentent Catulle Mendès, sa femme, et Marras : chaque fois, ils s’en retournent en pleine nuit, à pied, les deux premiers à Neuilly, Marras au Grand-Montrouge, près du fort de Vanves[17].

Les admirateurs de Leconte de Lisle deviennent vite ses amis. Son charme agit sur eux immédiatement. Flaubert raconte à Mme Louise Colet leur première entrevue, en 1853 : « je me suis rué sur ce bon Leconte avec soif ; au bout de trois paroles que je lui ai entendu dire, je l’aimais d’une affection toute fraternelle. Amants du beau, nous sommes tous des bannis ; et quelle joie quand on rencontre un compatriote sur cette terre d’exil. Dis-lui donc, à l’ami Leconte, que je l’aime beaucoup, que j’ai déjà pensé à lui mille fois… La sympathie d’hommes comme lui est bonne à se rappeler dans les jours de découragement[18] ». Cette amitié en coup de foudre dure, augmente même avec les années. Leconte de Lisle encourage Flaubert de son admiration ; le 10 mai 1877, après la publication des Trois Contes, il lui envoie cette lettre qui dut faire rugir de plaisir le bon géant : « j’ai lu deux fois ton livre, avec la sérieuse attention que je mets à lire tout ce que tu écris… Un Cœur simple est une merveille de netteté, d’observation infaillible et de certitude d’expression… Tu as un grand et puissant talent, et nul n’en est plus convaincu et plus heureux que ton vieil ami[19] ». Voilà comment il traite ses pairs ; il est tout aussi bon prince pour les débutants. De loin sa réputation les effraye ; son accueil les détend. Jules Breton, qui est un grand peintre, mais un petit poète, est invité par Heredia à un de ses dîners du mercredi où Leconte de Lisle doit assister : « j’allais donc voir l’astre, que j’entrevoyais dans un ciel inaccessible. Eh bien ! La présentation fut absolument cordiale. Le grand poète, malgré son air imposant,…fut si plein de bienveillance que j’éprouvai subitement pour lui une réelle affection… Je crois d’ailleurs à l’indulgence des forts ». C’est le commencement d’une amitié sans nuages qui dure vingt-deux ans, jusqu’à la mort du poète, et qui s’explique par la générosité d’âme de Leconte de Lisle : il est rarement jaloux ; il aime à admirer[20]. Surtout il est bon pour les jeunes, auxquels il réserve son meilleur accueil[21]. Il se met en frais pour eux ; il cause en simple camarade, multipliant les traits charmants, les enchantant par l’imprévu de ses plaisanteries[22]. Pour les mettre à leur aise il imagine jusqu’à des calembours énormes ; il y en a un qui est célèbre au Parnasse ; il est de tradition qu’on en fasse attendre l’explication aux nouveaux venus : Leconte de Lisle n’appelle jamais Ratisbonne que : le Dumolard de la Poésie. — ? — Mais oui : Dumolard est un tueur de bonnes, alors notoire ; donc le poète Ratisse-bonnes est un Dumolard[23] ! Et de rire, protocolairement.

Voilà un Leconte de Lisle inattendu, qui sait descendre de son olympe, et s’humanise avec ses disciples. Il les encourage dans leur effort ; il les réconforte dans leurs insuccès, en leur citant modestement ses propres déboires : « Ah ! vous avez fait de mauvais vers ? Pas tant que moi ! Voyez-vous, il faut avoir fait de mauvais vers[24] ». Il fait mieux : il organise en 1863 pour ces jeunes gens qui ne trouvent pas encore d’éditeur, des Lectures Poétiques : Mendès devenu son lieutenant, est chargé de tâter Baudelaire, de lui demander son concours, et, tout d’abord, son nom : « tous les mardis, cinq ou six poètes liront, dans une salle assez vaste, quelquefois des études d’esthétique, souvent des traductions, presque toujours des vers d’eux-mêmes… Ai-je besoin de vous dire que vous serez en bonne compagnie, et en compagnie d’amis ? Leconte de Lisle, Soulary, Ménard, Philoxène Boyer, etc., etc. ; Gautier, que Leconte de Lisle visite aujourd’hui ; puis deux ou trois jeunes gens comme moi… Nos affiches ont hâte de s’enorgueillir de votre nom[25] ». Il faut, en effet, s’appuyer auprès du public sur des réputations déjà établies. En 1865, Leconte de Lisle remercie Émile Deschamps de l’avoir autorisé à mettre son nom, qui est alors une réclame, sur le programme des Lectures Poétiques[26]. Ainsi le Maître aide les jeunes à percer ; il leur en donne la force par son enseignement.

Cette doctrine, il l’a résumée dans la préface de ses Poèmes antiques, en 1852. Elle vaut surtout par son côté négatif : c’est une rupture violente avec les poètes romantiques ; il leur reproche de manquer d’idées, de système philosophique, « impuissants que vous étiez à exprimer autre chose que votre propre inanité[27] ». Ce dédain généralisé se concentre sur Victor Hugo ; cela tourne à la haine personnelle, et se condense dans une formule meurtrière qu’il a répétée deux fois : « je l’ai entendu, dit M. Léon Daudet, de mes oreilles, à la nouvelle de la pneumonie qui devait emporter son concurrent heureux, s’écrier : — il l’a bue et mangée, sa gloire ; eh bien ! qu’il la digère ! — Mais il fallait voir le rictus, et la chute concomitante du monocle[28] ». Plus doucement, mais aussi nettement, Mme Alphonse Daudet constate la même animosité, le 31 mars 1887, à l’Académie française : succédant à V. Hugo, il en fait l’éloge obligatoire ; mais elle remarque des hésitations, des restrictions. ; aux passages les plus acrimonieux, elle regarde le petit-fils, « ce nerveux Georges, dont la figure se gonflait de larmes, par moments, aux duretés voulues, aux réticences… En lui souffre, se débat, et pleure, la gloire diminuée du grand homme[29] ». Leconte de Lisle prend ce jour-là sa revanche des éloges qu’il avait été bien obligé d’accorder à Hugo pour la galerie. Mais au fond, il y a entre eux plus qu’une question de jalousie littéraire : il y a une lutte de doctrine : à la conception hugolienne du poète-messie, Leconte de Lisle oppose une sorte d’agnosticisme social : « Nous sommes une génération savante ; la vie instinctive, spontanée, aveuglement féconde de la jeunesse, s’est retirée de nous. Tel est le fait irréparable. La Poésie n’enfantera plus d’actions héroïques ; elle n’inspirera plus de vertus sociales[30] ». Du même coup il rompt avec le byronisme[31]. Il préconise la poésie impersonnelle. Il annonce qu’on ne trouvera aucune confidence dans ses Poèmes antiques : « les émotions personnelles n’y ont laissé que peu de traces… Bien que l’art puisse donner, dans une certaine mesure, un caractère de généralité à tout ce qu’il touche, il y a dans l’aveu public des angoisses du cœur et de ses voluptés non moins amères une vanité et une profanation gratuites… Ceci explique l’impersonnalité de ces études[32] ». C’est, comme nous l’avons déjà vu ailleurs, la thèse du sonnet des Montreurs[33]. Cette préface des Poèmes antiques, moins retentissante que la Préface de Cromwell, s’infiltre lentement dans la nouvelle génération littéraire. Flaubert n’en accepte pas toutes les idées, en particulier le retour à l’hellénisme ; il en trouve la pensée trop condensée, mais il apprécie fort la violence de la déclaration de guerre au romantisme, dans une lettre à Louise Colet : « j’ai lu Leconte ; eh bien, j’aime beaucoup ce gars-là ; il y a un grand souffle ; c’est un pur… Sa préface aurait demandé cent pages de développement, et je la crois fausse d’intention : il ne faut pas revenir à l’antiquité, mais prendre ses procédés… Il y a autre chose dans l’art que la rectitude des lignes et le poli des surfaces… Il y a une belle engueulade aux artistes modernes[34].

En 1864, Leconte de Lisle revient à la charge dans une série d’études critiques publiées dans Le Nain jaune, puis il les réunit, avec un avant-propos qui est une déclaration de principes, et aussi une nouvelle déclaration de guerre : « un vrai poète porte à la majesté de l’art un respect trop pur pour s’inquiéter du silence ou des clameurs du vulgaire, et pour mettre la langue sacrée au service des conceptions viles. Le clairon de l’archange ne se laisse pas emboucher comme une trompette de carrefour. J’étudierai dans cet esprit l’œuvre des poètes contemporains. Je demanderai avant tout à chacun d’eux ses titres d’artiste, certain de rencontrer un penseur et une haute nature morale, mais non comme l’entend la plèbe intellectuelle, là où j’admirerai la puissance, la passion, la grâce, la fantaisie, le sentiment de la nature, et la compréhension métaphysique et historique, le tout réalisé par une facture parfaite, sans laquelle il n’y a rien[35] ». Suivent six études sur Béranger, Lamartine, Hugo, Vigny, Barbier et Baudelaire. Ces morceaux de critique sont des pièces chirurgicales, des préparations pour son cours au Parnasse. Cela rappelle la leçon d’anatomie de Rembrandt. Aucun élève-poète n’a publié ses notes de cours, mais Maurice Barrès a cité quelques fragments de cet enseignement dans son discours de réception : « ce grand poète ne croyait pas que l’art eût pour objet la reproduction de la nature : il nous prêchait qu’il faut transformer en matière poétique les éléments que nous fournit la vie[36] ». — « Une autre de ses maximes, dit encore Barrès, c’était qu’il n’y a pas à distinguer entre le fond et la forme, et que l’art d’écrire c’est l’art même de penser[37] ». Non seulement Leconte de Lisle n’est plus romantique, mais encore il revient au classicisme, puisqu’au fond il ne fait que répéter le vers de L’Art poétique :


Avant donc que d’écrire apprenez à penser.


Cette comparaison avec Boileau, bien qu’inattendue, s’impose à quiconque connaît bien son Leconte de Lisle, comme Bairès. Notre poète fait sienne la théorie classique qu’il faut appuyer la poésie sur le réel, mettre en ordre ses pensées, condenser son sujet ; il donne à ses élèves une discipline de l’esprit ; donc il reprend le rôle de Boileau[38]. Un de ses disciples remonte même plus haut, et salue en lui le Malherbe du Parnasse[39]. Soit, mais à condition de ne pas abuser de la formule, et de ne pas diminuer Leconte de Lisle : Malherbe s’imposait tyranniquement à ses élèves, et, pour ainsi dire, s’enseignait lui-même : Leconte de Lisle, au contraire, se refusait à pétrir ses disciples à sa propre ressemblance : Heredia a pu lui rendre ce juste témoignage : « Artiste accompli, il fut un éducateur incomparable, car il avait la faculté si rare de se dédoubler, de se mettre, comme il disait en riant, dans la peau d’un autre ; et toujours il vous donnait, suivant votre nature, le meilleur conseil[40] ». Cette différence essentielle établie, nous pouvons reconnaître que sur certains points les deux maîtres se ressemblent.

Tous deux, dans l’exercice de leur magistère, sont jaloux de leurs prérogatives : « Il n’y a qu’un président ici », disait Malherbe ; Leconte de Lisle témoigne une antipathie marquée à tout professeur éminent, même à celui qui pourrait ouvrir au groupe parnassien un plus large horizon : Gaston Paris, qui vient de soutenir en 1865 sa thèse sur l’Histoire poétique de Charlemagne, a beau être présenté par Sully Prudhomme ; le Maître lui fait comprendre « que les recherches critiques sur le passé de la poésie sont moins intéressantes que la poésie elle-même » ; après quelques soirées, Gaston Paris disparaît du salon[41]. Comme Malherbe, Leconte de Lisle maintient chez ses élèves une discipline exacte, celle, du reste, dont ils sentent eux-mêmes le besoin : « il nous fallait la règle, une règle imposée d’en-haut, avoue Mendès. Cette règle, c’est de Leconte de Lisle que nous la reçûmes[42] ». Comme Malherbe il donne ses conseils avec une franchise redoutable, « avec une rudesse dont nous lui savions gré, continue Mendès ; il n’était pas indulgent[43] ». Poussait-il sa sévérité jusqu’à l’excès ? Rodenbach se plaignait, paraît-il, d’avoir eu à subir les « brutalités » du Maître, sans préciser[44]. Mais nous savons par ailleurs que Leconte de Lisle n’était pas tendre pour ceux qui choquaient sa conception du beau[45]. Peut-être avait-il flairé dans ce tout jeune homme un futur symboliste. Puis, il se croyait obligé en conscience de décourager les jeunes en qui il ne découvrait pas la vraie vocation : « les vers que vous m’avez envoyés se ressentent de votre extrême jeunesse, écrit-il à un inconnu. Même avec beaucoup de talent, la vie d’un poète est souvent bien dure…, pleine de désenchantement et de misères morales. Pardonnez à un homme qui a beaucoup souffert la sincérité que vous lui avez demandée[46] ». L’inconnu dut prendre lui aussi pour de la brutalité ce qui nous semble pure loyauté. C’était la vérité, et même la sévérité, que lui demandaient ses disciples. Son élève préféré, le vicomte de Guerne, celui que les Parnassiens un peu jaloux avaient baptisé le vicomte de Lisle, a le courage et la fierté d’écrire au « cher Maître », après quelques compliments qu’on sent sincères : « je n’oublie pas l’extrême bienveillance que vous m’avez témoignée lorsque je vous ai lu mon poème. Je veux espérer que, lorsque je vous demanderai de lire vous-même La Vision, vous serez plus sévère. Je mets tout mon orgueil de poète à n’avoir droit à aucune indulgence[47] ».

Son enseignement n’a rien de pédant, et ne comporte pas bien entendu de développements oratoires ex professo, mais tout de même, au hasard des conversations, il expose des théories fragmentaires qui, réunies, forment une doctrine. Peut-on enseigner la poésie ? Les avis diffèrent : V. Hugo, à ses débuts, s’inscrit en faux là contre : « je ne connaîtrais rien de plus triste qu’un cours de poésie… fait sérieusement, parce qu’au fond un cours de poésie… est un sot cours[48] ». Au contraire, Th. Gautier admet parfaitement que la poésie s’enseigne, « car, quoi qu’on puisse dire, la poésie est un art qui s’apprend, qui a ses méthodes, ses formules, ses arcanes, son contre-point et son travail harmonique. L’inspiration doit trouver sous ses mains un clavier parfaitement juste, auquel ne manque aucune corde[49] ».

Théo, dans l’intimité, appelait encore ses procédés de fabrication artistique ses « gaufriers ». Quels sont ceux de Leconte de Lisle ? Il ne les cache pas, il aime à en parler : placé dans un dîner à côté de Goncourt qu’il ne connaissait pas encore directement, Leconte de Lisle engage aimablement la conversation ; son voisin le trouve spirituel, délicatement méchant, mais parlant peut-être un peu trop des choses de son métier, versification, prosodie, etc.[50]. Aussi accorde-t-il très volontiers des audiences aux savants étrangers qui désirent le consulter sur l’art des vers, et qui, comme Lubarsch, ne comprennent pas toujours ce qu’il leur expose[51]. Il est plus complaisant encore pour ceux qui le comprennent bien : il consent à lire deux fois de suite la Verandah à M. Koschwitz, afin que celui-ci puisse tout saisir : pour marquer la somnolence de la Persane et l’assoupissement de la nature entière, le poète déclame très lentement, en appuyant sur les syllabes accentuées des mots de valeur ; il souligne les césures et la rime par des pauses bien marquées, rendant à merveille la musique des vers, l’harmonie imitative. Quand il dit un poème devant ses intimes, il se livre davantage, et sa déclamation devient tragique : « Leconte de Lisle, récitant ses propres vers, était très intéressant à observer, nous dit Coppée. À le voir ainsi tout droit, absolument immobile, la tête haute ; à l’entendre déclamer d’une voix lente et grave, un superficiel aurait pu lui donner, une fois de plus, le nom d’impassible, dont la critique l’accabla si souvent, et qui l’irritait si fort. En réalité son trouble — bien que dompté et contenu — était extrême. Était-ce timidité naturelle, comme j’en ai eu le soupçon ? Était-ce émotion sacrée de l’artiste ? Je ne sais. Mais l’homme alors se transformait et se revêtait d’une singulière majesté. La voix, un peu sourde et presque tremblante, prenait l’auditeur aux entrailles. Sur cette face marmoréenne, soudain mortifiée, on sentait courir un frisson. Les yeux, surtout, devenaient effrayants. Ils se creusaient ; et sous les paupières palpitantes les prunelles montaient, comme dans l’extase[52] ». Cette peinture du vates est vivante. Ces lectures sont probablement la partie la plus efficace de son enseignement : entendre dire de telle façon d’aussi beaux vers devait donner à des jeunes gens doués le frisson sacré : si je pouvais en faire autant ! Chacun d’eux a dans sa poche, ou dans sa mémoire, un poème ; il le dit à son tour ; il tremble un peu devant les camarades, mais c’est avec angoisse qu’il regarde le terrible monocle qui brille, et les lèvres minces qui, tout à l’heure, vont prononcer le jugement, tandis que le monocle tombera, comme le couperet d’une guillotine en miniature[53]. Tous les auditeurs connaissent son code, dont voici l’article capital : les qualités de fond, puissance, passion, grâce, fantaisie, sentiment de la nature, intelligence philosophique, valeur historique, tout cela ne compte que si c’est « réalisé par une facture parfaite, sans laquelle il n’y a rien ». Il ajoute cette glose : « les idées, en étymologie exacte et en strict bon sens, ne peuvent être que des formes, et les formes sont l’unique manifestation de la pensée[54] ». En somme, il exige de ses élèves la perfection dont il leur donne le modèle.

Pour les besoins de son enseignement, il cherche à définir très précisément les mots techniques dont on se sert en général d’une façon vague dans les traités de versification. On a trouvé dans ses papiers une note intitulée « De l’expression et de la forme poétique. — On confond souvent la prosodie et le rythme. La prosodie est l’art de construire les vers ; le rythme résulte de l’entrelacement harmonique de plusieurs vers constituant la strophe[55] ». Ses rythmes à lui sont harmonieux. Il critique le défaut contraire même chez son vieil ami Ménard, qui, nous l’avons vu, mêle gauchement l’alexandrin au décasyllabe ; il lui écrit, le 18 avril 1851 : « tes vers de dix pieds sont on ne peut plus anti-prosodiques, ainsi mêlés aux hexamètres, et cela est d’autant plus déplorable qu’ils sont très bien faits en eux-mêmes. J’aurais beaucoup préféré que toute la pièce fût écrite en vers de dix pieds. C’est une de nos vieilles querelles[56] ».

Même sévérité pour cette prosodie qu’il définit l’art de construire le vers : « par-dessus tout il estimait la probité dans l’art, dit son meilleur disciple. Il avait l’instinct du mot propre, du terme exact, le sens de la rime nécessaire, de cette rime qui doit contenter la raison, plaire à l’œil, et, charmant l’oreille la plus délicate, parfaire ce tout harmonieux qu’est un beau vers[57] ». Heredia se garde bien de parler de la richesse de la rime : ce n’est plus la probité de l’art, c’est du cuivre doré ; Leconte de Lisle abandonne cette fausse monnaie à Théodore de Banville. Il ne cherche ni n’évite la rime riche ; il l’accepte quand elle vient, sinon il se contente de la rime suffisante. Prenons les rimes de son chef-d’œuvre de facture, la Vérandah :

                                                                                                                           
I II III IV
roux close encor ivresse
murmures jasmins subtile demi
doux rose essor caresse
jaloux repose or oppresse
mûres mains reptile frémi


Les rimes féminines de la première, de la troisième et de la quatrième stances sont riches ; celles de la seconde et toutes les rimes masculines sont tout au plus suffisantes. Ce n’est pas une simple rencontre ; c’est l’application d’une doctrine nouvelle et vraiment profonde : la rime trop exacte peut plaire à l’œil ou à l’oreille, mais elle détourne l’attention de l’essentiel, c’est-à-dire de l’idée. Leconte de Lisle ne recherche pas l’opulence de la rime, mais la richesse de la pensée qui se concentre sur le mot final du vers ; il n’admet pas à la rime les mots pauvres, languissants, décolorés, usés comme une vieille pièce d’argent. Une épithète banale au bout du vers le fait trébucher, tandis qu’un mot plein de sens, de couleur ou de rêve, fait bondir l’esprit du lecteur à la suite du génie de l’auteur. Il y a là une sorte de suggestion ; ou, si l’on préfère, la rime est comme un écho qui fait vibrer l’âme de l’auditeur par delà le vers : c’est ce que Leconte de Lisle appelle : la sensation prolongée[58]. Pour bien faire comprendre cette idée dont on aperçoit tout de suite l’excellence, il prend deux exemples : dans Les Feuilles d’Automne se trouve ce vers plein d’une beauté simple,


Le soleil s’est couché ce soir dans les nuées[59].


Leconte de Lisle ne commente pas les images splendides du reste de la pièce ; il préfère ce vers vraiment homérique où Hugo expose simplement ce spectacle magnifique, d’une beauté calme, qui se déroule à l’occident : pas de détails minutieux limitant l’ensemble : la vision de ce soir est celle de tous les soirs ; les nuées sont celles qui passent chaque jour, et elles entraînent l’esprit du lecteur à travers l’espace infini. Puis, le Maître prend dans l’Edel de M. Paul Bourget, cette notation précieuse :


Le ciel d’automne était couleur d’un gant gris perle.


Ici, le ciel se rapetisse. Au lieu de la beauté éternelle suggérée par Hugo, nous nous trouvons devant une mode d’un jour. De l’infini où nous entraînaient les Feuilles d’Automne, nous retombons avec Edel « au magasin de nouveautés ». Dès lors, la sensation qu’éveille le vers de M. Bourget se termine avec le dernier mot qui l’exprime[60]. Dans Hugo on trouve la sensation prolongée.

Cette doctrine de Leconte de Lisle devient le Credo du Parnasse. En 1875, Anatole France s’arme de ce principe pour critiquer une pièce que Bourget vient de leur lire : il y a là trop d’épithètes banales, surtout à la rime ; et l’orthodoxe parnassien de s’écrier que ces vers ne rebondissent pas : « ce n’est pas par l’emploi systématique de l’épithète générale… qu’on donne au vers de l’étendue ; c’est par la rigoureuse conformité de cette épithète avec la pensée… Sans l’harmonieuse union des mots, sans leur vertu d’expansion réciproque, pas de sensation poétique qui s’éveille, grandisse et se prolonge[61] ».

Tel est L’enseignement technique de Leconte de Lisle. On en voit la beauté, la puissance. On en devine aussi le danger : l’armure éclatante que le Maître porte avec aisance doit-être bien lourde pour des épaules moins robustes. Dans son Journal intime, à la date du 3 janvier 1868, Sully Prudhomme étudie avec quelque inquiétude sa force créatrice : « l’idée et la forme ne me viennent pas ensemble, ce qui est le signe de la stérilité en poésie. Je partage à cet égard de tout point l’opinion de Leconte de Lisle que j’ai vu dernièrement : il me disait que les mots ne viennent pas s’adapter à la pensée, mais que les deux se présentent dans une intime union, de sorte que la justesse des termes et la clarté des idées ne sont qu’une seule et même chose[62] ». En même temps Sully Prudhomme s’effraye en constatant que, depuis un mois, il éprouve de la difficulté à faire des vers. Est-ce que l’air du Parnasse ne serait pas trop vif pour ses poumons délicats ? Ou bien encore sa nature très fine n’aurait-elle pas quelque difficulté à s’accommoder à un milieu bien rude ?

L’enseignement de Leconte de Lisle n’est pas seulement technique. Son Art Poétique comprend, comme celui de Boileau, une partie consacrée aux conseils moraux, et, naturellement, sa morale est calquée sur son caractère, qui n’est pas commode. Il n’est pas bon pour les élèves que le professeur soit pessimiste. Ses déceptions d’homme et d’artiste sont éloquentes, mais atrabilaires. D’après un de ceux qui l’ont le mieux connu, Jules Breton, ce nouvel Alceste trouve les hommes féroces et stupides. Lui qui n’a qu’un culte, l’amour du beau, il souffre de l’indifférence publique pour son idole[63]. Le prosaïsme de ses contemporains l’écœure. De ses mésaventures artistiques, et de sa gêne personnelle, il tire un dégoût complet pour ce public qui s’obstine à ne pas acheter les vers. Il écrit en 1861, dans La Revue Européenne : « nous sommes une nation routinière et prude, ennemie née de l’art et de la poésie, déiste, grivoise et moraliste, fort ignare et vaniteuse au suprême degré… Notre extrême paresse n’a d’égale que notre inaptitude à comprendre le beau[64] ». Sa correspondance intime est plus amère encore. Il écrit à Émile Deschamps, le 15 mai 1862 : « aujourd’hui, qu’elle soit exécrable ou magnifique, la Poésie n’est plus qu’une langue morte, aussi peu comprise que l’écriture cunéiforme… Aussi, pour mon humble part, si je persiste à écrire des vers, c’est, en toute sincérité, parce que je suis incapable d’inventer quelque nouvelle allumette chimique, ou de consacrer ma vie avec succès à l’amélioration de la race porcine[65] ». Sa bile noire finit par lui donner une crise d’anti-patriotisme ; le 22 août 1863, il écrit à Georges Lafenestre : « nous n’avons rien de commun avec la misérable race à laquelle nous appartenons pour le plus rude châtiment de nos péchés… Legouvé père et fils, Scribe, Béranger, Ponsard, et l’auteur du Pied qui remue trouvent grâce devant elle, mais non pas la poésie[66] ». Le culte de la Muse ne nourrit pas son prêtre. Leconte de Lisle est pauvre parce qu’il veut rester dévot à l’art pur, et on lui fait honte de cette pénurie. Un de ses cousins, qui a fait une grosse fortune, vexé d’avoir un parent dans la gêne, lui reproche son manque d’entregent, et lui conseille de faire des sacrifices au succès : « il ne vient pas sans qu’on y travaille. Pourquoi ne fais-tu pas des chansons pour Thérésa ? — Écrire pour Thérésa ? C’est que je ne saurais pas ; je ne saurais vraiment pas. — Mais puisque tu es poète[67] ». On devine la rage de Leconte de Lisle. Sans doute, pour punir l’imbécile, il en fait un… sot ; mais que faire à la foule des niais ? Alceste tourne au Timon d’Athènes. Son expression est souvent méchante, parfois inquiétante. M. Léon Daudet s’est amusé à faire son portrait-charge, à plusieurs reprises : « Leconte de Lisle, le monocle à l’œil, et la dent mauvaise, avait l’air d’un capitaine de corsaires qui aurait embarqué une cargaison de réfrigérants… Poète qui porte en soi un damné… Et ce visage scellé comme une dalle !… Une prodigieuse faculté de haine sans issue le rendait semblable à un bourreau en villégiature qui a oublié son couperet. Il en conservait le reflet dans l’œil[68] ». Tout cela est ressemblant comme une caricature, car le doux Theuriet, qui n’a rien d’un pamphlétaire, dessine lui aussi « son front despotique, son œil à l’éclat ironiquement aigu, ses lèvres minces, dédaigneuses ». Theuriet a été de ses auditeurs, et voici le souvenir qu’il en garde : « sa bouche sarcastique ne s’ouvrait guère que pour laisser tomber des paroles virulentes et acérées, dont la pointe était autrement cruelle que les innocentes piqûres de Banville[69] ». Sans doute, on lui prête beaucoup de mots qui ne sont pas de lui[70]. Contentons-nous de ses authentiques méchancetés. Un soir, à un dîner chez Alphonse Daudet, Leconte de Lisle est tout à fait en verve ; on parle des romans de Cladel : il les compare à « du nougat fait avec des cailloux ». On met sur la sellette le vicomte de Bornier qui a la réputation de faire d’excellent vin dans ses vignobles de Lunel, et de boire avec entrain ses produits : Leconte de Lisle récite son épitaphe, genre à la mode au Parnasse, et où il excelle :


Ci-gît un tout petit académicien
Qui, s’il rimait fort mal, buvait du moins fort bien.


Et cela est dit, avec les plus savantes intonations[71]. Avouons-le, puisqu’il faut avant tout être vrai : le poète est souvent méchant : une fois installé dans l’appartement que Coppée occupait comme bibliothécaire du Sénat, et qu’il a cédé à son bon maître en même temps que sa place de bibliothécaire, Leconte de Lisle se tourne vers sa femme, et lui dit, devant témoins : « ne trouvez-vous pas, chère amie, que ce Coppée a l’air malsain ? » Je tiens le mot d’un des témoins.

Le poète ouvre école de méchanceté devant des écoliers jeunes, pleins d’esprit, et qui ne demandent qu’à profiter de ces leçons-là. Il n’épargne que Théophile Gautier[72]. Contre les autres il a un arsenal d’anecdotes meurtrières ; il se délecte à raconter sa dernière visite à Béranger, qui lui avait rendu service en 1848 : « nous causions des poètes anglais ; soudain, le chansonnier déclara : — Quant à Byron, je compose des poèmes qui ressemblent aux siens, quand je dors. — Ah ! mon cher maître, lui répondis-je, que n’avez-vous dormi toute votre vie ! — Je m’en allai ; je ne l’ai plus revu[73] ». Espérons pour de Lisle que c’est là de l’esprit de l’escalier, mais n’en soyons pas trop sûrs. Il est volontiers d’un narquois qui devient vite de la férocité. Ses lettres nous ont conservé quelques spécimens de son genre d’ironie : le 20 septembre 1880, félicitant Heredia qui lui a envoyé l’esquisse de son premier sonnet épigraphique fait à Luchon, il s’égaye : « votre sonnet est des plus congrument troussés. Le Garumne peint d’ocre me fait l’effet d’un gentilhomme archaïque fort distingué… Je vois d’ici la mine de verrat effarouché d’un Sarcey quelconque lisant ce sonnet miraculeux, et devenant enragé du coup… Dédiez ces bonnes rimes au dit Francuistre, et perturbez l’épaisse cervelle de ce vieux pion libéré[74] ».

Une autre fois, à une promotion de la Légion d’Honneur, il n’a pas la rosette, tandis qu’Heredia manque le ruban ; il le console, le 25 septembre 1882, en ces termes dépourvus d’aménité : « Que voulez-vous ? les vrais poètes sont les bêtes noires de l’humanité. Nous n’y changerons rien. Voilà cette grande dinde protestante de Scherer qui déclare, dans Le Temps, que Bourget imite Baudelaire, et que Baudelaire est un imbécile. Ce même Scherer avait écrit déjà que Molière ne savait pas le français ! Quand je vois ce misérable entrer au Sénat, je vous jure, mon ami, que je me tiens à quatre pour ne pas lui casser les reins[75] ». Il est plus dur encore pour les imitateurs du lyrisme de V. Hugo. Peut-être est-ce Vacquerie qu’il vise, quand il dit que ce lyrisme s’est encanaillé, s’est « encrapulé[76] » ; il a, en effet, sur lui un mot pire encore, et que Sainte-Beuve a jugé digne de figurer dans son armoire aux poisons : « Vacquerie grotesque, et outrant tous les défauts d’une école détestable. Leconte de Lisle… a dit de lui avec une effrayante vérité : — Vacquerie semble né de l’accouplement monstrueux de Hugo et de Gautier[77] ». Sont-ce là gentillesses réservées aux initiés, dans son salon ? En pleine pension Laveur, alors célèbre parce que les poètes et les artistes la fréquentent, il exécute un jour son rival : le pauvre Théodore de Banville avait cru pouvoir se permettre quelques clowneries lyriques en l’honneur du mariage de Napoléon III. Leconte de Lisle l’accable[78]. Est-ce ce jour-là qu’il lança la fameuse définition : Banville ? Une cruche qui se prend pour une amphore[79] ! Fut-elle trouvée dans son salon, et par un autre que lui ? On ne sait, et peu importe, car, si elle est d’un de ses élèves, elle fait honneur à son enseignement : il a appris à ses disciples à être impitoyables.

Inutile d’ajouter qu’il leur aurait ainsi rendu le plus détestable des services, s’il ne leur avait pas également appris à être sévères pour eux-mêmes. Il leur enseigne la moralité de l’art telle qu’il la pratique lui-même, avec stoïcisme : « l’art n’a pas pour mission de changer en or fin le plomb vil des âmes inférieures, de même que toutes les vertus imaginables sont impuissantes à mettre en relief le côté pittoresque, idéal et réel, mystérieux et saisissant, des choses extérieures, de la grandeur et de la misère humaines. L’art est donc l’unique révélateur du beau, et il le révèle uniquement[80] ». Mais l’artiste lui-même a le devoir d’être honnête homme ; prêtre du beau, il ne doit pas avilir en sa personne son Dieu ; Leconte de Lisle retire son admiration à Dumas le jour où il apprend que l’auteur de Monte-Cristo recopie ses œuvres de sa plus belle main, et envoie ces manuscrits ornés de rubans de satin aux souverains d’Europe qui lui retournent en échange plaques et crachats[81]. Pour lui, la seule morale qui compte, c’est le respect, l’amour du beau ; dès 1846 il a cette croyance, cette foi : « Est-il une immoralité plus flagrante que l’indifférence et le mépris de la beauté ?… L’homme ainsi fait n’est qu’une monstrueuse et haïssable créature[82] ». De là son aversion pour le réalisme d’Alphonse Daudet, son dégoût pour le naturalisme de Zola. Les Parnassiens, en général, font chorus ; pourtant l’un d’eux, légèrement hérétique, et voulant défendre la puissance de Zola, sans faire scandale, risque cette métaphore : « Zola est un sanglier… — Il n’a rien de sauvage » riposte Leconte de Lisle[83]. Toutes ses délicatesses sont froissées par cette force brutale. L’imagination de Leconte de Lisle est chaste au point de scandaliser Flaubert[84]. Et peut-être est-ce une des raisons qui lui font repousser comme thème littéraire, l’amour-passion, l’amour sensuel. Il appuie sa doctrine sur des exemples : il oppose au genre de Coppée la manière de Corneille : J’aime Zanetto n’est pas une formule d’art, mais un procédé de chansonnier. Quand Chimène dit qu’elle ne hait pas Rodrigue, nous comprenons la vivacité de sa tendresse sous la délicatesse de la réserve : ce sentiment nous charme parce qu’il est pur. Sa formule n’éveille pas dans l’esprit la sensualité, la faiblesse chamelle, qui déparent la vraie poésie. Cette expression indirecte élève la sensation jusqu’au sentiment, le sentiment jusqu’à la pureté. C’est pour Leconte de Lisle un article de foi littéraire, et « le premier commandement de son décalogue poétique[85] ». Il ne l’impose pas à ses fidèles : il le leur fait aimer. Ce n’est pas seulement aux poètes qu’il inculque ce respect de l’art ; sculpteur ou peintre, nul, après une conversation avec le Maître, ne le quitte sans se sentir rehaussé à ses propres yeux, sans brûler de zèle pour l’effort créateur, sans se faire une idée plus haute de la dignité de son art, sans mépriser les railleries des béotiens, la mode, le succès facile[86]. Quand ils s’essoufflent à monter les cinq étages de Leconte de Lisle, ils ne se plaignent pas, ils admirent : « ils songent, dit Coppée, que si le grand artiste à qui ils vont rendre hommage demeure si haut, c’est parce qu’il est pauvre, et qu’il a consacré sa vie tout entière à la poésie pure, avec un désintéressement absolu, sans une seule concession à la mode qui passe, au caprice éphémère du public. Tous ces jeunes gens ont déjà leur idéal personnel. Ils ne sont point des élèves qui vont demander des leçons. Le poète qu’ils admirent et qu’ils aiment leur donne plus et mieux, un grand exemple[87] ».

Que ce ne soient pas des élèves et qu’ils ne demandent pas de leçons à Leconte de Lisle, c’est ce que prétend Coppée, devenu jaloux de son originalité en 1894. Mais l’exemple n’est-il pas un enseignement, et le meilleur de tous ? C’est ainsi qu’il leur apprend l’impassibilité bien comprise : « il détestait les élégiaques, dit Theuriet, prêchait l’impassibilité, et proscrivait l’émotion[88] ». Distinguons : qu’il déteste certains élégiaques, c’est certain : dès décembre 1861, il raille « la horde cruelle et inexorable des élégiaques échappés de la barque d’Elvire[89] ». Il n’aime pas Lamartine, et encore moins les lamartiniens : il les baptise « l’école des noyés-sous-leurslarmes[90] ». Au témoignage de Baudelaire, il a même proféré ce mot que l’auteur des Fleurs du Mal trouve profond : tous les élégiaques sont des canailles[91] ! Mais pourquoi cette horreur furibonde des sous-Lamartine ? Parce qu’ils écrivent de mauvais vers, ce qui leur vaut la faveur du public qui n’aime pas les vrais artistes. Pourquoi Baudelaire a-t-il soulevé tant d’hostilités ? La raison en est toute simple, aux yeux de Leconte de Lisle : « c’est un artiste fort original et fort habile : — il est jugé et condamné[92] ». Le poète hait donc certains élégiaques, mais il ne condamne pas l’élégie. Après avoir contesté à Vigny le titre de poète, parce qu’il n’a pas su donner à ses créations la diversité multiple de la vie, Leconte de Lisle prévoit l’objection : — alors vous niez l’élégie ? — il riposte, par avance : « qu’on veuille bien ne pas se hâter de conclure de ce qui précède que je nie l’art individuel, la poésie intime et cordiale. Je ne nie rien, très dissemblable à la multitude de ceux qui s’enferment en eux-mêmes et se confèrent la dignité de microcosme[93] ». Ce qu’il déteste, c’est l’élégie douceâtre, l’élégiaque médiocre. Il ne faut pas le presser longtemps pour lui faire avouer qu’il a écrit des élégies, et qu’il est, à sa façon, un élégiaque.

C’est très vrai : de Lisle est un sentimental aigri, comme Alceste, et c’est un tendre, au fond. Il affirme souvent à Jules Breton qu’il aime la tendresse chez les autres ; il se laisse aller à son émotion lorsque Breton lui lit un poème sentimental ; le lecteur est surpris en voyant les beaux yeux froids pleins de larmes : « Oui, vous me faites pleurer, me dit-il, moi l’impassible, dit-on, moi qui adore la tendresse[94] ». Seulement l’auteur des Montreurs a la pudeur de sa sensibilité personnelle. Quand il veut rendre ses propres sentiments, il les transpose. Ainsi, ses émotions du siège de Paris sont très fortes ; il écrit à un cousin, en octobre 70 : « tout le monde ici est résolu. S’ils entrent à Paris, ce sera en marchant sur les cadavres de 500.000 gardes nationaux, soldats et mobiles. Que la province se lève, vienne à notre aide, et pas un de ces barbares ne repassera le Rhin ». Il veille aux remparts, pendant les nuits d’hiver, sans abri, le fusil sur l’épaule : « je vous prie de croire que les détonations sont horriblement lugubres dans le silence des fortifications : si j’en réchappe, il m’en restera de profondes impressions[95] ». Il les conserve au fond du cœur ; il les met de côté, pour ainsi dire ; il les retrouvera plus tard, mais il ne les dépense pas au fur et à mesure qu’elles lui viennent. Il a donc, par son exemple, enseigné à ses disciples à ne pas publier le journal de leur vie, à ne pas ouvrir leurs cœurs, mais à se faire les historiens du cœur humain, ou, comme le dit Barrès, à concentrer « dans de courts poèmes, les émotions qui accompagnent les grands travaux de résurrection historique[96] ». Il leur a enseigné non pas l’impassibilité, mais l’impersonnalité.

Sa personnalité à lui est bien forte, bien absorbante. A-t-il diminué l’originalité de ceux qui se pressaient autour de lui ? A-t-il été un maître trop autoritaire, et n’admettant, dans son atelier, qu’une imitation servile de sa manière ? Calmettes lui reproche, au contraire, de n’avoir pas su diriger les jeunes qui le suivaient, de n’avoir pas eu < la force du maître qui s’impose[97] ». On peut laisser de côté ce reproche bizarre : il vient d’un « ami » qui, obliquement, cherche à diminuer Leconte de Lisle. Demanderons-nous son témoignage à Catulle Mendès ? Il a eu sur ce point deux opinions, l’une du vivant de Leconte de Lisle, et l’autre après sa mort. Avant 1894, il salue en lui le bon Maître qui refuse la tyrannie : « Ce qu’il est magnifiquement, il ne prétend pas qu’on le soit. La seule discipline qu’il imposât — c’était la bonne — consistait dans la vénération de l’art, dans le dédain des succès faciles. Il était le bon conseiller des probités littéraires, sans gêner jamais l’élan personnel. Il fut, il est encore notre conscience poétique[98] ». Après l’avoir ainsi flagorné de son vivant, Mendès se rebiffe contre le mort, mais avec prudence ; il biaise, en entremêlant d’éloges ses réserves ; il s’arrange pour que la réserve fasse oublier l’éloge : « il a été, il faut bien le dire, un guide et un conseiller redoutable. En ma religieuse admiration, j’ai pensé autrement jadis ; j’ai cru sincèrement que nos esprits restaient libres sous sa loi ; je pense que je me trompais. Si ses conseils furent excellents en ce qui concerne la discipline de l’art et le respect de la beauté, il n’en faut pas moins reconnaître aujourd’hui que le joug de son génie (que certes, il ne songeait pas à nous imposer, mais que nous subissions en notre émerveillement juvénile de son verbe) nous fut assez dur et étroit[99] ». Ce n’était donc pas jadis une dévote admiration, mais un fanatisme calculé, et maintenant c’est le coup de pied de Pégase…

Catulle Mendès est obligé, quoi qu’il en ait, de reconnaître que « tous ses disciples… gardent fièrement sa noble discipline technique[100] ». Celui qui se contredit ainsi dans ses dépositions n’est qu’un faux témoin. Dans le cénacle parnassien il y a au moins un Judas ; il y en a même deux, et le second c’est Anatole France : « une des choses, dit-il, qui me semblent le plus échapper sur la terre à la certitude humaine, c’est la qualité d’un vers. J’en fais une affaire de goût et de sentiment. Je ne croirai jamais qu’il y ait rien d’absolu à cet égard. M. Leconte de Lisle le croit[101] ». Oui, Leconte de Lisle a foi dans la beauté du vers, et il est intransigeant sur ce point. Il ne transige pas non plus sur les fantaisies prosodiques des décadents ou des symbolistes : il ne les prend pas à la légère, il est navré : « sous ma sérénité apparente, écrit-il à un ami, je suis plein de mépris et de colère, de sorte que mon impuissance à refréner et à châtier ces inepties me rend absolument malheureux[102] ». Et l’on dit autour de lui que c’est Anatole France qui a inventé le symbolisme pour lui faire pièce !

Pour tout ce qui ne touche pas au style décadent, il est large, libéral, et possède, au témoignage de Th. Gautier, « toutes les hautes qualités d’un chef d’école », sans mesquinerie, sans étroitesse[103]. On a voulu en faire un sectaire implacable, féroce, alors qu’il pratique, envers les autres, le plus large éclectisme[104]. Sur ce point, Leconte de Lisle a vu juste : « la critique d’art est vaine en soi… ; elle n’enseigne rien et ne modifie rien. Il ne s’agit que de penser librement[105] ». Il laisse aux autres la liberté de leur pensée, et s’accorde les mêmes droits. Il en abuse souvent, sur la question délicate des croyances religieuses. Ses ironies causent parfois du malaise. Un jour, il débite dans son salon des vers qu’il avait faits pour s’amuser, et qu’on chercherait vainement dans ses œuvres complètes. Il raconte que Dieu, mécontent de sa création, se décide à planter là l’univers :


En ce temps-là, le Dieu de Jacob se dit : bigre !
Je m’ennuie aujourd’hui d’une étrange façon :
Si, pour l’éternité, c’est la même chanson, etc.


Le poème continue dans ce goût : Dieu roule le ciel avec ses étoiles comme un soldat plie sa tente, et part… Ricard, qui raconte cette séance, constate chez certains auditeurs quelque chagrin, puis une sorte d’indignation, qu’il ne s’explique pas[106]. C’est pourtant facile à comprendre. L’œil de Leconte de Lisle a pris sous le monocle un éclat bizarre, une expression satanique ; mais le regard durci du maître vient à rencontrer le regard de Herêdia qui, pour toute protestation, sourit : les yeux bleus de Leconte de Lisle s’adoucissent ; à son tour, il rit[107]. C’est la détente. Au fond, il ne voudrait pas choquer Villiers de l’Isle-Adam, qu’il aime malgré ses allures de champion de la religion, ni les Parnassiens catholiques[108]. Lui qui a horreur des sectaires obtus, il se contente d’être impie pour son propre compte.

Telle est sa maîtrise, avec ses limites. Tel est Leconte de Lisle au milieu de ce salon qui est sa salle de cours. Ses élèves ne sont pas terrorisés devant lui comme on l’a dit, mais fort intimidés[109]. On se sent parfois gêné, dit Ricard, devant « le monocle sévère du maître olympien, et la menace constante de sa terrible ironie[110] ». Voilà un professeur qui s’entend à faire régner la discipline. On le respecte, on le craint ; on dit de lui, très respectueusement : Monsieur de Lisle[111]. Mais ses meilleurs élèves regrettent de ne pas pouvoir lui témoigner un peu de leur affection ; après sa mort seulement, Coppée osera avouer qu’il l’aimait : « je ne partageais aucune des convictions philosophiques de Leconte de Lisle ; mais l’artiste en lui m’éblouissait à ce point que je puis dire qu’il est un de ceux que j’ai le plus aimés et admirés. J’ai eu le bonheur de lui donner la preuve de mes sentiments ; mais jusqu’à la fin il m’intimida, et la crainte de son dédain ou de ses ironies — bien excusables chez un homme pour qui le sort avait été sévère — arrêtait, de ma part, les cordiales expressions. En présence de ce poète, pour qui l’art fut un sacerdoce, j’étais toujours ému, en me rappelant tant de chefs-d’œuvre, en songeant à cette vie exemplaire, et mon cœur était pénétré d’affection et de respect. Je me reproche, à cette heure, de ne pas l’avoir dit assez souvent, et avec assez de chaleur au Maître trop imposant ; et je me demande, hélas ! avec tristesse : — L’a-t-il bien su[112] ? » Délicat scrupule, sans réciproque. Leconte de Lisle n’avait pas besoin de beaucoup d’amis ; il préférait les vassaux soumis, ou les rebelles venus à résipiscence ; il conservait précieusement une lettre de Théodore de Banville qui était presque une capitulation : « vous disposez non seulement de la couleur, mais de la lumière. Vos personnages se meuvent dans une atmosphère que rêvait Delacroix… Vous disposez d’une fraîcheur de tons qui, avant vous, ne fut jamais atteinte[113] ». En recevant cet hommage lige, Leconte de Lisle, incliné par ce respect vers la pitié, dut modifier son mot, et penser, tout bas : — dans cette cruche il y a un commencement d’amphore.


  1. Flaubert, Correspondance, II, 223.
  2. H. Roujon, Le Temps, 3 mars 1904.
  3. Œuvres, V, 431.
  4. Mon Franc-Parler, III, 62-63.
  5. Dietz, Revue de Paris, Ier octobre 1928, p. 617.
  6. La Lanterne magique, p. 327-328 ; cf. Barrès, Amori, p. 261.
  7. Fantômes et Vivants, p. 107.
  8. Souvenirs, p. 246.
  9. Revue, 1925, p. 643.
  10. Coppée, ibid., p. 83.
  11. Mme Demont-Breton, Les Maisons, II, 144.
  12. Dornis, Essai, p. 183.
  13. Revue (des Revues), Ier février 1902, p. 306.
  14. Ricard, Le Petit Temps, 2 juillet 1899.
  15. Calmettes, p. 295.
  16. Calmettes, p. 147.
  17. Calmettes, p. 310.
  18. Flaubert, Correspondance, II, 287.
  19. Albalat, Flaubert et ses Amis, p. 159.
  20. Revue Bleue, 5 octobre 1895, p. 425.
  21. Barrès, Amori, p. 262.
  22. Ledrain, L’Éclair du 22 juin 1898.
  23. Welschinger, Débats du 16 août 1910.
  24. Premières Poésies, p. vii.
  25. Crépet, Baudelaire, p. 395.
  26. H. Girard, Un Bourgeois dilettante, p. 511.
  27. Derniers Poèmes, p. 215-218.
  28. Les Œuvres, p. 31. Nous avons vu, à l’introduction, p. xxii, qu’il répéta cette formule, la trouvant bonne, aux funérailles de V. Hugo.
  29. Mme A. Daudet, Souvenirs autour d’un Groupe littéraire, p. 144-145.
  30. Derniers Poèmes, p. 214.
  31. Estève, Revue de Littérature comparée, avril 1925, p. 288.
  32. Derniers Poèmes, p. 213 ; cf. p. 218, 221.
  33. Histoire du Romantisme en France, II, 295.
  34. Correspondance, II, 199-200.
  35. Derniers Poèmes, p. 236-237.
  36. Journal Officiel du 19 janvier 1907, p. 431.
  37. Barrès, ibid., p. 431 ; cf. Amori et Dolori sacrum, p. 269.
  38. Amori, p. 268.
  39. Barrucand, Revue Bleue du 28 juillet 1894, p. 97.
  40. Le Temps du 11 juillet 1898.
  41. Calmettes, p. 270, 275-276.
  42. La Légende du Parnasse, p. 222-223.
  43. Ibid., p. 225.
  44. Goncourt, Journal, IX, p. 349.
  45. Coppée, Mon Franc-Parler, III, p. 64.
  46. Revue, 1926, pp. 485-486.
  47. Lettre de Coppée à sa sœur, dans Le Correspondant du 25 avril 1912, p. 251 ; Huret, Enquête, p. 285 ; Barrucand, Revue Bleue du 28 juillet 1894, p. 99 ; Ibrovac, p. 182 ; Dornis, Essai, pp. 328-329.
  48. Conservateur Littéraire, II, p. 321 ; cf. ma Préface de Cromwell, p. 70.
  49. Rapport, p. 336.
  50. Goncourt, Journal, VI, 5.
  51. Koschwitz, Les Parlers parisiens, p. 131.
  52. Coppée, Mon Franc-Parler, p. 66.
  53. Ricard, Le Petit Temps du 2 juillet 1899.
  54. Derniers Poèmes, p. 237, 275.
  55. Dornis, Essai, p. 299.
  56. Dornis, Essai, p. 298.
  57. Discours d’Heredia au monument du Luxembourg, Le Temps du n juillet 1898.
  58. Calmettes, p. 164.
  59. Soleils Couchants, p. 395.
  60. Calmettes, p. 165 ; cf. Ledrain, L’Éclair du 22 juin 1898.
  61. Calmettes, p. 170.
  62. Revue de Paris, Ier avril 1922, p. 483.
  63. Revue Bleue, 5 octobre 1895, p. 425.
  64. Derniers Poèmes, p. 274.
  65. H. Girard, Un Bourgeois dilettante, p. 509-510.
  66. P. p. Ibrovac, p. 74.
  67. Calmettes, p. 122-123.
  68. Études et Milieux, p. 221 ; Fantômes et Vivants, p. 105-107.
  69. Souvenirs, p. 246.
  70. « Il disait, ces jours-ci, d’un personnage dont l’attachement à son portefeuille est devenu proverbial : « Il me fait l’effet d’un morceau de savon qui tombe d’une toilette, et que l’on ramasse rempli de poussière et de cheveux. » Le Gaulois, 11 janvier 1873. Il s’agit probablement de Jules Simon.
  71. Goncourt, Journal, IX, 127 ; Praviel, Correspondant du 10 décembre 1925. p. 672.
  72. Bergerat, Souvenirs, II, 154.
  73. J. Dornis, R. D. D.-M., 15 mai 1895, p. 336.
  74. P. p. Ibrovac, p. 299.
  75. P. p. Ibrovac, p. 144.
  76. Calmettes, p. 170-171.
  77. Cahiers de {{sc|Sainte-Beuve, dans la R. D. D.-M., 15 décembre 1925, p. 800.
  78. Dornis, Essai, p. 101.
  79. Charpentier, Th. de Banville, p. 79.
  80. Derniers Poèmes, p. 272.
  81. Dornis, Essai, p. 330.
  82. Contes en Prose, p. 108-109.
  83. Calmettes, p. 259-260.
  84. Correspondance, II, 268, 393.
  85. Calmettes, p. 174-175.
  86. Barracand, Revue de Paris, Ier mars 1914, p. 208.
  87. Mon Franc-Parler, III, 62-63, article du 26 juillet 1894.
  88. Souvenirs, p. 245-246.
  89. Derniers Poèmes, p. 274.
  90. Calmettes, p. 173.
  91. Lettres, p. 522 ; cf. Crépet, Baudelaire, p. 181.
  92. Derniers Poèmes, p. 274-275.
  93. Derniers Poèmes, p. 264.
  94. Revue Bleue, 5 octobre 1895, p. 425.
  95. Jean Dornis, Revue Hebdomadaire, 21 décembre 1918.
  96. Amori et Dolori sacrum, p. 263.
  97. Leconte de Lisle et ses Amis, p. 214.
  98. La Légende du Parnasse, p. 226.
  99. Rapport, p. 101-102.
  100. Ibid., p. 102.
  101. La Vie littéraire, I, 100.
  102. H. Houssaye à l’Académie, 12 décembre 1895.
  103. Rapport, p. 336.
  104. Mme Demont-Breton, Les Maisons que j’ai connues, II, 139.
  105. Derniers Poèmes, p. 245.
  106. Xavier de Ricard, Le Petit Temps, 2 juillet 1899.
  107. H. Houssaye à l’Académie, 12 décembre 1895 ; Barrès à l’Académie, Journal Officiel du 19 janvier 1907, p. 432.
  108. Calmettes, p. 203 ; E. Prévost, La, Vie catholique, 15 décembre 1927, p. 5.
  109. Léo Larguier, Les Nouvelles littéraires, 26 novembre 1927.
  110. Ricard, La Revue, Ier février 1902, p. 306.
  111. Jules Lemaître, billet du matin, dans Le Temps du 25 avril 1889.
  112. Mon Franc-Parler, p. 67-68.
  113. Dornis, Essai, p. 13-14.