Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre IX/Chapitre 25

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XXV. Situation actuelle du Bréſil.

Une colonie ſi intéreſſante a été utile au Portugal de pluſieurs manières. L’augmentation de ſon revenu public, par le Bréſil, paroît le genre d’avantage qui, juſqu’ici, a le plus occupé les adminiſtrateurs. L’obligation de payer la voiture des métaux, réſervée aux vaiſſeaux de guerre ; le commerce excluſif des diamans : la vente d’un grand nombre de monopoles ; la ſurcharge des douanes : telles ſont en Europe même les principales veines que s’eſt ouvertes un fiſc inſatiable.

Les vexations ont été pouſſées plus loin encore en Amérique. On y exige le quint de l’or & des diamans qui monte à ſix ou ſept millions de livres. On y exige la dixme de toutes les productions qui, quoique perçue avec douceur & par abonnement avec chaque paroiſſe, rend 2 873 000 liv. On y exige l’achat de la croiſade qui ne paſſe pas 160 000 liv. On y exige des droits ſur les eſclaves qui s’élèvent à 1 076 650 liv. On y exige pour, la réédification de Liſbonne & pour les écoles publiques 385 000 liv. On y exige des officiers ſubalternes de juſtice 153 000 liv. On y exige dix pour cent ſur tout ce qui entre, dix pour cent ſur tout ce qui ſort, ce qui peut rendre 4 882 000 l. On y exige 1 124 000 liv. pour laiſſer circuler dans l’intérieur des terres les boiſſons & les marchandiſes arrivées dans les ports. Le gouvernement s’eſt encore réſervé le monopole du ſel, du ſavon, du mercure, de l’eau-forte & des cartes à jouer qu’il afferme 710 320 liv.

Malgré tant d’impôts, qui rendent annuellement à la couronne 18 073 970 liv., elle a contracté des engagemens dans le Bréſil. Elle doit au Para 713 000 livres ; 517 600 liv. à SaintPaul & à Matto-Groſſo ; 10 110 000 liv. à Rio-Janeiro : en tout 11 340 600 livres. Dans les premiers de ces gouvernemens, les dettes ont été occaſionnées par la conſtruction récente de quelques forts, plus ou moins néceſſaires ; & dans le dernier, par les guerres qu’il fallut faire aux Guaranis en 1750, & par celles qu’il a fallu ſoutenir depuis contre l’Eſpagne.

De ſon côté, le Bréſil devoit, en 1774, aux négocians de la métropole 15 165 980 liv. C’étoit du moins l’opinion de l’homme qui a le plus étudié, le mieux connu ce grand établiſſement.