Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre VIII/Chapitre 13

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XIII. Innovation heureuſe, qui doit améliorer le ſort du Paraguay.

L’empire immenſe que la Caſtille avoit fondé dans l’Amérique Méridionale fut long-tems ſubordonné à un chef unique. Les parties éloignées du centre de l’autorité étoient alors néceſſairement abandonnées aux caprices, à l’inexpérience, à la rapacité d’une foule de tyrans ſubalternes. Aucun Eſpagnol, aucun Indien n’avoit la folie de faire des milliers de lieues pour aller réclamer une juſtice qu’il étoit preſque ſur de ne pas obtenir. La force de l’habitude, qui étouffe ſi ſouvent le cri de la raiſon & qui gouverne encore plus abſolument les états que les individus, empêchoit qu’on m’ouvrît les yeux ſur le principe certain de tant de calamités. La confuſion devint, à la fin, ſi générale, que ce qu’on appelle le nouveau royaume de Grenade fut détaché, en 1718, de cette giganteſque domination. Elle reſtoit encore beaucoup trop étendue ; & le miniſtère l’a de nouveau reſtreinte, en 1776, en formant d’une partie du diocèſe de Cuſco, de tout celui de la Paz, de l’archevêché de la Plata, des provinces de Santa-Crux de la Sierra, de Cuyo, du Tucuman, du Paraguay une autre vice-royauté, dont le ſiège eſt à Buenos-Aires. Le gouvernement ne tardera pas, ſans doute, à régler le ſort de ces ſingulières miſſions, que les louanges de ſes panégyriſtes, que les ſatyres de ſes détracteurs rendirent également célèbres.