Histoire politique des États-Unis/Tome 1/Leçon 1

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PREMIÈRE LEÇON.
de la constitution américaine, et de l’utilité de son étude

Messieurs,

Le sujet de nos études sera pour cette année l’histoire de la constitution des États-Unis. Mais sous ce nom de constitution, ce que nous apprendrons à connaître, ce n’est pas seulement la grande charte de 1789, qui a fondé la puissance de la confédération, et qui, aujourd’hui encore, en est la base la plus ferme, c’est aussi l’organisation intérieure des États particuliers de l’Union ; car cette organisation, dans ses formes et dans son esprit, se rapproche chaque jour davantage de l’établissement fédéral, le complète, l’explique, et, de son côté, pour être bien jugée, demande à n’être point séparée de son modèle. Ainsi, ce que nous étudierons, c’est ce grand ensemble d’institutions politiques, sous l’empire desquelles s’est développé, au delà de l’Océan, un État qui, du temps de nos pères, ne pesait point dans la balance politique, et qui, s’il reste fidèle à la pensée de ses fondateurs, si les passions humaines ne le perdent en le divisant, s’élèvera, avant la fin du siècle, à un tel degré de force et de grandeur, qu’il n’est aucune monarchie d’Europe qui puisse alors tenir tête à la toute-puissante république.

Évidemment, Messieurs, la recherche des causes qui ont amené ce prodigieux développement, cette fortune inouïe, est du plus haut intérêt ; et si, parmi ces causes, la constitution tient le premier rang, il y a là pour nous un sujet d’une importance extrême et d’une utilité prochaine, un sujet d’études qui, dans les circonstances où nous sommes, s’impose en quelque façon de soi-même, et commande l’attention.

L’importance de cette étude, qui pourrait la mettre en doute ? Est-il possible que des institutions qui règnent sur un si vaste territoire, qui jouent un si grand rôle dans le nouveau monde n’aient point de place dans l’histoire des législations ? Et son utilité, quand fut-elle jamais plus sensible qu’au moment où la France, étonnée du pas énorme qu’elle a fait tout à coup dans la carrière de la démocratie, s’arrête comme incertaine, et cherche en tâtonnant les bases durables de son nouveau gouvernement ? Quel spectacle plus instructif, quel exemple plus touchant que celui d’une nation de race européenne, dont les idées et les besoins sont les nôtres, et qui a résolu le problème en 1789, le jour même où nous nous sommes mis à poursuivre, au travers de dix révolutions, cette solution qui toujours nous échappe, et qui peut-être est près de nous, nous obstinant, si j’ose emprunter l’expression de Montesquieu, nous obstinant à bâtir Chalcédoine quand nous avons le rivage de Bysance sous les yeux[1] ?

Ainsi, importance historique et scientifique, utilité prochaine, telles sont les deux principales raisons d’étudier la constitution américaine sérieusement, en détail, pour en apprécier le véritable caractère, pour en pénétrer l’esprit, et non pas dans un intérêt purement spéculatif, mais pour en tirer une instruction efficace, une règle de conduite, un profit immédiat et certain. Et d’abord, rendons-nous bien compte de l’importance historique et scientifique de cette étude ; ne nous arrêtons pas à des données superficielles ; entrons, si je puis le dire, dans les entrailles du sujet.

La révolution française est à coup sûr le spectacle le plus surprenant que le monde ait vu depuis la réforme. Envisagé avec terreur par les uns, comme le commencement de la décadence ; avec admiration par les autres, comme l’aurore d’un âge nouveau, ce grand mouvement dure encore et frappe l’Europe d’inquiétude et d’étonnement ; mais pour qui sort du continent et envisage froidement les choses en se dégageant de tout préjugé national, il est clair que dans l’histoire du monde la révolution américaine est un événement plus marquant que n’est la nôtre. Moins saisissante, moins dramatique, moins passionnée, et je dirais presque moins grande par le développement des caractères, si je n’y rencontrais un Washington, il n’en est pas moins vrai qu’elle l’emporte de beaucoup par l’importance des résultats présents et surtout des résultats futurs ; et que le jour approche, s’il n’est déjà venu, où l’histoire l’enregistrera comme le fait le plus considérable qui ait terminé le xviiie siècle et commencé l’ère des sociétés modernes.

« On nous cite l’Amérique, écrivait, en 1796, un homme qui aimait peu les républiques et qui avait plus de confiance dans le passé que dans l’avenir, le comte Joseph de Maistre[2], je ne connais rien de si impatientant que les louanges décernées à un enfant au maillot ; laissez-le grandir ! »

L’enfant a grandi avec une rapidité qui tient du miracle, et on peut compter le petit nombre d’années après lesquelles les États-Unis, si quelque vice intérieur n’arrête leur progrès, seront le plus puissant empire du monde.

La population des treize colonies ne s’élevait pas à trois millions d’âmes en 1790 ; en 1810, elle dépassait sept millions ; on en comptait plus de douze, en 1830 ; plus de dix-sept, en 1840[3] ; en d’autres termes, elle double en moins de trente ans. Ainsi, selon le calcul le plus modéré et sans tenir compte de l’émigration qui croît chaque jour, avant la fin du siècle l’Amérique du nord, qui sera loin d’être à demi peuplée, contiendra plus de quatre-vingts millions d’hommes[4], unis par la race, la langue, le génie, le gouvernement, la configuration même du territoire, le développement du commerce, de l’industrie, des voies de communication ; un peuple qui, vous le verrez, a fait depuis 1776 des progrès immenses dans la voie de l’union ; que chaque jour mêle et confond davantage ; un peuple enfin qui a trop le sentiment de ce que lui réserve l’avenir pour rêver de séparation avant d’avoir accompli sa destinée, c’est-à-dire avant un jour qu’il n’appartient pas à l’homme de fixer.

Ainsi, je le répète, avant cinquante années, les États-Unis seront la république la plus considérable, la plus puissante, la plus homogène qui ait jamais paru sur le globe, et pour la première fois il faudra que l’Europe compte avec ce peuple nouveau qui viendra, qui vient déjà partager avec elle l’empire des mers.

Vous voyez quelles proportions aura prises, avant la fin du siècle, cet événement glorieux de la révolution américaine ; vous voyez comme chaque jour le grandit ; ce sera dans l’histoire, au point de vue politique, un fait non moins considérable que la découverte même du continent ; c’est aussi l’avènement d’un monde nouveau qui vient se placer à côté de l’ancien.

Que peut-il donc y avoir de plus curieux que d’étudier les causes de ce développement qui ne s’est point arrêté d’un jour ; que de rechercher la part qui appartient aux institutions dans ce grand établissement ?

Mais, sans anticiper sur cet avenir prochain, sur cet avenir qui déjà se laisse toucher, et qu’il est bon de prévoir si nous ne voulons pas remettre aux mains de l’Amérique le flambeau de la civilisation, quel précieux sujet d’observation politique, quels exemples, quelles leçons nous offrent dès aujourd’hui les États-Unis !

Ce n’est pas seulement une république qui domine de l’autre côté de l’Atlantique ; ce nom de république est une désignation vague et qui couvre d’un même nom les gouvernements les plus opposés ; c’est une démocratie, la plus vaste, la plus complète qui ait paru dans les temps modernes ; j’ajoute, la seule qui ait duré.

Ce n’est pas un gouvernement fait de main d’homme, contre-épreuve moulée sur l’antique par des révolutionnaires érudits, élèves de Montesquieu ou de Mably : c’est le produit naturel de deux siècles de travail et de liberté ; c’est, comme le sentait Washington, le seul gouvernement qui pouvait convenir à cette forte race d’émigrants, à ce peuple de puritains, qui, laissant à une patrie marâtre sa noblesse féodale et son clergé aristocratique, avait emporté avec lui, comme deux trésors, et sa religion essentiellement républicaine, et toutes les libertés de la vieille Angleterre.

De là ce cachet particulier qui distingue la république américaine de toutes celles de l’antiquité, de toutes celles qu’ont imaginées les modernes qui ne détachaient point leurs yeux des anciens, et parmi ces modernes, je comprends la plupart de nos constituants révolutionnaires.

Les États-Unis ont résolu le problème, déclaré insoluble par les publicistes, d’une république établie sur un vaste territoire avec une population nombreuse ; d’un État où l’égalité est complète, absolue, et dans les lois, et dans les mœurs. En peu de mots, c’est une république, non pas imaginaire, mais réelle, mais vivante, faite par des hommes de notre temps et de notre race, où chaque année deux cent mille Européens, Anglais, Allemands, Français, vont se mêler au courant sans qu’il en soit altéré[5] ; une république enfin dont la constitution est assez large, assez bien calculée pour s’être prêtée depuis un demi-siècle, et sans vieillir, à tout le développement d’une nation qui grandit, à tous les progrès du commerce, de l’industrie, de la civilisation.

À une époque où la force de l’opinion emporte toutes les autres, où son véritable titre est bien celui que lui reconnaissait Pascal, la reine du monde, les États-Unis s’offrent à nous comme un empire depuis longtemps fondé sur l’égalité politique la plus entière, sur la souveraineté du peuple la plus large et la plus active qu’on puisse imaginer.

Et, en effet, la souveraineté du peuple n’est pas, en Amérique, une théorie abstraite et démentie dans la pratique ; une force dont on se sert pour fonder un gouvernement, et qu’ensuite on comprime comme un danger, jusqu’à ce qu’elle se révèle de nouveau par des explosions et des désastres. La souveraineté, aux États-Unis, est le grand ressort du gouvernement, et comme un régulateur qui ne s’arrête jamais[6] ; c’est bien le peuple qui gouverne et administre par des délégués librement et directement choisis, délégués doublement maintenus dans le respect de la souveraineté populaire, par une responsabilité toujours présente et par la fréquence des élections.

La constitution américaine n’est point démagogique. Il y a des moyens légaux pour éprouver la volonté populaire, l’épurer et la refroidir ; mais cette volonté, régulièrement manifestée, est prise comme la règle absolue du gouvernement. C’est un devoir de s’y soumettre, c’est un crime de s’y soustraire, et les décisions de la majorité sont adoptées sans résistance par une nation depuis longtemps habituée à respecter le jugement et la volonté du plus grand nombre. Le gouvernement est ainsi complètement démocratique ; par son organisation il est nécessairement identifié avec les intérêts du peuple ; sa durée n’a d’autre garantie que l’attachement du pays aux institutions.

Cette forme de gouvernement qui nous étonne, en qui nous avons peu de confiance, car, en France, elle a souvent tourné à la démagogie et perdu la république en ruinant la liberté, d’où vient cependant qu’elle n’a donné en Amérique que de bons résultats ? Est-ce à des circonstances naturelles ; est-ce, au contraire, comme j’espère vous le montrer, au mérite et à la sagesse de sa constitution que l’Amérique doit la stabilité d’un régime qui, de sa nature, semble des plus instables, et qui, cependant a duré dans le nouveau monde, quand tant de fois, en France, s’est abîmée la monarchie ? C’est là, sans nul doute, un sujet d’études digne de tout homme qui aime son pays.

La sagesse de leur constitution n’est point le seul exemple, la seule leçon que les États-Unis puissent donner à la vieille Europe.

Quoi de plus remarquable qu’un pays qui a pris pour base de sa politique et de sa diplomatie, la paix, la non-intervention ?

En Amérique, on ne connait pas ce système militaire qui nous prend par année quatre cents millions et tient dans l’oisiveté quatre cent mille hommes, la fleur de la jeunesse, l’élite des travailleurs ; aussi est-on assez heureux pour ignorer ce lourd fardeau de la dette publique, conséquence d’un établissement disproportionné avec la richesse du pays et tout à la fois coûteux et improductif ; cette dette, qui se traduit en un impôt sur la propriété et l’industrie, et, en renchérissant la production, la diminue.

Les Américains ont apporté avec eux d’Angleterre la haine des troupes permanentes, haine des plus vivaces au xviie siècle dans la métropole, et qui aujourd’hui, dans le nouveau monde, n’a rien perdu de son énergie. Il n’y a qu’un petit nombre de troupes soldées, moins de dix mille hommes, placés le long des frontières pour maintenir en respect les Indiens. Je n’ai pas besoin de dire qu’en Amérique, comme en Angleterre, la conscription est inconnue, et que l’enrôlement volontaire est le seul système qu’ait accepté un peuple jaloux de sa liberté.

Je n’examine pas en ce moment si la France peut adopter, et dans quelles proportions elle peut adopter cette mesure héroïque d’un gouvernement qui se fie à la milice de la défense de son territoire et du maintien de son influence ; je dis seulement qu’à une époque comme la nôtre, où l’industrie, l’agriculture et le commerce, en un mot la production joue le grand rôle dans la vie des peuples, il n’est pas possible que la France et le continent, avec d’énormes budgets militaires qui grèvent et stérilisent la production, soutiennent longtemps la concurrence d’un pays tel que l’Amérique, pour qui la nature a tant fait, et qui de plus nous combat avec des armes aussi inégales. Forcément l’Europe, si elle ne veut pas baisser en richesse et en civilisation, sera forcée de proclamer le principe américain, et de prendre la paix pour base de sa politique. On le sent aujourd’hui ; mais Washington l’a proclamé il y a soixante ans, et c’est sur ce principe que, grâce à la sagesse et à l’expérience du sénat, on a fondé cette diplomatie qui se vante et avec raison de ne connaître que des succès.

Son secret est simple, et cependant infaillible : c’est la paix, c’est la neutralité, c’est la non-intervention. Débarrassée des luttes d’influence, ne soulevant ni méfiances, ni jalousies, tout l’effort de la diplomatie américaine se borne à élargir le marché, à faciliter l’échange, en d’autres termes à enrichir également les deux pays qui sont parties au contrat. Dans de pareilles conditions, la diplomatie est facile ; mais elle n’en est pas moins le moyen d’enchaîner les peuples par un lien plus sûr que l’ambition ou la reconnaissance, instruments ordinaires de nos diplomaties d’Occident, je veux dire par le lien d’un commun intérêt et d’une prospérité commune.

Si de la sphère du droit public nous passons dans celle du droit privé, nous jouirons d’un spectacle non moins intéressant, et les sujets d’instruction s’offriront en foule.

La liberté individuelle est garantie en Amérique, comme en Angleterre, de la façon la plus efficace. L’habeas-corpus, ce boulevard, cette seconde grande charte de la liberté britannique, est en pleine vigueur aux États-Unis, et tout magistrat est tenu, sur la simple réclamation qui lui est présentée, de décerner un mandat d’amener contre quiconque détient une personne illégalement arrêtée ; il faut qu’on la produise sans délai. Une amende considérable[7] assure l’obéissance immédiate du juge, et garantit à tout accusé un prompt interrogatoire qui facilite ou sa mise en accusation, ou sa mise en liberté.

Hormis les crimes capitaux avérés, la liberté sous caution est de droit, et, d’après la constitution, cette caution ne doit pas être excessive ; il en résulte qu’aux États-Unis, on n’a point le triste exemple de ces emprisonnements préventifs qui dépassent en durée la peine même qu’encourrait l’accusé s’il était reconnu coupable. Par ces rigueurs inutiles, par cette torture préparatoire, la justice chez nous n’est plus la justice, c’est une vengeance ; et, quand vient le jour du jugement, tout l’intérêt se porte sur le coupable qui vient s’asseoir sur les bancs de la cour d’assises, pâle, épuisé, et comme ayant déjà expié sa faute et payé sa dette à la société par les souffrances d’un long emprisonnement.

C’est ainsi qu’en exagérant les moyens on dépasse le but, et qu’on énerve la répression en croyant la fortifier. Et cette vérité même que nous poursuivons, combien n’en rendons-nous pas la découverte difficile, en terrifiant l’accusé, en le séquestrant, en le séparant de ses conseils, de ses amis, de ses papiers, en le forçant à fuir pour éviter la prison, en le contraignant d’attendre à l’étranger, pendant des années entières, les résultats douteux d’une instruction sans contradicteur, quand sa présence eût souvent en peu de mots désarmé l’accusation et peut-être confondu la calomnie !

De pareils exemples ne sont pas rares ; il serait facile de mettre un nom sous chacune de ces allégations ; et si les partis, en arrivant au pouvoir, n’oubliaient point le passé, ou songeaient à l’avenir, il y a longtemps qu’en des temps de révolution comme les nôtres, on eût, ne fût-ce que par prudence, emprunté ces pratiques libérales à l’Angleterre et à l’Amérique.

Je ne vous parle point de la liberté industrielle, de la liberté du travail, plus considérable, mieux entendue aux États-Unis qu’en France. Quoique l’économie politique rentre dans notre domaine, par la part chaque jour plus grande qu’elle prend dans la législation, je ne veux pas empiéter sur le ressort d’un homme qui honore cette chaire par son courage et son talent. C’est à M. Michel Chevalier qu’il appartient de vous dire comment la liberté est une puissance économique non moins qu’une force politique, et comment, dans des conditions naturelles qui ne seront pas trop inégales, le pays le plus libre deviendra nécessairement le plus riche. Mais, parmi les sujets de réflexion que nous présentent les États-Unis, j’en choisirai encore un d’un intérêt actuel, la liberté des cultes.

Aux États-Unis, la liberté des cultes est absolue. On n’a pas seulement séparé comme chez nous, ou plutôt essayé de séparer le spirituel du temporel. L’État ne connaît pas l’Église ; ce sont les fidèles de chaque communion qui payent le culte et le pasteur. On tient que c’est tyrannie de contraindre un homme à soutenir de son argent une croyance qui n’est point la sienne ; car c’est le rendre complice malgré lui de l’erreur et de la superstition.

Cette séparation absolue date de la révolution américaine ; elle est considérée comme une conquête non moins précieuse que celle de l’indépendance ; et Jefferson qui en fut un des plus ardents promoteurs, Jefferson deux fois président, demandait qu’on mît sur son tombeau, pour illustrer sa mémoire, non pas le souvenir des places qu’il avait occupées, mais l’inscription suivante qui retraçait les plus grands actes de sa vie, les plus grands, en effet, pour qui en considère le résultat :

ci-gît thomas jefferson,
auteur de la déclaration de l’indépendance américaine,
du statut de virginie pour la liberté religieuse,
et père de l’université de virginie.

La solution que les États-Unis ont donnée au problème vaut-elle mieux que la nôtre ? En émancipant l’Eglise, n’a-t-on pas asservi le prêtre ? Ne l’a-t-on pas mis dans la dépendance absolue de son troupeau ? Les droits du pauvre que l’indigence éloigne des secours spirituels ont-ils été suffisamment défendus ? Je ne veux point discuter en ce moment cette grave question ; mais vous sentez combien elle mérite d’être étudiée, et quel champ d’expérience nous offre un pays où, depuis longues années, tant de sectes diverses vivent et se développent en parfaite liberté.

Je pourrais choisir encore, comme matières de comparaisons curieuses et importantes pour la science et pour nous, la liberté et la diffusion de l’enseignement, l’organisation municipale, la question des banques, celle de la dette publique ; mais je ne veux pas épuiser mon sujet ; j’en ai dit assez pour vous montrer tout ce que nous offre de richesses l’étude du gouvernement américain, et quel profit nous en pouvons tirer.

En vain l’ignorance et la présomption attribuent la prospérité américaine à des causes fatales, telles que la richesse d’un pays vierge, ou la situation privilégiée de la confédération, isolée sur un vaste continent. Il n’est pas douteux que toutes ces causes, et d’autres encore, n’aient donné au gouvernement américain un caractère particulier ; mais l’histoire nous apprend que ces grands résultats n’ont rien de nécessaire. Les colonies espagnoles, placées dans les conditions les plus favorables, languissent pour la plupart ; et la liberté même avec ses orages les a perdues ; tandis que la race américaine, avec son amour de l’ordre et ses habitudes de liberté, se développe et s’étend partout, parce qu’elle s’organise partout.

Non, la fortune des nations n’est point l’œuvre d’une aveugle destinée ; c’est par le caractère, par la constance, par l’énergie que les peuples s’élèvent ; et ce caractère, les institutions politiques ont justement pour but de le fortifier dans ses parties faibles, et de le contenir dans ses excès. Sans la constitution, l’Amérique se serait dissoute ; l’esprit d’indépendance l’eût affaiblie et divisée à l’extrême ; et je vous montrerai, pièces en main, qu’elle doit sa grandeur aux hommes qui, dans des circonstances difficiles, devinèrent les institutions qui convenaient à son génie, et sauvèrent la liberté en fondant l’Union.

Ne croyez pas que ce soit du premier coup et sans efforts que les Américains aient résolu le problème d’organiser la démocratie. Ils ont passé par des épreuves plus rudes que les nôtres, des épreuves qui, l’échafaud mis de côté, rappellent les malheurs de notre première révolution. On a essayé d’une assemblée unique, d’un gouvernement de comités ; on a fait un papier-monnaie, et, en Amérique comme en France, le mépris des lois économiques et politiques amena une situation si déplorable, que de toutes parts les esprits se soulevèrent contre un gouvernement sans puissance et sans crédit. Le grand cœur de Washington en vint à douter de l’Amérique[8] ; affranchie et victorieuse de l’Angleterre, elle succombait sous l’anarchie.

« Quel changement étonnant peut se faire en quelques années, écrivait-il en 1786 à John Jay, son ami, et plus tard l’un des fondateurs de la constitution. J’entends dire que des personnes respectables parlent aujourd’hui de la monarchie sans horreur. On y pense, on en parle, et de la parole à l’action il n’y a souvent qu’un pas, mais quel pas irrévocable et terrible ! Quel triomphe pour les avocats du despotisme de voir que nous sommes incapables de nous gouverner nous-mêmes, et que les systèmes fondés sur la base de l’égalité et de la liberté sont chimériques et trompeurs ! Dieu veuille qu’on prenne à temps de sages mesures pour détourner les conséquences que nous n’avons que trop de raisons de redouter[9] ! »

C’est dans une situation aussi délicate, au lendemain de la guerre, au milieu de ces passions que soulèvent les révolutions et qui, comme les vagues de la mer, s’agitent longtemps encore après l’orage ; c’est au travers des ambitions et des jalousies de toute espèce, qu’entreprirent de sauver la patrie des hommes qui, pour le dévouement au pays, la force de caractère, l’énergie des convictions, ne le cèdent en rien à ce que l’antiquité nous offre de plus admirable : Washington, Hamilton, Franklin, Jay, Madison, noms immortels dans l’histoire de l’Amérique et du monde ! En fondant un gouvernement national, à force de lumières, de courage et de patience, en fermant la révolution, Washington et ses amis sauvèrent une seconde fois la patrie ; et ce triomphe, moins éclatant que le premier, montre mieux dans tout leur jour ces nobles caractères. Pour doter l’Amérique de cette constitution aujourd’hui adorée, il leur fallut risquer leur popularité, lutter contre l’injustice et la calomnie, emporter chaque résolution de haute lutte, et pendant dix-huit mois ne jamais se lasser, ne désespérer jamais. Mais aussi, la victoire gagnée, on eut comme un pressentiment de la majesté de cet édifice dont les fondements avaient coûté tant de peine, et, à la dernière réunion, au moment où l’on signait cet acte immortel, Franklin, parvenu à cet âge où les anciens considéraient comme un prophète l’homme placé à la limite de la terre et du monde invisible, Franklin eut comme une révélation de la grandeur américaine. Au dernier moment de la session, nous dit l’historien du congrès, Franklin, portant les yeux vers le fauteuil du président, derrière lequel on avait peint un soleil levant, fit remarquer aux membres qui étaient près de lui, que les peintres reconnaissaient que, dans leur art, il était difficile de distinguer un lever d’un coucher de soleil. « Souvent, et bien souvent, ajouta-t-il, dans le cours de nos réunions, dans les vicissitudes de nos espérances et de nos craintes touchant le résultat de nos délibérations, j’ai regardé cette peinture sans être capable de dire si le soleil s’y levait ou s’y couchait ; maintenant, à la fin, j’ai le bonheur de voir que c’est bien un soleil qui se lève et non point un soleil qui s’éteint[10]. »

Franklin avait raison : c’était l’aurore d’un monde nouveau, c’était l’avènement de la démocratie organisée, c’était la liberté qui se levait de l’autre côté de l’Atlantique pour éclairer, pour échauffer, pour féconder l’univers.

Et maintenant, Messieurs, ai-je besoin d’insister sur l’utilité d’une telle étude ? Ne sentez-vous pas combien la dernière révolution a rapproché la France de l’Amérique, et combien l’expérience de l’une est faite pour éclairer les essais de l’autre ?

Depuis 1789 la démocratie française a été dans un état de crise perpétuelle, soit qu’on n’ait pas reculé devant la guerre civile et le sang versé, soit que la démocratie ait usé des concessions mêmes de la royauté pour lui disputer le dernier reste de ses prérogatives. Depuis la Constituante, on a lutté pour associer la monarchie et la liberté, ces deux principes que Tacite déclarait incompatibles, et que, plus confiants que Tacite, nous avions cru réunir et concilier dans le gouvernement constitutionnel ; et, durant soixante ans, la lutte, dix fois reprise, s’est toujours terminée par la défaite du pouvoir ; l’opposition a été la vie du pays ; l’opinion a toujours soutenu ceux qui engageaient ce combat inégal contre la monarchie chaque jour plus faible et moins armée.

L’Amérique alors était pour nous un exemple trop éloigné pour être utile ; l’état des deux sociétés n’était point le même ; les idées, les besoins, les désirs, le but étaient différents.

Aujourd’hui, la démocratie est maîtresse absolue ; plus de roi, plus de privilège ; le pays n’appartient qu’à lui-même ; il n’y a plus à détruire, mais à fonder. Ce n’est plus de lutte qu’il faut parler, c’est d’organisation ; c’est une œuvre plus grande qui demande des hommes supérieurs, et aussi des hommes nouveaux. Rarement, en effet, les hommes qui ont réussi dans l’opposition apportent au pouvoir des idées d’organisation, et il en est un peu comme des avocats devenus juges, qui, trop habitués à ne voir les choses que par la face critique et le petit côté, ont grand’peine à prendre l’esprit large et impartial du magistrat.

Mais à des hommes nouveaux, qui ont la noble ambition d’établir un régime durable, il faut, pour être autre chose que des théoriciens, c’est-à-dire la plus dangereuse espèce d’hommes d’État, celle qui le plus sûrement, avec les convictions les plus droites et par les plus ingénieuses combinaisons, mène un pays à sa ruine, il faut l’expérience ; et c’est ici que commence l’utilité d’étudier la constitution d’un peuple qui a connu les mêmes difficultés, qui a passé par les mêmes épreuves, et qui, plus ancien que nous dans la pratique de la démocratie, n’est cependant sorti de ces dangers qu’à force de sagesse, de courage et de raison.

Les constituants de 1848 ont dédaigné l’expérience américaine ; ils ont rejeté la division du pouvoir législatif, ils ont organisé le pouvoir exécutif sur un plan qui tient à la fois de la monarchie constitutionnelle et de la république. Peut-on dire qu’ils aient mieux réussi, et les questions qu’on soulève de toutes parts ne nous disent-elles pas qu’il n’est point encore trop tard pour étudier comment les Américains ont compris ces problèmes dont la solution importe à notre avenir ?

Ainsi, par exemple, nous sentons tous que le pouvoir exécutif a besoin d’indépendance, et que cependant le pays a droit à une surveillance de tous les instants. Depuis 1789, nous n’avons su qu’énerver l’autorité, ou la soustraire à l’influence des assemblées. Notre administration a été tour à tour impuissante ou despotique. Les Américains ont résolu la question en rendant le président indépendant de l’Assemblée, en mettant le ministère à l’abri de l’action incessante et jalouse des chambres ; et, d’un autre côté, ils ont assuré le droit du pays en mêlant à la haute administration, par la diplomatie et la nomination des principaux fonctionnaires, y compris les ministres, le sénat, corps peu nombreux, réunion des hommes les plus éminents de l’Amérique, pouvoir assez durable pour conserver la tradition, et cependant se modifiant assez souvent pour se retremper dans l’opinion et avoir toujours pied dans le pays.

Ce sénat, dont nous n’avons pas voulu par des raisons passagères, par jalousie politique, et en le considérant seulement comme un pouvoir législatif, ce sénat, vous le verrez, est la pierre angulaire de la constitution américaine ; c’est là qu’est le modérateur, la force régulatrice du gouvernement ; et si la république dure aux États-Unis, c’est au sénat qu’elle le doit ; sans lui, il y a longtemps qu’une lutte eût décidé entre le président et l’Assemblée. Nous avons repoussé cette institution comme aristocratique ; mais, pour moi, je ne connais pas d’institution plus républicaine que celle qui, aux États-Unis, a déjà plus d’une fois sauvé la république.

L’Amérique peut encore nous servir de leçon dans une question qui, depuis un an, est chez nous à l’ordre du jour. La doctrine que le parlement, le pouvoir législatif est tout-puissant, doctrine que nous avons empruntée à l’Angleterre qui n’a pas de charte écrite, nous met en présence de difficultés sans nombre, et on ne peut faire une loi sans s’exposer au reproche de violer la constitution. L’Amérique n’a pas voulu que les deux chambres, même d’accord avec le président, se missent au-dessus de la loi suprême. Le pouvoir judiciaire est assez indépendant et assez fort pour contraindre les assemblées et le président à se renfermer dans leur rôle et à respecter la constitution. C’est là un des caractères les plus remarquables du système américain, et ce qui fait sa force et sa durée. Aussi cette division véritable des trois pouvoirs se retrouve-t-elle dans les constitutions des États particuliers, aussi bien que dans la charte fédérale. La Cour suprême des États-Unis, est autrement puissante que notre Cour de cassation ; car elle peut invalider comme inconstitutionnelle une loi des États ou même du congrès. On a ainsi ouvert un recours légal à quiconque croit souffrir d’une violation de la constitution ; on a désarmé la sédition en lui ôtant son dernier prétexte.

Vous voyez par ces deux exemples, et j’en pourrais citer d’autres, tels que l’organisation du suffrage universel et l’égalité des districts électoraux, quelles leçons nous pouvons tirer de l’expérience faite il y a soixante ans en Amérique, expérience souvent renouvelée, car il y a trente États dans l’Union, et chacun d’eux s’est donné, et souvent à plusieurs reprises, une loi politique volontairement imitée de la charte fédérale ; toutes les Conventions, toutes les discussions, ont ramené à cet excellent modèle : seulement, il nous faut l’étudier non pas à la légère, mais avec soin, pour nous pénétrer de son esprit et le transporter dans nos institutions.

Est-ce à dire qu’il nous suffit d’emprunter à l’Amérique sa constitution, comme en 1814 nous avons copié les lois de l’Angleterre ? Non, Messieurs ; et quoique aujourd’hui nous ayons mille ressemblances avec les États-Unis, une pareille pensée est loin de moi. On ne prend à un pays ni ses mœurs, ni ses institutions ; les unes sont la conséquence des autres, et ce qui convient à l’Amérique peut très-bien être nuisible à la France. Mais, d’un autre côté, ne rejetons pas l’expérience parce qu’elle n’a point été acquise sur notre sol ; sachons distinguer le particulier du général, ce qui est de l’essence d’un gouvernement libre de ce qui est purement américain ; en deux mots, ne copions pas la constitution des États-Unis, mais profitons des leçons qu’elle renferme, et, tout en restant Français, ne rougissons pas de suivre les exemples et d’écouter les conseils qu’a donnés un Washington !

Ainsi, comprenez-le bien, ce que je veux vous faire connaître, ce n’est point le mécanisme de quelques ressorts politiques, mécanisme qui change d’effets en changeant de pays, et amène souvent des résultats tout opposés à ceux qu’on en attendait, comme fit la charte de 1814 au grand étonnement de ses auteurs ; ce que je vous propose pour exemple, c’est l’esprit qui a produit les institutions américaines, c’est l’idée qui les a inspirées ; car cette idée, elle est vôtre dès que vous en sentez l’utilité ; car cet esprit est à vous dès que vous en comprenez la puissance ; et peu importe ensuite la façon dont cette idée s’incorpore dans nos lois ; ce n’est plus qu’un détail d’exécution sans grande valeur. Ce ne sont pas les formes d’une constitution qui donnent ou conservent la liberté, c’est l’esprit qui l’anime et qu’elle communique au pays.

Ce que je voudrais encore vous faire comprendre, c’est comment les Américains, qui ont hérité du sens pratique de leurs aïeux, ont rendu leur constitution d’une exécution facile, en renfermant la question politique dans ses justes limites, en ne demandant à la constitution que ce qu’une constitution peut donner.

En France, nous réduisons tous les besoins de la société en problèmes politiques ; socialistes ou non, nous nous ressemblons tous en ce point, que nous demandons à l’État, aux chartes, une solution qu’aucun gouvernement, aucune charte ne peuvent donner. Mais nous aurons beau entasser la république sur la monarchie et le socialisme sur la république, nous n’arriverons jamais qu’à une impossibilité. Les institutions politiques ne sont qu’une part de la vie sociale, une forme, un moyen pour assurer le libre développement des intérêts, la satisfaction légitime des besoins généraux. Mais l’État n’est pas la société ; il n’est ni la religion, ni la morale, ni l’éducation, ni l’industrie, ni le commerce ; son rôle est d’assurer le libre jeu de ces sphères diverses, et non pas de les faire marcher à son profit. Pour peu qu’il entre trop avant dans cette organisation délicate, il empêche, il gêne, il détruit ce qu’il croit protéger. C’est ce que les Américains ont bien senti ; ils ont réduit le gouvernement à sa plus simple expression, ils l’ont débarrassé de tout ce qui lui est étranger, et ils ont ainsi tranché une difficulté que ne résoudront jamais les divisions de pouvoir, quelque ingénieuses qu’on les suppose ; car elles seront toujours à côté de la question.

Marche en avant (go ahead) ! ne t’attends qu’à toi seul (help yourself) ! telle est la devise de l’Américain ; et cette devise explique sa vie politique non moins que sa vie privée. En ne demandant à l’État que ce qu’on en peut attendre, en empêchant son intervention là où elle est inutile ou dangereuse, on rend le gouvernement acceptable, facile et bienfaisant, et ce problème compliqué, dont nous poursuivons en vain le secret, on le résout en le simplifiant.

C’est ainsi que la constitution américaine n’est pas moins remarquable par ce qu’elle refuse aux pouvoirs politiques que par ce qu’elle leur accorde ; c’est pour cela qu’il en faut étudier non pas les formes, mais l’esprit, étude plus difficile sans doute, mais riche en résultats ; sujet précieux d’instruction quand on le féconde par la comparaison.

Cette étude, ces comparaisons, Messieurs, je les accepte sans me faire illusion sur les dangers d’un enseignement qui entre dans le vif de la politique. En des temps plus calmes, je considérerais comme un devoir de détourner vos yeux des débats du jour et des querelles stériles de quelques ambitieux. L’enseignement supérieur est fait pour élever la pensée vers ces régions sereines où n’atteignent point les passions du moment. J’aurais donc voulu qu’il me fût permis de vous conduire à la source inépuisable et pure de l’antiquité, de vous faire connaître cette Rome qui sera toujours pour la jurisprudence ce que la Grèce est pour les beaux-arts, l’éternel modèle, l’éternel idéal ; j’aurais été heureux de vous faire descendre dans cette mine du moyen âge, si curieuse, si variée, si riche ; mais aujourd’hui, quand la France inquiète appelle à son aide toutes les lumières, tous les dévouements, quand ce sont les principes mêmes de l’ordre social qui sont en jeu, je n’ai pas le choix du sujet ; il est de mon devoir d’appeler toute votre attention sur des questions qui contiennent la fortune même de la patrie.

Dans une position pareille, vous et moi, nous ne pouvons avoir qu’un but, la vérité. Je vous parlerai donc comme un homme qui ne s’adresse qu’à votre raison, qui a une confiance absolue dans votre impartialité, et qui croit qu’on peut compter sur la sienne. Je sais combien il est difficile que l’esprit reste tout à fait impartial en un pareil sujet ; mais, demeuré toute ma vie étranger aux partis par caractère et par conviction, alors même que cette indépendance n’était pas pour moi un devoir, j’ose au moins vous promettre d’apporter ici un désintéressement complet des passions du jour.

D’ailleurs, mes erreurs mêmes sont limitées dans un champ trop étroit pour être dangereuses ; c’est dans la comparaison seule des institutions américaines et des nôtres que je puis me tromper, et sur ce point, il vous sera bien aisé de redresser mes jugements. Quant à l’esprit de la constitution américaine, nous avons assez de documents et de mémoires, pour que toute méprise soit impossible. J’ai recueilli, autant que je l’ai pu, les pièces de ce grand événement ; j’essayerai de rétablir la scène, de faire revivre devant vous ces nobles et sereines figures ; je conserverai leurs opinions, et, autant que je le pourrai, leurs paroles, trop heureux de m’effacer derrière ces noms vénérés, et de laisser aux leçons qu’ils nous donnent la sanction et l’autorité de leur langage. Ainsi, Messieurs, vous jugerez du système américain par vous-mêmes, en pleine connaissance de cause, après avoir entendu les partis opposés, et sans que je prétende en rien vous imposer, même indirectement, mon opinion. Mon rôle est celui de rapporteur ; je n’ai qu’une ambition, celle de vous instruire en vous forçant à réfléchir sur un sujet qui nous intéresse tous, et de mériter ainsi la plus précieuse récompense de mes soins et de mes travaux, votre estime, et plus encore peut-être, votre amitié.


  1. Montesquieu, Esprit des lois, liv. XI, chap. vi.
  2. Considérations sur la France.
  3. Le recensement de 1850 donne le chiffre de 23 000 000.
  4. C’est le calcul modéré de M. Tucker, professeur d’économie politique à l’Université de Virginie. En 1843, il évaluait ainsi le progrès de la population : 22 400 000 en 1850 (calcul justifié par l’événement), 29 000 000 en 1860, 38 000 000 en 1870, 49 000 000 en 1880, 63 000 000 en 1890, et 80 000 000 en 1900. M. Tucker écrivait avant la conquête de la Californie (Progress of the United States in population and wealth in fifty years, by Georges Tucker. New-York, 1843, p. 106.)
  5. En 1848, 229 492 personnes, dont 148 212 Anglais et Irlandais, 58 018 Allemands, et 7 743 Français (American almanach, 1850, p. 247). En 1849, il y a eu 299 610 émigrants (American almanach 1851, p. 209).
  6. Voy. la dernière leçon.
  7. 1 000 dollars (5 400 francs) dans l’État de New-York.
  8. Voy. la lettre de John Jay, du 18 mai 1786. Life of John Jay, p. 243.
  9. Lettre du 15 août 1786. Life of John Jay, p. 247.
  10. Madison, Papers, p. 1624.