Historiettes (1906)/§ 1.— Notice biographique.

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Texte établi par Louis MonmerquéMercure de France (p. 333-344).

APPENDICE[modifier]

§ 1er Notice biographique[modifier]

« . . . Gédéon Tallemant des Réaux, fils aîné du second lit de Pierre Tallemant, et l’auteur des Mémoires, naquit à la Rochelle vers 1619. On voit en effet. au chapitre des Amours de l’auteur, qu’il étoit âgé de dix-sept ans, en 1636 quand une jolie veuve fit battre son cœur pour la première fois.

Deux années après, des Réaux fit un voyage en Italie, avec un de ses frères du premier lit, et avec l’abbé Tallemant, le plus jeune de ses frères germains. L’abbé de Retz, depuis cardinal et archevêque de Paris, venoit d’obtenir, en Sorbonne, le premier lieu de la licence en théologie. Il avoit eu pour concurrent l’abbé de La Mothe Houdancourt, protégé du cardinal de Richelieu, et l’avoit emporté sur lui ; le ministre, irrité par cette contradiction, menaçoit les députés de Sorbonne de faire raser les bâtiments qu’il commençoit à élever, et l’orage s’annonçoit comme si violent que la famille de Gondi crut prudent d’éloigner le jeune abbé. Il fut donc décidé que l’abbé de Retz iroit en Italie, et le jeune ecclésiastique accepta avec empressement l’offre des trois frères Tallemant de voyager de compagnie.

Quoique très-jeune, Tallemant des Réaux étoit déjà doué d’un talent d’observation fort remarquable ; il juge bien l’abbé de Retz. « C’est, dit-il, un petit homme noir, qui ne voit que de fort près, mal fait, laid et maladroit de ses mains à toutes choses… Sa passion dominante, c’est l’ambition ; son humeur est étrangement inquiète, et la bile le tourmente presque toujours. » On reconnoît déjà dans ce portrait le futur cardinal, le héros des brouillons. Des Réaux donne sur ses premières années des détails d’autant plus curieux qu’on voudroit avoir sur un homme de ce caractère d’autres témoignages que le sien propre, et que d’ailleurs les premières pages de ses Mémoires, où il parloit de sa jeunesse, sont anéanties à toujours.

De retour à Paris, Tallemant prit ses degrés en droit civil et canonique ; son père le destinoit à la magistrature, il vouloit même lui acheter une charge de conseiller au Parlement, mais des Réaux ne se sentoit aucune disposition pour cette carrière. « Je haïssois ce métier-là, dit-il, outre que je n’étois pas assez riche pour jeter quarante mille écus dans l’eau. »

Le père de Tallemant des Réaux jouissoit d’une fortune considérable ; sa maison étoit opulente ; il est inutile de s’arrêter longtemps à le défendre d’un reproche dirigé contre lui par Charpentier, et répété par Furetière. Le traducteur de la Cyropédie, emporté par un mouvement de colère, injuria l’abbé Tallemant en pleine Académie, jusqu’à lui dire qu’il étoit le fils d’un banqueroutier de La Rochelle. On sait trop à quelles injustices entraîne la passion ; tous les apparences sont ici favorables aux Tallemant. Mais si Pierre jouissoit des avantages de la fortune, il paroissoit peu disposé à y faire participer ses fils ; aussi des Réaux chercha-t-il dans un riche mariage les moyens de sortir d’une dépendance qui lui pesoit, et il demanda la main d’Elisabeth Rambouillet, sa cousine germaine. Elle était fille de Nicolas Rambouillet, frère de sa mère.

Elisabeth Rambouillet n’avoit que onze ans et demi quand son cousin la demanda : le mariage fut convenu, mais la célébration on fut différée pendant deux années.

Tallemant, se voyant appelé par cet établissement à jouir d’une belle existence dans le monde, renonça à prendre un état qui eût gêné sa liberté ; on voit seulement, par une quittance de l’année 1675, entièrement écrite et signée de sa main, que Tallemant des Réaux a exercé la charge de contrôleur provincial ancien des régiments, au département de la Basse-Bretagne.

Son mariage dut encore resserrer les liens de parenté qui l’unissoient à Antoine Rambouillet de La Sablière, poète agréable, auteur de madrigaux fins et délicats, et dont la femme, Marguerite Hessein, a été l’amie et le soutien de La Fontaine.

Libre de soins et d’affaires, Tallemant des Réaux se livra à la culture des lettres, aux soins de sa famille et aux distractions de la société.

Il fut surtout lié d’une amitié particulière avec la marquise d’Angennes de Rambouillet, cette célèbre Arthénice, si souvent chantée par Malherbe, Voiture, Chapelain, mademoiselle de Scudéry, et tant d’autres poètes de son temps.

Aussi Tallemant s’est-il particulièrement attaché, dans ses Historiettes, à peindre la société de l’hôtel de Rambouillet et les différents personnages qui la composoient.

Il fait d’abord passer sous les yeux de ses lecteurs la marquise de Rambouillet, cette dame romaine qui avoit vécu à la cour de Henri IV, et qui conserva toujours le ton grave et solennel dont sa mère, de la maison de Savelli, lui avoit transmis les traditions. Il amène ensuite le marquis de Rambouillet, Julie d’Angennes et le marquis de Montausier, madame de Grignan, première femme du gendre de madame de Sévigné, l’abbesse de Saint-Etienne, le marquis de Pisani, Voiture, mademoiselle Paulet. Tallemant n’omet personne ; il n’est pas jusqu’aux officiers et aux serviteurs de cette illustre maison qui ne trouvent une place dans ses récits.

On ne doit pas être surpris de la préférence marquée donnée par Tallemant à tout ce qui concerne l’hôtel de Rambouillet. Il étoit flatté de l’accueil qu’il y recevoit, et pour tout ce qui regarde le règne de Henri IV et la régence de Marie de Médicis, Tallemant a principalement recueilli ses anecdotes dans les entretiens de la marquise, dont il n’a été le plus souvent que l’écho. Il a le soin d’en prévenir ses lecteurs ; c’étoit le moyen de mériter d’autant plus leur confiance. « C’est d’elle, dit-il, que je tiens la plus grande et la meilleure partie de ce que j’ai écrit et de ce que j’écrirai dans ce livre. »

… Doués des mêmes goûts et rapprochés par quelques circonstances, Patru et des Réaux contractèrent, dès leur jeunesse, une amitié qui ne se démentit jamais. Le père de Patru possédoit une ferme à Pommeuse, terre qui appartenoit à Du Puget de Montauron, beau- père de Tallemant, le maître des requêtes. Patru se livroit à son goût pour les lettres avec une passion qui s’accorde difficilement avec la pratique journalière du barreau. Libre de soins et d’affaires, Tallemant vivoit au milieu des gens de lettres : homme d’esprit sans prétention, il n’écrivoit que pour se distraire ; en voilà plus qu’il n’en falloit pour les rapprocher ; compagnons de plaisirs, peut-être même de voluptueuses dissipations, ils n’avoient point de secrets l’un pour l’autre. En effet, sans les confidences de Patru, comment des Réaux auroit-il pu placer dans ses récits une foule de traits de la jeunesse de ce dernier, et particulièrement ses amours avec la belle madame Levesque  ?

Tallemant perdit Patru le 16 janvier 1681 ; il composa pour lui une épitaphe…

Publiée par le père Bouhours, elle a été réimprimée partout, et particulièrement à la suite de la notice jointe aux œuvres de Patru ; en voici une autre, qui sent son esprit fort : nous l’avons trouvée, écrite de sa main, dans les manuscrits de Tallemant des Réaux.

Gy gist le célèbre Patru,

De qui le mérite a paru

Toujours au-dessus de l’envie ;

Il a savamment discouru,

Mais peu de la seconde vie ;

Heureux s’il n’a trouvé que ce qu’il en a cru !


Tallemant étoit aussi étroitement lié avec Perrot d’Ablancourt auteur de tant de traductions qui ne se lisent plus. et qu’on appeloit de son temps les belles infidèles…

Tallemant aimoit la poésie ; il l’a cultivée pendant tout le cours de sa vie. Il parle d une épître en vers adressée par lui à Quillet, l’auteur de la Callipédie ; il faisoit avec facilité des vers de société. Ses deux Recueils manuscrits, dont il sera parlé plus bas, sont remplis d’opuscules de ce genre, parmi lesquels il seroit souvent difficile de distinguer ceux qu’il a composés lui-même de ceux dont il n’est que le copiste. Nous citerons cependant un couplet satirique, dont Tallemant est bien certainement l’auteur. Il est écrit de sa main, et surchargé de ratures, corrections et variantes, qui indiquent un travail de composition. Cette petite bluette est empreinte de cette maligne irritation, l’un des traits principaux du caractère de notre écrivain ; elle porte en marge la date de 1655. Nous pensons qu’elle aura été faite sous les impressions qui vont être indiquées.

Tallemant, comme on l’a déjà vu, étoit issu d’une bonne famille de bourgeoisie, dont une branche, suivant l’expression du temps, avoit commencé à se décrasser. Son oncle Gédéon avoit acheté une charge de secrétaire du Roi, qui, depuis Charles VIII, donnoit la noblesse, et son fils ainsi anobli étoit entré dans le Parlement Le cousin germain de des Réaux, déjà riche par lui-même, avoit épousé la fille naturelle de Montauron, le Crésus de l’époque, et se trouvoit ainsi appelé à une grande fortune. Devenu maître des requêtes, il avoit suivi la carrière des intendances, et, à force de prodigalités, il s’étoit introduit dans la familiarité des grands seigneurs, qui lui ouvroient leurs portes en lui faisant l’honneur de puiser largement dans sa bourse. La position de Tallemant des Réaux étoit très différente. Insouciant par caractère, il n’avoit pas embrassé d’état ; et par son mariage avec la fille du financier Rambouillet, ainsi que par son origine, il appartenoit à la classe des hommes de finance, que les nobles appeloient des paysans, quand ils ne les traitoient pas de maltôliers..

Dans ce siècle-là, la grande fortune ne donnoit pas à elle seule la considération ; les honneurs et les privilèges de la naissance l’emportoient sur tout, et l’on n’admettoit aucune de ces compensations qui, depuis près d’un siècle, mais surtout depuis la révolution de 1789, résultent du mérite personnel, et d’une bonne éducation réunie à quelques avantages de la fortune ; aussi les financiers, simples bourgeois, malgré leurs richesses, avoient souvent à dévorer de pénibles humiliations. Les dames, nobles et titrées (1), ne dansoient pas volontiers avec un bourgeois ; elles accordoient tout au plus cet honneur à l’homme de robe, qui par sa charge commençoit à sortir de la bourgeoisie.

[(1) La femme d’un bourgeois s’appeloit toujours une demoiselle.]

Tallemant rapporte un exemple curieux de la rigueur de ces usages. Une madame Roger, fille d’un pauvre gentilhomme lorrain, n’avoit pas dédaigné de s’allier au fils d’un riche orfèvre de Paris ; elle soutenoit, il est vrai, que le père de son mari avoit dérogé, en faisant le commerce, et dans sa petite vanité elle réhabilitoit le fils de l’argentier. Cette dame, ayant une fille à marier, recevoit grande compagnie, et Tallemant étoit du nombre de ceux qu’elle invitoit. C’étoit l’usage alors que les jeunes gens donnassent les violons aux dames, c’est-à-dire que les uns après les autres ils faisoient les frais de la musique du bal. Quand ce vint au tour de des Réaux, la dame reçut sa politesse, avec une froideur marquée : « Je voyois bien à sa mine, dit Tallemant, qu’elle avoit quelque honte qu’un bourgeois lui donnât les violons. » Que l’on juge de la profonde impression que devoit faire sur le bourgeois, homme de cœur, des nuances si irritantes, quand chaque jour il avoit à souffrir les amertumes qui résultoient pour lui de ces usages humiliants ! Le ressentiment, très naturel à celui qui avoit la conscience de ce qu’il valoit, cette excitation perpétuelle de l’amour-propre du bourgeois humilié par le courtisan, se réunirent pour dicter à Tallemant le couplet qu’on va lire ; il ne s’en tint pas là, il écrivit ses Historiettes, et pour venger la bourgeoisie il immola souvent la noblesse à ses préventions exagérées

COUPLETS SUR L’AIR DE LA DUCHESSE.


Despechez vite de danser,

Nobles bourgeois, car voicy La Feuillade,

Qui d’une œillade

Vous va terrasser.

Vous aurez beau donner le bal aux belles,

Il n’a respect ni pour vous ni pour elles.

Que vous estes à craindre.

Messieurs les plumets (1) !

Que vous estes à plaindre,

Messieurs du palais !

Car dès que la noblesse

En foule aura fendu la presse.

Malgré tous vos escus,

Vous ne danserez plus.


[(1) Les gentilshommes portoient seuls le plumet blanc dans le chapeau. Les talons rouges étoient aussi du costume exclusif de l’homme de cour.]

… De frivoles couplets nous ont mené un peu loin ; nous avons cru que ces considérations pouvoient disposer les lecteurs à mieux juger l’écrivain que nos collaborateurs et nous avons fait connoître pour la première fois, et qu’elles étoient de nature à les initier dans les causes qui ont fait naître dans Tallemant des Réaux cet esprit de moquerie et de dénigrement auquel il ne s’est que trop livré. .

Tallemant s’est essayé pour le théâtre ; nous avons sous les yeux le brouillon, écrit de sa main, d’une tragédie d’’dipe. ’uvre de sa jeunesse, cette pièce a dû être composée avant que l’auteur du Cid traitât le même sujet. Tallemant avait quarante ans, en 1659, quand Corneille fit représenter ’dipe.

Nous avons lu attentivement la tragédie de des Réaux, elle est sagement composée ; mais la versification en est si foible que nous n’y avons rien trouvé qui méritât d’être cité.

Les manuscrits de Conrart contiennent une jolie ballade de la main de Tallemant.. Cette petite pièce respire la même délicatesse quo le madrigal sur la fleur du lys. Elle doit être de la jeunesse de des Réaux.

Rien n’est si beau que la jeune Doris ;

Son port hautain n’est pas d’une mortelle,

Ses doux regards, son amoureux souris,

Ses traits divins sa grâce naturelle,

De son beau teint la fraîcheur éternelle,

De son beau sein la blancheur

immortelle,

Et ses beaux yeux plus brillants que le jour,

Sur mille cœurs exercent leur puissance.

Je l’aime aussi de toute mon amour,

Et honni soit celui qui mal y pense !


J’aime d’amour ses aimables esprits,

Ses doux accents, qui charment Philomèle

Et son esprit, délice des esprits,

Et sa vertu, des vertus le modèle ;

J’aime son cœur et constant et fidèle,

Qui des vieux temps la bonté renouvelle,

Chose si rare en l’empire d’Amour ;

Et de ses mœurs l’adorable innocence,

Chose si rare aux beautés de la cour !

Mais honni soit celui qui mal y pense !


Elle qui sait de mon amour le prix,

Qui voit ma flamme et si pure et si belle,

Qui voit mon cœur si sainement épris,

Qui reconnoît la grandeur de mon zèle,

M’honore aussi d’une amour mutuelle ;

Et maintenant qu’une absence cruelle

Ronge mon cœur comme un cruel vautour,

Sa belle main, consolant ma souffrance,

Par ses escrits me promet son retour ;

Mais honni soit celui qui mal y pense,


ENVOI


Jeunes blondins, qui soupirez pour elle

Et qui souffrez ses rigoureux mépris,

Si vous vouliez estre aimés de la belle

Il faudroit estre amants à cheveux gris,

Et ne l’aimer que d’amour fraternelle.

Mais de vous tous on diroit par la France,

Comme de moy l’on dit par tous pays :

Que honni soit celui qui mal y pense !


Jeunes blondins, qui soupirez pour elle

N’en attendez que rigoureux mespris ;

Pour espérer d’estre aimés de la belle,

Il faudroit estre amants à cheveu x gris.


Une épître en vers, adressée par Tallemant des Réaux au père Rapin, jésuite, a été mise à notre disposition.

Le père Rapin, le célèbre auteur du poème des Jardins, mort en 1687, a écrit au bas de cette épître les mots suivants : Des Réaux depuis converty. Des lettres autographes de Rapin, rapprochées de ces mots, ne permettent pas de douter qu’ils ne soient de sa main. Il résulte de cette courte mention qu’à une époque avancée de sa vie des Réaux embrassa la religion catholique ; M. de Bose semble l’indiquer dans l’éloge de l’abbé Paul Tallemant.

L’épître de Tallemant n’est pas sans importance ; elle le montre dans un âge avancé, de léger, caustique et frondeur, devenu un personnage sérieux, mettant les choses à leur vraie valeur…

On y voit Tallemant désabusé des préventions des réformés contre l’Église romaine, et devenu l’ami d’un jésuite qui s’est fait un nom dans les lettres ; il y parle de ses afflictions, de ses pertes, de sa disgrâce, circonstances de sa vie presque entièrement ignorées.

En parcourant des recueils manuscrits, rarement consultés, M. Louis Paris a trouvé un extrait, tiré de Mémoires plus étendus, composés par François Maucroix, chanoine de Rheims, ainsi qu’un petit volume manuscrit, contenant les poésies de Maucroix, et un assez grand nombre de lettres écrites à différentes personnes. Ce dernier manuscrit est de la main du chanoine Favart, ami de Maucroix, et qui demeuroit dans sa maison.

Parmi ces poésies, sont deux épîtres adressées à des Réaux. Dans l’une, Maucroix appelle ce dernier du nom d’Astibel, l’un des enchanteurs du roman de l’Amadis. En donnant ce nom à des Réaux, Maucroix caressoit une des chimères de l’imagination de son ami ; on sait que Tallemant, dans sa jeunesse, étoit fou d’Amadis, et que ses frères lui donnoient en riant le titre de chevalier. L’épître commence par ces vers :

Cher Astibel, c’est fait de moi ;

L’archiduc est près de Rocroi,

Qui jette partout l’épouvante, etc.


À la marge de cette pièce, on lit dans le manuscrit cette note de Maucroix :

« Astibel, sage enchanteur, favorable à Amadis, c’est des Réaux, qui abjura, le 17 juillet 1685, entre les mains du R. P. Rapin. L’abbé Tallemant, dit le père, est frère de des Réaux ; le jeune, qu’on appelle le fils, est fils d’un maître des requêtes. La mère de des Réaux est Monnerot, et la mère de l’autre est mademoiselle Bigot. Des Réaux est fils de partisan, que M. Colbert a ruiné. Il est glorieux, les louanges le rendroient fou. Il dit qu’il est en esprit ce que madame de Montbazon est en beauté. Il n’a que deux filles. »

Cette curieuse mention nous apprend des faits ignorés ou mal connus ; mais en même temps elle contient des erreurs qu’il faut relever. La mère de Tallemant ne s’appeloit par Monnerot ; elle étoit sœur de Rambouillet, le financier, dont Tallemant épousa la fille. Paul Tallemant n’étoit pas le fils de mademoiselle Bigot ; son père, le maître des requêtes, avoit épousé Marie de Montauron, fille naturelle de Puget de Montauron. Maucroix a confondu la femme du maître des requêtes avec mademoiselle Bigot de la Honville, qui avoit épousé Pierre Tallemant, le banquier, frère aîné de des Réaux.

Il résulte de la note de Maucroix que des Réaux a fait son abjuration, le 17 juillet 1685, entre les mains du Père Rapin. On y apprend aussi qu’il est né deux filles du mariage de Tallemant..

L’extrait des Mémoires de Maucroix fait positivement connoître l’époque de la mort de des Réaux.

On y lit cette mention :

« Le dix novembre 1692, mourut à Paris, dans sa maison, près la porte de Richelieu, mon cher ami M. des Réaux. C’étoit un des plus hommes d’honneur et de la plus grande probité que j’aye jamais connu. Outre les grandes qualités de son esprit, il avoit la mémoire admirable, écrivoit bien en vers et en prose et avec une merveilleuse facilité. Si la composition lui eût donné plus de peine, elle auroit pu être plus correcte. Il se contentoit peut-être un peu trop de ses premières pensées, car du reste il avoit l’esprit beau et fécond, et peu de gens en ont eu autant que lui. Jamais homme ne fut plus exact ; il parloit en bons termes et facilement, et racontoit aussi bien qu’homme de France. »

Le jour de la mort de Tallemant étant ainsi révélé, nous nous sommes empressés de recourir aux registres de la paroisse Saint-Eustache, et nous y avons trouvé inscrit l’acte dont nous donnons ici la copie exacte :

Extrait du registre des décès de la paroisse Saint-Eustache de Paris, pour l’année 1692

« Du dit jour, mardi, onzième novembre, défunt messire Gédéon, Tallemant, seigneur des Réaux, demeurant rue Neuve-Saint-Augustin, décédé du dix du présent mois, a été inhumé au cimetière de Saint-Joseph. Signé l’abbé Tallemant. avec paraphe, Tallemant. »

… Les renseignements donnés par Maucroix ne nous font rien connoître de nouveau sur sa famille, si ce n’est qu’il a eu deux filles. Ses Mémoires ne nous avoient fait soupçonner l’existence que d’une seule ; ces deux filles lui ont-elles survécu  ? se sont- elles mariées ? il y a peu de vraisemblance, quand on voit Renée- Madeleine Rambouillet, petite-nièce de des Réaux, épouser, en 1701, M. Trudaine de Montigny, lui apporter plusieurs terres de sa famille, et même les manuscrits et les papiers de des Réaux, compris, en 1803, dans la vente du dernier des Trudaines…

L’union de Tallemant et d’Élisabeth Rambouillet, sa femme, n’a pas été toujours heureuse : des nuages s’élevèrent entre eux : pour quelle cause  ? à quelle époque, nous l’ignorons ; mais on ne peut en douter, après avoir lu une lettre de madame Tallemant que M. Paul Lacroix possédoit dans sa collection d’autographes. Les deux époux vivoient séparés, et madame des Réaux retirée au couvent de Bellechasse, demandoit une audience à un ministre chez lequel elle s’étoit inutilement présentée plusieurs fois. « Une femme, dit-elle, qui est mal avec toutes sa famille, et qui doit répondre de sa conduite à tant de gens, ne peut sortir d’un monastère sans donner quelque prise sur elle. Cette lettre est datée du couvent de Bellechasse, un 14 août. On n’en sait pas davantage ; le temps amènera peut-être quelque autre découverte.. »

[(Montmerqué, Notice sur Tallemant des Réaux et Dernières observations. )]