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Horizons/Le Départ

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HorizonsEugène Fasquelle (p. 203-204).
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LE DÉPART


La géante géographie
Se forme et se déforme en nos esprits songeurs.
Assez de vous, pensée, art et philosophie !
Nous ne serons plus rien que d’obscurs voyageurs.

Sans doute l’Équateur et les eaux antarctiques
Brûleront et noieront le reste des éthiques
Qui nous rongent. Jetons nos filets et passons.
Prenons les continents comme de beaux poissons.

Nous sommes excédés des villes infertiles :
Partons vers un pays follement vierge et vert.
Partons égrener sur la mer
Le collier monstrueux des îles.


Nos bouches que blessa l’amertume des mots
Se guériront avec de rudes idiomes.
Nous laisserons sombrer, dans la mer, le fantôme
De l’Europe quittée où vécurent nos maux.

Départ. Dans tous les ports, des vaisseaux se balancent ;
Nous avons le mal du pays.
Départ. Départ. Nos cœurs vers l’horizon s’élancent,
Et nos secrets instincts doivent être obéis.

Tant de peine et d’hypocrisies
Peuvent se quitter sans adieux.
Et si la mort nous guette au fond de nos Asies,
Nous voulons bien mourir sur les genoux des dieux.