Illyrine/3/Lettre 118

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(3p. 58-59).



LETTRE CXVIII.

Julie à son ami.


Enfin, après trois semaines de silence, le voici cependant rompu par une petite lettre, où seulement tu soupçonnes Lili, d’être bonne, facile à séduire ; en un mot, perfide ! que n’as-tu dit tout de suite que déjà Hérault… eh bien ! je ne puis me défendre de le trouver charmant ; mais je te jure que jamais la première je te serai infidelle. Si cependant tu prenais avec moi la même tournure de conduite que mon mari je ne réponds alors de rien : tu le sais, Lili ne connaît que la loi du Talion !

Ne sois pas inquiette de mon portrait, il reviendra dans tes mains ; que je suis aise de te voir encore assez de tendresse pour préférer un baiser du vrai amour, à tout l’encens dont tu dis fort bien, peut-être on voudrait te brûlerie nez.

Je suis très-malheureuse ici ; mon mari est lié avec des débauchés du plus mauvais genre ; il attire toutes les grisettes chez lui ; en un mot, il achève de se ruiner en mauvaise compagnie ; je ne puis long-tems être témoin bénévole de ce genre si peu fait pour moi. J’arriverai incessamment à Paris, arranges-toi comme tu voudras ; mais je ne puis rester ici: comme de tout ceci tu es un peu cause innocente, qui m’a blessée ma guérisse. C’est pourtant mon inexpérience qui fera notre perte à tous ; ceci me donne aussi de noires réflexions.

Adieu, il ne me reste plus que le courage de l’embrasser, et de me dire.

Ta Lili.