Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Cinquième partie/03

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Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 338-340).


CHAPITRE III

DE L’EXAMEN DE NOTRE AME SUR SON AVANCEMENT
EN LA VIE DÉVOTE


Ce second point de l’exercice est un peu long ; et, pour le pratiquer, je vous dirai qu’il n’est pas requis que vous le fassiez tout d’une traite, mais à plusieurs fois, comme prenant ce qui regarde votre déportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous-même pour l’autre, ce qui concerne le prochain pour l’autre, et la considération des passions pour le quatrième. Il n’est pas requis ni expédient que vous fassiez à genoux, sinon le commencement et la fin qui comprend les affections. Les autres points de l’examen, vous les pouvez faire utilement en vous promenant, et encore plus utilement au lit, si par aventure vous y pouvez être quelque temps sans assoupissement et bien éveillée ; mais pour ce faire, il les faut avoir bien lus auparavant. Il est néanmoins requis de faire tout ce second point en trois jours et deux nuits pour le plus, prenant de chaque jour et de chaque nuit quelque heure, je veux dire quelque temps, selon que vous pourrez ; car si cet exercice ne se faisait qu’en des temps fort distants les uns des autres, il perdrait sa force et donnerait des impressions trop lâches. Après chaque point de l’examen, vous remarquerez en quoi vous vous trouvez avoir manqué et en quoi vous avez du défaut, et quels principaux détraquements vous avez ressentis, afin de vous en déclarer pour prendre conseil, résolution et confortement d’esprit. Bien qu’ès jours que vous ferez cet exercice et les autres, il ne soit pas requis de faire une absolue retraite des conversations, si faut-il en faire un peu, surtout devers le soir, afin que vous puissiez gagner le lit de meilleure heure et prendre le repos de corps et d’esprit, nécessaire à la considération. Et parmi le jour il faut faire des fréquentes aspirations en Dieu, à Notre Dame, aux anges, à toute la Jérusalem céleste ; il faut encore que tout se fasse d’un cœur amoureux de Dieu et de la perfection de votre âme.

Pour donc bien commencer cet examen : 1. Mettez-vous en la présence de Dieu. 2. Invoquez le Saint-Esprit, qui demandant lumière et clarté, afin que vous vous puissiez bien connaître, avec saint Augustin qui s’écriait devant Dieu en esprit d’humilité : « O Seigneur, que je vous connaisse et que je me connaisse » ; et saint François qui interrogeait Dieu, disant : « Qui êtes-vous et qui suis-je ? » Protestez de ne vouloir remarquer votre avancement pour vous en réjouir en vous-même, mais pour vous réjouir en Dieu, ni pour vous en glorifier, mais pour glorifier Dieu et l’en remercier. 3. Protestez que si, comme vous pensez, vous découvrez d’avoir peu profité, ou bien d’avoir reculé, vous ne voulez nullement pour tout cela vous abattre ni refroidir par aucune sorte de découragement ou relâchement de cœur, ains qu’au contraire vous voulez vous encourager et animer davantage, vous humilier et remédier aux défauts, moyennant la grâce de Dieu.

Cela fait, considérez doucement et tranquillement comme jusques à l’heure présente vous vous êtes comportée envers Dieu, envers le prochain et à l’endroit de vous-même.