Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Quatrième partie/05

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Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 293-294).


CHAPITRE V

ENCOURAGEMENT A l’AME QUI EST ÈS TENTATIONS


Ma Philothée, ces grands assauts et ces tentations si puissantes ne sont jamais permises de Dieu que contre les âmes, lesquelles il veut élever à son pur et excellent amour ; mais il ne s’ensuit pas pourtant, qu’après cela elles soient assurées d’y parvenir, car il est arrivé maintes fois, que ceux qui avaient été constants en des si violentes attaques, ne correspondant pas par après fidèlement à la faveur divine, se sont trouvés vaincus en des bien petites tentations. Ce que je dis, afin que, s’il vous arrive jamais d’être affligée de si grande tentation, vous sachiez que Dieu vous favorise d’une faveur extraordinaire, par laquelle il déclare qu’il vous veut agrandir devant sa face, et que néanmoins vous soyez toujours humble et craintive, ne vous assurant pas de pouvoir vaincre les menues tentations après avoir surmonté les grandes, sinon par une continuelle fidélité à l’endroit de sa Majesté.

Quelques tentations donc qui vous arrivent et quelque délectation qui s’ensuive, tandis que votre volonté refusera son consentement, non seulement à la tentation mais encore à la délectation, ne vous troublez nullement, car Dieu n’en est point offensé,

Quand un homme est pâmé, et qu’il ne rend plus aucun témoignage de vie, on lui met la main sur le cœur, et pour peu que l’on y sente de mouvement, on juge qu’il est en vie et que, par le moyen de quelque eau précieuse et de quelque épithème, on peut lui faire reprendre force et sentiment. Ainsi arrive-t-il quelquefois que, par la violence des tentations, il semble que notre âme est tombée en une défaillance totale de ses forces, et que comme pâmée elle n’a plus ni vie spirituelle ni mouvement ; mais si nous voulons connaître ce que c’en est, mettons la main sur le cœur : considérons si le cœur et la volonté ont encore leur mouvement spirituel, c’est-à-dire s’ils font leur devoir à refuser de consentir et suivre la tentation et délectation ; car pendant que le mouvement du refus est dedans notre cœur, nous sommes assurés que la charité, vie de notre âme, est en nous, et que Jésus-Christ notre Sauveur se trouve dans notre âme, quoique caché et couvert ; si que, moyennant l’exercice continuel de l’oraison, des sacrements et de la confiance en Dieu, nos forces reviendront en nous et nous vivrons d’une vie entière et délectable.