Jérôme de Stridon/Commentaires sur le prophète Naüm

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Œuvres complètes
Traduction par Abbé Bareille.
Louis Vivès (Tome neuvièmep. 92-139).

COMMENTAIRES SUR LE PROPHÈTE NAUM.[modifier]

LIVRE UNIQUE.[modifier]

PROLOGUE.[modifier]


D’après les Septante, dans la série des douze Prophètes, Nahum se place après Jonas, parce qu’ils paraissent avoir prophétisé au sujet de la même ville, puisqu’il est écrit dans Jonas : « Le Seigneur adressa la parole à Jonas, fils d’Amathi, et lui dit : Levez-vous, allez dans Ninive la grande ville, et y prêchez ; » Jon. 1, 1-2 ; et que le début de Nahum est celui-ci : « Enlèvement de Ninive ; livre de la Vision de Nahum Elcéséen. » La prophétie de l’un et de l’autre roule donc sur Ninive, capitale des Assyriens, maintenant appelée Ninus. D’autre part, chez les Hébreux, après Jonas vient Michée, et celui-ci est suivi de Nahum, dont le nom veut dire « consolateur. » Les douze tribus, en effet, avaient été déjà conduites en captivité par les Assyriens, sous Ezéchias, roi de Juda, sous lequel a également lieu maintenant cette vision contre Nivine, pour la consolation du peuple exilé. Et ce n’était pas une petite consolation, tant pour ceux qui étaient déjà en servitude chez les Assyriens, que pour les autres, de la tribu de Juda et de Benjamin, sujets d’Ézéchias, qui étaient assiégés par ces mêmes ennemis, d’entendre annoncer que les Assyriens, à leur tour, seraient faits captifs par les Chaldéens, comme le démontrera la suite de ce livre. Il ne faut pas perdre de vue en outre, puisque Nivive traduite de l’hébreu en notre langue veut dire « belle d’apparence », et que telle est la beauté de ce monde ce qui lui a fait donner par les Grecs le nom de Cosmos, qui signifie aussi « ornement », que tout ce qui est dit ici contre Nivine, est prédit au figuré contre le monde. C’est pour ce motif qu’au lieu d’« enlèvement », les Septante disent lemma, « prise », et Aquila arma, « fardeau », — l’hébreu porte massa, « pesant fardeau », en ce qu’il accablera celle contre laquelle à lieu la vision, et ne lui permettra pas d’élever la tête. Quant à l’addition d’Elcéséen à Nahum, quelques-uns pensent qu’il faut traduire par « Nahum, fils d’Elcésée », et, selon la tradition des Hébreux, c’est le Prophète lui-même qui se serait appelé Nahum Elcésée, alors qu’il y a en Galilée, encore de nos jours, un village d’Elcès, petit village, sans doute, et où quelques ruines indiquent à peine les vestiges des anciens édifices, mais connu toutefois des Juifs, et qui m’a été montré par mon guide en ce pays. Il faut enfin tenir pour, certain que cet « enlèvement », ou ce faix », ou « cet écrasant fardeau », est la vision du Prophète. Il ne parle pas dans l’extase, comme le prétendent, dans leur délire, Montanus et Prisca Maximilla ; ce qu’il prophétise est le livre d’un voyant qui comprend tout ce qu’il dit et qui fait voir à son peuple le fardeau sous lequel seront écrasés les ennemis. Par conséquent, ô Paule et Eustochium, cette prophétie a pour sujet la consommation du monde, pour la consolation des saints, afin que tout ce qu’ils voient dans le monde, ils le méprisent comme passager et caduc, et qu’ils se préparent au jour du jugement, où le Seigneur sera leur vengeur contre les vrais Assyriens.

LE LIVRE COMMENCE.[modifier]


« Le Seigneur est un Dieu jaloux et vengeur. » Nah. 1, 1. C’est le cri du Prophète louant Dieu, parce qu’il a vengé l’injure de son peuple contre les Assyriens ; ou bien, dans un sens plus élevé, parce qu’il entend les gémissements de ses saints, et qu’il fait sentir les supplices à leurs adversaires dans la consommation du monde. Il y a une jalousie qui s’entend en bonne part, l’apôtre Paul le montre en ces termes : « Soyez jaloux d’acquérir les dons les meilleurs ; » 1 Co. 12, 31 ; et dans un autre endroit : « J’ai pour vous un amour de jalousie, et d’une jalousie de Dieu ; » 2 Co. 11, 2 ; et le Seigneur lui-mème, dans le Psaume : « J’ai pour votre maison un amour de jalousie qui me dévore ; » Psa. 28, 10 ; et le prophète Elie : « Je brûle d’un amour jaloux pour le Seigneur tout-puissant. Dieu d’Israël. » 1 Ro. 19, 10. L’histoire nous parle aussi du zèle jaloux de Phinéès et de Matthias, Nom. 25, 11 ; 1 Ma. 2, 7 et seqq., et de l’Apôtre de Jésus-Christ, Simon le Zélote, que l’évangéliste Marc appelle Simon le Chananéen. Act. 1, 13 ; Mrc. 3, 18. Le Seigneur est jaloux du salut de ceux qu’il aime avec jalousie, en sorte que cette jalousie les sauve, puisque sa bonté n’a pu le faire. De là, dans Ézéchiel, ce langage de Dieu à Jérusalem, qui ne méritait pas, à cause de ses trop grands péchés, d’être visitée par sa jalousie et sa colère : « Ma jalousie s’est éloignée de vous, et je ne m’irriterai plus désormais contre vous. » Eze. 16, 42. Par conséquent, tant que le monde faisait pénitence, sa consommation ne se faisait pas ; mais l’iniquité s’étant multipliée et la charité refroidie, et les faux prophètes allant jusqu’à vouloir séduire les élus mêmes de Dieu, Mat. 24, 24 le Seigneur jaloux vient alors exercer sa vengeance. Ce n’est pas qu’il soit, lui aussi, un ennemi avide de vengeance, comme l’Écriture dépeint le diable ; mais sa vengeance ressemble à de l’inimitié, parce que, comme le feu, elle consume le bois, l’herbe et la paille, pour qu’il ne reste que l’or pur et l’argent.
« Le Seigneur fait éclater sa vengeance et le fait avec fureur : le Seigneur se venge de ses ennemis et se met en colère contre ceux qui le haïssent. » Nah. 1, 1. Les Septante : « Le Seigneur se venge avec fureur : le Seigneur se venge de ses adversaires, et il fait disparaître lui-même ses ennemis. » Dans l’un et l’autre sens, la colère du Seigneur vient de ce qu’il reprend ceux qu’il aime, Pro. 3, 1 ss et qu’il châtie tout homme qu’il reçoit au nombre de ses enfants, pour ôter de leur cœur toute opposition et toute inimitié à sa volonté, afin qu’après qu’il a brisé leurs desseins hostiles et imposé silence à leurs discours rebelles, ils reviennent à leur ancien état. Au reste, la prophétie dit ensuite : « Le Seigneur est patient, et sa force diffère le châtiment ; » mais, comme nous nous sommes promis d’exposer en même temps l’histoire, par adversaires et ennemis de Dieu, entendons les Assyriens, contre lesquels il se vengera avec fureur et indignation, après s’être longtemps montré patient envers eux.
« Le Seigneur est patient et grand en puissance, et, en les absolvant, il n’en laissera aucun impuni. » Nah. 1, 2. Le grec est encore plus significatif : et ne punissant pas, il ne laissera pas impuni. » Voici le sens : Sa patience a été longue à l’égard des Assyriens criminels, et dans la force de sa magnanimité, il a longtemps souffert leurs iniquités, tout en les exhortant à la pénitence ; mais puisque, méprisant la bonté divine, ils se sont, dans l’impénitence de leur cœur, amassé un trésor de colère pour le jour de la colère, Rom. 2, après avoir été si patient, il ne permettra pas qu’ils s’en aillent impunis, comme s’ils étaient purs et innocents ; ou certainement voici l’explication, puisque nous vouions en même temps entendre en bonne part ce qui est dit : Il est patient, lui qui soutient tous ceux qui tombent et qui les relève après leur chute ; Psa. 149, 1 ; lui qui guérit ceux dont le cœur est dans la tribulation et qui panse leurs blessures ; et sa force est grande, puisqu’il anéantit les inimitiés dans la chair, et qu’il ne laisse aucune faute dans l’impunité, enseignant par les corrections, à ceux qui s’applaudissent trop de leur propre force, que c’est, non point par leurs mérites, mais par la miséricorde de Dieu qu’ils sont sauvés. Bien qu’ils disent : « Voilà déjà tant d’années que je vous sers, et je ne vous ai jamais désobéi en rien de ce que vous m’avez commandé », Luc. 15, 29, néanmoins, parce que le Seigneur est bon, que ses miséricordes s’étendent sur tous ses ouvrages, Psa. 101, 6, que tous ont péché et que tous ont besoin de la gloire de Dieu, Rom. 3, 23, justifiés gratuitement paat lui, ils entendront cette parole : » Votre œil est-il méchant, parce que je suis bon ? » Mat. 20, 15. C’est ainsi qu’en ce qu’il reprend et pardonne, il ne laisse aucun homme s’en aller impuni.
« Le Seigneur marche dans le tourbillon et la tempête de sa vie, et sous ses pieds s’élèvent des nuages de poussière. » Nah. 1, 3. Au lieu de tempête, et tourbillon, la version des Septante porte « consommation et commotion ; » le mot hébreu Basupha peut, en effet, s’expliquer par « dans la tempête », ou par « dans la commotion. » Cela veut dire qu’à la fin du monde toutes choses seront ébranlées, selon la prédiction d’Aggée : « Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, la mer et l’univers ; » Agg. 2, 7 ; et quand toutes choses auront été ébranlées,' afin que tous croient à la voie du Seigneur, qui dit dans l’Évangile : « Je suis la voie, la vie et la vérité », Jn. 14, 6 ; quand le Fils de l’homme sera venu sur les nuées, Mrc. 13, 26, qui reçoivent dans Isaïe l’ordre de ne pas répandre leur pluie sur la vigne, Isa. 5, 6 et auxquelles parvient la vérité de Dieu, selon le mot du Psalmographe : « Votre vérité est arrivée jusqu’aux nues », Psa. 35, 6, alors aussi ces nuées elles-mêmes, c’est-à-dire les âmes des Prophètes et des saints, qu’accablait auparavant le poids de leur union avec la chair, s’élevant vers les hautes régions, deviendront d’une légèreté plus grande, et, se changeant en marche-pied de Dieu, le serviront au milieu des Anges, dans les offices les moins importants, car ils ne pourront connaître les premiers et anciens ministères, qui appartiennent à la tête. Libre à un autre d’entendre les nuées en mauvaise part, en ce sens qu’elles troublent toujours ce qui est serein, qu’elles s’efforcent de couvrir de leur obscurité la claire lumière du soleil et des étoiles, et que, plus tard, assujetties à la puissance du Seigneur, elles seront réduites en poudre, et la terre, qui est opaque en comparaison, sera anéantie.
« Il menace la mer et la dessèche, et il change tous les fleuves en un désert. » Nah. 1, 4. Dans le sens littéral, c’est une description de la puissance de Dieu, qui doit venger Israël de ses ennemis ; il ne lui est pas difficile de détruire les Assyriens, puisqu’il peut, à son gré, changer les éléments. Autrement, puisque j’ai déjà dit que cette prophétie a trait à la consommation du monde, il faut l’entendre simplement ainsi ; « Lorsque viendra la fin du monde, et que le ciel et la terre passeront, la mer et les fleuves seront aussi desséchés. D’autre part, puisque je lis dans les Psaumes : « Dans cette mer si grande et d’une si vaste étendue se trouve un nombre infini de poissons, de grands et de petits animaux. C’est là que les navires passent, et là qu’est ce monstre que vous avez formé pour s’y jouer », Psa. 103, 25-26, il me semble digne de la bonté et de la clémence de Dieu de détruire par sa menace toute l’amertume salée de cette mer, d’humilier le dragon qui règne sur ces eaux, et de dessécher les gouffres de malice où nagent un nombre infini de petits reptiles, les animaux qui habitent avec lé dragon ne méritant pas d’être comptés. Il change aussi en désert tous les fleuves, toute doctrine qui usurpe le nom de science, et qui, s’insurgeant contre Dieu, a recours aux fleuves de l’éloquence, à la volubilité des paroles, et roulant profondément ses vagues enflées, se précipite sur sa pente, au grand étonnement des spectateurs. Voyez Platon, Démosthène, Cicéron, à la fois orateur et philosophe, les princes des hérétiques, tels que Valentin, Marcion, Bardesanes, Tatianus, voilà les fleuves que Dieu dessèche. Tout cela, Notre-Seigneur Jésus-Christ le consumera par le souffle de sa bouche, et le détruira avec la lumière de son avènement, 2 Th. 2, 8 ; tous ces fleuves, il les changera en désert. On voit donc que, conformément au titre : « Prise de Ninive ; livre de la Vision de Nahum d’Elcès », c’est à bon droit que Ninive est regardée comme la figure du monde, dont la mer et les fleuves d’éloquence sont desséchés à la fin dés temps. « La beauté de Basan et du Carmel s’effacent, et la fleur du Liban se flétrit. » Nah. 1, 4. Les Septante : « Le pays de Basan et le Carmel ont perdu leur force, et les fleurs du Liban se sont fanées. » La métaphore de Basan, contrée fertile, et du Carmel et du Liban, montagnes peuplées d’arbres, est une figure de la ruine de l’Assyrien : autrefois puissant, florissant, maître de peuples nombreux, il va être anéanti par la colère du Seigneur. Nous pouvons encore, au sujet de la fin du monde, comprendre que les puissants, les nobles, ceux qui nagent dans l’opulence, périront tout à coup, et qu’il leur sera dit : « Insensé, cette nuit même votre âme vous sera ôtée ; et les richesses que vous avez entassées, à qui seront-elles ? ». Luc. 12, 20. D’autre part, d’après l’interprétation des noms, puisque Basan veut dire « confusion et ignominie », nous assurons qu’à la fin du monde, toutes les choses ignominieuses et dont on doit rougir, lorsque le Seigneur sera venu, n’auront plus aucune influence, et que non-seulement les péchés seront anéantis, mais encore que, Jésus-Christ venant, ceux qui se croient féconds et florissants en bonnes œuvres, trembleront de crainte ; et ce sera l’accomplissement de cette prophétie de l’Évangile : « Lorsque viendra le Fils de l’homme, pensez-vous qu’il trouvera la foi sur la terre ? » Luc. 18, 8. C’est que le flot de l’iniquité montant toujours, la charité de plusieurs se refroidira, et c’est pour cela que viendra la colère de Dieu.
« Il ébranle les montagnes, il désole les collines ; la terre, le monde et tous ceux qui l’habitent tremblent devant lui. » Nah. 1, 5. Les Septante : « 1l ébranle les montagnes, il secoue les collines sur leur base ; la terre, le monde et tous ceux qui l’habitent se rapetissent de frayeur devant lui. » On peut simplement comprendre qu’à la fin du monde, quand le Sauveur viendra dans sa majesté, les montagnes et les collines, et le globe terrestre, et l’univers seront ébranlés. Puisqu’au temps de sa passion, le soleil prit la fuite, les rochers se fendirent et la terre trembla, Mat. 27, 51 ; Luc. 23, à plus forte raison l’univers sera-t-il troublé quand il apparaîtra dans toute sa splendeur. Au figuré, par montagnes et collines, il faut entendre les gens élevés en dignités et en puissance, qui, à l’avènement du Sauveur, seront jetés dans la poussière, et, renversés de leurs trônes, joncheront le sol, car le Seigneur regarde d’un œil sévère ceux qui font le mal, pour exterminer leur mémoire de la surface de la terre. Psa. 33, 17. Alors, aussi la terre tremblera, et le monde et l’univers seront frappés d’épouvante devant le Seigneur ; ils regarderont comme la plus cruelle des tortures et le plus grand châtiment de ne pas oser regarder sa face.
« Qui pourra n’être pas terrassé par sa colère, et qui lui résistera lorsqu’il sera dans la fureur ? » Nah. 1, 6. Les Septante : « Qui pourra soutenir sa colère, et qui lui résistera lorsqu’il sera dans la fureur ? » Ils seront donc bien rares – s’il s’en trouve un seul toutefois – ceux qui ne mériteront pas d’être châtiés par la colère divine. Il n’y aura aucune àme qui ne redoute point le jugement de Dieu, puisque les astres mêmes ne sont point purs en sa présence. Job. 25, 5. Le mot hébreu Jaccum, qu’Aquila et les Septante rendent par « résistera », rap – portons-le à ce sens, à propos duquel il est dit, dans le second livre des Bois et dans le premier des Paralipomènes : « Contre le courroux de Dieu. » Il est certain pour tous que là, « courroux de Dieu » est synonyme de diable et anges du mal, lesquels sont envoyés pour châtier ceux qui méritent la colère. Il se trouvera donc difficilement, à la fin du monde, un cœur pur et sans tache qui ose dire : « Le prince de ce monde est venu et il n’a rien trouvé en moi », Jn. 14, 30, et qui ose lui résister en face. D’autre part, contre les Assyriens, voici l’interprétation : Lorsque le Seigneur viendra dans la tempête et le tourbillon, desséchant l’empire de Babylone, dont la figure est la mer, renversant tous les royaumes qui en dépendent, et que représentent les fleuves, réduisant à néant sa puissance et sa fertilité, qu’indiquent par métaphore Basan, le Carmel, la fleur du Liban, les montagnes et les collines, et ébranlant son empire dans toute son étendue, figurée par le globe terrestre, alors nulle puissance ne pourra résister au Seigneur irrité et vengeant son peuple. « Son indignation se répand comme un feu, et elle fait fondre les pierres. » Nah. 1, 6. Les Septante : « Sa fureur consume les principautés et brise les pierres. » Au lieu de « se répand », on lit dans Aquila « s’est enflée », et dans Symmaque et Théodotion « est tombée en gouttes de pluie. » Soit que l’indignation de Dieu est comme le feu, soit que sa fureur tombe en pluie comme les étincelles d’un incendie, afin que les cœurs durs des hommes, comparés à la pierre, soient brisés et se dissolvent, le courroux de Dieu est utile, qui, après avoir soutenu longtemps nos péchés dans la patience, a fini par bouillonner un jour, et pourtant ne déborde pas toute pour notre châtiment, et ne laisse tomber sur nous que quelques gouttes bouillantes. Mais puisque une goutte de l’indignation de Dieu consume les principautés contre qui nous avons à combattre sans cesse, qu’arriverait-il si cette colère se répandait toute sur nous ? Fasse Jésus que notre cœur de pierre nous soit ôté, que soit changé notre cœur de chair, et que, son endurcissement étant vaincu, il puisse recevoir en lui les préceptes du Seigneur dans les Écritures ; car un esprit brisé de douleur est un sacrifice digne de Dieu, et Dieu ne méprise pas un cœur contrit et humilié. » Psa. 50, 19. Au reste, tout ce qui vient d’être dit a trait à la bonté, et non à la sévérité de Dieu, comme va nous l’apprendre la suite.
« Le Seigneur est bon, il soutient au jour de l’affliction, et il connaît ceux qui espèrent en lui. » Nah. 1, 7. Les Septante : « Le Seigneur est doux pour ceux qui l’attendent au jour de la tribulation, et il connaît ceux qui le craignent. » Lorsqu’il commencera à sévir contre les nations et à frapper les royaumes autrefois plus puissants, il saura qui sont les siens, et il n’engloutira pas dans une même tempête tous ceux qui naviguent. Par jour de la tribulation, il faut, au figuré, entendre le jour du jugement, au sujet duquel Isaïe a écrit : « Voici que le jour inévitable de la colère et de la fureur du Seigneur vient changer la terre en un désert et en exterminer les pécheurs. » Isa. 13, 9. Espérons dans le Seigneur et attendons son avènement selon sa patience, afin que, lorsqu’il viendra, nous ressentions sa bonté, et non pas sa justice, et qu’il nous reconnaisse, soit comme espérant en lui, soit comme le craignant ; car le Seigneur sait ceux qui sont à lui. 2 Ti. 2, 11.
« Il détruira ce lieu par un déluge qui passera, et les ténèbres poursuivront ses ennemis. » Nah. 1, 8. Les Septante : « Il fera la fin par un déluge qui passera, et les ténèbres poursuivront les ennemis qui se lèveront. » Le Seigneur est patient et plein de miséricorde, il ne s’irrite pas sans fin, il n’entre pas dans un éternel courroux ; lorsque la malice aura crû sur la terre, et que toute chair aura corrompu sa voie, il enverra un déluge, mais un déluge passager et qui ne durera pas à jamais. Il consumera ce lieu, il mettra fin à ce lieu, c’est-à-dire au déluge, afin que, de même qu’il est écrit de l’impie : « Je n’ai fait que passer, et je n’ai pu retrouver sa trace ; » Psa. 36, 36 ; « la voie des impies périra ; » Psa. 1, 6 ; de môme le chemin du déluge soit détruit après la colère du Seigneur, pour laisser apparaître sa seule clémence. Voici comment peut s’entendre le sens historique de ce passage : Lorsque le Seigneur aura dévasté Israël et comme inondé d’un déluge la terre de répromission, il mettra fin à la captivité, en le rappelant à ses demeures d’autrefois, tandis que, d’autre part, les ténèbres poursuivront les Assyriens, ses ennemis, qui avaient conduit le peuple en captivité. Ce que nous avons dit d’Israël et des Assyriens se peut entendre, à la consommation du monde, des saints et de leurs persécuteurs ou des puissances contraires, en ce sens que Dieu, après sa colère, aura compassion des saints, tandis que leurs persécuteurs et ennemis, qui avaient choisi les ténèbres et non la lumière, seront la proie de ces ténèbres mêmes qu’ils avaient choisies ; ils seront rejetés dans les ténèbres extérieures, et là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Mat. 8, 12 et \rq Mat. 22, 13]]. Le mot Macoma, que j’ai rendu par « de ce lieu », tous l’ont divisé en deux mots, traduisant ma par la préposition de, et coma par se levant ; dans Aquila, je lis : « D’entre ceux qui se lèvent ; » dans les Septante : « Qui se lèvent ; » dans Théodotion : « Se levant contre lui ; » dans la cinquième édition : « D’entre ceux qui se lèvent contre lui. » Symmaque seul, d’accord avec mon interprétation, a dit : Il amènera la fin de ce lieu par un déluge passager. » Quelques-uns de nos écrivains entendent par ces insurgés et ces ennemis, Marcion et tous les anciens hérétiques, qui disputent contre leur Créateur.
« Pourquoi formez-vous des desseins contre le Seigneur ? Il a entrepris lui-mème de vous détruire, et il ne s’élèvera point deux tribulations », Nah. 1,9 Les Septante : « Pourquoi formez-vous des desseins contre le Seigneur ? il vous détruira lui-même ; il ne se venge pas deux fois du même crime dans la tribulation. » Symmaque, plus clairement : « Vos secondes angoisses ne soutiendront point son attaque ; » et Théodotion : « Il ne s’élèvera point une seconde tribulation. » Au figuré, la prophétie est dirigée contre Marcion, dont nous venons de parler, et contre tous les vieux hérétiques, qui, inventant je ne sais quel Dieu bon, prétendent que c’est lui qui fera la fin du monde, et accusent le vrai Dieu comme auteur d’une loi cruelle, en ce qu’il punit tant de coupables et prononce les peines méritées par leurs péchés. « Quels desseins formez – vous donc contre le Seigneur ? » c’est lui qui a créé le monde, et c’est lui seul qui le détruira. Que s’il vous paraît sévère, rigide, cruel pour avoir détruit le genre humain par le déluge, Gênés, vu, fait pleuvoir le feu et le soufre sur Sodome et Gomorrhe, Gen. 19, 1 ss englouti les Égyptiens dans les flots, Exo. 14, 28 jonché le désert des cadavres des Israélites, Nom. 32, sachez qu’il a infligé ces supplices dans le temps présent, pour n’avoir pas à punir éternellement. Ou ce que les Prophètes disent est vrai, ou cela est faux. S’ils disent vrai au sujet de sa sévérité, ne disent-ils pas aussi : « Le Seigneur ne se vengera pas deux fois du môme crime dans la tribulation ? » S’ils mentent, et que soit fausse aussi cette parole : « Il ne s’élèvera pas deux tribulations, d c’est que sa cruauté, qui vous semble prouvée dans la Loi, est fausse pareillement. Mais ils ne peuvent nier la vérité de cette parole du Prophète : « Le Seigneur ne se vengera pas deux fois de la môme faute dans la tribulation », et, par conséquent, ceux qui ont été punis ne le seront pas une seconde fois dans la suite ; car s’ils devaient l’être, c’est que l’Écriture aurait menti, ce qu’il est criminel de dire. Ils ont donc reçu la mesure de leurs maux dans leur vie, et ceux qui périrent dans le déluge, et les habitants de Sodome, et les Égyptiens, et les Israélites dans le désert. Mais il en est un qui pose ici cette question : Si un fidèle pris en flagrant délit d’adultère a la tête tranchée, qu’arrivera-t-il de lui plus tard ? Ou il sera puni, et de là la fausseté de cette parole : « Le Seigneur ne se vengera pas deux fois du même crime dans la tribulation ; » ou il ne le sera pas, et alors il est à désirer pour les adultères d’être ravis aux supplices éternels par une courte et prompte souffrance ici-bas. Voici ma réponse : Dieu, qui sait les mesures de toutes choses, sait aussi celles des supplices ; on ne peut prévenir la sentence du juge, on ne peut lui ôter le pouvoir d’exercer plus tard une peine contre le pécheur, et un grand péché ne s’efface que par une grande et longue expiation. Mais si quelqu’un a été puni, comme, dans la loi, celui qui avait maudit les Israélites, Lev. 24, 16 et celui qui avait ramassé du bois le jour du sabbat, Nom. 15, de tels coupables ne sont pas punis une seconde fois dans la suite, parce que le supplice actuel compense leur faute légère. Mon Hébreu commentait ainsi cet endroit : Pourquoi pensez-vous, ô Assyriens, ce qui est une pensée inique contre le Seigneur, qu’il détruira jusqu’au dernier homme le peuple d’Israël, c’est-à-dire les dix tribus avec Samarie.
« Comme les épines s’entrelacent et s’embrassent dans les halliers, ainsi ils s’unissent dans les festins pour s’enivrer ensemble ; mais ils seront consumés comme la paille sèche. » Nah. 1, 10. Les Septante : « C’est pourquoi ils seront changés en ronces jusqu’à leurs fondements ; ils seront consumés comme le convolvulus qui s’enroule et comme la paille sèche. » Le Prophète me semble faire allusion, à l’exception de la bonne terre, qui produit trente et soixante et cent pour un, aux trois différents cas que le Seigneur a énumérés dans la parabole du semeur. Mat. 13, 3. Celui où le grain tombe sur le bord du chemin, celui où il tombe parmi les pierres et celui où il tombe au milieu des épines ; et c’est aussi ce que montre l’Apôtre au sujet de ceux qui n’édifient pas sur le fondement de Jésus-Christ, quand il dit qu’il y en a qui édifient le bois, d’autres l’herbe et d’autres la paille. C’est au bois que correspond ce trait de la prophétie : « Ils seront changés en buissons jusqu’à leurs fondements ; » à l’herbe, celui-ci : « Ils seront dévorés comme le convolvulus qui s’enroule ; » quant à la paille, elle est ici désignée par son nom : « Et comme la paille sèche. » Le Seigneur ne se vengera donc point deux fois du même crime, parce que la malice qui était née dans les auteurs d’hérésies sera consumée jusqu’à son fondement et à ses racines. Que si quelqu’un d’entre eux paraissait avoir la pompe des paroles, c’est-à-dire un vain feuillage propre seulement à charmer la vue, tel qu’est le convolvulus, il sera dévoré et consumé jusqu’à complet anéantissement. Le convolvulus est une herbe semblable au lierre, qui aime à s’enrouler aux vignes et aux arbrisseaux et è ramper au loin. Enfin, tout ce qui en eux a l’apparence de la moisson, mais au lieu d’épis pleins de grains de froment, n’a que paille stérile et sera livré aux flammes. Voilà d’après les Septante. D’après l’hébreu, les alliances et les amitiés des hérétiques sont véritablement comme des épines qui s’entrelacent et s’embrassent, et leur festin et leurs mystères, – puisqu’ils se vantent d’avoir, eux aussi, la table du Seigneur, — où ils mangent et où ils boivent ensemble, sont semblables à cette alliance des épines. Lorsque, ivres du vin de la vigne de Sodome, leur bouche écumante de rage blasphème contre le Créateur, n’est-ce point là un festin de buissons ? Mais le festin et les convives seront consumés ensemble, comme la paille stérile.
« Car il sortira de vous un homme qui formera contre le Seigneur de noirs desseins, et qui nourrira dans son esprit des pensées de perfidie. » Nah. 1, 11. Les Septante : « De vous sortira un dessein contre le Seigneur né d’une pensée de haine la plus noire. « Et vraiment, c’est des hérétiques que sortira cette pensée ennemie contre le Seigneur. N’y a-t-il pas malice et prévarication contre Dieu à dire avec Valentin que le Créateur a pu être engendré le dernier comme un fruit avorté d’une sagesse en défaut ? N’est-ce point un noir dessein contre Dieu, l’impudicité de Basilide, et ce nom monstrueux d’Abrxas, préféré au Seigneur qui a tout créé ? Mais puisque, instruit par les Hébreux, je veux aussi rapporter leur tradition, et faire connaître aux nôtres, c’est-à-dire aux chrétiens, l’explication selon l’histoire, je la donne ici. Une double tribulation ne s’élèvera pas, c’est-à-dire, les Assyriens ne prendront pas les deux tribus, comme ils ont pris les dix, puisque, étant encore sur la terre de Juda, où ils s’entrelacent et s’embrassent, comme des épines, au milieu de leur allégresse et de leur joie, ils seront anéantis par l’Ange, ce qui s’accomplit quand cent quatre-vingt-cinq mille ennemis furent exterminés en une seule nuit. 2 Ro. 19, 35. C’est à bon droit que le Prophète compare l’armée innombrable des Assyriens à un festin d’hommes ivres, et le festin lui-même, non pas à une réunion de roses, de lys et de fleurs, mais d’épines s’entrelaçant les unes aux autres, et qu’on livre toujours au feu, et que la moindre flamme dévore comme de la paille stérile. Pour ce qui suit : « Il sortira de vous un homme qui formera contre le Seigneur de noirs desseins, et qui nourrira dans son esprit des pensées de perfidie », les Hébreux veulent qu’on l’entende de Rabsace, en ce que, sorti d’entre les Assyriens, il blasphéma le Seigneur et voulut persuader au peuple de se livrer aux Assyriens, plutôt que d’attendre en vain le secours du Seigneur, et d’abandonner le culte de Dieu pour celui des idoles. 2 Ro. 18, 1 sqq ; Isa. 36, 1 et sqq..
Voici ce que dit le Seigneur : « Qu’ils soient aussi braves et en aussi grand nombre qu’ils voudront, ils tomberont comme les cheveux sous le rasoir et toute leur armée disparaîtra. Je vous ai affligé, mais je ne vous affligerai plus ; je vais briser la verge dont l’ennemi vous frappait, et je romprai vos chaînes. » Nah. 1, 12-13. Les Septante : « Voici ce que dit le Seigneur qui règne sur des eaux abondantes, et elles seront divisées de même. On n’écoutera plus ce que vous dites. Je vais briser la verge de celui qui vous frappait, et je romprai les chaînes dont il voiis a chargés. ï> Le sens littéral est évident. Quelque robustes que soient les Assyriens, et leur force serait-elle accrue en nombre par toutes les nations, ils tomberont sous l’épée de l’Ange comme les cheveux sous le rasoir. Comme la chevelure la plus épaisse ne résiste pas au tranchant du, rasoir, ainsi les nombreux ennemis de Dieu seront facilement exterminés, et Assur passera, c’est-à-dire cessera d’exister, ou bien, après cette extermination de son armée, rentrera dans son pays et vous laissera sain et sauf. La prophétie dit ensuite à Juda et à Jérusalem : « Je vous ai affligé, mais je ne vous affligerai plus. » Ce n’est pas qu’elle promette une éternelle sécurité, mais la sécurité pour ce temps-là seulement et contre les ennemis qui l’assiégeaient alors. Puis elle continue : « Je vais briser sa verge », celle de l’Assyrien, « avec laquelle il vous frappait, et je romprai vos chaînes ; » soit la verge et les chaînes, comme figure de sa puissance, soit la verge dont il vous frappait réellement, et les chaînes qu’il forgeait pour les captifs, bien qu’on puisse aussi dans ces chaînes voir l’image du siège qui enfermait le peuple de toutes parts.
Dans les Septante, le sens est tout autre. La prophétie s’élève encore contre ceux à qui elle a déjà dit : « Pourquoi formez-vous de noirs desseins contre le Seigneur ? » et aussi : « Il sortira de vous une pensée des plus exécrables contre le Seigneur, une pensée ennemie. » Voici donc ce que dit le Seigneur qui règne sur les eaux abondantes, soit sur les vertus angéliques, appelées les eaux d’au-dessus des cieux, et à qui il est ordonné de louer le Seigneur, soit sur les secrets, la sagesse et les doctrines de Dieu. Or, de même que des fleuves sortent du sein du juste, Jn. 7, 38, et aussi des sources abondantes qui rejaillissent jusque dans la vie éternelle, par les diverses et multiples sentences auxquelles commande la parole du Seigneur, de même les hérésiarques ont leurs eaux auxquelles ils commandent, et dont ils sont eux-mêmes la source première. Ce qui suit : « Et elles se diviseront ainsi », peut s’entendre des vertus célestes qui servent Dieu dans les éternelles demeures, en ce que chacune a sa fonction et son ministère, ou bien de la multiple variété de la sagesse, de peur qu’ayant dit : « Qui règne sur des eaux abondantes », on ne pût croire qu’il s’agissait d’un nombre confus et indistinct de maximes, tandis que chaque enseignement de la sagesse a son sens à part, son objet distinct et sa thèse propre. Quant à cette parole : « On n’écoutera plus vos enseignements », c’est une correction à l’adresse de ceux qui avaient formé des desseins ennemis contre Dieu ; étant démasqués les sophismes et les pièges où se prenait le peuple de Dieu, leur doctrine n’aura plus cours et ne sera plus reçue des foules. Et ce que la prophétie ajoute : « Je vais briser la verge de celui qui vous opprimait, et je romprai vos liens », est en faveur de ceux contre qui s’élevait la menace : ils ne seront plus déchirés par la verge du diable, ils ne seront plus assujettis à Satan, par qui ils avaient médité et accompli tant de crimes. Son empire sur eux sera donc brisé, et les chaînes qui baient les âmes des pécheurs seront rompues par la parole de Dieu disant à ceux qu’elles tiennent captifs : Sortez.
« Le Seigneur donnera des ordres contre vous, le bruit de votre nom ne se répandra plus à l’avenir. J’exterminerai les statues et les idoles de la maison de votre dieu, et je la rendrai votre sépulture, parce que vous êtes tombé dans le mépris. » Nah. 1, 14. Les Septante : « Le Seigneur donnera des ordres à votre égard : Le bruit de votre nom ne se répandra plus à l’avenir : je détruirai les statues et les idoles de la maison de votre dieu, et je la rendrai votre sépulcre, car voici sur les montagnes les pieds rapides de celui qui évangélise et qui annonce la paix. » J’ai cité davantage du texte des Septante, parce que le second fragment ne pouvait pas se séparer du premier. » Les Septante ont traduit par « car rapides », l’hébreu chi calloth, que j’ai rendu ainsi : « Parce que vous vous êtes déshonoré. » Or, la pensée reste en suspens, à moins de faire rapporter rapides à « pieds » du verset qui suit : Et maintenant, selon ma coutume, je discuterai d’abord le sens historique, et ensuite la manière de voir de la Vulgate. Le Seigneur donnera des ordres contre vous, ô Assur, afin que ce que vous devez souffrir n’arrive point par hasard et sans décision de juge, mais sur l’arrêt du Seigneur. Votre nom ne se propagera plus à l’avenir ; et en effet, à peine de retour à Ninive, Sennachérib fut assassiné par ses enfants, Isaïe en fait foi, et mis à mort dans la maison de son dieu où il était entré pour l’adorer, puisque l’Écriture porte : « Je ferai de la maison de votre dieu la cause de votre mort ; » Isa. 37, 38 ; c’est de là que vous attendiez du secours, et c’est de là que vous viendra le châtiment. La statue de votre dieu, votre idole, sera votre sépulture ; votre sang criminel coulera aux pieds des autels de vos idoles, sur les coussins où vous étiez à genoux pour les adorer. Pour la version des Septante, il faut relier à ce qui précède ce qui suit : « Votre nom ne se propagera plus à l’avenir. » Désormais, ô hérétiques, les âmes que vous trompiez n’accepteront plus de vos doctrines les noms qu’elles avaient d’abord donnés à leurs terres, comme le chante prophétiquement le psaume quarante-huit. Vous aurez tout gain de cette cessation de propagation, qui donnait la mort, d’abord à l’âme du semeur, et ensuite à celle dans laquelle il semait, ils mourront donc pour vous les dogmes de l’erreur ; vous qui vous imaginiez d’abord être vivant, vous mourrez à l’erreur, et mort pour votre bien, vous aurez pour sépulcre les idoles que vous adoriez auparavant. 11 arrivera ainsi que toutes les erreurs seront ôtées de votre cœur, qui avait été auparavant le temple de votre dieu, que vous vous étiez inventé. C’est là ce qui vous arrivera, à vous qui formiez autrefois des desseins ennemis contre le Seigneur, lorsque la parole de Dieu, qui monte toujours sur les montagnes, c’est-à-dire sur les âmes élevées et sublimes, sera venue rapidement vers vous, et, après avoir foulé aux pieds et ramenés au calme les flots de vos anciennes erreurs, vous rendra la paix de la foi et la raison. Que l’on pardonne à la longueur du commentaire : je ne puis analyser en moins de mots le sens littéral et le sens mystique, que je suis l’un et l’autre, surtout lorsque, mis à la torture par la divergence des interprétations, je suis contraint parfois, à mon cœur défendant, de donner le dessin des opinions de la Vulgate.
« Je vois sur les montagnes les pieds de celui qui apporte la bonne nouvelle et qui annonce la paix. O Juda, célébrez vos jours de, fêtes, et rendez vos vœux, parce que Bélial ne passera plus à l’avenir parmi vous : il a péri tout entier. » Nah. 1, 15. Je laisse de côté, pour un moment, la version des Septante, parce qu’il y a confusion chez eux entre les versets eux – mêmes, à cause de la variété d’interprétation ; après avoir, en peu de mots, résumé le sens historique, je chercherai à concilier leurs paroles avec la logique des idées. Il est écrit au livre des Paralipomènes que, Sennachérib assiégeant Jérusalem, on ne put célébrer la Pâque au premier mois, 2 Ch. 32, et que son armée ayant été exterminée par l’Ange, quand on eut appris sa fuite et sa mort, cette grande solennité de Pâque fut fêtée au second mois. C’est là ce que dit la prophétie ; O Juda, qui règnes à Jérusalem, bannis toute inquiétude, après que ton ennemi a été mis à mort dans le temple de son dieu. Voici que vers toi vient un messager, franchissant montagnes et collines, et, comme du haut d’un observatoire élevé, t’annonçant de loin que Sennachérib est mort, que ta capitale est délivrée de son despotisme. Célèbre tes fêtes, rends à Dieu, pour la fin tragique de ton ennemi, les vœux que tu lui avais faits ; à l’avenir, le prédicateur et l’apostat – car tel est le sens du mot Bélial – ne traversera plus ton territoire. Il a péri tout entier, c’est-à-dire, l’armée et le roi et l’empire des Assyriens sont détruits de fond en comble. Voilà pour le sens littéral. Au figuré, il est dit à l’Église, aux âmes qui confessent le Seigneur : Le diable, qui portait auparavant ses ravages chez vous et vous accablait de son joug écrasant, a péri au milieu des idoles et avec les idoles qu’il avait fabriquées ; célébrez vos fêtes et rendez à Dieu vos vœux ; chantez sans cesse sa gloire avec les Anges, parce qu’à l’avenir ne passera plus parmi vous Bélial, dont l’Apôtre a dit : « Qu’y a-t-il de commun entre le Christ et Bélial ? » 2 Co. 6, 15 ; Ninive étant détruite, il a péri sans retour. S’il arrivait une terrible persécution, comme sous Valérien, Dèce et Maximien, lorsque apparaîtrait la vengeance du Seigneur contre ses adversaires, nous dirions à l’Église : Célébrez vos fêtes, ô Juda, et rendez à Dieu vos vœux, etc.
Les Septante : « Célébrez vos fêtes, ô Juda, rendez à Dieu vos vœux, parce que vos ennemis à l’avenir ne passeront plus pour vous emmener dans la vieillesse. Tout est achevé, tout est consommé ; celui qui souffla sur votre face est venu et vous a délivré de la tribulation. » J’ai déjà dit qu’à raison de la divergence d’interprétation, les versets eux-mêmes ne finissent pas au même point, et que le sens selon l’hébreu ne peut convenir à la version des Septante. Voici donc ce qui est dit : O enfant de l’Église, puisque le bruit du nom de vos ennemis ne se propagera plus, que leur verge a été mise en poudre, que vos chaînes ont été rompues, et que celui qui vous annonce la paix est venu vers vous, célébrez vos fêtes, non pas dans le vin et dans les festins, comme le pensent les Juifs charnels, mais dans les délices spirituelles et la volupté du torrent. O Juda, rendez vos vœux au Seigneur, parce qu’ils ne passeront plus désormais chez vous, vos ennemis, pour vous emmener dans la vieillesse, c’est-à-dire ceux qui veulent que vous portiez l’image du vieil homme, parce que ce qui est vieux tend à la décrépitude, et ce qui tombe dans la décrépitude est près de sa perte. Le monde est à sa fin, votre ennemi est anéanti ; Jésus-Christ vient à vous, qui avait soufflé d’abord sur votre face, quand il vous forma d’un peu de limon, et qui, après sa résurrection, soufflant sur le visage des Apôtres, leur dit : « Recevez le Saint-Esprit », Jn. 20, 22, et c’est lui-même qui vous délivre de la tribulation ; car lorsque Ninive aura été détruite et que le monde passera, la tribulation passera avec lui.
« Voici celui qui doit ruiner vos murs à vos yeux, et vous assiéger de toutes parts ; mettez dos sentinelles sur les chemins, fortifiez vos reins, rassemblez toutes vos forces ; car le Seigneur va punir l’insolence avec laquelle les ennemis de Jacob et d’Israël les ont pillés, lorsqu’ils les ont dispersés et qu’ils ont gâté les rejetons d’une vigne si fertile. » Nah. 2, 1-2. La nécessité m’oblige de diriger le cours de mon commentaire entre l’histoire et l’allégorie, comme on manœuvre une nacelle entre les rochers et les écueils, sous la menace du naufrage, et je dois mettre toute mon attention à ne plus sombrer sur les brisants. Pour parler comme le poète profane : « Scylla menace mon flanc droit, et l’implacable Charybde mon flanc gauche », en sorte que, si je veux fuir l’écueil, je suis emporté vers un abîme, et, si je m’efforce d’échapper aux tourbillons du gouffre, je risque de me briser contre l’écueil. Le Seigneur m’est témoin que toutes les explications que je donne du texte hébreu, je ne les avance pas de mon propre chef, ce que Dieu reprend dans les faux prophètes ; mais que je suis l’exposition même des Hébreux qui m’ont instruit naguère, mon devoir étant d’indiquer aux miens, avec simplicité, ce qu’ils m’ont enseigné. Le lecteur demeure libre, après qu’il aura parcouru l’une et l’autre édition, de juger laquelle il vaut mieux suivre. La parole prophétique se tourne donc maintenant contre Ninive – l’obscurité des prophéties vient surtout de ce que soudain, pendant qu’il s’agit d’une chose, ce sont d’autres personnages qui entrent en scène, – et il lui est dit : Nabuchodonosor marche vers vous pour vous assiéger, pour ravager vos campagnes sous vos yeux, poursuivre les laboureurs, ruiner les moissons, et vous enfermer vous-même dans un étroit blocus. Et parce que la guerre vous menace, moi, prophète, je vous crie d’avance en ma joie : Examinez avec soin, regardez de toutes parts, et voyez ce qui vous arrive. Fortifiez vos reins, ceignez l’épée ; ayez recours à toute votre force, rassemblez votre armée, parce que de même que le Seigneur a vengé Juda de l’orgueil de Sennachérib, dont l’armée a été exterminée en Judée et qui a été lui-même massacré par ses bis, de même il va venger Israël, les dix tribus que Ninive tient captives. Et, en effet, les Assyriens dévastèrent et ruinèrent aussi bien Juda qu’Israël, et, pour garder la métaphore de la vigne, abîmèrent les rejetons de l’un et de l’autre.
Les Septante : « Examinez la route, serrez votre flanc, fortifiez-vous le plus possible dans votre énergie, parce que le Seigneur détourne l’outrage de Jacob, comme il détourne l’outrage d’Israël ; car ils les ont secoués, ils les ont ébranlés et ils ont brisé tous leurs rejetons. » Trois choses sont prescrites à Juda. La première, c’est de regarder sa route, d’examiner avec soin le chemin par où il doit marcher, conformément A ce qui est écrit dans Jérémie : « Tenez-vous sur les voies, considérez et demandez quels sont les anciens sentiers, pour connaître la bonne voie, et marchez-y ; » Jer. 6, 10 ; en sorte que, si nous sommes en suspens entre plusieurs voies, nous venions à celle qui a dit : « Je suis la voie. » Jn. 14, 6. La seconde chose, c’est de tenir son flanc, c’est-à-dire après avoir choisi les voies, de mortifier son corps, et de le réduire en servitude, de peur que, prêchant aux autres comme roi et maîtres il ne soit trouvé lui-même digne de réprobation. 1 Co. 9, 27. Il serait trop long de prouver ici que la force du diable réside surtout dans les reins ; pourquoi cette promesse est faite à David : « J’établirai sur votre trône un fruit de vos reins ; » Psa. 131, 11 ; le sens de ce que dit l’Apôtre : « Lévi ôtait encore dans les reins de son père Abraham, quand Melchisédech alla au-devant de ce patriarche ;» Heb. 7, 10 ; pourquoi Jean porte une ceinture de peau ; à quoi tend ce précepte du Sauveur à ses disciples : « Ayez les reins ceints ; » Luc. 12, 3o ; et celui de l’Apôtre aux Éphésiens : « Tenez-vous fermes, ayant les reins ceints dans la vérité », Eph. 6, 14, parce que, bien que la discipline et]a continence delà vie soient d’un grand secours pour la mortification des reins, rien cependant ne les mortifie comme la connaissance de la vérité ; et de là cette précision du précepte : « Ayez les reins ceints dans la vérité. » Puisque Jésus-Christ est la vérité, celui qui croit en Jésus-Christ de toute son âme mortifie ses reins en Jésus-Christ. La troisième prescription faite à Juda, c’est de se fortifier le plus possible par la vertu. Vous avez choisi la voie et asservi vos reins, embrassez la vertu, afin de pouvoir combattre contre les ennemis. Pour vous ôter toute défiance, on vous donne le motif sur lequel vous devez fonder votre espoir : « Le Seigneur détourne l’outrage de Jacob, comme l’outrage d’Israël ; » ce qui est à double entente : ou il détourne Poutrage fait aux autres par Jacob, ou il détourne l’outrage que Jacob endurait delà part des autres. La première interprétation me semble la meilleure, parce qu’il y a moins de vertu à supporter une injure reçue, qu’il n’y a de grâce divine à devenir paisible, doux, tranquille jusqu’à ne pouvoir pas faire injure à autrui. On se demande comment a été détournée l’injure de Jacob comme avait été détournée celle d’Israël. Après que Jacob eut lutté avec l’Ange, il mérita de recevoir le nom d’Israël, Gen. 32, 29 et parce qu’il avait vu Dieu, il cessa de faire injure. De même donc qu’Israël, l’âme ou l’homme qui voit Dieu, et dont la pensée est toujours pleine de Dieu, ne sait point faire injure, de même toute insolence et tout outrage ont été ôtés de Jacob, c’est-à-dire du supplantateur, de celui qui, placé encore au milieu de la mêlée, supplante les ennemis. L’injure est prise en mauvaise part ; nous avons là-dessus le témoignage de Salomon, qui dit : « Les yeux outrageants et la langue inique. » Pro. 6, 17. Gomment, selon l’une intelligence, l’injure a-t-elle été détournée de Jacob, comme elle avait été détournée d’Israël, la suite du discours le montre : Parce qu’ils les ont secoués et secoués encore, et qu’ils ont brisé » ou « corrompu leurs rejetons. » Les Anges de l’un et de l’autre, qui voient chaque jour le Père face à face, Mat. 18, 10, ont secoué toute la poussière qui s’était attachée à Jacob et à Israël. De là le lavement des pieds de Pierre, Jn. 13, 6 sqq. et ce que dit le Prophète : « Secouez la poussière et levez-vous, Jérusalem », Isa. 52, 2, et le précepte que le Sauveur fait à ses disciples : « Secouez la poussière de vos pieds », Mat. 10, 14, et ce qui est écrit dans les Psaumes : « Les enfants de ceux qui sont secoués par l’affliction sont comme des flèches entre les mains d’un homme robuste. » Psa. 126, 4. L’esprit prompt à l’outrage a donc été ôté du vrai Jacob et du vrai Israël, parce que tout ce qu’il y avait en eux de terrestre et d’amassé dans l’ordure d’ici-bas a été secoué et purifié parle ministère des Anges, ou des conseillers et des maîtres qui ne se sont pas contentés de les secouer eux-mêmes, mais qui ont aussi secoué les vices, dont l’attrait n’attire la pensée que vers le temps présent, et ils les ont jetés au vent, comme des sarments et des rejetons de vignes chargés de feuilles et nus de fruits, se conformant en cela à cette parole du Seigneur : « Toute souche qui demeure en moi et porte du fruit, mon Père la taille, afin qu’elle en porte davantage ; mais celle qui ne demeure pas en moi et qui ne porte point de fruit, Mon Père la coupera et la jettera au feu. » Jn. 15, 2.
« Le bouclier des braves jette des flammes, les gens d’armes sont couverts de pourpre ; les rênes des chars ennemis étincellent lorsqu’ils roulent au combat ; ceux qui conduisent les vôtres se sont endormis, ils ont été troublés sur les chemins, les quadriges se sont brisés aux carrefours. Les yeux des soldats ennemis paraissent des lampes, et semblent lancer des éclairs. Ninive se souviendra de ses braves, ils se précipiteront sur ses routes, ils monteront promptement sur ses murs, et on y préparera un abri contre les ardeurs du soleil. Les portes des fleuves ont été ouvertes, le temple a ôté détruit et rasé, le soldat a été emmené captif, et ses servantes étaient menaçantes, gémissant comme des colombes, et murmurant au fond de leurs cœurs. » Nah. 2, 3 et seqq. Les Septante : « Ils ont ôté les armes de sa puissance à ses hommes, ils ont brisé ses hommes les plus vaillants qui se jouaient dans le feu, et les rênes de leurs chars au jour du combat. Les cavaliers sont pleins de crainte dans les chemins, les chars se confondent et se heurtent sur les places. Leur aspect est celui de lampes enflammées et d’éclairs qui sillonnent l’espace. Leurs princes se souviendront, ils fuiront dans les jours, ils seront affaiblis dans leur chemin, ils se hâteront vers les murs, et ils prépareront leurs bastilles. Les portes des cités ont été ouvertes, les royautés sont tombées, et leurs richesses ont été mises en évidence. Lui-même montait, et ses servantes étaient conduites comme des colombes et elles parlaient au fond de leurs cœurs. » Pour l’histoire, l’ordre des événements se continue contre Ninive, et la prophétie décrit l’armée babylonienne qui vient contre elle. Ces mots : « Les rênes de feu des chars », marquent dans ces courroies qui étincellent la rapidité des préparatifs, et l’éclat avec lequel on s’apprête au combat ; et l’Écriture parle pêle-mêle, tantôt de ce qu’Israël souffrit autrefois, tantôt de ce qu’a fait l’Assyrien, tantôt de la vengeance que les Babyloniens vont exercer sur lui. Il n’est pas étonnant, dit-elle, que ceux-ci viennent si promptement au pillage, alors que les conducteurs de chars et les forts, soit d’Israël autrefois, soit des Assyriens ensuite, se sont endormis. Puis elle reprend le fil de la description : La multitude de ceux qui viennent est si grande, que tout est tumulte dans le chemin et qu’on n’y peut rien discerner. Les quadriges eux-mêmes, ne trouvant pas de passage, à cause de leur grand nombre, se heurtent les uns contre les autres sur les places. L’aspect des Babyloniens est celui de lampes enflammées, d’éclairs sillonnant l’espace, en sorte que leur vue a déjà glacé de terreur leurs adversaires, quand ils les percent de leur épée. Alors Assur se souviendra de ses braves, il cherchera ceux qui sont tombés sur les chemins, il montera promptement sur les remparts de Ninive, et, en prévision d’un siège des plus longs, il préparera des ombrages contre les ardeurs du soleil. Mais à quoi sert de bâtir la maison, si le Seigneur ne bâtit ? Psa. 126, 1 à quoi bon fermer les portes que le Seigneur ouvre ? Elles ont été ouvertes, celles de Ninive, qui avait des foules de citoyens semblables à des fleuves, son temple, c’est-à-dire son empire, a été détruit, ses guerriers ont été emmenés captifs et tous conduits à Babylone. Servantes de Ninive est une métaphore qui indique les villes moins importantes, les bourgs et les châteaux ; ou assurément, ce sont les femmes captives, menaçantes en présence des vainqueurs ; et la terreur sera si grande que la douleur n’osera pousser ni sanglots ni cris, qu’elles gémiront au-dedans d’elles-mêmes, qu’elles dévoreront leurs larmes avec de sourds murmures, à la manière des colombes qui gémissent. Voilà pour la tradition hébraïque. Abordons maintenant les Septante.
Ceux qui ont mission de secouer, et qui avaient secoué Jacob et Israël et anéanti leurs rejetons, ont brisé aussi les armes dont ceux-ci se servaient au temps de leur insolence, et au moyen desquelles ils opprimaient les faibles ; non contents de cela, ils ont exterminé les hommes forts qui se jouaient dans le feu. Au lecteur de voir s’il peut, par des hommes forts qui se jouent dans le feu, entendre les forces ennemies qui fournissent le diable de ses traits enflammés. Ces forts qui se jouent dans le feu avaient autrefois les chars et les chevaux de Jacob et d’Israël, sur lesquels ils étaient rapidement emportés à la guerre, au jour du combat. Les rênes de ces chars et ces cavaliers s’embarrasseront donc sur les chemins et se heurteront sur les places, lorsque Jacob et Israël étant illuminés de la lumière du Seigneur, tant les démons que ceux qui sont esclaves de leur volonté seront renversés par le Seigneur. Nous pouvons entendre cette prophétie de son premier avènement, quand les hommes forts et les conducteurs de chars et les cavaliers disaient : « Quoi de commun entre nous et toi, fils de David ? Es-tu venu nous tourmenter avant le temps ? » Mat. 8, 29. Mais puisque nous avons déjà appliqué la prophétie contre Ninive à la fin du monde, il est mieux de dire que les armes du diable seront alors ôtées du milieu des hommes, et aussi ses ministres forts, qui se jouaient des hommes dans le feu, car le cœur de tout adultère est semblable à une fournaise ardente, Ose. 3, 1-5 et que seront rompues les chaînes avec lesquelles les captifs et ceux qui ôtaient sur les chars étaient menés en captivité. Les cavaliers en effet trembleront de peur aux issues, c’est-à-dire à la fin du monde, et ils seront dans ce tumulte, et les chars se heurteront sur les places ; bien que la voie qui conduit à la mort soit large et spacieuse, Mat. 7, 14, réduits aux abois, dans leur panique, ils ne pourront trouver le droit chemin, ils se heurteront les uns contre les autres, et néanmoins ils respireront leur ancienne fureur, et ils se rueront en tous sens comme des éclairs. « Je voyais », dit le Seigneur, « Satan tombant du haut du ciel comme la foudre. » Luc. 10, 10. Quand le diable et tous ses lieutenants comprendront leur défaite, ils se souviendront de la consommation prédite autrefois, et ils fuiront dans le jour. Ils ne se cacheront plus dans la nuit, parce que la clarté du jour aura dissipé les ténèbres ; ils seront affaiblis sur le chemin, n’avançant point et faisant d’inutiles efforts, et ils se hâteront vers les murs. La venue du Seigneur les frappera d’une terreur si profonde, ils seront si impuissants à le repousser, qu’ils fuiront jusqu’aux extrémités qui enferment et entourent le monde comme de murs, et là ils se prépareront à la résistance ; semblables à un homme qui fuirait un ennemi, n’osant pas lui faire face, et qui arrivé au désert, son ennemi le suivant toujours, serait contraint, par la nécessité, de soutenir son attaque. Pendant qu’ils formeront ce dessein, tout ce qui avait été acquis et possédé par eux sera mis sous les yeux de tous ; les portes qu’ils avaient fermées seront ouvertes, leurs royaumes tomberont, et leur substance, c’est-à-dire leurs richesses seront révélées. Or, la substance du monde elle-même et toutes ses servantes, après qu’elles se seront soumises à Jésus-Christ et auront commencé à le servir, seront emmenées joyeuses et pleines d’allégresse ; elles croiront et confesseront Jésus-Christ de toute leur âme, au point d’être comparées à d’innocentes colombes, et elles murmureront ou parleront au fond de leurs cœurs. Alors s’accomplira ce qui est prophétisé dans le psaume soixante-sept au sujet de la victoire du Sauveur : et S’élevant vers le ciel, il entraîna la captivité captive. »
« Ninive est toute couverte d’eau comme un grand étang ; ses citoyens prennent la fuite. Arrêtez ! Arrètez ! mais personne ne retourne. Pillez l’argent, pillez l’or ; ses richesses sont infinies, ses vases précieux sont inépuisables. » Nah. 2, 8-9. Les Septante : « Ninive est toute couverte d’eau comme un grand étang ; ses citoyens ne se sont pas arrêtés dans leur fuite, et personne n’osait regarder en arrière. On pillait l’argent, on pillait l’or, et l’on ne trouvait pas la fin de sa richesse : elle s’est fait un lourd fardeau de tous les vases de sa concupiscence. « Il est évident que les cités dépendant de Ninive, et que l’Écriture appelle ses filles, ayant été emmenées en captivité, Ninive elle-même, qui avait nourri tant de peuples qu’elle est comparée à une immense piscine, n’a qu’une multitude inutile, puisqu’il n’y a personne qui résiste et qui soutienne le choc des Babyloniens envahisseurs. Tous ses citoyens ne savaient que fuir, et leur mère leur criant : Arrêtez ! arrêtez ! fermez les portes, montez au rempart, repoussez l’ennemi 1 il n’y avait personne qui revînt, personne qui tournât les yeux vers sa mère ; tous, tournant le dos, abandonnait la ville en proie aux ennemis. Aussi, eux ayant fui, est-il dit aux Babyloniens : Pillez l’argent, faites en quelques instants votre proie de ces trésors amassés en tant de temps. Les richesses, les vases et les meubles précieux entassés dans Ninive sont infinis ; vous vous lasserez plutôt de prendre, que Ninive de vous fournir des objets de butin. Mais puisque nous avons déjà dit que Ninive la belle, c’est le monde, voyons ce qu’est la piscine du monde. L’Écriture ne dit pas que les eaux de Ninive soient comme celles de la mer, ou celles des fleuves, ou celles des fontaines, ou celles des puits, mais comme les eaux d’une piscine ; en sorte que, de même que Jérémie reproche au peuple d’avoir abandonné la source d’eau vive pour se creuser des lacs percés qui ne peuvent pas garder l’eau, Jer. 2, 13, de même en Ninive toutes les eaux sont de celles qui, étant tombées du ciel et ayant quitté leur antique hauteur, seront tombées au plus bas de l’abîme. Tous les dogmes de ce monde, qui sont hors de la source de l’Église et du jardin scellé, qui ne peuvent pas dire : « Un fleuve aux eaux vives répand la joie dans la cité de Dieu », Psa. 45, 5, et qui ne sont pas de ceux qui au-dessus des cieux louent le nom du Seigneur, quelque grands qu’ils paraissent, sont petits pourtant et enfermés dans une étroite limite. Qu’on ne s’étonne point de nous voir prendre le mot piscine en mauvaise part, alors qu’on doit prendre en bonne part celle vers laquelle il est enjoint à Isaïe, fils d’Amos, de monter ; pour celle-ci, il y a cette précision : « Piscine de l’aqueduc et piscine du foulon », Isa. 7 et 37, eau qui lave ce qui est souillé et qui nettoie les habits chargés de taches. Gomme elle coule dans un lieu élevé, il est ordonné au Prophète d’y monter, d’aller au-devant du roi et de lui promettre la victoire sur les deux tours brûlées.
Nahum poursuit : « Les fugitifs », les habitants de Ninive, « ne se sont pas arrêtés. » Ils auraient dû d’abord ne pas fuir Dieu, et ensuite, l’ayant fui, s’arrêter enfin ; car il y a une grande différence entre celui qui fuit et qui s’arrête, et celui qui a pris la fuite et ne s’arrête plus : celui qui s’arrête cesse de fuir, tandis que l’autre persévère toujours dans sa lâcheté. Or, de toute cette innombrable multitude de fugitifs, il n’y en avait aucun qui regardât en arrière, qui fit pénitence, et qui écoutât cet appel du Seigneur ; « Revenez à moi, enfants infidèles, et je guérirai vos blessures. » Jer. 3, 22. De là ce mot du Saint dans le psaume : « Il ne m’est resté aucun moyen de fuir. » Psa. 141, 5. La même signification, je crois, se trouve dans la parabole de la lèpre, au sujet de laquelle le Lévitique dit : « Lorsqu’un lépreux aura été séparé de la compagnie des autres par le prêtre, si la lèpre s’arrête, cet homme sera pur », il sera purifié après avoir été repoussé comme lépreux, il retournera au camp et il habitera parmi le peuple. « Si, au contraire, la lèpre s’est répandue davantage », Lev. 13-14, si, au lieu de s’arrêter, elle a augmenté et a eu de l’accroissement, changeant la couleur qu’avait autrefois la peau saine, alors il est prouvé, par celui qui a la science pour examiner et purger la lèpre, que le patient est atteint de ce mal de la manière la plus indubitable. Pour nous, il nous est prescrit parle vrai Salomon d’habiter dans Jérusalem et de n’en jamais sortir. Que si ce qui nous avait été soumis auparavant nous a fui pour aller chez les enfants de l’étrangère, ne sortons pas des murs de notre cité et ne suivons pas les traces des fugitifs, de peur que, en voulant les sauver, nous ne périssions nous-mêmes ; laissons les morts ensevelir leurs morts », Mat. 8, 22 arrachons, pendant qu’il en est temps, notre œil, s’il est un sujet de scandale, coupons notre main et notre pied. Mat. 5, 30. Quant à ces mots : « Ils pillaient l’argent, ils pillaient l’or, et ils ne trouvaient pas la fin de son opulence ; elle s’est amassé un lourd fardeau avec les vases de sa concupiscence », ils s’appliquent aux eaux de Ninive, et à ceux qui, ayant fui, n’ont pas cessé de fuir ; aucun ne regarde, en arrière, et non contents de fuir et de ne jamais regarder en arrière, ils pillent en outre l’argent, tout ce qu’il parait y avoir d’éloquence dans le monde, et ils pillent l’or, tout ce qu’il y avait de belles maximes dans la doctrine du siècle, afin d’en orner Ninive, pour arranger leurs dogmes avec la fleur des sens et des mots. C’est pour cela que Ninive a été appesantie par tons les vases qu’elle a convoités, parce que plus elle possédait d’or et d’argent, et de meubles précieux, étant déjà pesante, elle le devenait d’autant plus qu’elle aimait ce qui est lourd. De là vient que Zacharie nous montre l’iniquité assise sur une masse de plomb, Zac. 5, 7 que les Égyptiens appesantis par leurs péchés furent engloutis dans la mer comme du plomb, Exo. 14, 28 que le pécheur s’exprime ainsi dans le psaume : « Mes fautes se sont appesanties sur moi comme un écrasant fardeau, Psa. 37, 6, et que Pierre, qui auparavant effleurait les eaux d’un pied léger suspendu au-dessus d’elles, après que son incrédulité l’eût appesanti, aurait été dévoré par les flots, si la main du Seigneur ne l’eût soutenu. Mat. 14, 31.
« Ninive est détruite, elle est renversée, elle est déchirée ; on n’y voit que des cœurs séchés d’effroi, dont les genoux tremblent, dont les reins tombent en défaillance, dont les visages ont tous la noirceur d’une marmite brûlée. » Nah. 2, 10. Les Septante : « On ne trouve que secouement, nouvel ébranlement, ébullition, brisement du cœur, tremblement des genoux, douleurs sur tous les reins, et visages noirs comme une marmite brûlée. » Ninive est dépeinte sous l’image d’une femme captive ; elle est abattue, ruinée, déchirée ; son cœur est séché d’effroi, ses genoux tremblent, ses reins sont brisés, et, à cause de la terreur inspirée par les ennemis et de l’excès de l’épouvante, les visages de tous ses habitants, semblables au-dehors d’une marmite, sont comme brûlés, et défigurés de consomption et de pâleur.
Sur la version des Septante, il faut chercher dans un sens plus élevé ce que signifie secouement et secouement encore. À quiconque est du peuple de Dieu, et, après qu’il lui est arrivé de pécher en tant qu’homme, revient à son premier état, il est dit comme à Jérusalem : « Secouez la poussière de vos pieds, Jérusalem, et relevez-vous. » Isa. 52, 2. Pour celui qui est tel qu’après avoir été secoué, il est digne dépasser au nombre des flèches de Dieu, aux mains du Seigneur qui le lance contre ses ennemis, le psaume le chante en ces termes : « Les fils de ceux qui ont été secoués sont comme des flèches dans la main du puissant. » Psa. 126, 4. Lorsque ses pieds, comme ceux de celui qui foule la terre, se seront noircis de poussière, il entendra le Seigneur lui dire ; « Secouez la poussière de vos pieds, afin que ce soit un témoignage contre eux », Mrc. 6, 11, contre les hommes qui n’ont pas voulu recevoir ceux qui annoncent la parole. Mais celui qui est de Ninive, qui s’est chargée du pesant fardeau de tous les vases de sa concupiscence, ce n’est pas seulement une fois, mais à plusieurs reprises qu’il est secoué. Après cela, la surface étant purifiée, de peur qu’il ne reste à l’intérieur quelque trace de souillure, il y a ébullition, qui chasse à la surface tout résidu d’impureté intérieure. De là vient que les éruptions qui se font aux lèvres, après la maladie, sont regardées comme un signe de guérison. Ce n’est pas seulement cette médication par un fréquent secouement et l’appel de sa maladie cachée au-dehors qui est appliquée à Ninive, mais encore l’amollissement de son cœur et la distension de ses genoux, afin que, comme fut pétri le cœur dur, le cœur de pierre de Pharaon, qui ne renvoya pas le peuple de Dieu tant qu’il l’eut ainsi, Exo. 12 et seqq., de même le cœur de Ninive soit amolli et changé en un cœur de chair, et que ses genoux, qu’elle ne pouvait pas auparavant ployer devant Dieu, se détendent et fléchissent devant le Tout-Puissant, qui est le Père commun dans le ciel et sur la terre, et pour qui, au nom de Jésus, tout genou fléchit au ciel, sur la terre et dans les enfers, Phi. 2, 10, afin qu’après avoir connu notre créateur, le Prophète nous dise ; « Fortifiez-vous, mains languissantes, et vous genoux débiles, soyez pleins de vigueur. » Isa. 36, 3. « Et les douleurs », continue Nahum, « éprouveront tous les reins. » J’ai déjà dit que les reins sont la figure de toutes les unions charnelles. À la fin du monde, tous les reins éprouveront donc de grandes douleurs, parce que c’est là que réside toute la force du dragon ; Job. 40, 11 ; et à cause de toutes les épreuves qui précèdent : secousses répétées, ébullition, amollissement du cœur, distension des genoux, douleurs des reins, les visages de tous auront l’aspect d’une marmite brûlée, en sorte qu’ils seront brûlants, ou bien que, perdant l’éclat de l’huile, ils auront la noirceur du charbon, et se couvriront de la confusion éternelle, dont le saint est bien loin, lui qui dit : « Seigneur, vous avez gravé sur nous le sceau de votre lumière », Psa. 4, 7, parce qu’il contemple la gloire de Dieu sans aucun voile sur la face. 2 Co. 3, 16. Pour moi, je pense que, comme le soleil a son éclat qui diffère de celui de la lune, et la lune son éclat qui diffère de celui des étoiles, et qu’entre les étoiles l’une est plus éclatante que l’autre, 1 Co. 15, 41de même, dans la résurrection des morts, il y aura de grandes différences d’éclat entre les saints, et de noirceur entre les pécheurs.
« Où est maintenant cette caverne de lions, où sont ces pâturages de lionceaux ? cette caverne où le lion se retirait avec ses petits, sans que personne vînt les y troubler ? Le lion y a apporté assez de bêtes sanglantes égorgées pour ses lionnes et ses lionceaux, remplissant son antre de sa proie et ses cavernes de ses rapines. » Nah. 2, 11. Il s’agit encore ici de Ninive. Elle était la résidence des rois et la cour des grands. Le lion, roi de Babylone, Nabuchodonosor, avec les petits du lion, ou les rois de son entourage, s’est avancé vers elle, et nul ne leur a résisté. Le lion a pris un large butin pour ses petits, et égorgé de nombreuses proies pour ses lionnes. Nabuchodonosor, assurément, posséda tout par droit de conquête : il livra les captifs à ses enfants et à ses cités ou à ses femmes ; il remplit de sa proie « ses cavernes, ». ou « ses fosses », d’après l’hébreu, et son repaire de ses rapines, enrichissant son trésor ou ses villes de l’or, de l’argent, des étoffes, de toutes les richesses qu’avaient eues Ninive et que la victoire mettait au pouvoir de Babylone.
Puisque, au figuré, et dans. Jonas, et dans ce prophète, nous avons vu dans Ninive la figure du monde, et que, d’après saint Jean : « Le monde entier est assujetti an malin », 1 Jn. 5, 19, lorsque sera passé le monde, ce repaire de bêtes où les lions ravissaient leur proie, plein d’admiration et de joie, nous nous écrierons ; Où est maintenant cette caverne de lions, où se retirait le lion Satan, dont Pierre a dit : « Le démon votre ennemi tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer ; » 1 Pi. 5, 8 ; et le petit du lion, l’Antéchrist, toute doctrine perverse, toute parole ennemie de Dieu. « Vous avez entendu dire », dit Jean, « que l’Antéchrist doit venir, mais il y a dès maintenant de nombreux ante-christs ; » 1 Jn. 2, 18 ; il y en a autant qu’il y a de dogmes faux. Avant l’avènement de Jésus-Christ, personne ne troubla ces ravisseurs ; mais après que le Seigneur fut venu en ce inonde et fut entré dans Ninive, il vit Satan tombant du ciel comme la foudre, Luc. 10, 18 et Lucifer qui se levait le matin, tomba du haut des deux. Isa. 14, 15. C’est que le vrai Samson est venu vers les Allophyles, et chemin faisant vers Thamna, dont le nom veut dire « sa consommation, « pour épouser Dalila, la pauvre parmi les Gentils, il a tué le lion, pour qui était venue l’heure de la fin, et, après l’avoir mis à mort, il a mangé le miel plein de douceur. Le vrai David aussi, qui garde les brebis de son Père, a saisi le lion et l’a mis à mort, 1 Sa. 17, 36 et Banajas, dont le nom veut dire « Seigneur qui édifie », est descendu dans le lac de ce monde, lui qui a le pouvoir de refroidir les eaux brûlantes, et il a tué le lion. 1 Ch. 9. Dans la vision qu’a Isaïe contre les quadrupèdes, il est dit tout d’abord, au sujet de la ruine de ces bêtes : « La tribulation et la mort fondront d’abord sur le lion et le lionceau. » Isa. 31, 4. Ce lion, avant d’être mis à mort par Jésus-Christ, a fait sa proie d’un grand nombre de ses propres petits, et les a égorgés pour ses lionceaux, ses satellites les démons. Jetez un regard sur les conventicules des hérétiques, et vous ne chercherez plus quelles sont ces nombreuses victimes que le lion a faites. Voyez là combien il y a de morts qui ont abandonné la vie, et vous appellerez leurs assemblées, non pas le bercail du pasteur, mais les cavernes du lion, qu’il a remplies des cadavres et du sang des morts.
« Vous avez amené les ténèbres et la nuit est survenue ; c’est à sa faveur que circulent toutes les bêtes de la forêt. Les petits des lions courent après leur proie et demandent à Dieu leur nourriture. » Psa. 103, 20-21. Difficilement rencontre-t-on le lion pendant le jour, mais c’est dans la nuit qu’il circule pour trouver sa proie dans l’Église du Christ, et, selon Habacuc, faire sa pâture de viandes choisies. Hab. 1. Judas fut du troupeau du Christ ; saisi par le lion, il se pendit et mourut. Mat. 27, 5. Ce Prophète encore, à qui le Seigneur avait prescrit de ne point goûter de pain dans ce pays où régnaient les veaux d’or et la religion du mensonge, en ayant mangé, fut terrassé par le lion. 1 Ro. 13. Jérémie dit aussi des pécheurs : « Le lion de la forêt les a terrassés et le loup les a dévorés jusque sur le seuil de leurs maisons ; le léopard fait le guet autour de leurs demeures, tous ceux qui en sortent deviennent sa proie. » Jer. 5, 6, En cela, remarquez qu’il n’y a de saisi que celui qui sera sorti de la cité de Dieu. Nous lisons dans le quatrième livre des Rois que ceux qui habitaient dans les villes de Samarie et ne connaissaient pas le jugement du Dieu de la terre étaient mis à mort par des lions, jusqu’au jour où, aj^ant appris à honorer Dieu, ils en furent délivrés. C’est pour ce motif, croirai-je, qu’il n’est jamais offert, dans les sacrifices du Seigneur, rien qui eût été pris par les bêtes, Lev. 22, 8, et qu’il est dit par le Prophète : « Rien de souillé et qui eût été pris par une bête n’est entré dans ma bouche. » Eze. 4, 14. Le lion a été donc mis à mort, et, les enseignements du mensonge se trouvant confondus, l’aliment est sorti de celui qui le mangeait et du fort lui-même est sortie la douceur. Jug. 14, 14.
« Voilà que je viens à toi, dit le Seigneur des armées ; je mettrai le feu à tes chariots et les réduirai en fumée, et l’épée dévorera tes jeunes lions ; j’enlèverai tout butin de ta terre et on n’entendra plus désormais la voix de tes messagers. » Nah. 2, 13. Les Septante : « Voici que je viens à toi,- dit le Seigneur tout-puissant ; je brûlerai jusqu’à réduire en fumée toute ta multitude et le glaive dévorera tes jeunes lions ; j’enlèverai tout butin de ta terre, et on n’entendra plus raconter tes œuvres. » O Ninive, c’est par moi-même que tu subiras tout ce qui vient d’être dit. Moi, le Seigneur, je brûlerai tes chariots jusques à les réduire en fumée et jusqu’à leur complète destruction, et je ferai dévorer par le glaive tes nobles et tes chefs. Plus jamais tu ne ravageras de terres, ni n’exigeras de tribut ni on n’entendra à travers les provinces la voix de tes émissaires ; ou bien, je n’entendrai pas les anges qui président à tes destinées prier désormais pour toi. Mais tout cela est aussi à l’adresse du monde où est la multitude qui, par la voie large et spacieuse, marche à la mort et que le Seigneur représente dévorée par la flamme et étouffée dans la fumée de sa malice, à cause de l’excès de sa vanité. Les lions aussi, le glaive les dévorera, cette parole de Dieu vivante et aiguë et acérée de toutes parts ; il promet aussi d’enlever tout butin de cette terre afin que personne ne soit plus capturé dans Ninive, et, dans sa clémence, il en ôte toutes les œuvres mauvaises et les refoule de façon que la voix et le bruit n’en puissent plus désormais être entendus ; voilà pourquoi il dit : « Et désormais on n’entendra plus tes œuvres. »


1-4 « Malheur à toi, ville de sang, toute pleine de fourberie et de brigandage, asile éternel de rapine. Voilà le son du fouet, le bruit des roues qui se précipitent et des chevaux qui hennissent et des chariots qui courent, et des cavaliers qui s’avancent, et des épées qui brillent, et des lances qui étincellent, et des multitudes mises à mort, et de la sanglante défaite : c’est un carnage sans fin ; et les corps tomberont les uns sur les autres, à cause du nombre des fornications de cette séduisante et insidieuse courtisane qui s’est servie de scs enchantements et a vendu les peuples par ses fornications et les nations par ses sortilèges. » Nah. 3, 1 et seqq. Les Septante : « O ville de sang, toute de mensonge, pleine d’iniquité ; on n’y verra plus de dépouilles. Voici le bruit des fouets, le son des roues qui tournent et du coursier qui marche, et du char qui se précipite, et du cavalier qui s’avance, et du glaive qui brille, et des armes qui resplendissent, et de la multitude des blessés et d’une grande défaite, et ce ne sera point la fin pour ses peuples, et ils seront atteints dans leurs corps, à cause du nombre de ses fornications. Courtisane séduisante et trompeuse, maîtresse en maléfices ! elle a vendu les peuples dans sa fornication et les tribus dans ses sortilèges ! » Où nous avons dit « pleine de brigandage », l’hébreu porte Pherec Malea qu’Aquila rend par « pleine d’indocilité opiniâtre », et Symmaque par « pleine de cruauté ou de dureté. » Dans une autre édition, j’ai trouvé μελοχοπἰας πλήρης, c’est-à-dire « de divisions de chairs et de membres brisés » ; et ensuite il ajoute aussitôt : « Où on trouve toujours du butin. » Or, l’hébreu pherec veut dire non « indocilité », pourquoi nous avons trouvé ἐξουχενισὁν dans l’édition d’Aquila, mais « gouvernail », montrant par là que c’était la ville royale et qu’elle portait en elle, comme dans un vaisseau, le gouvernement de toutes les nations. On fait le tableau de sa puissance, c’est-à-dire de Ninive, et, sous forme de plainte, on l’accuse de cruauté. Malheur à toi, cité de sang où rien n’est vérité et où tout est mensonge, ville pleine de rapine, de dilapidation et de butin. Voix du fouet, toujours cruel et d’un commandement sans pitié, et voix de la roue qui se précipite. Voix se doit prendre pour bruit ; roue qui se précipite, pour course en tous sens et, soit pour le coursier frémissant et pour le char qui se hâte, le mot voix est sous-entendu. Dans l’hébreu, la description d’une armée se préparant au combat est si belle et ressemble si bien à une peinture, que mon récit n’en paraît que plus défectueux. Quand il parle de « grave défaite et de cadavres sans fin », entendons-le des ennemis qui sont tombés sous leurs coups. Et ils tomberont sur leurs corps, ou ils seront renversés en raison de leur masse même, tant ils sont nombreux et serrés les uns contre les autres, ou ils roulent sur les propres cadavres de leurs morts : le mot αὐτων veut à la fois soit « siens » soit « d’eux. » À cause, dit-il, delà multitude des fornications de cette courtisane, parce qu’elle s’est souillée avec un grand nombre de peuples et qu’elle honorait les idoles de l’univers entier qu’elle s’était soumis. « Belle et agréable et en possession de sortilèges », désignant par là ses magiciens ; « qui a vendu les peuples dans ses fornications et les familles dans ses sortilèges », c’est-à-dire qui eut puissance sur toutes les nations. Tout cela est dit simplement de Ninive. D’autre part, si, à cause de la qualification de « belle », nous voulons voir le monde dans cette Ninive, c’est bien à bon droit que le monde qui est placé dans le mal est appelé cité du sang, à cause du nombre de ceux qui lancent des flèches et de ceux dont les langues, à l’instar de glaives, mettent les hommes à mort. Par là donc, elle est toute de mensonge, ce qui a trait à la perversité de ses doctrines et à l’absence de toute parole de Dieu sur laquelle elle puisse reposer sa tête, n’ayant en sa possession que des dogmes pervers. Il ne s’y trouve personne qui comprenne ou qui cherche Dieu ; tous ont dévié de la voie de la vérité, tous ensemble sont devenus inutiles ; il n’y en a pas même un seul qui fasse le bien ; Psa. 13, 2-3 ; parole qui, quoiqu’elle se réalise en partie dans le présent, se vérifiera plus encore à la consommation, lorsque, l’iniquité s’étant multipliée, la charité du grand nombre se sera refroidie. Mat. 24, 12. Combien n’y en a-t-il pas de capturés par le géant Nemrod, ce chasseur redoutable qui, en s’élevant orgueilleusement contre Dieu, en enlaça un grand nombre de son bois dans ses pièges et il n’est donné à guère de monde le pouvoir de mettre la main sur sa proie ou sa chasse. Il a, en effet, avec lui, nombre de satellites et chasseurs comme lui qui sont heureux de sa chasse et l’assistent à la façon des esclaves. Aussi la voix des fouets se fait entendre dans le monde, parce que nombreuses sont les tribulations des justes sous le poids desquelles crient ceux qui en sont atteints, témoignant par leurs cris plaintifs de la grandeur de leur souffrance, lorsque l’un est emporté par le démon, l’autre par la colère qui est semblable à la fureur, cet autre par la volupté, la haine, l’envie, la superbe : c’est le fouet du roi d’Assyrie qui résonne en eux. Même dans les maladies du corps, sachons voir le fouet du diable, duquel il est dit au juste : « Et son fléau n’approchera pas de ton tabernacle ; » Psa. 90, 10 ; lorsque nous verrons celui-ci se décomposer sous faction du mal royal, et survivre pour ainsi dire à son cadavre, celui-là, envahi intérieurement par l’eau, surnager dans un corps exhubérant, et perdre par le gonflement de ses membres, sa forme première d’homme, comme nous l’avons vu naguère dans l’hydre ; un autre expectorer je ne sais quelle sanie et les ravages d’un poumon en pourriture ; cet autre dont l’humeur desséchée lui fait sentir dans les organes les tortures de la pierre et des calculs, n’hésitons pas à dire que c’est la voix des fouets de Ninive, bien que d’aucuns, ne soupçonnent en cela que les effets de la corruption de l’air, de la diversité des aliments ou de l’organisation physique elle-même. Nous qui voyons et une grosse fièvre, Luc. 4, 38 et cette femme qui, pendant dix-huit ans, avait été tenue liée par le diable, guérie par l’intervention du Seigneur, sachons que tout cela sont des coups du fouet de Ninive. Aussi suit-il : « Et le bruit du mouvement des roues ; » tandis que le genre humain est emporté çà et là et court sans direction à l’aventure, nous ignorons où est le péril et où est le salut ; c’est de cette roue qu’il est question au commencement d’Ézéchiel ; Eze. 1, 15 ; et, lisons-nous dans le Psaume soixante-seize : « Sa roue fait entendre la voix de votre tonnerre. » Psa. 76, 19. Ninive a comme un coursier chasseur dont le hennissement, le pied creusant la terre et le poitrail brûlant aspirent sans cesse à la guerre ; le Seigneur le dit du diable : « Il flaire de loin la guerre ; de ses bonds, de ses cris il ne fait point grâce aux fuyards et ne laisse point s’en aller ceux qui tournent le dos ; » mais il poursuit pour terrasser, tuer, fouler aux pieds et briser. Il y a aussi dans Ninive le bruit du char impétueux ; tels, sans doute, étaient ceux de Pharaon que le Seigneur engloutit dans les flots. À ce char sont attelés quatre chevaux, c’est-à-dire quatre passions sur lesquelles dissertent les philosophes et que Maron signale quand il dit : Ils désirent et craignent, ils s’attristent et se réjouissent… Virg. 6, Æneid.. Par ces coursiers et ce char, Ninive jette partout le trouble. En môme temps se fait entendre la voix du cavalier qui s’avance, et qui, en possession d’un art particulier, et préparé par l’exercice à la guerre, s’avance non sans péril pour quiconque combat contre lui. Ce cavalier, en effet, porte le glaive de la parole, aiguisé sur la pierre de la dialectique et assoupli par l’huile d’une rhétorique étudiée ; il a des armes resplendissantes, Satan se transfigurant en ange de lumière, et ses armes sont l’opposé des armes apostoliques. Rien d’étonnant si, dans Ninive, il y a des multitudes de blessés quand il s’y trouve des quantités de flèches. Et comme nous avons pour nous protéger et combattre les quatre boucliers des vertus, la prudence, la justice, la tempérance, la force, pareillement et par contre, il y a quatre vices, la folie, l’injustice, la luxure et la crainte, par lesquels nous sommes frappés de l’ennemi. Or, chacun d’eux porte en lui des traits en si grand nombre et d’espèces si variées, que si le remède n’est point aussitôt appliqué, grande devient la ruine, et plût au ciel qu’il y en eût autant dans Ninive de simplement et de légèrement atteints qu’il y en a, tant le mal est profond, de précipités jusque dans l’abîme. Ce n’est point la fin pour ses peuples : sa malice n’a pas de limites, et autant il y a d’espèces de péchés, autant il y a pour Ninive de peuples dont la maladie envahira les corps à cause du nombre de ses fornications. Quoique ceci puisse aussi s’entendre de ceux qui, en sacrifiant aux plus basses passions, affaiblissent leur corps et perdent avec leur âme la chair à laquelle ils se prostituent, néanmoins ces peuples dont nous venons de parler ne tombent que sur leurs corps et ne se heurtent comme l’a interprété Symmaque, qu’aux cadavres des morts dont la multitude des fornications a jonché la terre. Ici, tandis que, d’après l’hébreu, nous avons dit : « À cause du nombre des fornications de la courtisane », les Septante écrivent comme si c’était le point de départ d’une autre pensée ; ils disent : « À cause de la multitude des fornications ; » et bornant là l’idée, ils reprendraient ensuite : « Courtisane belle et gracieuse, maîtresse en maléfices. » Pour maîtresse en maléfices, Aquila et Symmaque ont traduit : Ayant des maléfices. On ne sera point étonné que Ninive soit déjà la plus séduisante des courtisanes, quand on voit un si grand nombre d’hommes se prostituer avec elle, et presque tous s’éprendre de passion pour elle, grâce à ses sortilèges et à certains enchantements. Elle a vendu les nations dans ses fornications qui ravissent les membres du Christ et en font des membres de prostituée, « et les tribus dans ses sortilèges. » Elle fait aimer ce qu’elles devaient haïr et détester ce qu’elles devaient aimer, de sorte que lorsqu’elles ont été trompées selon ce qui est écrit : « Les entretiens pervers corrompent les bonnes mœurs », 1 Co. 15, 33, elles, à leur tour, séduisent les autres par leur art pernicieux. J’ai lu dans les Saintes Écritures que les enchanteurs sont pris aussi en bonne part : « Et du magicien qui enchante sagement. » Psa. 57, 6. Oui, niais les enchantements de celui-ci tendent à ramener à la saine raison les esprits enlacés dans le fol amour de Ninive.
« Voilà que je viens à toi, dit le Seigneur des armées, et je découvrirai tes membres honteux sous tes yeux et j’exposerai ta nudité aux nations et ton ignominie aux empires, et je ferai tomber sur toi tes abominations, je te couvrirai d’infamie et te donnerai en exemple. » Nah. 3, 5-6. Les Septante : « Voici que je viens à toi, dit le Seigneur tout-puissant, et je découvrirai devant toi tes membres postérieurs, je dévoilerai ta confusion devant les nations et ton ignominie devant les royaumes ; je ferai tomber sur toi tes abominations dans la mesure de tes souillures et je te donnerai en exemple. » Parce que, ô Ninive, tu as vendu les peuples par tes fornications, et les familles par tes maléfices, et parce que tu as ouvert tes pieds à tous comme un lieu public de prostitution, c’est pour cela que je vais venir moi-même à toi pour te détruire. Je n’en verrai point un ange, et ne confierai pas ton jugement A d’autres. Je découvrirai tes nudités en ta présence, afin que ce que tu ne voyais pas auparavant soit placé devant tes yeux. Je montrerai aux peuples ta nudité, et ton ignominie aux royaumes, afin que ceux qui se sont souillés avec toi te méprisent, te raillent et te couvrent d’insultes, et tu seras en exemple à tous tes spectateurs. Tout cela est raconté sous la métaphore d’une femme adultère qui, après qu’elle a été surprise, est amenée en public et flétrie aux yeux de tous. Cette description, la parole prophétique la donne pleinement dans Ézéchiel, par allusion à Jérusalem. Avec plus de vérité et d’utilité, cela est-il dit du monde auquel est venu du ciel le vrai médecin pour l’opérer et le guérir. « Voilà que je viens à toi, dit le Seigneur tout puissant : » parce que je suis tout puissant, je puis guérir toutes les maladies, et ce qui est impossible aux autres est en mon pouvoir. Je mettrai devant ton visage tes membres postérieurs, c’est-à-dire mes vertus, mes préceptes et mes discours, que tu as jetés derrière ton dos ; quoique tu ne le mérites point, je ferai que tu voies. Je t’avais recommandé, au sujet de mes paroles, pour qu’elles fussent sans cesse devant tes yeux, qu’elles soient comme une chaîne pendante. Toi, au contraire, dédaignant mon commandement et cet ordre, tu les as laissées loin derrière toi, afin, non-seulement de ne pas t’y conformer, mais comme ne daignant pas même considérer ce que j’avais prescrit. Aussi* je ferai que tu voies et comprennes tes erreurs, que précédemment, lorsque tu étais aveuglée et emportée follement, tu prenais pour des vertus. Après quoi encore je montrerai ta nudité aux nations que tu as vendues par ta fornication, afin qu’elles ne s’éprennent plus de ton amour, mais qu’en voyant honteux et intérieurement souillé ce corps dont l’apparence trompeuse les fascinait d’abord, elles cessent de se prostituer avec toi. Aux royaumes aussi qui sont au-dessus des peuples, je montrerai ton ignominie que tu t’es donnée en t’y livrant ; et je ferai retomber sur toi l’abomination dans la mesure de tes souillures, afin que tu soies vue dans toute ton impureté, et telle que tu es, et que tu ne trompes plus tous ceux, en si grand nombre, qui en s’unissant à toi devenaient un même corps avec toi. 1 Co. 7, 4. Et je te donnerai en exemple, afin que la crainte de semblable peine détourne de l’imitation du forfait.
« Et il adviendra que quiconque t’aura vue s’éloignera de toi et dira : Ninive est détruite ; mais qui branlera sa tête sur ton malheur ? où trouverai-je un consolateur pour toi ? » Nah. 3, 7. Le mot « tête » ne se trouve point dans l’hébreu, mais nous l’avons ajouté pour que le sens paraisse plus clair. Symmaque a traduit ainsi : « Et quiconque t’aura vue s’éloignera de toi et dira : Ninive est ravagée, qui pleurera avec elle ? » Et les Septante : « Et il adviendra que quiconque t’aura vue, s’en ira loin de toi et dira : Malheureuse Ninive, qui la pleurera ? Où chercherai-je de la consolation pour elle riq qui accordera son instrument ? » Celui qui aura vu Ninive renversée, et donnée à tous en exemple, sera dans l’étonnement et la stupeur, et dira : « Ninive est ravagée, qui branlera sa tête sur toi ? » pour dire : Qui pleurera sur toi, qui pourra être ton consolateur, ô toi, qui, tant que tu as été puissante, en dominatrice cruelle, n’avais aucune pitié des vieillards, ni aucun souci des petits, tu ne t’es pas ménagé un ami pour les jours de ton deuil, quand tu ne daignas pas associer quelqu’un à ton règne. Celui qui méprise les choses terrestres et regarde d’en haut les sortilèges néfastes de Ninive, et ne se sera point laissé enlacer par sa fausse beauté, quand il aura vu au dedans d’elle toute sa turpitude, et qu’il aura commencé à haïr ce que les autres aiment, celui-là s’enfuira et se rira d’elle, ou, selon l’expression des Septante, descendra loin d’elle. Tant que nous tenons en honneur, en effet, ce qui est terrestre, et l’estimons grand, nous sommes comme sur un faîte orgueilleux, et nous admirons la beauté de Ninive. Quand, au contraire, nous avons considéré la nature et tous les biens corporels, et que nous les avons dédaignés comme inférieurs, en nous soumettant à la puissante main divine, alors nous aurons pitié de Ninive, et, estimant toutes les choses du temps dignes de pleurs, nous dirons : Malheureuse Ninive ! combien qui sont pris dans tes pièges, combien ne retiens-tu pas de captifs dans tes chaînes ? Qui, penses-tu, se retirera de toi et descendra de ton orgueil et s’estimera misérable ? C’est moins dans le sens de difficile que de rare que l’interrogation « Qui ? » doit être entendue ; ainsi, souvent, avons-nous dit : « Qui, pensez-vous, est le serviteur fidèle et prudent ? Mat. 24, 45 ; « qui est sage et comprendra cela ? » Ose. 14, 10 ; « qui montera sur la montagne du Seigneur ? » Psa. 23. Qui donc gémira sur Ninive ? Qui pourra-t-on trouver qui, sentant le poids de son enveloppe mortelle, dira avec Paul : « Malheureux ! qui me délivrera du corps de cette mort ? » Ne voyons-nous pas chaque jour celui qui est voisin de sa mort, et qui se voit enlevé de ce monde par une fièvre, une blessure ou un genre quelconque de mal, frémir et craindre, et, tremblant de tous ses membres, s’attacher aux étreintes de Ninive et être arraché avec peine des bras de cette séduisante courtisane ? Ce qui suit : « Où trouverais-je la consolation » ou « le consolateur pour toi, qui préparera son instrument ? » est dit encore de celui qui s’éloignera ou qui descendra loin de Ninive et dira : « Malheureuse Ninive, qui la pleurera ? » en parlant du milieu troublé de ce siècle où nous vivons, où rien n’est digne de plaire à jamais, mais où ce qui plaisait d’abord parvient à déplaire et de nouveau à plaire ce qui déplaisait avant. Où pourra-t-on donc trouver un pareil consolateur et, pour ainsi parler, un auteur inspiré et lyrique en état d’associer dans un même concert des instruments si discordants et d’unir ces voix en un accord harmonieux de louanges divines ? Ce que nous avons écrit : « Qui accordera son instrument » et qui se dit en grec : αρμοσαι χορδην, ne se trouve ni dans l’hébreu ni dans les autres traducteurs, mais à sa place se trouve ce commencement d’une autre pensée : « Est-ce que tu es préférable à Amon qui habite au milieu des fleuves ? » Aussi me paraît-il être mieux relié à ce qui suit.
« Est-ce que tu es préférable à Amon qui habite au milieu des fleuves, qu’entoure les eaux, dont la mer est la richesse et dont les remparts sont les flots ? L’Éthiopie était sa force avec l’Égypte, et c’était sans fin ; l’Afrique et la Lybie lui prêtaient leur secours. Elle-même pourtant a été emmenée en captivité ; ses enfants sont écrasés au milieu de toutes ses rues, ses plus illustres sont partagés au sort et ses grands seigneurs sont chargés de fers. Toi aussi tu seras donc, enivrée et couverte de mépris ; tu solliciteras du secours de ton ennemi ; toutes tes fortifications seront comme le figuier avec ses fruits : s’ils sont secoués, ils tombent dans la bouche de celui qui les mange. » Nah. 3, 8 et seqq. Les Septante : « Prépare l’instrument, portion d’Amon qui habites dans les fleuves, autour de qui sont les eaux, dont la mer est la tête, et l’onde les remparts. L’Éthiopie est sa force comme l’Égypte, et il n’est point de terme à sa fuite. Phut et la Lybie se sont faits ses auxiliaires, et pourtant elle a été emmenée en exil et captive ; on écrasera ses petits enfants à l’entrée de ses rues, on tirera au sort tout ce qu’elle a de précieux et tous ses grands seront chargés de fers ; et toi tu seras enivrée et méprisée et tu chercheras là à te soutenir par tes ennemis ; toutes tes fortifications seront comme les figuiers qui ont leurs figues ; si elles sont secouées, elles tomberont dans la bouche de celui qui les mange. » À la place de « prépare l’instrument, portion d’Ammon » qu’on lit dans les Septante et que d’autres interprètes ont traduit par : « Est-ce que tu es meilleure qu’Amon ? » l’Hébreu qui m’a initié aux Écritures m’affirma qu’il pouvait être lu ainsi : « Est-ce que tu es meilleure que No, Amon ? » En hébreu, dit-il, No signifie Alexandrie, et Amon, multitude ou peuples ; et tel est la suite du récit : Est-ce que tu es meilleure que la pompeuse Alexandrie, ou des peuples, qui habite dans les fleuves et que l’onde environne ? Non qu’en ce moment elle s’appelât Alexandrie, puisque ce ne fut que longtemps après qu’elle reçut le nom d’Alexandre-le-Grand de Macédoine, mais parce que c’est sous son premier nom, c’est-à-dire No, qu’elle fut la métropole de l’Égypte et très-populeuse. De plus, ceux qui ont transmis à la postérité les hauts faits d’Alexandre conjecturent qu’elle fut la ville principale de l’Égypte. Le prophète Jérémie aussi, comprenant Amon ou No, Alexandrie, dans sa vision contre l’Egypte, à laquelle il dit : « Égypte, belle génisse, celui qui t’aiguillonnera viendra de l’Aquilon », Jer. 47, 20, ajoute ceci plus clairement encore : « La fille de l’Egypte est couverte de confusion ; elle a été livrée aux mains du peuple de l’Aquilon, dit le Seigneur des vertus, Dieu d’Israël. Voici que je viens visiter amon Nenno, c’est-à-dire le peuple tumultueux d’Alexandrie ; » Jer. 47, 24 ; amon, comme nous l’avons dit, veut dire « peuples », men est la préposition de, et No « Alexandrie. » « Et je visiterai Pharaon et l’Égypte, et ses dieux et ses rois, et Pharaon et tous ceux qui espèrent en lui et les livrerai aux mains de ceux qui en veulent à leur vie, aux mains de Nabuchodonosor, roi de Babylone, et aux mains de ses serviteurs. » C’est pourquoi il est dit à Ninive : Est-ce que tu es plus populeuse ou plus puissante qu’Alexandrie ? Et on dépeint la position d’Alexandrie assise sur le Nil et sur la mer, entourée de tous côtés d’eaux et de fleuves : « L’eau l’environne, ses richesses sont la mer, et les flots ses remparts. » Elle a d’un côté le Nil, d’un autre le lac Maréotide et de l’autre la mer. En montrant l’Éthiopie, l’Égypte et l’Afrique, que l’hébreu désigne par Phut, et la Lybie comme ses auxiliaires, on indique la position réciproque des provinces et de la ville. Et néanmoins cette ville, dont ma parole, dit le Prophète, fait ce tableau, sera prise par le roi Babylonien, et il portera la dévastation chez toi comme chez elle. Josèphe, historien juif, le rapporte également dans ses écrits. « Ses petits enfants seront brisés sous les fers », ses nobles seront tirés au sort par les vainqueurs, et ses princes, jadis puissants, seront emmenés chargés de chaînes.
Puisque tel doit être le sort d’Alexandrie, ô Ninive, toi aussi tu boiras au même calice, tu seras enivrée et renversée dans ton ivresse, tu seras un objet de mépris, et tu en viendras à. l’extrême nécessité de solliciter le secours de tes ennemis, les Babyloniens ou contre les Babyloniens. Tes fortifications, tes remparts si élevés, et tes hautes tours, que tu estimes maintenant inexpugnables, et tes guerriers et tes vaillants hommes de guerre ressembleront aux figues hâtives qui, secouées par le plus léger choc, tomberont sous la dent dévorante.
Ce qu’on lit dans les Septante : « Prépare » ou « dispose l’instrument » est encore dit à Ninive, et en voici le sens : Ce qui est en toi sans arrangement et sans ordre, et si discordant, fais-en comme un instrument à cordes, ô Ninive, car rien ne t’adviendra de ta beauté et de ta grandeur, quoique tu te prennes en si haute estime que de te préparer aux hymnes funèbres. Regarde, en effet, combien peu tout ce qui fut l’héritage des fils d’Ammon et tout ce qu’ils croyaient avoir de biens a pu leur éviter de s’en aller en captivité, et à ses petits enfants d’être écrasés sur les routes. De quoi lui ont servi les fleuves sur lesquelles elle était assise ? et, à part les fleuves, cette multitude de puits et de fontaines commençant à la mer Morte et enfermant son territoire ? De quel secours lui ont été l’Éthiopie et l’Égypte, autrefois ses alliées ? De même donc qu’aucun appui de ses alliées ne l’a soutenue, ainsi, ô Ninive, tu ne sauras t’arrêter dans ta fuite, mais tu seras saccagée de toutes parts. Que dire des Éthiopiens et des Égyptiens, qui étaient les premiers des fils d’Ammon, quoique les Libyens lui fussent unis ? Elle sera cependant conduite en captivité, et ses petits enfants, dans l’impuissance de marcher, seront massacrés sur les routes sous les yeux de leurs parents, et toutes ses richesses seront divisées aux vainqueurs. Aucun de ses principaux habitants n’échappera, on en aura raison par le fer et les chaînes. Donc, toi aussi, ô Ninive, tu seras enivrée, et toi, autrefois riche et belle, qui comptais tant de courtisans, tu seras méprisée de tous, et poursuivie par tes ennemis, tu chercheras le repos et ne le trouveras point. Tous tes guerriers et tous tes auxiliaires seront la proie des ennemis, et ils seront capturés à Tin star des fruits du figuier qui, secoués, tombent, non à terre, pour ne point donner même la peine légère de les ramasser, mais directement dans la bouche qui va les manger. Soit dit tout ceci comme développement surabondant d’après les Septante ; car nous nous sommes proposé de suivre aussi l’édition de la Vulgate, pour ne pas paraître avoir fourni à l’hydre et à Sardanapale quelque occasion de récriminer.
Au reste, l’exemple du renversement de Ninive ne me semble pas assez concorder avec les fils de Loth, qui sont appelés « Amman. » D’abord, c’est Ammon qui est écrit et non Amman ; ensuite, Ammana qui, aujourd’hui, est appelée Philadelphie, n’est pas située près des fleuves, et la mer n’est pas la source de ses richesses ; quoique sur la Méditerranée, elle n’a point les flots pour remparts, ni pour alliés l’Éthiopie, l’Égypte, l’Afrique et la Lybie, et tout ce qui est dit d’elle, soit comme puissance, soit comme terme de comparaison, ou topographie delà contrée et du lieu, aussi bien que le nom des nations amies, convient beaucoup mieux à Alexandrie, et jamais la puissante ville de Ninive, comparée à la petite Alexandre, n’entendrait dire au Prophète : « Est-ce que tu as plus de valeur ? » Celle donc à qui il est dit : « Est-ce que tu as plus de valeur ? « est présentée comme au-dessous de celle à laquelle on la compare, et lui appartient-il de s’insurger contre le sort qui la fait captive, quand une autre plus grande, plus affermie et plus puissante encore, autant par la nature des lieux que par la valeur de ses soldats, a été vaincue par le même ennemi ?
Ninive étant, nous l’avons dit, la figure de ce monde, il lui est ordonné d’accorder sa harpe et de se préparer à un chant lugubre, puisqu’une grande partie des enfants d’Ammon, qui étaient bien meilleurs que les Ninivites et qui habitaient au-dessus des fleuves, ayant été prise en délit d’erreur, a déjà porté la peine de son crime. Et d’abord, selon l’application littérale du texte à Alexandrie, nous savons qu’Ammon veut dire « les peuples », en sorte que voici le sens d’après les lois de l’allégorie : Considérez les peuples de l’Église, qui habite sur les fleuves des prophètes, qui est entourée de docteurs du sein desquels jaillissent des fleuves, et qui a pour commencement la mer. Car, par la lecture de la loi, amère comme les eaux de Merrha, tant qu’on n’y jette point le bois de Jésus-Christ, on arrive à cette Ammon mystique dont l’Éthiopie est la force, puisqu’il est écrit que l’Éthiopie s’empressera de tendre ses mains vers Dieu, Psa. 67, 32 et qui trouve des secours dans l’Égypte, où le Seigneur vient sur une nuée légère, et chez les Lybiens devenus ses auxiliaires, après avoir habité longtemps au milieu des sables arides. Par conséquent, l’Église elle-même, si elle n’est pleine de prévoyance et ne veille sur son cœur avec un soin jaloux, sera emmenée captive et pleurera sur ses fils. Même ses petits enfants, ceux qui sont encore au commencement de leurs voies et qui n’ont pas fait la moitié de la route, seront écrasés au lieu même de leur départ. Ses ennemis impitoyables se hâteront de partager au sort entre eux tout cc qu’elle a de plus précieux, et traîneront en captivité, chargés de chaînes et accablés sous l’écrasant fardeau de leurs fers, les plus grands de son peuple, c’est-à-dire les princes et les chefs. Et vous aussi Ninive, je veux dire hommes rebelles à la foi, hommes entièrement inféodés au monde, vous sentirez le poids des châtiments et vous serez enivrée à la coupe de ma colère, puisque ceux-là mêmes y ont bu qui sont déchus par leur faute, après avoir été des miens. Je vous chargerai de mon mépris : vous chercherez le terme à vos maux au milieu des vices et des passions qui vous écraseront, et vous ne pourrez trouver ce terme ni un lieu où vous affermir ; tout ce que vous aimez, les plaisirs, la puissance, dans le temps, vos doctrines que vous regardiez comme si solides, seront dévorés par le mangeur insatiable dont Samson a dit avec un sens caché : « La nourriture est sortie de celui qui mange, et la douceur est sortie du fort. » Jug. 14, 14. Alors tout ce que vous sembliez avoir de forces, tout ce qui semblait promettre de doux fruits aux yeux des spectateurs, dès que l’arbre sera secoué, tombera dans la gueule dévorante du diable, qui avait toujours tenu Ninive en sa possession. Quant à ce trait ; « Il n’y aura pas de fin à votre fuite », que j’ai omis, parce que, s’adressant à Ninive, il est mêlé à ce qui est écrit au sujet d’Ammon, et semble, par extraordinaire, interpolé dans un passage étranger, rapportons-le à Ninive comme par hyperbate, en rétablissant ainsi l’ordre du discours : Vous serez enivrée, il n’y aura pas de fin à votre fuite, vous serez méprisée, et le reste de ce qui est dit à Ninive. La volonté de Dieu sera que Ninive ne cesse point de fuir, parce qu’il est profitable qu’elle fuie de plus en plus et qu’elle ne veuille jamais s’arrêter, conformément à ce qui a été déjà dit : « Aucun de ceux qui fuyaient ne s’est arrêté, aucun n’a regardé en arrière. » Ajoutons que si les Écritures saintes, et surtout les prophéties, qui sont pleines d’énigmes, en sorte que la profondeur du sens y est enveloppée des embarras du discours, sont hérissées de telles difficultés, c’est afin – que ce qui est saint ne soit pas à la merci des chiens, que les perles ne soient pas foulées aux pieds des pourceaux, et que le Saint des Saints ne s’ouvre pas aisément pour les profanes.
Au cas où nous voudrions entendre par Ammon les descendants de Loth, disons que Loth eut de ses deux filles deux fils, Moab et Ammon, et que le nom de l’aîné, Moab, veut dire « du père » ou « eau paternelle », et celui du plus jeune, Ammon, « fils de ma race » ou « notre peuple. » Gen. 19, 37. À mon sens, de même que celui qui était né de Juda s’entend dire à cause de son péché : « Race de Chanaan et non de Juda », Dan. 13, 56, et que, dans Ézéchiel, il est dit à Jérusalem pécheresse : « Votre racine et votre génération viennent de la terre de Chanaan, votre père est Amorrhéen et votre mère Céthéenne ; » Eze. 16, 3 ; de même tous ceux qui ont été de l’ancien peuple, c’est-à-dire d’entre les Juifs, et du nouveau, c’est-à-dire des nôtres, sont appelés Moabites et Ammonites au figuré. Ils seront frappés de tous les châtiments dont parle la prophétie, ils les endureront, parce qu’ils se sont éloignés de leur père. – Loth, en effet, veut dire éloignement. – Or, puisque la sévérité de Dieu commence par ceux qui étaient saints autrefois, et que celle qui habitait entre les fleuves sera purifiée par le feu de la géhenne, à combien plus forte raison Ninive, qui n’a pas eu la loi de Dieu et n’a pas reçu le joug des préceptes de Dieu, à cause de son orgueil, tombera-t-elle dans la gueule du dévorant !
« Votre peuple va devenir au milieu de vous comme des femmes ; les portes de votre terre seront entièrement ouvertes à vos ennemis, et le feu dévorera les barres et les verroux. Puisez de l’eau pour vous préparer au siège ; rétablissez vos remparts ; entrez dans l’argile, foulez-la aux pieds et mettez-la en œuvre pour faire des briques. Après cela, néanmoins, le feu vous consumera, l’épée vous exterminera et vous dévorera comme si vous n’étiez que des sauterelles noires. Assemblez-vous donc maintenant comme un nuage de ces insectes, et venez en foule comme les grandes sauterelles. Vous avez amassé par votre trafic plus de trésors qu’il n’y a d’étoiles dans le ciel ; c’est comme une multitude de sauterelles qui couvre la terre et s’envole ensuite. Vos gardes sont comme les sauterelles, et vos petits enfants comme les petites sauterelles, qui s’arrêtent sur les haies quand le temps est froid ; mais lorsque le soleil est levé, elles s’envolent, et on ne reconnaît plus la place où elles étaient. » Nah. 3, 13 et seqq. Les Septante : « Votre peuple va devenir en vous semblable à des femmes. Les portes de votre terre seront ouvertes toutes grandes à vos ennemis, et le feu dévorera vos verroux. Puisez de l’eau pour le temps du siège et réparez vos remparts : entrez dans l’argile, foulez-la aux pieds avec de la paille et appliquez-vous à faire de la brique. Malgré cela, le feu vous dévorera, l’épée vous détruira et vous dévorera comme si vous étiez des sauterelles. Puisque vous vous engraissez comme les sauterelles, assemblez-vous comme elles. Vous avez, par votre trafic, amassé plus de trésors qu’il n’y a d’étoiles au ciel. » C’est encore à Ninive que s’adresse la prophétie : Il n’est pas surprenant que vos braves et vos guerriers, semblables aux premières figues, tombent, dès qu’on les secoue, dans la bouche qui les dévore, puisque votre peuple est efféminé et ne saurait résister h l’attaque. Vos portes seront ouvertes et laisseront une libre entrée aux ennemis dans la ville, après que le feu aura consumé les énormes verroux qui les fermaient. Puisez donc de l’eau, afin de n’en pas manquer pendant le siège ; fortifiez les tours, et faites des briques pour réparer les brèches de vos murs, parce que le siège est imminent. Lorsque vous aurez fait tout cela, vous serez dévoré par l’épée, comme l’herbe est dévorée parla sauterelle noire. Après vous être multipliés comme les insectes et vous être tous assemblés en foule comme les sauterelles, et après que vous aurez amassé plus de trésors qu’il n’y a d’astres au ciel, vous serez dispersés et mis en fuite, semblables à des sauterelles et à cette petite espèce de sauterelles appelées attelabes qui, dès que le soleil devient chaud, s’envolent sans qu’on puisse les retrouver. Telle est, en effet, la nature des sauterelles, que, plongées dans l’engourdissement par le temps froid, elles volent de toutes parts quand la chaleur se fait sentir. L’attelabe, qu’Aquila appelle significativement « rongeur », est une petite sauterelle qui tient le milieu entre la sauterelle et le bruchus ; ses ailes étant petites, elle sautille sans cesse et rampe plutôt qu’elle ne vole. C’est pour cela que partout où elle est née, elle ronge tout jusqu’au sol, parce que, tant que ses ailes n’ont pas grandi, elle ne peut pas s’en aller. Je viens, en suivant l’Écriture pas à pas et en dégageant de ses voiles la lettre du texte hébreu, d’en rendre l’intelligence plus facile au lecteur ; je vais maintenant, sur la version des Septante, reprendre le fil du sens figuré, le montrant d’abord en peu de mots, comme dans un résumé, et donnant ensuite un développement plus large de chaque point.
Vos habitants, ô Ninive, c’est-à-dire les hommes mondains que désigne bien ce nom de peuple de la ville assyrienne, sont tellement énervés par les passions et affaiblis par les vices, qu’ils ressemblent à de lâches femmes : il n’y a dans leurs âmes rien de fort, rien d’énergique et de viril. Aussi les ennemis ont-ils prévalu contre eux : ils ont ouvert tous leurs sens, et ils sont entrés en eux par ces portes du corps. Le nom de portes de la terre de Ninive, donné aux sens corporels, est caractéristique. Même ceux qui se sont fait les esclaves des vices ont, dans l’exhortation de connaître Dieu par l’image qu’il a d’abord créée en eux, comme des battants des plus solides pour fortifier et fermer au verrou les portes des sens. Mais le feu qui vole sur les flèches enflammées consumera tout cela, jusqu’aux verroux mêmes. Voilà pourquoi il est dit à Ninive : « Puisez de l’eau pour vous », abreuvez-vous de parole et déraison, et armez – vous pour le combat des occasions de connaître Dieu et d’exercer les vertus qui ont été semées en vous. Vos mains languissantes, c’est-à-dire les"' œuvres de plaisir, ont ruiné tout ce qu’il y avait de force en vous ; changez donc de voie, faites pénitence, acquérez de nouveau les vertus qui étaient vos remparts. Puisque vous êtes entrée dans l’argile, que vous êtes close dans le corps, pétri de chairs, de sang, de veines, de nerfs et d’os (comme un mortier est fait de terre, de paille et d’eau), soutenez les attaques auxquelles le corps est nécessairement en butte : que les ennemis vous foulent aux pieds ; endurez toutes les phases de la formation de la chair, tout ce qui doit conduire aux fruits de la pénitence. Dès que vous portez le fardeau de l’argile, que vous êtes enveloppée des pailles et des vaines affaires de cette vie, vous devez volontairement accepter l’injure d’être foulée aux pieds ; mais gardez-vous de répudier tout espoir de salut ; pleine de confiance, au contraire, puisez l’eau de la parole, réduisez en servitude votre corps, façonnez en brique cette argile pour vous l’assujettir et la dominer. Que si vous ne faites cela, plus tard la flamme dévorante vous consumera, allumée ou dans la géhenne pour votre châtiment, ou dès ici-bas par les traits brûlants de l’ennemi. Et non seulement vous serez la proie du feu, mais l’épée vous anéantira comme la sauterelle dévore toute plante verte à la surface du sol. Voilà les maux qui vous attendent, si vous ne vous élevez pas au-dessus de la brique, et si, accablée sous votre propre poids et incapable de tout essor, vous êtes tout entière entraînée sur la terre, comme le hanneton tombe tout à coup sur le sol, quand ses ailes fatiguées ne peuvent le porter plus loin. Que vos vertus soient donc innombrables comme les hannetons pressés en nuage, afin que votre poids ne vous fasse point retomber sur la terre, comme y tombe le hanneton fatigué. Vous avez traversé toutes ces épreuves, parce que vous avez multiplié les richesses et le trafic des doctrines mensongères, avec la pensée qu’elles brillaient plus que les astres, qu’elles étaient plus resplendissantes que les étoiles du ciel. – Après ce rapide aperçu du contexte, qui permet d’en embrasser le sens, revenons au début, et expliquons chaque point dans la mesure de nos forces.
Peut-on nier que l’âme, belle de sa nature, quand elle n’a plus, sous l’huile de la luxure et des plaisirs mondains, que l’éclat superficiel de Ninive, a perdu sa virilité et n’est plus qu’une femme qui languit au milieu d’énervantes délices ? Puisque l’âme du juste arrive à la perfection de l’homme céleste, en conservant la fermeté de traits de l’image originelle, et devient un même esprit avec Dieu, en lui demeurant indissolublement attachée, comment ne pas admettre que Pâme qui aime le monde devient un avec lui, et que ses traits perdent enfin la fermeté de ceux de l’homme, pour ne plus avoir que la molle indécision de ceux de la femme ? C’est pour cette raison, à mon avis, que Pharaon donne l’ordre de jeter dans le fleuve tous les enfants mâles qui naîtront parmi les Hébreux et de ne réserver que les filles. Exo. 1, 16. Le roi d’Égypte, qui dit de lui-même : « Les fleuves sont à moi, et c’est moi qui les ai faits », Exo. 29, 9, ne pouvait faire un autre commandement que celui de jeter dans les eaux, dont les courants l’emporteraient dans la mer, tout ce qu’il y a de fort et de viril parmi les Hébreux, c’est-à-dire ceux qui ne font que passer à travers ce monde, et de réserver d’autre part à la vie, de laisser grandir et multiplier tout ce qui est efféminé et mou, tout ce qui paraît beau selon le monde. Il est à remarquer que le despote égyptien ne peut mettre à mort ceux des Hébreux qui ont l’âge d’homme, ni ceux qui sont déjà sortis de l’enfance ; il n’a ce pouvoir que contre ceux dont l’âge est tendre encore, le corps mou et dont la croissance est à son commencement. Il sait qu’il ne peut arriver à l’accroissement des femmes qu’à la condition de mettre à mort tous les enfants mâles, et il donne l’ordre d’étouffer dans les profondeurs de son fleuve tout ce qui naît de fort et de viril chez les Hébreux, pour que ce qui a la faiblesse féminine, demeurant seul, se développe plus librement.
Ce qui suit dans le texte : « Les portes de votre terre seront entièrement ouvertes à vos ennemis », s’explique par ce passage de Jérémie : « La mort monte par vos fenêtres ; » Jer. 9, 21 ; car les fenêtres dont parle Jérémie ne sont pas autre chose que les portes dont parle ici Nahum, c’est-à-dire les sens. La parole de Dieu, qui sait que les sens sont doubles, pour montrer qu’il faut en cela distinguer les bons des mauvais, dit dans les Proverbes : « Vous trouverez le sens divin. » Le mot sens ne signifie pas ici esprit et pensée, en grec νοῦς, mais faculté de sentir,αἰσθήσις, à laquelle se rattachent aussi les cinq sens, la vue, l’odorat, le goût, le toucher et l’ouïe. Par conséquent, par portes de la terre de Ninive, il faut entendre les sens corporels, et par portes de la Jérusalem céleste, tout sens divin et venant d’en haut. Ces portes de Ninive, les mondains les ouvrent en cherchant à se procurer, par la vue, l’ouïe et les autres sens, comme par une voie large et spacieuse qui mène à la mort, Mat. 7, 13, les voluptés corporelles, auxquelles les hommes de Dieu ferment leurs portes, se bouchant les oreilles pour ne point entendre le jugement du sang, fermant leurs yeux pour ne point voir l’iniquité, barricadant leurs narines pour que l’odeur des parfums subtils ne puisse pas arriver jusqu’à l’âme et l’efféminer, mettant à leur bouche une barrière infranchissable contre la gourmandise et les appétits du ventre, (éloignant enfin leurs mains de tout attouchement délicieux, par où la chair révoltée entraînerait l’âme à des égarements coupables ; mais ces hommes de Dieu ouvrent leurs sens, c’est-à-dire les portes de la céleste Jérusalem, pour laisser pénétrer jusqu’à eux la parole divine. Voici un exemple des portes mauvaises : « Vous me retirez des portes de la mort ; » et un exemple des portes bonnes : « Afin que je publie vos louanges aux portes de la fille de Sion. » Psa. 9, 15. Quand vous verrez un homme ami de plaisirs plus que de Dieu, et adonné à la luxure, dites aussitôt de lui : Il a ouvert à ses ennemis les portes de sa terre ; car ce n’est pas aux amis, mais aux ennemis de leur âme que les habitants de Ninive ouvrent l’entrée de leur terre. Si ce sont ceux qu’on regarde comme les princes du peuple qui agissent ainsi, n’hésitez pas à leur appliquer cette parole : Les chefs de mon peuple ont été chassés de la maison de leurs délices ; et si vous les voyez dans les liens des voluptés et de la luxure, et n’ayant ni miséricorde pour les pauvres, ni sollicitude pour le peuple de Dieu, appliquez – leur en outre ce qui suit : « Ils dorment sur des lits d’ivoire et ils emploient le temps du repos pour satisfaire leurs sens ; ils mangent les agneaux les meilleurs et des veaux choisis sur tout le troupeau ; ils boivent le vin à pleines coupes et se parfument des huiles de senteur les plus rares, et ils sont insensibles à l’affliction de Joseph. » \rq Amos. 6, 46]]. Quant à ce que Nahum ajoute au sujet des portes : « Le feu dévorera vos verrous », en voici le sens : S’il semblait y avoir quelque germe naturel de bien dans votre âme, qui, à la manière des verrous, pût repousser par sa résistance les ennemis qui tenteraient de faire irruption par les portes des sens, il a été consumé par le feu de Babylone.
« Puisez de l’eau pour vous préparer au siège », est un précepte au sujet de la parole de Dieu, qui enjoint à Ninive de s’entourer de la doctrine et de la règle des Écritures comme du rempart le plus sûr, de peur que l’ennemi ne vienne à l’envahir. « Défendez vos fortifications. » Tout ce que vous avez en vous de bon, tout ce qui conserve en vous l’empreinte première du Créateur, gardez-le avec soin pour votre défense, ô malheureuse âme ninivite, et ne souffrez pas qu’il s’efface de la tête de votre cœur. Puis le texte ajoute : « Avancez-vous dans l’argile et foulez-le aux pieds avec les pailles. » Peut-être pensera-t-on que la prophétie veut dire de l’âme plongée dans le limon du corps mêlé aux pailles de ce monde, c’est-à-dire adonné tout entière aux choses vaines et caduques, qu’elle est foulée aux pieds par les démons ; pour moi, voici, ce me semble, le langage qui lui est tenu : Soutenez les épreuves, les injures auxquelles vous êtes livrée, les peines que vous avez méritées de souffrir ; sachez que si vous vous avancez en marchant sur les vanités et les choses fragiles de ce monde, c’est pour votre guérison que vous souffrez, pourvu toutefois que vous dominiez le limon delà brique, pourvu que vous subjuguiez la chair à l’empire de l’âme. Le texte dit ensuite : « Là vous serez consumée par le feu. » Si vous n’êtes pas au-dessus de la brique, ayant la domination sur la chair, et si, demeurant dans la brique, vous aimez les pailles et vivez dans la chair selon la chair, non seulement les traits enflammés de l’ennemi vous consumeront, mais son épée vous mettra à mort et sa dent avide, semblable aux sauterelles, dévorera tout ce qui paraissait vert en vous et germant spontanément par un bienfait de la nature ; semblable vous-même au hanneton qui ne peut plus voler et que son poids appesantit, vous serez précipitée vers la terre par l’accablant fardeau des péchés. Afin donc de ne pas souffrir de si grands maux, multipliez les vertus comme le hanneton multiplie ses petits ; que le nombre de vos vertus égale celui des sauterelles rassemblées en nuage. Après avoir multiplié vos trafics et amassé des richesses périssables de tout genre par tous les moyens, comme si vous aviez été enflammée du désir de posséder les choses du ciel, vous devez égaler la multitude de vos péchés par la multitude de vos vertus. – Plus haut, sur le texte hébreu, je suis arrivé jusqu’à cet endroit : « Dès le lever du soleil, elles se sont envolées, et l’on n’a plus reconnu la place où elles étaient. » Gomme ce point semble commencer, dans les Septante, un sens particulier, je vais citer leur texte, et je poursuivrai ensuite le développement de mon interprétation. Les Septante : « Le hanneton a fait irruption et s’est envolé ; votre plèbe a bondi hors de vous comme l’attelabe, comme la sauterelle qui était montée sur une haie au temps froid : le soleil s’est levé et elle a bondi hors de vous, et elle n’a pas connu sa place. » Malheur à eux ! la multitude des Ninivites, sans direction, sans ordre et se ruant pêle-mêle de tous côtés, partout où son élan l’emporte, est comparé, ce me semble, aux hannetons, petits insectes qui pullulent à l’infini et qui semblent s’élever quelque peu au-dessus de la terre. Par attelabe, qualifié en grec de συμμίχτός et en latin de commistices, nous pouvons entendre une vile populace formée de toutes parts de gens des autres nations, c’est-à-dire d’étrangers et non de citoyens. C’est ainsi que l’Écriture raconte qu’au peuple d’Israël qui sortait d’Égypte, se mêlèrent un grand nombre de commistices, c’est-à-dire des Égyptiens, des Éthiopiens et gens d’autres nations. Ici, la population flottante de Ninive est comparée à la sauterelle, qui, ne pouvant voler au temps froid, se fixe sur une haie, et plus tard, au retour du soleil et quand ses rayons l’ont chauffée, abandonne ce lieu et, s’envolant vers d’autres régions, ne se souvient plus de la haie sur laquelle elle s’était établie. Cette paraphrase était nécessaire tout d’abord, pour qu’on pût entendre plus aisément le langage du prophète. Au reste, on ne peut hésiter à comparer aux sauterelles la multitude des hommes qui suit la voie large et vit de la vie du monde, quand on les voit, tout adonnés qu’ils sont aux œuvres de la terre, sauter de côté et d’autre au gré de leur esprit léger, sans pouvoir s’élever vers les hautes pensées. Qu’on jette les yeux sur Rome, sur Constantinople qui s’est dépouillée de son ancienne pauvreté en quittant son nom d’autre fois, sur Alexandrie capitale de l’Égypte, et quand on verra, ou à cause de la disette de vivres, ou – je rougis de honte à le dire – pour des cochers, des mimes et des histrions, s’élever une sédition, la populace se ruer comme un nuage de sauterelles, et tout entière esclave de ses passions, avec sa mobilité ordinaire, voltiger, pour ainsi dire, en tous sens au gré de sa pensée changeante, on pourra s’écrier avec vérité : « Le hanneton s’en est allô et s’est envolé avec impétuosité. » Dans ce qui suit : « L’attelabe mêlé à votre peuple a bondi hors de vous comme là sauterelle », l’attelabe me semble différer du hanneton, en ce que celui-ci est l’image de la multitude ignorante et innombrable, tandis que les attelabes sont des gens de peuples divers qui sont venus de toutes parts se mêler à elle. De même qu’il y a dans une ville, les citoyens de cette ville et des étrangers à qui il plaît d’habiter une autre ville que la leur, de même cette population flottante qui habite Ninive, ce sont ceux qui ont d’eux-mêmes l’opinion qu’ils suivent quelques enseignements de la vérité. Ils se croient ainsi meilleurs que le hanneton, en ce que toute la destinée de celui-ci l’attache à la terre, parce qu’il n’a pas d’aile, et à la servitude du ventre, dans la recherche des aliments, tandis que l’attelabe prend des ailes, petites sans doute et qui ne lui permettent pas de voler haut, mais sur lesquelles du moins il s’efforce de se soulever au-dessus de la terre ; puis enfin il parvient à l’état de sauterelle, et celle-ci prend son vol. Mais il est de courte durée, et lorsque ses faibles ailes n’ont plus de force et que le froid les a contractées, elle s’arrête à son tour, et ce n’est pas sur un arbre chargé de fruits et de vertes feuilles : elle s’arrête sur une haie hérissée d’épines et de broussailles mortes, ou sur un mur de clôture fait au hasard des pierres sèches amassées de côté et d’autre. Considérons les sages de la Grèce, de l’Égypte, de la Perse, les gymnosophistes de l’Inde, les Samaritains avec leurs différentes sectes opposées entre elles, les Juifs avec leurs Pharisiens et leurs Sadducéens, et les nombreuses hérésies de l’Église : voilà l’attelabe qui se soulève quelque peu au-dessus de la terre, et la sauterelle qui vole sans doute, mais qui ne fournit pas un plein essor, et parce qu’elle n’a point la chaleur du soleil de justice, dès que l’amour envers Dieu s’est refroidi en elle, elle tombe au milieu de la haie chargée d’épines. Toutes leurs doctrines, refroidies et incapables de tout essor, trouvent leur place et le repos entre les haies d’Aristote et de Chrysippe. De là sort cette parole sacrilège d’Eunome : Ce qui est né n’a pas existé avant de naître ; de là Manès, pour décharger Dieu de la création des maux, invente un autre auteur du mal ; de là Novatus retranche le pardon, pour ôter la pénitence. Pour tout conclure en peu de mots, voilà les sources d’où toutes leurs doctrines tirent les ruisseaux de leurs argumentations, en sorte qu’ils ont appelés topiques les lieux mêmes d’où ils prennent leurs arguments. Or, cette sauterelle maintenant arrêtée au milieu des buissons, lorsque viendra le temps du jugement et que le soleil à son lever aura réchauffé le monde, abandonnera cette demeure et les lieux où elle était rivée au temps du froid, et s’étant tournée vers des régions meilleures, elle ne se souviendra plus de la place qu’elle occupait alors. Ce que nous avons dit en général du temps du jugement, nous pouvons l’entendre comme s’accomplissant en partie tous les jours, en ce que les saints et les docteurs font lever la lumière du soleil de justice pour des sauterelles de cette sorte, et qu’abandonnant leur haie épineuse, elles entrent dans leur plein et libre essor.
« Ô roi d’Assur, vos pasteurs se sont endormis ; vos princes seront ensevelis, votre peuple a été dispersé sur les montagnes, et il n’y a personne pour le rassembler. Votre ruine est exposée aux yeux de tous, votre plaie est mortelle ; tous ceux qui ont appris vos maux ont appesanti leur main contre vous ; car qui n’a pas ressenti les effets continuels de votre malice ? » Nah. 3, 18 et seqq. Les Septante : « Vos pasteurs se sont endormis ; le roi d’Assur a endormi vos vaillants, votre peuple s’en est allé sur les montagnes, et il n’y avait personne pour le recueillir. Votre ruine est sans remède, votre plaie est tuméfiée. Tous ceux qui ont appris la nouvelle de votre chute applaudiront à vos maux ; car sur qui ne sont point tombés les effets de votre malice ? » Il n’est pas surprenant, ô roi d’Assur, qui aviez la domination dans Ninive, que vos pasteurs se soient endormis, et que soient ensevelis ou errants vos princes, les rois et les chefs de tous les peuples qui vous étaient asservis auparavant, puisque votre peuple est au milieu de votre cité semblable à de faibles femmes, que les portes de la ville ont été ouvertes à vos ennemis, et que la multitude rassemblée sur vos remparts, comme une sauterelle s’élance quand le soleil lui fait sentir sa chaleur, a déserté les fortifications dès la venue de Nabuchodonosor et a pris la fuite devant les ennemis, sans qu’on puisse retrouver la place où elle était. Vous aviez irrité Dieu, ô Assur, et parce que vous aviez porté le ravage au milieu de son peuple, et que vous aviez voulu élever votre aire jusque dans le ciel, ce qui vous avait fait donner le nom de sens orgueilleux, votre cité a été détruite, et après que tous les princes qui pouvaient résister aux adversaires ont été mis à mort, le reste de votre peuple lâche et méprisable a été dispersé dans les montagnes, où il ne se trouve aucun chef pour le rassembler et en former une nouvelle armée. Votre blessure est exposée aux yeux de tous, et votre plaie n’est pas de celles que peut guérir la main d’un médecin. Tous ceux qui apprendront que Ninive, la plus puissante des cités, est détruite, que le roi d’Assur, qui y dominait auparavant, est vaincu et blessé, qu’il gît à demi-mort et se roule dans son sang, ou seront frappés de stupeur à la nouvelle inattendue d’un si grand événement, et joindront les mains de surprise, ou, dans l’ivresse de leur joie, ils vous insulteront en applaudissant à vos maux et feront éclater leur allégresse dans de bruyants battements de mains. Nul ne saurait déplorer vos maux et donner des larmes à votre blessure, parce qu’il n’y a personne sur qui les effets de votre malice ne soient passés. L’expression « soient passés » est des plus justes : la malice du roi Assyrien ne saurait s’appesantir sans fin sur ses ennemis.
Jusqu’ici, j’ai paraphrasé le sens historique. Je dois aussi, avant d’analyser la version des Septante, qui a sur ce point un sens tout autre, m’élever quelque peu au-dessus de la lettre du texte hébreu, et montrer que la dernière prophétie de Nahum est une apostrophe au, démon, cet esprit orgueilleux, ce prince des Assyriens qui ; après avoir dit avec jactance : cc C’est par la force de mon bras que j’ai fait ces grandes choses, et c’est ma propre sagesse qui m’a éclairé ; j’ai enlevé les anciennes limites des peuples, je me suis nourri de leurs forces et j’ai ébranlé les cités pleines d’habitants », Isa. 10, 13, entend cette réponse : « 0 Lucifer, qui paraissiez si brillant au matin et qui répandiez vos feux sur toutes les nations, comment êtes-vous tombé sur la terre et avez-vous été brisé ? » Isa. 14, 12-13. Elle a été détruite, Ninive, votre ville si belle et si puissante, dans laquelle vous vous arrogiez un tel empire que vous osiez dire au Fils de Dieu lui-même : « Toutes ces choses qui m’ont été livrées, je vous les donnerai, si vous vous prosternez devant moi pour m’adorer. » Mat. 4, 9. Ils se sont endormis, vos pasteurs et les rois vos vassaux, qui, au lieu de faire paître les hommes en vue de leur salut, les nourrissaient pour vous être immolés, afin que vous « dévoriez des hosties plus grasses. Tout votre peuple et la foule des peuples qui vous adorait autrefois vous ont délaissés, vous et votre ville ; ils ont fui vers les montagnes, ils s’y sont cachés dans les retraites des apôtres et des docteurs de Jésus-Christ, et il ne s’est pas trouvé un seul de vos chefs qui ramenât à lui cette multitude qui vous appartenait autrefois. Tout l’univers a retenti de la nouvelle du coup et de la plaie qui vous ont frappé ; tous ceux que vous aviez supplantés jadis et qui avaient été vos dupes, ont insulté à votre ruine ; car il n’y a personne ou il y a bien peu d’hommes que vous n’ayez trompés parfois et sur qui ne soient passés les effets de votre malice. Il est à remarquer que ceux sur qui s’est arrêtée la malice du diable ne peuvent insulter à sa ruine et à sa blessure, étant du nombre des princes ou des sujets du roi assyrien ; ce sont ceux sur qui elle est passée qui insultent à sa chute et qui applaudissent, en quelque sorte, à sa défaite par leurs œuvres bonnes et droites. Ainsi, dans le texte hébreu, tout le sens figuré de la prophétie s’applique à la ruine du monde, et, en dernier lieu, elle prédit la défaite et la chute du diable lui-même, qui fut le prince du monde, puisque « le monde est assujetti à l’esprit malin. » 1 Jn. 5, 19.
Dans la version des Septante, la prophétie dit aux étrangers qui ont choisi le monde pour demeure, que leurs pasteurs se sont endormis et que le roi d’Assyrie lui-même les a plongés dans ce sommeil. De là vient queues Septante, décrivant l’action de l’Assyrien sur les autres, et non ce qu’il souffre lui-même, ne disent rien de la ruine et de la blessure mortelle du diable. Malheur donc à ceux qui sont dans Ninive les maîtres des doctrines perverses ! C’est à bon droit qu’il est dit : « Vos pasteurs se sont endormis ; » ils ont, en effet, livré leurs yeux au sommeil et fermé leurs paupières pour dormir, Psa. 129, 6 et c’est pour cela qu’ils n’ont pas trouvé de lieu pour le Seigneur ni de tabernacle pour le Dieu de Jacob ; qu’ils n’ont pas entendu parler d’Ephrata, c’est-à-dire de l’Église chargée de fruits, et qu’ils n’ont pu la trouver parmi les arbres stériles des forêts. Non seulement les pasteurs de ces étrangers qui habitent le monde » de ces sauterelles qui, au temps froid, résident au milieu des épines, se sont endormis, mais c’est le roi d’Assyrie qui les a plongés dans ce sommeil. Il sait, ce roi d’Assyrie, qu’il ne peut tromper les brebis qu’après avoir d’abord endormi les pasteurs. Il n’est pas un instant où le diable ne s’efforce d’endormir les âmes vigilantes. Dans la, Passion de Notre-Seigneur, il plonge les Apôtres dans un lourd assoupissement, et il faut que le Sauveur les éveille et leur dise : « Veillez et priez, afin que vous. n’entriez point en tentation. » Mrc. 14, 38 ; « ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez. » Mrc. 13, 37. C’est parce que le diable ne cesse de travailler à endormir notre vigilance, que la parole réveille ceux qu’il a trompés et qu’il a attirés dans le sommeil, comme en les berçant avec le chant doux et funeste des sirènes, et qu’elle leur crie : « Vous qui dormez, levez-vous, redressez-vous, et Jésus-Christ vous éclairera. » Eph. 5, 14. Quand donc viendra Jésus – Christ pour le dernier triomphe de la parole de Dieu et de la doctrine de l’Église, au temps de la ruine de Ninive, cette courtisane aux dehors naguère si séduisants, le peuple sur qui ses maîtres avaient fait peser un lourd sommeil s’éveillera ; il ira en toute hâte vers les montagnes des Écritures, les montagnes de l’ancien Testament, Moïse et Jésus, fils de Navé et les Prophètes, et les montagnes du nouveau Testament, les Apôtres et les Évangélistes ; et lorsqu’ayant fui vers les montagnes des Écritures, il se sera appliqué à les lire, s’il arrive qu’il ne trouve personne pour l’enseigner, « la moisson étant abondante et les ouvriers en petit nombre », Mat. 9, 37, il sera loué pour l’ardeur avec laquelle il a fui vers les montagnes, et la paresse des maîtres sera réprimandée, puisque la prophétie ajoute : « Et il n’y avait personne pour le recevoir. »
Suivons le texte : « Il n’y a pas de guérison pour votre blessure, à cause de l’enflure de la plaie. » L’étranger habitant de Ninive ne peut être guéri, parce qu’il ne dépose pas son orgueil, que sa blessure se renouvelle chaque jour sous les coups répétés du démon. Après cela, il ne peut y avoir de remède à son mal : bien qu’il se paraisse à lui-même guéri, son âme n’en est pas moins brisée et broyée sous les coups du marteau de toute la terre, et elle ne peut être guérie, parce qu’elle se redresse toujours dans son orgueil. Mais qu’elle s’humilie, qu’elle se soumette à Jésus-Christ, Dieu ne méprisera point ce cœur contrit et humilié, puisqu’un esprit brisé de douleur est le sacrifice digne de lui. Psa. 50, 19. La prophétie dit enfin : « Tous ceux qui ont appris votre affliction ont battu des mains â vos maux ; car qui est celui contre qui n’a pas fait irruption votre constante malice ? » Quand les supplices, ô étranger, qui habitez dans Ninive, fondront sur vous, tous ceux qui apprendront cette nouvelle, dans un concert unanime de battements de mains et de voix, et par le bruit, pour ainsi dire, et l’accord de leurs œuvres, insulteront à votre ruine et s’en réjouiront, parce qu’ils sont bien rares, s’il y en a, ceux contre qui votre malice n’a pas fait irruption sans cesse, ou n’est pas survenue à l’improviste. La ville de Ninive ayant pour pasteurs et pour gardes les étrangers, et toute fausse doctrine, toute présomption mensongère de science venant d’un mélange étranger, il est à craindre qu’il n’y ait personne contre qui la malice de l’étranger ne vienne. Remarquons bien que le texte ne dit pas : « En qui votre malice ne soit pas entrée, ô étranger ; » il a dit : « Contre lequel elle ne soit survenue. » Souvent les traits des fausses doctrines fondent sur nous à l’improviste et s’efforcent, pour ainsi dire, d’entrer dans le secret de l’âme ; mais si nous fermons les portes, l’étranger survenant et faisant irruption autant qu’il le peut, multiplie en vain ses assauts : dès qu’avec l’aide de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous ne commettons pas la moindre négligence dans la garde de notre cœur, l’étranger se rue contre nous, mais il ne peut entrer.