Journal (Eugène Delacroix)/23 février 1847

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 271-272).

23 février. — Travaillé aux Comédiens arabes[1]. Préault[2] est venu.

Chez Alberthe, le soir ; petite réunion. Je l’ai revue avec grand plaisir, cette chère amie ; elle était rajeunie dans sa toilette et a été infatigable toute la soirée ; sa fille aussi était très bien, elle danse avec grâce, surtout l’insipide polka. Vu M. de Lyonne et M. de la Baume. Cet homme ne vieillit pas.

Mareste[3] nous cite la lettre de Sophie Arnould au ministre Lucien : « Citoyen Ministre, j’ai allumé beaucoup de feux dans ma vie, je n’ai pas un fagot à mettre dans le mien ; le fait est que je meurs de faim. » Signé : « Une vieille actrice qui n’est pas de votre temps. »

« Mlle de Châteauvieux,… Mlle de Châteauneuf… Qu’est-ce, lui disait-on, que toutes ces demoiselles-là ? » Elle répondit : « Autant de châteaux branlants ! »

Au plus fort de la Terreur, Mlle Clairon[4] était retirée à Saint-Germain, et dans le dernier besoin. Un soir, on heurte violemment à sa porte ; elle ouvre après quelques hésitations ; un homme vêtu en charbonnier se présente : c’était son camarade Larive, qui dépose un sac contenant du riz ou de la farine et s’en va sans mot dire.

  1. Salon de 1848. Appartient au Musée de Tours. (Voir Catalogue Robaut, no 1044.)
  2. Auguste Préault, statuaire, élève de David d’Angers.
  3. Le baron de Mareste, ami de jeunesse de Stendhal, et plus tard de Mérimée. C’était un homme aimable, très répandu dans les salons.
  4. Claire-Hippolyte-Josèphe Legris de la Tude, dite Mlle Clairon, célèbre tragédienne, née en 1723, morte en 1803.