Joyeusetés galantes et autres/Texte entier

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Joyeusetés galantes et autres (1866)
Joyeusetés galantes et autresA l’Enseigne du Beau Triorchis (Mlle Doucé) (p. 5-204).

SONNET PRÉFACE

Le poète excellent dont nous t’offrons les carmes,
En son vivant, lecteur, fut un des bons raillards
Qu’en ce pays gaulois, où naissent les paillards,
On ait vu toujours prêt, pine en main, sous les armes.

La motte ténébreuse avait pour lui des charmes ;
Il buvait et foutait, méprisait les vieillards,
Et, comme deux grelots pleins de joyeux vacarmes,
Brimballaient à son cul ses deux roustons gaillards.

Il est mort ! mais ses vers que l’âge futur guette,
Feront vivre, en dépit des rois qui passeront,
L’illustre nom du bon seigneur de la Braguette.

Bénévole bourgeois, ramène sur ton front
Tes cheveux dispersés, et t’en voile la face :
Ce livre est impur, mais… que veux-tu que j’y fasse ?



JOYEUSETÉS GALANTES
ET AUTRES













I

VERE NOVO

En mai, le mois où l’on bande,
Les Désirs sortent par bande
Et vont battre les buissons ;
La plaintive Philomèle
Sait des horreurs, et les mêle
À ses plus tendres chansons.

La grotte s’ouvre et se ferme
Comme un con buveur de sperme ;
Les crapauds sur le chemin
Tirent quelques coups moroses ;
On voit courir dans les roses
Les Amours, la pine en main !

La vierge, dans le mystère
De sa chambre solitaire,
Caresse un godemichet ;
Le collégien imberbe
Trouve une mine superbe
À son vit qu’il éméchait ;

Et les pines centenaires,
Pareilles aux vieux tonnerres
Éventés depuis longtemps,
Crachent un reste foutre
Lentement formé dans l’outre
Des testicules flottants !


II

LES PETITES FILLES

Deux à deux, la main dans la main, petites,
Pleines de tapage et de cris, mêlant
La rose pourprée et les clématites
Sur leur joue où danse un rayon tremblant,

J’aime à voir passer les petites filles
Allant à l’école avec leur panier

Qui, de leur bras nu, pend sur leurs guenilles,
Essaim babillard frais et printanier !

Leur joue est malpropre, et des mèches folles
De cheveux épars tombent dans leurs yeux ;
Leurs bonnets déjà font des cabrioles
Qui charment le cœur sensible des vieux.

Je vous suis avec amour, ô gamines !
Mon nœud, que vos doigts vont tenir,
Frissonne devant vos petites mines,
Ô cons enfantins qu’ouvre l’avenir !

Toutes baiseront ! Ô saisons prochaines
Hâtez-vous ! gonflez ces frêles bourgeons,
Pour faire oublier les gorges malsaines
Aux plis effrontés, où nous pataugeons…


III

POUR UNE ACTEUSE[1]

Comme des condottieri,
Sous vos cils où la nuit joue,
Vos yeux nous guettent, Thierry
Illuminant votre joue.


Ils rayonnent, vos yeux noirs,
Ainsi que ces pierres sombres
Où le soleil des beaux soirs
Se marie avec les ombres.

Quel enfer, quel paradis,
Quel gouffre, quelle fournaise,
Quel brasier aux feux hardis
Exhala leur fauve braise ?

Sans doute un dieu déchaîna,
Pour former leurs chaudes laves,
Les Titans qui dans l’Etna
Depuis mille ans sont esclaves.

Votre visage a ces tons
Mats aux lueurs accusées,
Devant lesquels nous restons
Une heure dans les musées.

Tout en vous, blancheur de dents,
Rire d’enfant qui se moque,
Crinière aux flots abondants,
Nous séduit et nous provoque.


Pour créer ces charmes forts
Que vous faites apparaître,
Satan pétrit votre corps
De piment et de salpêtre.

Les rêves que l’Orient
Sous l’opium nous dérobe,
Nous appellent en riant
Dans les plis de votre robe ;

Et quand pour dompter nos cœurs,
L’enfant Amour se hasarde
Avec ses archers vainqueurs,
Il vous met à l’avant-garde !


IV

AU BORDEL[2]

I



Un soir noir de tristesse et d’ennui, je heurtai
À la porte d’un bouge horrible, ouvrant sa gueule
Sur une impasse. Là trônait, baroque aïeule,
Une duègne au profil drôlement contracté.


J’entrai vite, et mon choix fut bientôt arrêté,
Je saisis une fille atroce, à la chair veule,
Que je vis à l’écart, inerte, bâillant, seule,
Inspectant le plafond d’un regard hébété.

Oh ! la terrible nuit d’amour que nous passâmes !
Ironiques baisers, pleins de honte, où nos âmes
Frissonnaient de dégoût, où se levaient nos cœurs !

Mais je préfère encor cette drôlesse immonde
À celle que j’aimais d’une amour si profonde,
Et qui me séduisait par ses fausses langueurs.

II



Ô fille ! sur ta chair infâme, j’humilie
Mon cœur encore trahi, cet éternel benêt
À qui deux morts n’ont pu suffire, et qui renaît
Pour la douleur, pour la démence et la folie.

J’userai tout le fard de ta lèvre pâlie,
Je pétrirai tes seins montrueux, si ce n’est

Pour être heureux, du moins, ô femelle avilie,
Pour savoir ce que dans les bourbiers on connaît !

Et je me griserai de tous les parfums sales
Qui poissent tes cheveux aux ondes colossales,
Dérobant les hideux stigmates de ton dos ;

Et je veux exprimer dans un baiser suprême,
Baiser de bête fauve ou grince le blasphème,
Ce que mon âme encor renferme de sanglots !

III



Ce que je veux, c’est la débauche crapuleuse
Hurlant au fond d’un bouge où ricane Satan,
Où sur tous les objets une vapeur s’étend,
Sinistre, noire, horrible, informe et nébuleuse.

Là, mon âme oubliant sa candeur bienheureuse,
Rira du rire affreux qu’en enfer on entend.
Pour guérir ma blessure étrange et douloureuse
J’appelle à mon secours les vendeurs d’orviétan.


C’est une femme aussi, la catin répugnante
Dont je bois sans remords la salive stagnante ;
C’est une femme aussi, comme toi, comme toi !

Être pervers et faux, profil d’ange, âme lâche
Qui tortures mon être ulcéré sans relâche,
Ô femme à qui j’avais donné toute ma foi !


V

POUR UNE DÉVOTE

I



Que vous êtes belle à l’église,
Près des piliers massifs et lourds,
Sainte Thérèse et Cidalise
Sur votre carreau de velours !

Je vous admire, les mains jointes,
Baissant vos cils longs et tremblants,

Vos brodequins laissant leurs pointes
Déborder les soyeux volants,

Avec vos poses extatiques
De nonne et de chatte à la fois,
Lorsque sous les voûtes mystiques
L’orgue fait entendre sa voix.

Quand montait l’odeur du cinname
Au ciel, entre chaque verset,
Bien souvent, j’ai pensé, madame,
Que c’était vous qu’on encensait.

II



À vos pieds, ma tendre dévote,
Mon cœur, fier de s’humilier,
Danse doucement la gavotte :
Je veux baiser votre soulier !

Par le désir et la promesse
Vos yeux divins sont embellis

Si j’étais le livre de messe
Que feuillettent vos doigts de lis ?

Si j’étais, dans l’ombre incertaine,
Le reliquaire bienheureux ?
Si j’étais encore la patène
Où meurt votre souffle amoureux ?

III



Grâce pour ces choses mondaines
Que je vous murmure tout bas :
Il est de galantes fredaines
Dont les cieux ne se fâchent pas.

Oui, nous pouvons, même à l’église,
Mon beau vase d’élection,
Unir, sans qu’on s’en scandalise,
L’amour à la dévotion.

Mon cœur dans votre cœur se noye,
Je vous adore avec ferveur ;

Nos baisers frissonnants de joie
N’offenseront pas le Sauveur.

Sa charité même nous tente :
Il est bon à tout être aimant ;
Pour Madeleine repentante
Il n’eut qu’un sourire charmant.

L’ami de Marthe et de Marie,
L’agneau sans colère et sans fiel,
Est indulgent lorsqu’on le prie
Sur vos fines lèvres de miel.

S’il trouve que notre caprice
Un peu trop loin s’émancipa,
Vous désarmerez sa justice
Par un mignon Meâ culpâ,

Et répandrez, toute contrite,
Vos pleurs tendres et précieux,
Que sa main sèchera bien vite,
Pour ne pas voir rougir vos yeux.


VI

LA BRANLEUSE

Je suis celle qui branle ! Au détour des sentiers
Où raccrochent les bras aigus des églantiers,
Dans les bois amoureux de Meudon et de Sèvres,
Quand la pine et le cœur vont demander aux lèvres
Les baisers, fils du ciel, qui charment nos ennuis,
Moi, j’attends les michés au passage. Je suis

Petite, j’ai douze ans, et mes doigts sont alertes.
Je suis celle qui branle ! Entre les plus expertes
De celles dont les doigts vont, des couilles au gland,
Se promener d’un pas rapide ou nonchalant,
On me cite, et les dieux m’ont donné les mains douces
Par qui le temps n’est plus de ces rudes secousses[3]
Qui mettaient tant de fiel dans l’âme de Ponsard !
Comme des papillons, mes doigts vont au hasard
Des vits enamourés que le soleil relève,
Ô mystères ! l’un est recourbé comme un glaive ;
L’autre est droit ; un troisième est gros et rond. Autour
De plus d’un, j’ai pu voir toute une basse-cour
De morpions grouiller, qui, bêtes innocentes,
Bombaient leur dos velu sous mes mains caressantes.
Je suis celle qui branle ! Et cependant, parfois,
Quand je vois, comme au temps où la sève des bois
Monte et bouillonne et perle à la pointe des branches,
Jaillir des nœuds pressés le foutre en larmes blanches,
Je songe que l’un d’eux, marqué du sceau fatal,
Pénétrera demain dans mon con virginal !


VII

AU VIEUX QUE J’AI FAIT COCU

Oui, vieux con ! je l’ai baisée,
La pouffiasse arrosée
De ton sperme crapuleux,
Et qui laisse sur sa motte
Traîner ton nœud de marmotte,
Couvert de poils nébuleux.


J’ai, dans son vagin exsangue
Fourré mon nez et ma langue :
Je l’ai branlée, et j’ai mis
Ma pine chaude et robuste
Au fond d’un cul de Procuste,
Qui ne te fut point permis !

Sur l’une et l’autre mamelle
De cette jeune chamelle.
Comme le tambour Legrand[4]
J’ai souvent battu la charge,
Et mon vit à tête large
Prit sa bouche en conquérant.

Au retour des cons où j’erre,
J’ai mis, pour ta ménagère,
Dans les poils de la putain,
Des morpions par centaines,
Vengeurs aux minces antennes,
Que tu cueillais au matin.

Où ta pine dérisoire,
Antique et lâche accessoire

De couilles qui sonnent creux,
Tirait un coup ridicule,
La mienne, fille d’Hercule,
Plantait, d’un bond vigoureux !

Oui, vieux paillard ! vieille taupe !
Oui, j’ai rouscaillé ta gaupe
Dans les draps que tu payais,
Et tu me voyais, jeanfoutre !
La branler et passer outre,
Sous tes regards inquiets !

Je la baisais, non pour elle,
Ce gibier de maquerelle
N’avait rien qui me tentât,
Mais c’était pour que tu fusses,
Ô front garni de prépuces,
Cocu, selon ton état !


VIII

VERS D’ALBUM

Je veux vous adorer ainsi qu’une déesse,
Et, quand le ciel mettra son manteau brun du soir,
J’élèverai vers vous, ô blonde enchanteresse !
Ma pine, comme un encensoir !

Et je ferai sortir en blanchissante écume,
Le foutre parfumé de ce rude flacon,

Et je transvaserai cette liqueur qui fume,
Dans le vase de votre con ;

Votre con, si barbu qu’un sapeur de la Garde,
En voyant sa toison, est devenu jaloux,
Ô madame ! j’en veux faire le corps de garde
Où campe mon vit en courroux !

J’y veux fourrer mon nez, j’y veux plonger ma langue,
Et noyé dans cette ombre, alors, j’irai cherchant
Tous les mots inconnus de la molle harangue
Que l’on fait en gamahuchant !


HERMANCE

I



Comme une ode éclatante,
Ta gaîté crépitante
Active les frissons
De nos chansons,


Belle fille de joie,
Dont la jupe de soie
Sert à nous montrer nus
Tes reins charnus !

Ta mamelle robuste
Se dresse sur le buste,
Teignant ses bouts rosés
Dans nos baisers.

Oh ! laisse que j’y tette,
Lorsque ta belle tête
Se renverse, les vins
Les plus divins !

D’innombrables morsures
N’ont pas mis de blessures
Sur tes contours polis
Et non mollis ;

Car cette gorge dure
Comme le marbre, endure
Tout ce qui peut flétrir,
Sans s’attendrir.


Et pourtant, sous ma bouche,
Parfois elle se couche,
Avec les plus charmants
Frémissements ;

Puis, orgueilleuse et fière
Comme la Montgolfière
Que le gaz agrandit,
Elle bondit !

Tes cheveux où rayonne
L’or qui nous passionne,
Frisent en petits nœuds
Bien lumineux ;

Ton épaule sans tache,
Comme un faon à l’attache,
Fait sauter sous nos mains
Tous ses jasmins.

Malgré le tatouage
Tracé dans un autre âge,
Tes deux bras vigoureux
Font des heureux ;


Sous tes âcres aisselles
De fauves étincelles
Font plus roux le gazon
De la toison ;

Et le torse sublime
Que plus rien ne comprime,
À jeté le corset
Qui le blessait !

II



Ô jeune Pandémie !
La luxure endormie
Se réveille en dressant
Son bras puissant.

Sur ta lèvre écarlate
Avec ivresse éclate
La superbe splendeur
De l’impudeur !


Bien ! ardente faunesse,
Tu veux que l’on connaisse
Les triomphants accords
De ton beau corps ;

Et ta forme lascive,
Largement expansive,
Comme le soleil roux
Brille pour tous !

La beauté devenue
Rare, doit être nue
Et réjouir nos yeux
Dévotieux,

Ainsi qu’un magnifique
Fleuve au cours pacifique,
Menant par les roseaux
Ses calmes eaux,

Dans lequel toute lèvre
Peut rafraîchir sa fièvre,
Et qui toujours remplit
Son vaste lit !


Vois cette promenade
Qui, sous la colonnade
De ses arbres, le soir,
A vu s’asseoir

Des vagabonds sans nombre,
Et qui prête son ombre
À des gens par milliers,
Vite oubliés :

D’autres viendront encore
Sous son toit que décore
Un verdoyant lampas
Perdre leurs pas ;

Mais la discrète allée
Est toujours étoilée
De fleurs d’or se mouvant
Au gré du vent.

Le ruisseau dont la foule
A troublé l’eau qui coule
Prestement tout auprès,
Est-il moins frais ?

III



Je t’aime, quand pâmée
Sur ta couche alarmée,
Tu raidis tes bras blancs,
D’amour tremblants

Quand ta jupe frivole
On ne sait où s’envole,
Délivrant tes contours
De vains atours ;

Quand ta cuisse céleste,
Dans sa nudité reste
Avec le bas moiré
Et bien tiré.

Nulle ride ne plisse
Ton ventre dur et lisse
Où l’ombre se revêt
D’un frais duvet.


Ô ménade ! ô bacchante !
Ô nymphe provocante,
Chef-d’œuvre de Paros,
Fait pour Eros !

Fille et mère de joie,
Dont le rire flamboie
En épouvantant ceux
Qui, paresseux,

N’osent comprendre encore
Ce feu qui te dévore,
Et qui te fait chercher,
Pour les coucher,

Brisés par les ivresses
De tes âpres caresses,
Les amants dont le Beau
Est le flambeau,

Et dont l’âme sereine
Ne veut pas qu’on se traîne
Près d’une idole au cœur
Froid et moqueur !

IV



Laissons aux gens timides,
Dont nos blanches Armides
Raillent l’abord glacé
Et compassé,

L’épouse du notaire,
Livrant, dans le mystère
Du réduit conjugal,
L’humble régal

D’une gorge invisible,
Au petit clerc paisible,
Qui l’aimera demain,
Le code en main ;

La romanesque vierge
Maigre comme le cierge
Qui fume au carrefour,
Et dont l’amour


Discret et platonique
A peur que sa tunique
Ne vienne à se laisser
Par trop froisser !

V



Mais adorable Hermance,
Dont la sage démence
S’en va, les yeux ardents,
Le rire aux dents,

Tu vivras dans les odes
De nos jeunes rhapsodes,
Sur ta couche cent fois
Tombés sans voix,

Terrible, haletante,
La crinière flottante,
Le front hautain et clair,
Les seins en l’air !


Furieuse, embrasée,
Et roulant écrasée
bans tes cheveux épars
De toutes parts !

Avec un cri farouche,
Appelant sur ta bouche
Les infinis baisers
Inapaisés,

Et dans ta libre allure,
Trempant la chevelure
Qui t’empourpre le dos,
Dans le bordeaux,

Dans le pâle champagne,
Dans les vins où se gagne
Le désir radieux
Qui fait les dieux !

VI



Ô louve inassouvie,
Passe, folle et ravie,
Niant dans ton ardeur
Toute pudeur !

Ô sauvage prêtresse,
Idéale maîtresse
Des rouges et fumants
Emportements,

La Grèce, ta patrie,
Avec idolâtrie
Eût sur le Parthénon
Gravé ton nom ;

Et quand, las de la prose,
Mon poème qu’arrose
Un feu pareil à l’or
Liquide encor,


En secouant ses rimes,
Voudra des cris sublimes,
Il te demandera,
T’appellera !

Tu viendras, belle et nue,
Dans ta pose inconnue
À ceux qui n’osent pas
Suivre tes pas,

Dans ma strophe éblouie,
La lèvre épanouie,
Avec cet air mourant
Qui rend plus grand.


(Patte-de-Chat, mai 1860.)

SOUS BOIS

Ô bon faune ! couché dans les fourrés épais,
Tu savoures, les yeux demi-fermés, la paix
Qui tombe du soleil sur la cime des chênes.
Les lianes, pendant comme de vertes chaînes
À tous les bas rameaux, emplissent la forêt
Où court un jour voilé, langoureux et discret.

Tu songes, barbouillé de mûres, et sommeilles
Sous le vol circulaire et pesant des abeilles.
Mais tout à coup, muet, courbé sous le taillis,
Tu laisses échapper tous les beaux fruits cueillis ;
Tu frémis, et tes yeux, dans ta face cornue
S’allument… C’est qu’au fond de la verte avenue,
Naïs aux yeux charmants, chère à Diane encor,
Svelte et laissant flotter ses vives tresses d’or,
Paraît, de son pied nu caressant les pervenches…
Et ton rire lubrique éclate sous les branches.


XI

LE NAGEUR

Je veux, sur ta chair opulente,
Masse de blancheur,
M’étaler, ainsi qu’un nageur
Sur la mer tremblante ;

Car ton ventre, tes seins élus
Par mon désir vague,

M’apparaissent comme la vague
À l’heure du flux.

Cela monte, descend et monte,
Et puis redescend,
Ainsi que le flot rugissant
Et que rien ne dompte !

Couché sur ton corps, ton amant
Peut croire qu’il plonge,
Pêcher le corail et l’éponge,
Tout en s’endormant.

Pour l’entretenir dans ce rêve,
Tes seins tourmentés
Ont l’odeur et les âcretés
D’une ardente grève ;

Ce parfum rude et singulier,
Et qu’aussi recèle
Ta fauve et broussailleuse aisselle,
Ne peut s’oublier.

Il me prend à la gorge, et grise
Comme du poison,

Et chancelante, ma raison
Y reste surprise.

Va, que ton corps tempétueux
Saute et se courrouce !
Sa fureur me semblera douce,
Et, fermant les yeux,

Je m’étendrai, pour que tu puisses
M’engloutir au fond
De l’abîme humide et profond
De tes fortes cuisses.

Je sens couler tes pleurs ardents
Sur mon front qui fume,
Ta salive en suave écume
Arrive à mes dents.

Nageur éperdu, je m’élance
Au bruit des sanglots
Dont tu laisses couler les flots
Avec violence.

Mais le souffle, ô cher océan
D’éternelle ivresse,

Me fait défaut sous ta caresse
Pleine d’ouragan.

Ah ! cherche s’il n’est point un havre,
Un trou de rocher,
Une plage pour y coucher
Ce pauvre cadavre,

Ce triste canot souffleté
Par la froide houle,
Ce gauche navire qui roule,
Lourd et démâté !


XII

LE COUP TIRÉ

Un honnête homme était réprimandé,
Pour ce qu’après avoir mis sa mouillette
Dans le coquetier mal gardé
De je ne sais quelle fillette
Troussant volontiers ses jupons,
Il avait dévoré ses fils, comme Saturne,

Et mis sa lèvre aux bords chauds de cette urne
D’où l’amour lance ses harpons.
« Pardon, fit un témoin de cette simple histoire.
La minette est chose, en ce cas,
Logique et qui ne froisse pas :
Quand le coup est tiré, monsieur, il faut le boire ! »


XIII

LA NORMANDE

I



Elle est belle, vraiment, la Normande robuste,
Avec son large col implanté grassement,
Avec ses seins, orgueil et gloire de son buste,
Que fait mouvoir sans cesse un lourd balancement.


Elle est belle, la fille aux épaules solides,
Belle comme la Force aveugle et sans effroi !
Il faut pour l’adorer longtemps des cœurs valides.
À l’épreuve du chaud, de la pluie et du froid.

Les phtisiques amants de nos lâches poupées
Reculeraient devant ce corps rude et puissant,
Dont les mains, aux travaux de la terre occupées,
Montrent au lieu de lis l’âpre rougeur du sang.

Au détour d’un sentier alors qu’elle débouche
Ainsi qu’une génisse errant en liberté,
On croit voir la Cérés indomptable et farouche
Du gras pays normand, si riche de santé.

Regardez-la marcher parmi les hautes herbes.
La fille aux mouvements sauvages et nerveux,
Pendant que sur son front les grands épis des gerbes,
Poussiéreux et serrés, hérissent ses cheveux.

C’est auprès de Bayeux que je l’ai rencontrée,
Dans un chemin couvert, bordé par des pommiers,
Où, la blaude flottante et la jambe guêtrée,
Le nez à l’air rougi, passaient deux gros fermiers.


Elle venait, frappant le sol sec et sonore
D’un mouvement brutal avec ses lourds sabots,
Montrant sa peau hâlée, et pourtant blanche encore,
À travers ses habits composés de lambeaux.

Les branches encadraient sa beauté vigoureuse,
Et celle qui faisait alors ma passion,
Se pendit à mon bras, frissonnante et peureuse,
Comme un chat, à l’aspect terrible d’un lion.

Dis-moi donc, oh ! pourquoi ne t’ai-je pas connue
À l’heure où mes désirs bouillonnaient ? Oh ! pourquoi
N’avoir pas dirigé, fille à la jambe nue,
Tes regards cavaliers et pénétrants vers moi ?

Dans tes baisers brûlants j’aurais puisé la force,
Dans ton solide amour mon cœur se fût trempé,
Car le sang frais qui court sous ta vivace écorce
Est bien rouge et n’est pas d’eau saumâtre coupé.

Jamais je n’aurais su par quels secrets atroces
La race aux yeux câlins peut s’emparer de nous,
Mais, louve au sein gonflé de tendresses féroces,
Je me serais couché sans peur à tes genoux !


Tel je rêvais, devant la masse glorieuse,
À des bonheurs perdus, à des amours nouveaux,
Pendant qu’elle passait, menant, insoucieuse,
Vers le marché voisin des bœufs et des chevaux.

II



Je la revis, c’était jour de foire au village,
Mais en toilette alors, et jetant de grands cris,
Plantée avec ardeur devant un étalage
Où brillait, avant tout, l’article de Paris.

Comme elle me parut gauche et mal à son aise
Dans ses voyants habits des fêtes. Un bonnet
Écrasait de ses plis sa figure niaise,
Où le rire hébété de la brute planait.

Avec son fichu rouge et ses pendants d’oreilles,
Sa taille qu’entourait un ruban de satin,
Avec ses grosses mains à la brique pareilles,
Ah ! quelle répugnante et risible catin !


Alors, vers ta figure étincelante et rose,
Démon capricieux, mon souci le plus cher,
Vers ton sein où ma tête amoureuse repose,
Je tournai doucement mes yeux ivres de chair.

Plus épris mille fois de ta grâce perverse,
Encor mieux fasciné par l’étrange langueur
De ton calme regard que jamais ne traverse
Le moindre éclair jailli des ombres de ton cœur !


XIV

ENTR’ACTE

Ô blonde ! cependant que vous éclaboussiez
Les bourgeoises, avec l’éclat de votre grâce,
Jeune, et pourtant au bras du plus vieux des huissiers
Moisis dans une étude où suinte la crasse ;

Pendant que vos cheveux secouaient ces aciers
Vivants, dont le reflet excitant embarrasse

Le regard curieux des fous extasiés
Qui, malgré votre époux, devinent votre race,

Saviez-vous qu’à l’écart, seul et vous contemplant,
Admirant votre bras superbe et nonchalant,
Qui posait sur le bord fané de votre loge,

Un poète lyrique aux ardeurs d’étalon,
Ivre, et ne sachant mieux formuler votre éloge,
Silencieusement mouillait son pantalon ?


XV

L’IDIOTE

I



Enfant à la démarche lente
Et pleine de sérénité,
Je t’aime, ô grasse nonchalante !
Je t’aime, idiote beauté !


Tes yeux, foyers dont rien n’attise
La tranquille et froide lueur,
Calmes reflets de ta bêtise,
Me ravissent par leur douceur.

Ta chevelure épaisse et rousse
Écrase ton front, et ton nez
Quand tu respires se retrousse,
Avec des airs tout étonnés.

Ta gorge lourdement vacille
Sur ta poitrine à tous moments ;
Pourtant une grâce imbécile
Me charme dans tes mouvements.

Tu m’enivres et tu m’enchantes ;
Je crois entendre, à ton côté,
Mille promesses alléchantes
De plaisir et de volupté.

Sur ta lèvre quand je savoure
Le miel pâteux de tes baisers,
Lorsque ton bras énorme entoure
Mes membres à demi brisés,


Je suis heureux, et quand bien même
Celle qu’on adore à seize ans
Me viendrait dire qu’elle m’aime,
Je la chasserais, je le sens !

Car nulle, nulle ivresse au monde,
Jaillissant des vins les plus vieux,
Ne donne l’ivresse profonde
Qui coule pour moi de tes yeux.

C’est une ivresse bien étrange
Et dont je demeure interdit,
C’est un vin rempli de mélange,
Qui me soûle et qui m’engourdit.

Robuste et large créature,
Malade, j’aime ta santé,
Et mon esprit qui se torture
Se plaît dans ta stupidité.

II



Couche-toi donc, belle machine
Au corps superbe et triomphant,
Courbe devant moi ton échine,
De même qu’un jeune éléphant.

La haine dans mon cœur s’amasse,
Unie à l’amour, quand je vois
Dandiner au soleil ta masse
Sans éclair, sans rayon, sans voix.

Je sens qu’une bête sauvage
Est à mes pieds, que je soumets.
Prête à bondir, ivre de rage,
Si je tournais le front jamais.

Voilà pourquoi, ma tendre amie,
Mes yeux sont entés dans les tiens,
Pourquoi, dans ma main affermie,
Cette baguette que je tiens.


Comme une panthère domptée,
Alors, le regard abattu,
Sous le doigt qui te tient matée.
Tu viens me dire : Que veux-tu ?

À ma lèvre qui se dessèche,
Donne ta lèvre. J’aime tant
Cette bonne odeur de chair fraîche
Qui sort de ton corps éclatant.

Ta force, jointe à la mollesse,
Compose un assaisonnement
Vif et bizarre, qui me laisse
Au cœur comme un goût de piment.

Plus d’inspirations perfides,
Plus d’absurdes rêves d’amour,
Devant tes épaules solides
Qui luisent si bien au grand jour !

Belle fille, ô noble litière,
Brute qui frissonnes d’effroi,
Orgueil de la grande Matière,
Quand m’anéantirai-je en toi ?


XVI

SUR LE PALIER

Puisque votre œil noir assassin,
Lorsque vous passez me fascine,
Permettez que j’entre, voisine,
Quitte à frapper chez le voisin.


XVII

LA COMPARAISON INEXACTE

Petitessarts, poète encore imberbe,
Qui s’en allait par veaux, à tout hasard,
Fier, promenant sa candide superbe
Loin des regards doctorals de Nisard,
Rasait, un jour, un pauvre camarade,
En lui lisant un poème insensé,

Où le bon sens par tous les vents poussé,
Comme un canot qui court loin de la rade,
Roulait sans fin, de babord à tribord.
« Vierge, dit-il, aux beaux seins d’amarante… »
— « Ah ! nom de Dieu ! fit l’ami, c’est trop fort !
Et l’hyperbole est vraiment écœurante !
L’amarante est une couleur sombre. Où
L’as-tu pu voir jusqu’au rose descendre ?
Cher ébéniste aux tétons d’acajou,
Sois donc complet, et si tu n’es pas fou,
Réclame vite un cul en palissandre ! »


XVIII

MAQUILLAGE

I



J’éprouve à suivre, ma petite,
Tes mouvements capricieux,
Un âcre plaisir qui m’irrite
Et me fait t’aimer encor mieux.


Rien n’est vrai dans ton gaspillage
De fins parfums et de couleurs,
Et tu voles au maquillage
Tes charmes les plus querelleurs.

Bien que je devine ta ruse,
Je ne t’en veux pas : sur ton front,
Malgré la couche de céruse,
Mes baisers nombreux descendront.

La pommade et les aromates
Te donnent l’éclat du métal,
Et ces pâleurs vives et mates
À l’effet charmant et brutal.

C’est par la poudre que, plus rousse,
Ta crinière épand ses parfums,
Et c’est le pinceau qui retrousse
Tes sourcils bizarres et bruns.

Dans une pâte rose tendre,
J’ai vu, sur ton visage aimé,
Tes carmins provocants s’étendre
Suivant leur ordre accoutumé.


Une légère tache d’ombre
Autour de tes yeux vient bleuir,
Afin que ta prunelle sombre
Puisse mieux briller et s’enfuir.

Pas un endroit qui par le plâtre
Sur ta face ne soit atteint,
Et tes lèvres que j’idolâtre,
C’est le vinaigre qui les teint.

Je t’aime ainsi, c’est mon idée,
Pour ta beauté faite de soins ;
Si je te voyais moins fardée,
Sans doute tu me plairais moins.

Qu’importe qu’elle soit factice,
Pourvu que, bien harmonieux,
Son assemblage retentisse,
Chant et lumière pour les yeux ?

Elle est pareille à nos ivresses,
Cette beauté qui trompe et ment,
À nos artistiques caresses
Qui dérobent un bâillement.

II



Ah ! lorsque nous sommes ensemble
À la recherche du plaisir,
À cette heure où la bouche tremble
Et s’empourpre aux feux du désir ;

Lorsque nous mettons à sa place,
Pour mieux nous abuser encor,
Notre caprice qui se glace,
Ainsi qu’on installe un décor ;

Les amants dont l’insouciance
Court par les chemins non frayés,
Devant notre froide science,
S’arrêteraient, tout effrayés.

Notre prudente mise en scène
Épouvanterait ces enfants,
Dont la lèvre amoureuse et saine
A des baisers si triomphants.


Ah ! c’est qu’ils comprennent la vie
D’une autre manière que nous.
N’en rions pas. Je les envie
Souvent en baisant tes genoux.

Ô mon indolente poupée !
N’en rions pas, car bien des fois
Ma pauvre âme s’est échappée
De mon corps pour les suivre au bois ;

Pour les voir effeuiller des roses
Sur leurs fronts confiants et frais,
Pour entendre ces folles choses
Que nous ne nous dirons jamais !

Puis, honteux de mon impuissance,
Près de toi je suis revenu
Demander à la jouissance
Ce qu’elle a de plus inconnu ;

Et, dans les parfums où se noie
Ton beau corps ivre de langueur,
Chercher le faux semblant de joie
Que je ne veux pas de ton cœur !


XIX

LAMENTO

Puisqu’aujourd’hui c’est un autre
Qui se vautre
Sur ton corps, ô Rosita !
Puisqu’à présent un autre entre
Dans cet antre
Où ma pine s’abrita.


Bon voyage ! va, ma fille !
On s’habille
De gaze dans les boxons,
Et, mieux que mille paroles,
Les véroles
Donnent de rudes leçons.

Te voilà, mon ingénue,
Revenue
À cet épicier ancien
Qui, chaque matin, te lave
De sa bave…
Dis-moi, — te baise-t-il bien ?

Fait-il, ce bourgeois honnête,
Bien minette,
Et le sauras-tu garder ?
A-t-il dans sa vieille queue,
Noire et bleue,
Assez de nerf pour bander ?

Que ce doit être cocasse
Quand il casse
Sa canne, à côté de toi.

Et qu’un vieil asthme soulève,
Dans un rêve,
Sa poitrine en désarroi !

Non ! c’est vraiment une honte,
Ce Géronte !
Il est bête comme un pot ;
Je comprends mal que tu puisses,
Dans tes cuisses,
Le recevoir en dépôt.

Quand sur toi, qui fus ma reine,
Il se traîne,
Ce doit être dégoûtant ;
Telle sur soi la limace
Se ramasse,
Qui chemine en se frottant.

Comme par le froid saisies,
Deux vessies
Qu’une épingle dégonfla,
Noires comme la peau d’âne,
Que l’on tanne
En battant des ra fla fla,


Telles ses couilles putrides,
Dont les rides
Disent qu’elles ont vécu,
Quand il tend son ventre obèse,
Et le baise,
Doivent souffleter son cu.

Sa pine est flasque et mollasse,
Froide, et lasse
La patience des doigts ;
Quand tu tiens cette aubergine,
J’imagine
Le plaisir que tu lui dois.

Non ! pour notre amour passée,
Éclipsée,
Tu me verrais moins honteux,
Si je te savais un homme
Jeune et comme
N’est pas ce birbe piteux.

Fi ! cette moustache grise
Qui se grise
De cosmétique à dix sous !

Ce pleutre âgé, ce jean-fesse
Qui s’affaisse
Dans le troisième dessous !…

Ô Rosita ! fais-toi foutre,
D’outre en outre,
Par tous ceux que tu voudras !
Va, raccroche, sois en carte,
Mais écarte
Ce vieux qui pue en tes draps !

Oui ! va-t-en avec les bringues
Des bastringues
Montrer ton cul au galop ;
Va sucer les passants mornes
Sur les bornes,
Mais plus de ce vieux salop !

Sa place est au cimetière,
Tout entière
Dans son linceul qu’il découd :
C’est une chose qui navre
Qu’un cadavre
Veuille encore tirer son coup !


XX

SUR HIPPOLYTE LUCAS[5]

Lucas est un con ! Cette image
Est gracieuse et me ravit,

Mais elle est fausse, et c’est dommage :
Son nez a la forme d’un vit !



XXI

PORTRAITS-CARTES
AU DOUX ÉTIENNE CARJAT

Pourquoi, Seigneur, pourquoi, chez tant de photographes
Ignorés ou connus,
Tant de femmes par leurs corsages veufs d’agrafes,
Exhibant leurs seins nus ?

Pourquoi, tant de Claras, de Flores, de Finettes
Usurpant toutes les

Places dans les albums des familles honnêtes,
Et montrant leurs mollets ?

L’une, à califourchon sur une chaise, étale
Sa cuisse mi-coton,
Et les collégiens continuant Tantale,
Achètent ce carton ;

Puis victimes, à l’heure où brillent les étoiles,
D’affreux satyriasis,
Cherchent à soulever entre leurs draps les voiles
Mystérieux d’Isis.

Ah ! tout cela, Seigneur, dénote une bien grande
Absence de pudeur !
N’est-il pas temps qu’un dieu chaste à la fin nous rende
L’Éden et sa candeur !

Car seul, Havin, parmi cette foule indécente
De portraits insensés,
Pose pour la vertu timide et rougissante…
Et ce n’est pas assez !


XXII

INVITATION À LA MINETTE
À MADEMOISELLE IDA, RUE DES ARCADES-COLBERT

I

Ton con suave, ton con rose,
Sous une forêt de poils blonds,
Doux, frisés, parfumés et longs,
A l’air d’une lèvre mi-close,


Lèvre excitant les appétits
De ma lèvre très curieuse,
D’où tant de baisers sont partis ;

Une langue mystérieuse
Sort de ce con, et vient chercher
La mienne, pour gamahucher.

II



Car, ma chère, les imbéciles
Auront beau dire ; quand on a,
Sur la fille qu’on enconna,
Fait sonner ses couilles dociles,

À moins d’être un bourgeois épais
Dont la nuque indécente arbore
Un de ces fameux toupets

Aux crins roses comme l’Aurore,
Il faut quand le champ se va clore,
Déposer le baiser de paix.


XXIII

BULOZ

Pendant que dans ma chambre où vous êtes admise
En reine, vous laissez tomber votre chemise,
Et que, vos bas ôtés,
Sur la chaise, à côté du lit, indiquent l’heure
Adorable où, crevant d’amour, la pine pleure
Les pleurs des voluptés,


Vous me voyez souvent sombre et pensif, madame ;
Vos yeux, en vain, sont pleins de cette ardente flamme
Qui dévorait Lesbos,
Ma pensée est ailleurs, et, tourmenté d’un rêve
Absurde, devant moi qui vous aime, se lève
Le spectre de Buloz !

Je crois que ce vieillard qui demeure en la rue
Saint-Benoit, et qui porte, ainsi qu’une verrue,
Son recueil odieux,
N’a pas une belle âme, et, c’est fort triste à dire,
Ferme sa porte au nez de ceux qui, sur la lyre,
Célèbrent les grands dieux.

Nos plus belles chansons, madame, celles même
Où j’ai déifié votre grâce suprême
En des vers pleins de feu,
Le laissent froid. Jamais il ne rend de services
Aux poètes qui n’ont pas d’argent ; et nos vices
Ne le touchent que peu.

Seul, pourtant au milieu de cette presse impie,
Il pourrait noblement payer notre copie,
Mais il ne le fait pas ;

Il reste seul dans sa bizarre solitude,
Et ne conçoit jamais la moindre inquiétude
De nos quatre repas !

Et cela me rend triste, et jette un seau d’eau froide
Sur ma pine, naguère impérieuse et roide
Mais dressant à moitié
Votre corps dans les draps dont la chaleur lui pèse,
Vous m’appelez : alors, j’arrive, et je vous baise…
Buloz est oublié !


XXIV

LE REVENANT

Journaux veufs, vos désirs là-haut sont exaucés !
Dieu, qui tient dans sa main les rédacteurs passés,
Rend parfois, pour qu’un autre abonné lui sourie,
Le même Limayrac à la même Patrie.

Le journal dont je vais vous parler possédait
Guéroult pour directeur. Devant lui tout cédait.

Je le connus ami du père Delamarre,
Et ses bureaux touchaient à ceux du Tintamarre.
il avait tous les gens dont le ciel fait cadeau
À ses élus : Mornand, Sauvestre, Azevedo ;
Il eut About.

Ce fut une ineffable joie !
Ce jeune rédacteur chercha longtemps sa voie.
La Grèce l’allaitait. Il avait fait un four
Au Théâtre Français. Il s’égayait autour
De Taine ; mais Guéroult adorait ses chroniques
Et trouvait tous ses mots, à la Voltaire, uniques !
Pauvre Adolphe ! souvent, les besicles à l’œil,
Il s’allongeait, heureux, dans un large fauteuil,
Les pieds enveloppés en des pantoufles neuves,
Son bureau surchargé d’une masse d’épreuves,
Et souriait au gros About, et l’appelait
Montaigne, Siraudin, Pascal, comme il voulait !
Oh ! comme il savourait sa prose opiacée !
About riait, charmant, et, du rez-de-chaussée,
Joyeux, prenait son vol jusqu’au premier-Paris.

Dans la presse il poussait de jolis petits cris ;
Il eut six feuilletons ; il fit jouer Risette ;

On le laissait courir dans la maison Hachette,
Et Guéroult lui disait : « Edmond ! » et reprenait :
« Voyez comme il est fort, mon About ! Il connaît
Ses auteurs. On ne peut jamais le faire taire.
Bon jeune homme ! Il voudrait que je lusse Voltaire ! »
Et publiciste heureux, que nous admirions tous,
Il donnait des romans aux journaux à deux sous !

Un jour, nous avons tous de ces choses fâcheuses !
Une feuille, grincheuse entre les plus grincheuses,
Le journal de Legendre, attaqua cet About,
Et l’exemple, aussitôt, fut imité partout.
Diogène, Gaulois, tout s’en mêla ; nouvelles
À la main, faits divers, hélas ! quelles cervelles
Résisteraient au bruit qui se faisait alors ?

About qui n’était pas dans le camp des plus forts,
Se retira.

Le vieux Guéroult, sombre et farouche,
Resta seul. Aucun mot ne tombait de sa bouche,
Un numéro faillit se trouver en retard.
En vain on lui donna Deschamps et Villetard ;
Rien ne put arrêter la source lacrymale

De ses yeux. Il disait à l’École Normale :
« Rends-le moi ! »

Quelqu’un dit : « Pour consoler son cœur,
Mettons, au lieu d’About, un autre chroniqueur. »

Le Temps survint. Soudain un nouveau bon jeune homme
Parut, continuant Biéville. Mais comme
Il s’avançait, Guéroult s’écria vite non : « Non !
Je ne veux même pas qu’on me dise son nom !
Mais, tout à coup, pendant que pareil à la borne,
Immobile, il songeait, pâle, pensif et morne,
Moins au Sarcey présent qu’à l’About disparu,
Et demeurait plongé dans son chagrin accru.
Ô doux miracle ! ô feuille au bonheur revenue !
Guéroult, en relisant une prose connue,
Entendit le Sarcey qui lui disait tout bas :
« Tu regrettes About ! C’est moi ; ne le dis pas ! »


XXV

ENVOI D’UN LIVRE

Ami, voici des vers qui manquent de génie,
Et leur plus grand mérite est d’être sans raison :
La Muse délaissée, en ces jours d’atonie,
Ne court plus dans les champs et garde la maison.

Ou bien elle s’en va, lamentable et honnie,
Dans la rue où l’on voit briller à l’horizon

L’enseigne, qu’en ses nuits de fièvre et d’insomnie,
A conçue un tailleur de gilets sur façon.

Et cependant malgré l’abus du maquillage,
Et ses haillons vénals, cent fois mis au pillage,
Tu la reconnaîtras à ses regards de feu,

Aux lis encor vivants qui tremblent sur sa joue,
Et puis à son mépris pour l’endroit où l’on joue
La Grâce du Mouton avec le Pied de Dieu !


XXVI

BALLADE POUR SIDONIE

Juin nous revient. Bientôt nous allons voir,
Par les grands bois tumultueux de sève,
L’Amour joyeux s’accoupler à l’Espoir :
Voici qu’au bois s’en vont les filles d’Ève.
Leurs yeux divins ont le brillant du glaive,
De beaux cheveux leur front est couronné,

Et leur fichu, savamment ordonné,
Recouvre un sein de forme définie,
Par qui tout cœur est émerillonné :
Amis, je dois adorer Sidonie !

Quel cœur pourrait ne se pas émouvoir
Quand Sidonie auprès de nous soulève
Les cils frangés de son œil, clair miroir,
Et que sa voix, vibrante et pure, achève
Le chant d’amour commencé dans un rêve ?
Mon cher désir, près d’elle acoquiné,
À tous les vents dans un vol effréné,
Court raconter la superbe harmonie
De son corps fier par les roses orné.
Amis, je dois adorer Sidonie !

Que son beau sein me soit un reposoir,
J’y veux dormir dans un sommeil sans trêve,
Que le matin conduira jusqu’au soir.
L’enfant Éros qui m’a pris pour élève
Me dit : « Jouis, ami ! la vie est brève ! »
Oh ! quel plaisir, encor non soupçonné
De voir son bras au mien abandonné,
Quand vient la nuit et sa paix infinie…

Per amica silentia lunæ,
Amis, je dois adorer Sidonie !

ENVOI



Reine d’amour, dont le nez mutiné,
Rose et mignon, rit au ciel étonné,
Voici qu’hélas, ma chanson est finie.
J’attends le sou qu’on ne m’a pas donné :
Amis, je dois adorer Sidonie !


XXVII

PASSANT À RENNES

Bretagne, sol sacré des chênes, ô patrie
De ces fiers paysans, entêtés chevelus,
Qui pensent, en mourant, voir leur âme inflétrie
Tranquillement monter vers le ciel des élus ;

Armorique au grand cœur, terre d’idolâtrie,
Dont le sombre Océan ronge les noirs talus.

Mère abondante et forte, ô mamelle pétrie
Par la bouche de tous nos appétits goulus ;

Je t’ai vue, et j’ai vu tes églises chrétiennes
Exhaler lentement leurs paisibles antiennes
Dont les échos, depuis Viviane incertains,

Répètent vaguement les notes étouffées…
Maintenant, ô pays des Follets et des Fées,
Bretagne, fais-moi voir le cul de tes putains !


XXVIII

SCHOLL

Quand Mirecourt sentit venir sa fin prochaine,
Tournant ses yeux mourants, pleins d’une sombre haine
Vers le clan des écrivassiers,
Il s’écria : « Je vais casser ma pipe ! Était-ce
La peine d’amasser tant d’amère tristesse
Et de déchaîner tant d’huissiers !


« Mon œuvre ne sera pas achevée, ô rage !
Biographe anhélant, sans force et sans courage,
Je descends dans le noir oubli !
Qui me continuera ? Béranger au passage,
Pour le glorifier a su prendre, homme sage,
Le virginal Boiteau d’Ambly !

« Mais moi, je vais crever comme un chien, sans un homme
De ma trempe, — en pouvant recevoir, — que l’on nomme
Mirecourt, deuxième du nom !
Quoi ! cela sera-t-il, et le destin contraire
Tuera-t-il ce métier de mouchard littéraire,
Que j’ai créé ? Non ! cent fois non !

« Non ! car tel qu’une fleur, émergeant de la toile
D’un faux-col anglais, Scholl, blond aux pâleurs d’étoile
Surgit, délicat maquignon ;
Mon âme errante aura sa nouvelle enveloppe
Sous les frusques de ce publiciste interlope,
Vérolé comme un champignon.

« Sot ! n’avoir pas songé plus tôt à ce bellâtre
Qui pose sur son œil vairon, comme un emplâtre,

Un indescriptible lorgnon,
Et, même dans ses jours de tendresse expansive,
A l’air d’un chat qu’on a trempé dans la lessive,
Et marche maussade et grognon !

« Musqué comme une grue aux courses de Vincennes,
Il rappelle, par ses exhalaisons malsaines,
L’officine d’un parfumeur !
Commerson rougirait de ses mots, et sa prose,
Lorsque dans un journal quelconque on la dépose,
Produit l’effet d’une tumeur !

« Je me souviens encor du four que fit Denise,
Ce poème bourgeois, où Musset fraternise
Avec tous les Ponsards connus,
Et de quel air hautain, la Muse, à ce jeune homme
Dit : Tu peux t’en aller, ô Scholl, fils de Prudhomme !
Tes pairs, chez moi, sont mal venus !

« C’est alors que, jaloux, plein de misanthropie,
Il lâcha son venin impur dans sa copie
Offerte à cent recueils divers,
Et c’est depuis ce temps, tu peux le dire, ô Doche !

Que son dos où, parfois, l’or du soleil s’accroche,
Brille nacré de reflets verts[6] ! „

Ayant dit, Mirecourt s’éteignit. Son disciple,
Cuirassé d’un aplomb remarquable et multiple,
Le Scholl aux regards effarés,
Le remplace partout, même en simple police,
Et, pantin qui s’exhibe et sort de la coulisse,
Danse au milieu des Gens tarés !


XXIX

LE COUP DU VIEUX.

Plus tard, vieux rossignol sans gosier, vieux poète,
Noyé dans un habit d’académicien,
J’irai, lugubre à voir, triste et hochant la tête,
Rabâchant vaguement quelque propos ancien.

En ce temps-là, j’aurai, sur bien des tombes closes,
Prononcé de pompeux discours très applaudis,

Et je rebuterai, par mes dehors moroses,
Les poètes nouveaux, jeunes cons étourdis !

Je crierai : « Foutez-moi la paix avec vos odes !
À mon âge, on relit les livres déjà lus,
Puis, mon corps n’est pas fait à vos nouvelles modes ;
Soyez chastes surtout, car je ne bande plus ! »

Quelquefois, par les soirs d’été, quand la caresse
De la brise fera tressaillir les grands bois,
La Muse, caressant son bouton qui se dresse,
Viendra me dire : « Ami, que devient donc ta voix ?

« chante encor, comme au temps de nos vertes années !
Le monde attend de toi de nouvelles chansons.
Vois ! les voûtes du ciel brillent, illuminées,
Et la rose a frémi d’amour sous les buissons ! »

Et je lui répondrai : « Mamie, au clair de lune,
On se peut enrhumer facilement. Le soir
Était déjà malsain quand ma tête était brune,
Puis, en plein air, d’ailleurs, on n’aurait qu’à nous voir ! »

« Attendons à demain, soupirera la Muse ;
Le clair soleil de juin, joyeux et réveillant

Les oiseaux sous la masse animée et confuse
Des branches, planera dans l’espace brillant. »

« Je ne pourrai chanter demain non plus, mamie ;
Le soleil est mauvais pour mon front découvert,
Il échauffe par trop ma cervelle endormie,
Et blesse l’œil, malgré mon vieil abat-jour vert. »

« Hélas ! » fera la Muse, et de ses mains ridées,
Elle essuiera les pleurs qui mouilleront ses yeux ;
Alors, réunissant quelques pauvres idées,
Je lui dirai : « Voyons ! Pourtant, je suis bien vieux ! »

Ô spectacle touchant ! sur la lyre faussée,
Haletants, et penchant tous deux nos fronts jaunis,
Nous recommencerons, sans crainte, la risée,
La chanson de Monsieur et madame Denis.

Et toi, public, troupeau bêlant que rien n’arrête,
À qui la jeune Muse, en vain, ouvre les bras,
Comme je ne serai plus qu’une vieille bête,
Tu seras à genoux et tu m’applaudiras !


XXX

WOLFF

Quand, sur le boulevard, ce bas-bleu germanique,
Passe, avec l’éclat d’un souci,
Léonide Leblanc s’écrie : « Oh ! c’est unique
Que l’on puisse être fait ainsi ! »

Comme un citron qu’on jette en lavant la vaisselle,
Sa joue a de jaunes pâleurs,

Et sa voix rend le ton criard d’une crécelle
Ayant éprouvé des malheurs.

Sur sa lèvre un sourire essayant d’être acerbe,
Passe niaisement rêveur ;
Une gougnotte, en ce tambour-major imberbe,
Seule trouve quelque saveur.

Ses épaules, ainsi que deux arches montantes,
Vont roulant d’aval en amont ;
Son dos bombé se perd dans les vapeurs flottantes
Qui couvrent les buttes Chaumont !

Même étant laid, on est plus joli que cet homme
De lettres, toujours mal lavé,
Dont l’ingrate figure est flasque et molle comme
La chair d’un vieux poulpe crevé.

Dans l’espoir de trouver un angle en cette perche,
Koning, qui le suit pas à pas,
L’examinant des pieds jusqu’à la tête, cherche
Sa queue, et ne la trouve pas !

Car Wolff a cela de commun avec les anges :
Son sexe passe incognito,

Jamais on ne l’a vu dans ces bornes étranges
Que nous devons à Rambuteau.

Et cet être envieux, méchant et plein de rage,
Que tout rayon semble aveugler,
Sans force, sans esprit, sans gaîté, sans courage,
Ne peut même pas se branler !


XXXI

ÉPIGRAMME
SUR UNE JEUNE FILLE DU CAFÉ RACINE.

Sans être de Caen, Annette
Sait vider une canette ;
Bourguignonne, et non de Caen,
Elle danse le cancan.
On la foutrait sur parole,
N’était qu’elle a la vérole !


XXXII

SONNET

Louise, vous avez l’âge,
L’âge divin et clément
Où l’on perd son pucelage
Dans les bras d’un jeune amant.

Quelle fille du village
Nous pourrait, en ce moment,

Montrer le frais attelage
De ton sein rose et charmant ?

Trousse tes jupes, ma fille,
Ouvre ton cul à l’amour ;
Tu vois bien que je godille…

Tes doigts d’aurore et de jour,
Encore imbibés de sperme,
Valent-ils ma pine ferme ?


XXXIII

POTHEY

Lasse d’errer sur les sommets vertigineux,
En qui, de loin, notre œil croit découvrir les nœuds
Colossaux des Titans échoués dans les nues,
Lasse des chants sacrés et des psaumes divins,
Parfois la Muse, folle et prise entre deux vins,
Tape sur ses fesses charnues.


« Lamartine m’embête à l’égal de Ponsard !
Il m’assomme, et je veux encourir le hasard
D’un amour plus vulgaire et plus drôle », fait-elle.
Alors, vers la chambre où Pothey, doux et rêveur,
Burine, elle descend, et dit : « Simple graveur,
Veux-tu baiser une immortelle ? »

« Moi, je veux bien, répond avec simplicité
Le mortel chevelu chez Dinochau cité,
Retrousse-toi, ma vieille, et les jeunes minettes
Chères aux clitoris parisiens, naîtront…
Mais avant de poser tes baisers sur mon front,
Permets que j’ôte mes lunettes. »

Pothey n’est pas joli, mais il est si cochon !
Il dit avec tant d’âme et de cœur : « Mon bichon ! »
Aux drôlesses qu’on voit rôder aux brasseries ;
Mais ses discours, toujours composés avec soin.
Éclipsent si bien ceux que lâche Glais-Bizoin,
Sous l’éclat de leurs broderies ;

Mais ses cheveux crépus, tellement insensés
Que sur un cul de brune on les croirait poussés,
Le dérobent si bien sous leur noire broussaille,

Que la Muse peut fort, Messaline des cieux,
Sentir, en contemplant ce graveur vicieux,
Son con céleste qui tressaille !

C’est pour cela qu’on voit parfois, chez Dinochau,
Pothey, l’œil vif et clair comme un feu de réchaud ;
De là vient sa beauté, de là vient qu’on s’explique
Comment ce Franc-Comtois, blanc et rose de peau,
Arbore au boulevard, à son petit chapeau,
Un brin du laurier symbolique !


XXXIV

LA NUIT DE MAI

LA MUSE

Poète ! viens à moi. Sous mes voiles sacrés,
Les spasmes dévolus aux femmes hystériques
Dressent les roses bouts de mes tétons nacrés !
C’est l’instant de donner l’essor aux chants lyriques.
Fifre ou guitare, prends ton luth, et viens ! mes bras
Et mes cuisses d’argent, où souvent tu sombras,

S’ouvrent pour t’absorber. Ô poète, je t’aime !
Je veux passer la main dans les rares cheveux
Qui restent sur ton front pur, que Siraudin même
Ne désavouerait pas. Ô mon amant ! je veux
Une nuit, folle, ardente, et qui rende jalouse
L’ombre de Cléopatre, ou Madame Collet !
Morpions d’or semés dans la verte pelouse,
Vois-tu les vers luisants ? Plus blanche que du lait,
Ma gorge aux blancs rayons de la lune étincelle,
Et mes yeux sont brillants, et tu sais que j’excelle
En ces combats divins d’où le poète sort
Superbe, radieux et vainqueur de la mort !

LE POÈTE

Ô Muse ! idéale amoureuse,
Va-t’en ! Je ne donne plus dans
Ces ponts vieillis et ces godans !
Ô Muse ! assez de viande creuse
Est venue agacer mes dents !

Assez de gorges symboliques !
Je ne veux plus m’égarer sur
Un con fait de vague et d’azur !

Des filles, même aussi publiques
Que tu le voudras, c’est plus sûr !

Et puis, aussi bien ! je m’ennuie :
La grue, aux yeux couleur de jais,
Dans laquelle je me plongeais,
Depuis ce matin est enfuie,
Et m’a laissé d’autres sujets

De tracas et de rêverie
Que le soin d’arranger des vers.
Je me sens la tête à l’envers,
Muse, et ma cervelle charrie
Un tas d’embêtements divers !

LA MUSE

Oublie auprès de moi cette grue infidèle !
Viens ! nous remonterons aux cieux, d’un grand coup d’aile !
Méprise cette fille indigne de l’amour
D’un cœur que j’ai choisi pour y verser ma flamme ;
Tourne tes yeux ardents vers la clarté du jour ;
Les astres et les bois, les prés, tout nous réclame !
Et si, cœur affolé de tendresse, tu veux
Murmurer à quelqu’un les suaves aveux

Qui volent, plus légers et doux qu’une caresse
De la brise, aux beaux jours du printemps, fais-les-moi !
Car je dois être et suis ton unique maîtresse.
Arrière cette fille ! et chasse loin de toi
Le dernier souvenir qui te peut rester d’elle.
Qu’elle s’appelle Agathe, Arsène ou bien Adèle,
Puisqu’elle est à présent disparue à jamais,
Il faut ne plus savoir comment tu la nommais !

LE POÈTE

Son nom, je m’en fous ! Ce que je regrette,
C’est les coups tirés avec elle, c’est
Ma pine dressée ainsi qu’une aigrette,
Lorsque devant moi, blanche, elle passait ;

Ce sont les baisers bandants de sa bouche,
Sa langue furtive et prompte, accrochant
La mienne au passage, et, d’un bond farouche,
Érectant mon cœur qu’elle allait cherchant ;

Ce sont ses grands yeux noyés, fous d’ivresse,
Si noirs sous les cils, et dont le regard,
Parcourant mon corps comme une caresse,
Faisait délirer mon chibre hagard !

Des femmes, parfois, telles qu’une plaine,
Montrent leur poitrine où de froids boutons
Poussent désolés : j’avais la main pleine
Quand je patinais ses fermes tétons.

Elle ne savait guère l’orthographe,
Et lisait les vers comme un pur cochon ;
Mais quand j’enlevais sa dernière agrafe,
On eût de ses poils pu faire un manchon !

Mais grue au possible, elle avait, ô Muse !
Pour mon faible cœur, point essentiel !
Elle avait ce que chacun te refuse :
Un cul sérieux, solide et réel !

LA MUSE

Laisse-là ces amours d’un jour. Pour le poète
Il n’est qu’une amoureuse aimée et toujours prête :
C’est la Muse ! Le reste est vain ; reviens à moi.
Viens ! Pégase effaré se cabre, blanc d’effroi,
Et nous emportera vers la cime où Laprade
Cause avec le nuage ailé, son camarade.
Dans mes chastes baisers tu te retremperas.

LE POÈTE

Chastes sont, en effet, tes baisers ; mais tes bras,
Ô Muse ! rentrent trop dans cet ordre de choses
Qui sont pour les mortels autant de lettres closes.
Si je bande, je veux déesse, que ce soit
Pour un être qu’on puisse avoir au bout du doigt.

Ces masturbations d’une espèce nouvelle,
Muse, ne me vont plus.
Je jouis par la queue et non par la cervelle,
Comme aux jours révolus.

Ton con, je sais, hélas ! comment on le fabrique :
C’est avec les cinq doigts,
Et j’ai pris pour ton corps un traversin lubrique.
La nuit, plus d’une fois.

Aime à plein cœur ceux dont la verge clandestine
N’a rien d’un étalon ;
Va branler ce projet de nœud que Lamartine
Cache en son pantalon ;

Pour moi, je veux baiser les filles que l’on baise
Très effectivement,
Car ma pine raidit, fougueuse et pleine d’aise,
Auprès d’un con fumant !

Toi, si tu veux aimer d’un amour platonique,
À l’abri des hasards,
Va secouer les plis de ta blanche tunique
Près de Petitessarts !

C’est un jeune homme sage ; il ne baise qu’en rêve ;
C’est un Malek-Adel ;
Va le voir ! Moi je sens ma culotte qui crève…
Et je vais au bordel !


XXXV

ACADÉMIE

Placide et confiant, son bel œil de génisse
Se promène au hasard, étonné par le jour,
Sans craindre que jamais rien au monde ternisse
Son nonchalant azur où luit un vague amour.

Oh ! si tu la voyais, mon ami ! quelle grâce
Dans ce corps ébloui de joie et de santé,

Dans le doux mouvement de son épaule grasse,
Dont la chair ferme ondule avec tranquillité.

Sa gorge, à temps égaux, soulève son corsage,
En ses bonds à la fois réguliers et puissants,
Et sa lèvre, point rose au milieu du visage,
Livre, sans les compter, ses baisers nourrissants.

Autour d’elle on croirait voir flotter une brume,
Tant son être divin dégage de parfums,
Et, comme dans la nuit un rouge éclair s’allume,
Elle agite du feu dans ses lourds cheveux bruns.

Hier, je la regardais couchée et demi-nue ;
Son torse large et rond s’étalait, et son bras
Soutenait fièrement cette masse charnue
Qui plongeait de son poids énorme dans les draps ;

Ses hanches débordaient la jambe repliée,
Une ombre apparaissait dans les plis du jarret ;
Ainsi, dans cette pose athlétique oubliée,
La riche créature en dormant respirait.

Elle se réveilla longuement. Sa prunelle

S’ouvrit avec un air lent et majestueux,
Et, sans perdre un instant sa douceur éternelle,
Elle considéra ses deux seins montueux !


XXXVI

SENTIMENTS CHRÉTIENS
À M. ÉMILE LECLERCQ

Quand un bourgeois est cocu,
Mon cœur, triste d’ordinaire,
Est heureux d’avoir vécu,
Et ce fait le régénère.

Oui ! quand ce con détesté
Sent deux cornes en démence

Pointer dans sa majesté,
J’éprouve une joie immense !

Tout est beau, tout est bien ; l’air
Est chaud comme une caresse
De ce doux être à l’œil clair,
Pour qui ma pine se dresse.

J’ai de féroces besoins
D’aller embrasser sa femme,
Fût-elle entre les sagouins
Les plus immondes, infâme,

Et je l’aime pour avoir,
Elle qui ne pourrait être
Ma femme, fait son devoir
En cocufiant cet être.

Je veux lui crier : « C’est bien !
Certes, quand devant le maire
Tu pris ce pharmacien
Plein d’une tristesse amère,

« Les anges se sont voilés
La face dans leur caserne,

De nuages étoilés,
Que l’œil des esprits discerne !

« Tu devins pareille à lui :
Rouge comme une framboise ;
Ton nez que ronge un ennui
Noir, te dénonçait bourgeoise,

« Et tu ne me semblais plus
Bonne qu’à torcher la merde
De ces mioches joufflus
Faits pour que rien ne se perde !

« Mais voilà que, maintenant,
Ce daim, bête à faire envie,
Voit un trouble surprenant
Dans les choses de la vie,

« Parce qu’on a vu ton cu
Sous ta jupe bienheureuse,
Parce qu’il est convaincu
Qu’on fouille en ta fente creuse,

« Et qu’il devine un passant
Dans ce vagin solitaire,

Qu’il contemplait, s’en pensant
L’unique propriétaire !

« C’est pour cela seulement,
Ô ménageresse extrême,
Pour avoir pris un amant,
Ô bourgeoise ! que je t’aime.

« Pour avoir, dans ce vieux front
Gercé de mille crevasses
Que les ennuis accroîtront.
Planté deux cornes vivaces !

« Parce qu’un sperme offensant
Monte jusqu’à sa narine,
Même du vase innocent
Où tu verses ton urine !

« Femme pleine de vertus,
Va, la tâche est terminée :
Va ! comme le bon Titus,
Sois fière de ta journée ! »


XXXVII

MUSIQUE MILITAIRE

Un rayon de soleil, à travers la croisée,
Est entré brusquement dans la chambre apaisée
Où nous avions baisé toute la nuit. Glissant
Sur le lit, il se vint arrêter, frémissant,
Sur ta cuisse imposante. Au même instant, musique
En tête, un régiment passait, doux, pacifique,

Allant à la manœuvre : un régiment belge. Or,
Cet orchestre guerrier et cette barre d’or
Que le soleil laissait, comme un filet de paille,
Zigzaguer, de ta fesse énorme à la muraille,
Ma fille ! tout cela m’émut profondément.
Je retrouvai soudain mon courage d’amant ;
Un même désespoir d’amour mit dans nos âmes
Une jumelle ardeur de foutre… et nous baisâmes,
Heureux et confiants, sous la clarté des cieux,
Cependant que montait dans l’éther spacieux,
Où chaque atome vibre, et palpite, et frissonne,
Le refrain cher à Rops, la mâle Brabançonne !


XXXVIII

CATHERINE

I



La petite servante à la mine éveillée,
Qui vient faire nos lits,
Et dont on aime à voir la figure émaillée
De roses et de lis ;


Celle qui rit si bien, avec des dents si blanches,
Et met si crânement
Ses pauvres petits poings tout mignons sur ses hanches
Au souple mouvement ;

Catherine aux yeux bleus, Catherine la blonde,
Celle à qui nous frappons
Quelquefois sur la joue étincelante et ronde,
Ce printemps en jupons,

Catherine pleurait tantôt, à fendre l’âme,
Et, de ses jolis doigts,
Essuyant ses deux yeux, elle me dit : « Madame
N’est pas bonne, parfois ! »

On l’avait, paraît-il, sur le matin, surprise
Se laissant embrasser !
Madame était entrée en une fureur grise,
Et la voulait chasser.

« Et, comme on doit mourir un jour, je vous le jure,
Le mal n’était pas grand. »
Et, malgré son chagrin, la rose créature
Souriait en pleurant.


Ah ! qu’elle était jolie avec son air timide,
Disant : « J’ai le cœur gros ! »
Pendant qu’elle passait sur sa paupière humide
Un mouchoir à carreaux.

Ses bras fermes sortaient des manches retroussées ;
Son fichu de travers
Laissait voir ses deux seins aux formes accusées,
À moitié découverts.

Dans ses cheveux hardis tombés, des brins de paille
Les crespelaient encor ;
On eût dit à la voir un oiseau qui tressaille
Et va prendre l’essor.

Sa chair mouillée avait, au travers de ses larmes,
Ces parfums séduisants
De force et de santé, qui donnent tant de charmes
Aux filles de seize ans !

« Hélas ! monsieur, hélas ! qu’est-ce que je vais faire ?
Mon oncle est furieux ! »
Moi je lui promettais d’arranger cette affaire
Si grave, pour le mieux :


« Ne faisons pas l’enfant, petite Catherine,
Allons, de la vigueur ! »
Et j’embrassais ses yeux, pendant que sa poitrine
S’appuyait sur mon cœur.

II



Je la retrouverai, ma jeune paysanne,
Oui, mais exerçant l’art
Libéral, et surtout renté, de courtisane,
Dans un an, au plus tard !

Le velours noblement couvrira sa poitrine,
Elle aura des bijoux,
Et son portrait sera derrière la vitrine
De Susse et de Giroux.

Elle fera pâmer par l’ampleur de sa danse
Mabille et l’Opéra ;
Elle dira des mots que, dans l’Indépendance,
Ulbach répètera.


Elle fera sortir de terre devant elle
Des princes et des lords,
Et dans un océan somptueux de dentelle
Elle noiera son corps.

Sa joue aura perdu ses bonnes couleurs crues,
Et ses cheveux mouvants,
Poudrés d’or, auront fait d’importantes recrues
Chez des coiffeurs savants.

Elle ne mettra plus ses poignets sur ses hanches,
Si ce n’est pour danser ;
Ses bras auront blanchi, lorsque par d’autres manches
On les verra passer.

On ne lui dira plus qu’en tremblant : « Je vous aime ! »
Et mille soupirants
Viendront à ses genoux, et peut-être moi-même
Serai-je dans leurs rangs !

Peut-être lui dirai-je : « Adorable inhumaine,
Voyez ma passion ! »
Et je la nommerai, dans mes vers, Célimène,
Avec conviction.

III



En attendant ces jours de gloire, reste encore
Telle que je te vois,
Ô cher petit Rubens, plein d’un rire sonore,
Qui semble être ta voix !

J’ai promis d’obtenir avant demain ta grâce,
Et tu l’auras ce soir ;
Ainsi, ne pleure plus, et viens que je t’embrasse…
On ne peut pas nous voir !


XXXIX

MADRIGAL

Sur ta hanche aux contours polis,
Souple et dure, marbre élastique,
Noir parmi la blancheur des lis,
Un signe provoquant s’indique :
Signe amoureux, grâce d’état,
Piment pour l’œil, attrait insigne !

Comme l’empereur apostat[7],
Jeanne, tu vaincras par ce signe !


XL

LE PRÉJUGÉ VAINCU

Mignonne, sais-tu qu’on me blâme
De t’aimer comme je le fais ?
On dit que cela, sur mon âme !
Aura de singuliers effets ;
Que tu n’es pas une duchesse,
Et que ton cul fait ta richesse ;

Qu’en ce monde, où rien n’est certain,
On peut affirmer une chose :
C’est que ton con vivant et rose
N’est que le con d’une putain !

Qu’est-ce que cela me peut foutre ?
Lorsque l’on tient ces vains propos,
Je les méprise et je passe outre,
Alerte, gaillard et dispos !
Je sais que près de toi je bande
Vertement, et je n’appréhende
Aucun malheur, sinon de voir,
Entre mes cuisses engourdies,
Sur mes deux couilles attiédies,
Ma pine flasque et molle choir !

Près de toi, comme un matamore,
Mon vit se dresse, querelleur,
Petite, et je me remémore
Les exploits d’Hercule en sa fleur ;
Lorsque je te vois, ma culotte,
Même les jours où l’on grelotte,
À la bombure d’un tonneau ;
Je sens ma pine qui frétille

Avec des mouvements d’anguille
Poursuivant un rêve en pleine eau !

Que m’importe que l’on te baise !
Pourvu que devant toi mon vit
Se tende, rouge comme braise,
Vers ta motte qui le ravit ?
Sur ta poitrine souple et vaste
Ta gorge s’étale avec faste,
Comme un bloc de marbre insolent,
Et cette gorge ferme, unique
Glacée et chaude, communique
Sa royale ampleur à mon gland !

Viens tu me fais bander quand même !
Après cent coups réitérés,
Je trouve encore du saint chrême
Dans mes roustons désespérés,
Et crois qu’un nouveau pucelage
M’est revenu, tant j’ai de rage
Et tant je sens, ô Malvina !
De flamme au cœur et dans le ventre,
À cet instant suprême où j’entre
Dans ton con plus chaud que l’Etna !


Telle qu’une maîtresse poutre,
Ton corps est solide, et tes yeux
Ressemblent à deux lacs de foutre
Battus par un vent furieux ;
Ton coup de reins puissant m’enlève
Jusques au plafond, et je crève
De mon cul anguleux le ciel
Du lit, qui sur nous deux surplombe,
Et puis, comme un chat, je retombe
Dans ton con providentiel !

Je me fous bien qu’une maîtresse
Me soit fidèle, et que jamais
Le nœud d’un autre ne caresse
Le cul ou le con où je mets
Ma langue éprise d’aventure,
Si cette honnête créature
Me laisse indifférent et froid,
Et fait que ma modeste queue
Ne regarde la voûte bleue
Que sous la pression du doigt !


SONNET FINAL

Adieu, lecteur. La suite au prochain numéro.
Je crève de sommeil, et ma femme s’arrange
Lorsque le nez en l’air, je suis à mon bureau,
Grattant les morpions dont l’essaim me démange.

Comme un glaive qu’on vient de sortir du fourreau,
Ma pine fouette l’air d’une façon étrange,
Et celle qui m’attend dans mon lit est un ange
Colossalement blond du pays au faro.


Pour te plaire, j’ai pu, sans vergogne et sans honte,
Rimer ces vers, de sperme et d’amour parfumés,
Mais tu me permettras de baiser pour mon compte.

Adieu ! de ce bouquin les feuillets sont fermés.
Comme une abeille au soir rentre en son alvéole,
Entre en un con bien chaud, et nargue la vérole !




LES
BONS CONTES
DU SIRE DE LA GLOTTE













LE PARRICIDE PAR IGNORANCE[ws 1]

Voyons, du calme ; à quoi bon s’insurger
Contre le sort ? Hé ! mon ami, nous sommes
Tous plus ou moins mortels… Les pleurs des hommes,
En pareil cas, peuvent-ils alléger
Le sac d’ennuis jeté sur leurs épaules ?
La chose n’est, certes, pas des plus drôles,
Mais il en faut prendre notre parti.
Ainsi, mon cher, vous êtes averti :
Votre femme est perdue. Avant l’aurore

Elle aura dû trépasser. Je veux bien
La venir voir demain matin encore,
Mais pour la forme… Allez, en bon chrétien,
Chercher un prêtre, et priez pour son âme. »

Le médecin ayant dit, s’en alla :
Jean resta seul avec sa pauvre femme.

« Eh quoi ! fit-il, Madelon, la voilà !…
Celle, qu’un jour, à mon bras suspendue,
Je fis entrer, joyeuse, à la maison,
La voilà raide, immobile, étendue…
Oh ! comme au temps de sa verte saison
Elle était fraîche et gaillarde ! Ses hanches
Faisaient dresser, sous leurs cottes si blanches,
Les vits de tous… Hélas ! c’est dans ce lit
Où le trépas la couche et la pâlit,
Que je lui pris son mignon pucelage.
Ô douce nuit ! Oh ! le blanc étalage
De ferme chair ! Son corps solide ouvrait
Avec ardeur ses jambes amoureuses ;
J’aurais alors juré qu’on ne pourrait
Jamais forcer les portes ténébreuses
Par où la pine arrive jusqu’au cœur
De l’épousée attendant son bonheur !

Que je bandais ! Ô Dieu, je bande encore
En cet instant où je me remémore
Cette nuit-là. J’écartais doucement
Ses poils frisés, tout en couvant ses charmes… »

Et ce disant, Jean, les yeux pleins de larmes,
Pensant encore être à ce doux moment,
Baisait sa femme à couilles rabattues…

Froide et pareille aux inertes statues,
Sans un seul coup de cul, sans un hoquet,
La Madelon reçut dans son baquet
Le foutre épais du veuf inconsolable.

L’aurore vint, et d’un rayon aimable
Illumina la chambre des époux.

« Eh bien ! mon cher, dit, en ouvrant la porte,
Le médecin, maintenant portez-vous
Votre malheur avec une âme forte ?
Hein ! quoi ? que vois-je ? Oh diable !… »

Jean trembla,
Épouvanté devant son sacrilège.

« Ah ! sapristi ! fit le docteur, voilà
Bien du nouveau ! je sors donc du collège ?
Eh quoi ! j’avais condamné Madelon,
Et je la vois qui respire ?
— Ma femme ?
— Elle est sauvée !
— Est-ce vrai ?
— Sur mon âme ! »

Jean, entr’ouvrant soudain son pantalon,
Montre sa pine, et raconte à voix basse
Ce qu’il a fait, tout en demandant grâce :
« En de tels cas, le coït peut souvent
Bien opérer, dit le docteur. Avant
Quatre ou cinq jours, vous verrez Madeleine
Boire et manger, et foutre à motte pleine. »

Jean, tout joyeux, n’eut rien de plus pressé
Que de conter son cas au voisin Pierre,
En lui disant comment un vit dressé
Pouvait tirer Lazare de sa bière :
« Hélas ! fit Pierre, étouffant un sanglot,
Si tu m’avais dit ce secret plus tôt,
Je n’aurais pas, la semaine dernière,
Laissé mourir mon brave homme de père ! »


EN FAMILLE

Ô premiers battements du cœur !
Premiers désirs ! heure première
Où, guidés par l’amour vainqueur,
La pine en main, la tête fière,
Nous pénétrons dans la carrière !

Le jeune Oscar avait seize ans,
Quand son père, bourgeois honnête,
Aux trois mentons resplendissants,

Lui tint, pour le jour de sa fête,
Ce discours tout plein de bon sens :

« Oscar, depuis votre naissance,
J’ai tendrement veillé sur vous,
Comme un père indulgent et doux.
L’heure de votre adolescence
Est sonnée, ô mon cher Oscar !
Je veux moins vous surveiller, car
Je sais trop combien à votre âge
On a besoin de liberté.
Comme un étalon emporté
Par son mâle et bouillant courage,
Un jeune homme, fougueux, ardent,
Considère ainsi qu’un outrage
Les avis du vieillard prudent,
Donc, maintenant, tous les dimanches,
Vous aurez vos allures franches,
Et je joindrai trente-deux sous
Aux libertés que je vous donne,
Car il ne faut pas que personne
Puisse prendre le pas sur vous.
Mais veuillez me prêter encore
Une oreille attentive : Hélas !
Avec l’ardeur qui vous dévore,

On peut risquer plus d’un faux pas.
Comme un sol couvert de verglas,
Ou comme une rivière prise,
La vie, à notre âme surprise
Se présente au premier abord ;
On trébuche et l’on risque fort
De faire de mauvaises chutes.
L’ami, le père que vous eûtes
En moi, l’apprit à ses dépens.
Mon fils, que ces fautes passées,
Dont aujourd’hui je me repens,
Vous donnent de bonnes pensées.
Méfiez-vous des intrigants,
Et surtout des femmes galantes
Qui vous demanderont des gants.
Elles sont pareilles aux plantes
Vénéneuses, qu’il est malsain
De respirer. Soyez farouche
Auprès d’elles, fuyez leur couche,
Ne dormez jamais sur leur sein,
Et ne leur faites pas minette ;
Vous tireriez peu de profits
De cette action déshonnête.
Je vous bénis. Allez, mon fils… »

Tout fier de la chaîne de montre
Que sur son gilet on peut voir,
Oscar file… Sur un trottoir
Tout à coup il fait la rencontre
D’une créature au chignon
Phénoménal, très maquillée,
Somptueusement habillée
D’une robe d’occasion.

« Psitt ! eh ! petit !
— Hein ! quoi, Madame ?
— Veux-tu monter chez moi ?
— Pourquoi ?
— Eh mais ! pour baiser une femme.
Viens, tu seras content de moi,
Petit, je serai polissonne. »

À ce discours, Oscar frissonne,
Et ce jeune être pudibond,
Rouge jusqu’aux sourcils, répond
D’une voix émue et tremblante :

« Non ; de toute femme galante
Papa m’a dit de me garer.
— Papa n’est qu’une vieille bête ;

Il faut le laisser pérorer,
Et puis n’en faire qu’à ta tête,
Viens : je veux te faire jouir ;
Tu dois avoir ton pucelage
Encore, et me parais à l’âge
Où ce vilain oiseau doit fuir.
— Non, papa serait en colère…
D’ailleurs, je n’ai que trente sous.
— Garde ton argent ! je m’en fous !
Est-ce qu’à ton âge on éclaire ?
Tu me plais, viens, et baise à l’œil… »

Troublé par la crainte et l’orgueil
De se voir aimé pour lui-même
Oscar grimpe jusqu’au cinquième
Empunaisé par la putain.
Le cœur lui bat ; il va connaître
Enfin le fin fond de cet être
Qui, sous ses jupes de satin
Ou de toile, cache l’abîme
Que l’on ne peut sonder sans crime,
En dehors de l’acte légal
Qui devient devoir conjugal.

« Oh ! dit la Margot, en mettant

Sa main câline à la braguette
D’Oscar plein d’aise et palpitant,
Qu’est-ce que ça ?
— C’est ma quéquette.
— Dis donc ta pine ! »
Et retroussant
Ses cotillons, sans préambule,
Elle fait voir à l’innocent
Une motte où le crépuscule
Joue avec la couleur des crins.
« Ça, c’est mon con. Un coup de reins
Suffit pour y loger ta pine,
Et ceci, petite vermine,
Vois-tu, c’est un godemichet…
Monte sur moi ; je vais le mettre
Dans ton cul… »

Oscar que, peut-être,
Cet instrument effarouchait,
Se résigne pourtant et baise ;
Mais étendant la main, il sent
Un ventre noblement obèse,
Poilu, qui monte et qui descend
Au bout de l’étrange machine.
Alors, il entend une voix

Tonnante, dire :

« Eh bien ! tu vois
Où peut mener une coquine !…
Heureusement, c’est entre nous.
Vous serez plus sage, j’espère…
Si ce n’eût été votre père,
Pourtant, quelle honte pour vous ! »


DÉCOUVERTE

Un vieux rentier, dans les Champs-Élysées
Se promenait au tomber de la nuit ;
Il regardait dans les branches croisées,
Les reflets roux qu’a le jour qui s’enfuit,
Quand sur un banc il rencontre une gueuse :
« Ho ! ho ! fait-il, livrons-nous à l’amour ;
La nuit déjà s’étale ténébreuse,
Guiguitte va prendre l’air à son tour… »

Sur le dossier du banc il se renverse,
Et met son nœud dans une main que gerce
L’âpre travail du branlage en plein air.
Les yeux fermés, plein d’une molle ivresse,
Il laisse errer son esprit dans l’éther,
En savourant la mouvante caresse
De cette main aux doigts arachnéens ;
Il était bien aux Champs-Élyséens ! ! !

Mais cependant qu’il se pâme et godille,
Il s’aperçoit que de son autre main
La garce fait érecter un voisin.

« Vous plairait-il, monsieur, que cette fille
Précipitât moins fort son mouvement,
Dit-il, et qu’elle allât plus doucement ?
« Avec plaisir, monsieur, » répond dans l’ombre
Une voix mâle.

Alors, nos deux michés
Du même train se trouvant dépêchés,
En même temps déchargent sans encombre.

La fille étant payée, elle s’en va
Chercher ailleurs une nouvelle proie.

Lors le vieux : « Je crois que cette enfant-là,
Bien que souvent notre esprit se fourvoie,
Était, monsieur, une fille de joie. »


L’HONNÊTE SCRUPULE

Et vous ne voyez plus Durand ?
— Oh ! plus du tout !
— Pour quelle cause ?
Il vous a donc fait quelque chose
D’effroyable, et son crime est grand ?
— Très grand.
— Vous étiez, ce me semble,
L’an dernier encor très amis ;

On vous voyait toujours ensemble.
— Autant qu’il peut être permis
D’être amis, nous l’étions. Quel être !
Toujours joueur, toujours dispos,
Tenant mille amusants propos.
Rien que son aspect faisait naître
La gaîté. Quel esprit charmant !
Des farces, des plaisanteries
Nouvelles à chaque moment !
Quelles inventions nourries
De malice et de bonne humeur !
Un jour je faisais ma toilette,
Quand, à pas de loup, mon farceur
Vient, et sa main à l’aveuglette
Prend mon nœud. Je dis : Finis donc,
Imbécile, ça me chatouille.
Il secoue, et dingdong ! dingdong !
Je sens ma pine qui se mouille…
Avons-nous ri ! ! !
— Bah !
— Chaque jour
Amenait quelque nouveau tour,
Écoutez : j’étais en chemise
Dans ma chambre (il venait souvent

À l’heure du soleil levant,
Alors que notre âme se grise
Du parfum humide des fleurs.
Il entre comme d’habitude ;
Sur mon cul je sens les rondeurs
De ses deux couilles au poil rude ;
Puis, brusquement, criant : Coucou !
Il met sa pine dans ma fesse.
Je riais, je vous le confesse,
Jusqu’aux larmes, de voir ce fou
Pousser et repousser son membre,
En se tortillant par la chambre,
Bref, il décharge dans mon cu.
— Mais ce qu’il a fait est donc grave ?
Car enfin, lorsqu’on a vécu
De la sorte, on devient esclave
D’un ami pareil.
— En effet ;
Mais nous avons rompu. Nous sommes
Brouillés à mort.
— Qu’a-t-il donc fait ?
— On m’a dit qu’il était pour hommes !


LA VÉROLE GUÉRIE

Un bon docteur, homme de quarante ans,
Avait pris femme, et depuis fort longtemps
Las des margots où s’égarent nos queues,
Se reposait dans les calmes eaux bleues
D’un bon ménage, et ne retroussait plus
Que des jupons légitimes. Sa femme,
Bien qu’il fût vert, alerte et non perclus,
Et la baisât avec une grande âme,
Prit un amant ; pour rien, pour le plaisir

D’avoir parfois deux pines à saisir.
Tout allait bien. La dame était baisée
Autant et plus, et ne souhaitait rien.
Mais s’il est vrai que très souvent le bien
Vient en dormant, la vérole peut naître
Lorsque l’on fout, et la chose arriva.
Le mal d’abord dissimulé couva,
Puis mit le nez, un jour, à la fenêtre.
Sanglots et pleurs ! « Que dira mon époux ?
Je suis perdue, Ô ciel ! je suis perdue !
Je n’ai plus qu’à mourir !
— Consolez-vous,
Dit un ami, du calme… L’étendue
De votre mal n’est pas si grande. Allez
Passer deux jours au plus à la campagne.
Ne craignez rien et que la paix regagne
Sa place ancienne en vos esprits troublés. »
En soupirant, et sans trop bien comprendre,
À son époux la dame au cul gâté
Vint déclarer qu’elle désirait prendre
L’air pur des champs égayés par l’été.
Le bon docteur y consentit sans peine.

Quand il fut seul son ami le vint voir :

« Te voilà veuf pendant une semaine,
Lui dit-il ; viens, nous dînerons ce soir
En devisant des heures envolées,
De ce beau temps où nous étions garçons,
Où nous laissions mille folles chansons
Jaillir sans fin de nos lèvres brûlées
Par les baisers de ces démons d’amour,
Qu’on appelait, en ces temps, des grisettes ;
Viens ! nous ferons au passé des risettes ;
Soyons garçons et libres pour un jour ! »

Le médecin accepte. On boit, on dîne.
Et les propos d’aller leur train : « Blondine
Était jolie, et je l’aimais.
— Ô temps
De nos amours le lendemain trompées !
Des rires fous, de claires équipées !
Je crois entendre encore par instants
Les violons de la Grande-Chaumière,
— Allons au bal !
— Y penses-tu vraiment ?
— Cette folie, hélas ! est la dernière
Que nous ferons avant l’enterrement.
— Allons au bal alors ; vive la joie ! »

Les deux amis dont la raison se noie,
Vont à Bullier, battent des entrechats,
Prennent le cul aux différentes grues
Que l’on peut voir se livrer aux pourchas
Des pines d’homme en ces lieux apparues,
Et pour finir vont coucher au bordel…

Le lendemain, au réveil de l’aurore,
Quand le docteur se demandait encore
Si tout cela pouvait être réel,
Ou s’il n’avait fait simplement qu’un songe,
Sa douce épouse arrive brusquement.

En bon mari, le pauvre cocu plonge
Dans ce cher con son vit encor fumant,
Et s’envérole à plaisir.

La semaine
Se passe ainsi tranquillement Voilà
Qu’un beau matin, l’époux poivré promène
L’œil sur sa queue.

« Oh ! oh ! qu’est-ce cela ?
Foutre ! on dirait la vérole… et c’est elle ! »

En frémissant le docteur se rappelle
Qu’il s’est grisé, puis qu’il a forniqué
Lorsque sa femme était à la campagne.
Le voilà triste et pâle, interloqué,
Car il a dû, sans doute, à sa compagne
Donner son mal, étant intoxiqué
Comme jamais nul ne le fut au monde.
C’est le cœur plein d’une angoisse profonde,
Le front baissé, l’air soumis et penaud,
Qu’il avoua le cas à son épouse.

Elle bondit, furieuse, aussitôt :
« Quoi ! j’étais douce, aimable et point jalouse,
Rien n’altérait ma confiance en vous,
Je vous aimais : voilà ma récompense… »
En cent propos s’exhala son courroux.
« Pardonne-moi, grâce, ma chère Hortense !
Je me repens. Va, je te guérirai ! »

Après qu’il eut longtemps prié, pleuré,
Promis bijoux, toilette et cachemire,
Un généreux pardon lui fut offert.

Depuis ce temps, quand Madame désire
Quelque chiffon de prix, elle se sert

De ce moyen et rappelle au coupable
Et sa conduite et l’acte abominable
Par un oubli si gracieux couvert.

Ne méprisez jamais la moindre cause
Pour en venir, mesdames, à vos fins.
Ce récit prouve aux esprits superfins
Que la vérole est bonne à quelque chose.


LA CHASTE SUZANNE

OPÉRA-COMIQUE EN UN ACTE

PERSONNAGES

LES DEUX VIEILLARDS. — SUZANNE. — LE CHŒUR.
les deux vieillards, se branlant.

Pristi ! j’voudrais bien la baiser !

la chaste suzanne

Ah ! ces deux vieillards me dégoûtent !
Je crois même qu’ils ont la goutte
Militaire.

le chœur

Bien qu’ils ne l’aient jamais été !




SCAPIN MAQUEREAU
DRAME EN DEUX ACTES
PAR
M. ALBERT GLATIGNY












PERSONNAGES


SCAPIN.
CORBIN.
PIGNOUFLARD.
LUCINDE.
ESTELLE.
DES PUTAINS.


AVERTISSEMENT

L’auteur de ce drame vint, à pied, de Versailles à Batignolles, pour en remettre le manuscrit au secrétaire du Théâtre. — Lorsque M. Albert Glatigny déboucha dans le jardin, un héron qui depuis deux jours faisait l’ornement de la Ménagerie, saisi d’un sentiment exaspéré de jalousie, à l’aspect des jambes du poète des Antres malsains, s’envola pour ne plus revenir…

Scapin maquereau, annoncé sous le titre de Scapin ruffian, fut représenté au mois de janvier 1863. Les costumes des putains avaient été scrupuleusement copiés sur ceux des filles de la Patte de Chat[8]. Le décor du premier acte fut vivement applaudi. M. Monselet feignit d’y reconnaître le petit temple grec qui sert de loge au portier du parc Monceau ; mais personne ne fut dupe de sa méprise hypocrite.

Entre le premier et le second acte de Scapin maquereau, M. Lemercier de Neuville introduisit Crockett et ses lions, intermède qui eut le plus grand succès.

Le décor, peint par l’auteur, représentait le Cirque et ses trois mille spectateurs : — « Ça ressemble au tableau de Gérôme ! » s’écria M. de Serre, quand le murmure d’approbation générale se fut apaisé. — Oui, mais il y a plus d’air, « reprit le sévère Pelloquet (des Espagnes)[9].

M. Armand Gouzien, auteur de la Légende de Saint-Nicolas, composa pour Scapin maquereau une ouverture à grand orchestre. L’ouvrage fut repris sur le théâtre de M. Émile Renié, avec le concours des marionnettes de M. Bénédict Révoil. Il a été représenté, en dernier lieu, sur un théâtre particulier, à Nancy, rue du Maure qui trompe.


PROLOGUE

Le besoin se faisait sentir d’un nouvel art
Que nul encor n’avait prévu, même Ballard,
Régisseur dans les temps anciens du Vaudeville.
On affiche parfois, sur les murs de la ville,
Que l’on vient de jouer un ouvrage important
Qui doit émerveiller jusqu’au moindre portant
De coulisse ; mais bah ! quand la toile se lève,
Tout prestige fout le — camp ainsi qu’en un rêve,
Et le truc que Thierry pour nous plaire employa,
Aboutit, à la fin aux œuvres de Laya…
Cet ordre nous emmerde, et moi, Polichinelle,
Je déclare, de ma — voix la plus solennelle,
Que je veux mettre fin à tout cela. — Seigneurs,
Nous sommes gens de goût, et non pas des saigneurs
De bœufs, comme on en voit aux portes de Montmartre ;

Nous nous habillons tous de velours et de martre,
Et le soir, entre deux londrès bien allumés,
Nous récitons les vers des maîtres renommés.
Donc, vous ne verrez pas ici de tragédie.
La rime à tous nos vers mettra son incendie,
Les dames lèveront leurs jupes jusqu’au ciel,
Car nous devons et c’est un point essentiel,
Être, avant tout, moraux et plaire aux jeunes filles
Que le couvent enferme encore sous ses grilles,
Et qui, vouant déjà leurs âmes à Cypris,
Par le calme des nuits touchent leur clitoris !
Nous vous ferions bien voir nos acteurs, mais pour l’heure,
Ils sont tous retenus au sein de leur demeure.
Notre jeune premier est à Fontainebleau ;
La cour l’a demandé pour le second tableau
Du Bossu. L’ingénue, — ô caprice bizarre
Du sort ! — notre ingénue accouche à Saint-Lazare.
Nous avons convoqué la critique. Sarcey
Ne vient pas ; c’est déjà quelque chose. L’essai
Vous plaira-t-il, seigneurs, et vos clefs criminelles
Feront-elles mourir tous ces polichinelles
Qui chantent, font l’amour, et grimpent aux balcons ?
Non ! vous applaudirez.

Au revoir, tas de Cons !


SCAPIN MAQUEREAU

ACTE PREMIER

LE BOULEVARD MONCEAUX, À PARIS, AU FOND, UNE MAISON D’HONNÊTE APPARENCE.



Scène première



corbin
(Seul, se promenant rêveur.)
Ma fille ne sait pas se laver, et je dois

L’unir à Pignouflard, un être dont les doigts
N’aiment pas à rester inactifs. Le derrière
De Lucinde est rugueux ; tel, dans une clairière,

Un chêne dont l’écorce est âgée et s’en va.
Ce derrière n’est point l’idéal que rêva
Mon gendre, lequel est porté sur la minette.
Si je pouvais trouver un moyen déshonnête,
Quoique prompt, pour forcer mon enfant à savoir
Dans quel but nous avons inventé le lavoir…


Scène deuxième

CORBIN, SCAPIN
scapin
(Sans saluer.)
C’est le digne seigneur Corbin, je crois ?…
corbin
(Sortant de sa rêverie.)
C’est le digne seigneur Corbin, je crois ?Lui-même ;

Comment vas-tu, Scapin ?

scapin
Comment vas-tu, Scapin ?Très bien. Le destin m’aime ;

Je suis heureux.

corbin
(Avec un soupir.)
Je suis heureuxHeureux !…
scapin
Je suis heureux HeureuxEt vous, seigneur Corbin !
corbin
Je voudrais décider ma fille à prendre un bain…
scapin
Un bain ! est-il possible ?
corbin
(Secouant la tête avec mélancolie.)
Un bain ! est-il possible ?Hélas !
scapin
Un bain ! est-il possible ? HélasC’est d’un bon père.

Votre fille est charmante…

corbin
Votre fille est charmantElle me désespère.
scapin
Pourquoi donc ? Ses cheveux sont des plus abondants ;

Je lui crois tous ses plis, comme toutes ses dents ;
Un grand air de pudeur de son être s’exhale…

corbin
Oui, ma fille est charmante, il est vrai, mais d’un sale !…

Figure-toi… mais non, tu ne le pourrais pas !
Desnoyers chez Carjat culbute où vont ses pas[10] ;
Son nom seul eût rempli la bouche de Cambronne…
Et Pignouflard, demain effeuille sa couronne
Virginale…

scapin
Virginale…Il l’épouse ?
corbin
Virginale…Il l’épouseÀ peu près. — Comprends-tu ?

Qu’à son époux ma fille apporte sa vertu,
C’est juste ; mais il faut une vertu décente,
Et j’ai peur que la sienne au grand instant ne sente…

scapin
Conduisez-la chez moi, je la ferai laver.
corbin
(Avec joie.)
Elle se laverait ?
scapin
(Convaincu.)
Elle se laverait ?Très bien.
corbin
(Enthousiasmé.)
Elle se laverait ? Très bienJe crois rêver !

Mais que fais-tu ?

scapin
(Se campant les poings sur les rognons.)
Mais que fais-tuJe suis ruffiant, et m’en vante.
corbin
(Scandalisé.)
Nom de Dieu !
scapin
Nom de DieuPourquoi donc ce geste d’épouvante ?

Donnez-moi votre fille… on se lave chez moi,
Vous hésitez ?

corbin
(Très perplexe.)
Vous hésitez ?Cela me cause quelque émoi…
scapin
(Avec un mépris écrasant.)
Bourgeois, vous êtes plein de préjugés !
corbin
(Toujours perplexe.)
Bourgeois, vous êtes plein de préjugés !Peut-être…

Ma fille lavera son cul, cela doit être :

(Avec ménagement et douceur.)
Mais entre se laver et devenir putain,

Diantre !…

scapin
Diantre !…Mais comprenez donc, esprit enfantin,

Que je ne la prends point comme pensionnaire.
Elle ne sera pas une fille ordinaire,
Réclamant aux vieillards libidineux ses gants,
Et tirant tous les jours des coups extravagants…
Je ne veux exercer qu’une sage tutelle
Sur sa personne ; rien de plus.

corbin
(Ébranlé.)
Sur sa personne ; rien de plus.Baisera-t-elle ?
scapin
Le moyen autrement de lui faire aimer l’eau ?
corbin
(De plus en plus ébranlé.)
On m’a fait du bordel un bien sombre tableau…
scapin
(Avec dédain.)
Des Pontmartin !… laissez dire les imbéciles ;

Tous les métiers sont bons en ces temps difficiles :
Le mien est honorable entre tous.

corbin
(À qui ses scrupules reviennent.)
Le mien est honorable entre tous.Cependant…
scapin
(Avec bonhomie.)
Mais que suis-je, après tout, s’il vous plaît ? l’intendant

Des plaisirs du public ; position légale,
Honnête, et que nulle autre en ce monde n’égale.

corbin
(Avec un accent de conciliation mêlée de scrupules.)
Mais ce mot : maquereau !
scapin
Mais ce mot : maquereau !Les mots sont du néant,

Cher monsieur ! Vous devez trouver fort malséant,
Alors que Dinochau[11] donne à dîner au monde
Des lettres, qui n’a pas de fourneaux ?… C’est immonde,

Selon vous, que d’avoir un hôtel pour les gens
Qui n’ont pas de logis ?… Soyons plus indulgents.
On peut fort bien tenir, sans cesser d’être austère,
Un magasin d’amour pour le célibataire.

corbin
Il n’en est pas moins vrai…
scapin
Il n’en est pas moins vrai…Qu’on trafique partout :
Les Lévy de Renan, et Hachette d’About !
(Avec une indignation généreuse.)
Et nous, quand simplement nous trafiquons des femmes,

On viendrait nous couvrir d’épithètes infâmes !…

corbin
Tu m’as ému Scapin… Ton discours est fort beau…

Je t’amène ma fille : achète un lavabo !

ACTE SECOND

l’intérieur d’un bordel

Scène première

lucinde, estelle, des putains, personnages muets.
estelle
C’est demain, ô mes sœurs ! le jour de la visite
lucinde
(À Estelle.)
J’ai trouvé dans mes poils, ce soir, un parasite.

Le joli morpion ! il était rose et blanc,
Avec un petit signe, à gauche, sur le flanc…

estelle
J’aime les animaux ; si celui-là te gêne,

Donne-le-moi : je veux l’offrir à mon Eugène !

une voix
Ces dames au salon !
estelle
Ces dames au salon !Viens-tu, Nini ?
lucinde
Ces dames au salon ! Viens-tu, Nini ?J’y vais.
(Elles sortent toutes).



Scène deuxième



pignouflard
(Seul, entrant mystérieusement.)
Je viens revoir l’asile où, dans les jours mauvais,

J’exerçais librement les fiertés de ma queue !
J’épouse après-demain une prunelle bleue,
Et je viens répéter mon rôle pour l’hymen
Que je dois contracter…



Scène troisième



pignouflard, lucinde
lucinde
Que je dois contracter…Bonjour, petit gamin,
pignouflard
(Épaté.)
Seigneur ! ma fiancée dans ce logis étrange !
lucinde
(Avec force.)
Vous y venez bien, vous !
pignouflard
(Amer.)
Vous y venez bien, vous !En un instant tout change…

Ma future est en proie aux nœuds des étrangers !
Effeuillez-vous aux vents du nord, blancs orangers !…

lucinde
(Tendrement.)
Pourquoi me regarder ainsi, Paulin[12] ?… je t’aime !

Notre amour, approuvé par mon père lui-même,
Est noble et pur… Demain, tremblante entre vos bras,
Pignouflard, vous m’aurez… Oh ! dis ! tu m’apprendras
Les doux secrets qu’on livre à la vierge craintive ?…

pignouflard
(La repoussant avec dégoût.)
Arrière !… Écoute-moi : le champ que l’on cultive

Ne se défriche plus !…

lucinde
(Plus tendre encore.)
Ne se défriche plus !…Mon Pignouflard ! pourquoi

Me repousser ainsi ? Ah ! viens auprès de moi…
Ne te souvient-il plus de nos jeunes années,
De nos projets d’enfance et de nos destinées
Jointes étroitement, marchant du même pas
Ensemble, comme on voit défiler les soldats ?

pignouflard
(Avec une ironie méprisante.)
J’aurais, pour mon malheur, aussi pu naître femme…

J’aurais pu, comme une autre, être vile, être infâme !
Courir le guilledou jusqu’au Coromandel !
Mais ne fusse jamais entrée en un bordel !…

lucinde
(Soupirant.)
Hélas ! ce que Dieu veut…
pignouflard
(De même.)
Hélas ! ce que Dieu veut…Oui, c’est une loi dure !
Mais je n’eusse jamais tenté cette aventure
(Avec l’accent d’un homme qui comprend les exigences de la vie moderne.)
Avant mon mariage… Après, je ne dis pas !

Car il faut à l’époux préparer ses repas…

lucinde
(Avec passion.)
Mais si je suis ici, c’est parce que je t’aime

D’un amour violent, inextinguible, extrême !
Un jour, il est prochain, tu me remercîras…
Une odeur de verveine est éparse en mes draps…
Baudelaire, qui veille au sommet de Leucate[13],
Me trouve faisandée à point et délicate…
Oh ! ne me jetez plus de ces regards affreux !
Vous êtes mon lion superbe et généreux !

pignouflard
(Toujours amer.)
Avoir dans un bordel perdu son pucelage !

Si du moins elle avait vu le jour au village !
Adieu ! je pars…

pignouflard
(Égarée.)
Adieu ! je pars…Tu pars ?…
pignouflard.
(Avec dignité.)
Adieu ! je pars… Tu pars ?…À la façon d’un pet.
lucinde
(Révoltée.)
Sans me donner mes gants, peut-être ? quel toupet !
(Entre Scapin.)



Scène quatrième



les mêmes, scapin
scapin
(À Pignouflard.)
Découvrez-vous, monsieur ! respectez l’innocence…

Il est de ces vertus, au monde, qu’on encense,
Qui ne la valent pas ! Sais-tu, faible cerveau,
Ce que d’elle j’ai fait ?

pignouflard
(Toujours amer.)
Ce que d’elle j’ai fait ?C’est clair !… un simple veau.
lucinde
(Offensée.)
Il m’insulte, je crois ? Malhonnête !…
scapin
Il m’insulte, je crois ? Malhonnête !…Regarde !
(On apporte une cuvette pleine d’une eau noire à l’excès.)
pignouflard
De l’encre de Guyot ?
scapin
De l’encre de Guyot ?Non : c’est l’eau que je garde,

Et qui lava le cul de cette enfant, le jour
Qu’on vint la préparer aux actes de l’amour.

pignouflard
(Reculant, suffoqué.)
Ô ténèbres ! ça pue étrangement… Il semble !…
Qu’on ait fait infuser deux Cochinats ensemble !…
(On apporte une seconde cuvette.)

scapin
Regarde maintenant cette autre… Eh bien !
pignouflard
Regarde maintenant cette autre… Eh bien !Elle est

Vide.

scapin
(Triomphant.)
Vide.Vide ! non pas, mais pleine, s’il vous plaît,

D’une eau pure et limpide à ce point, que l’on pense
Ne rien voir…

pignouflard
Ne rien voir…En effet.
lucinde
(Avec une douce fierté.)
Ne rien voir… En effet.C’est là ma récompense !

Je me lave depuis huit jours avec cette eau…
Est-elle assez propre, hein ?

pignouflard
(Subjugué.)
Est-elle assez propre, hein ?Les amours de Watteau

Y mirent leur visage où la rose foisonne !…

lucinde
(D’un air de reproche.)
Diras-tu maintenant que mon cul empoisonne !
pignouflard
(Avec ivresse.)
On ne se lave bien qu’au bordel ! Des ingrats

Peuvent seuls à ton con préférer un con gras !

lucinde
Et tu méconnaissais mon cœur…
scapin
(Ému.)
Et tu méconnaissais mon cœur…Ma tâche est douce.

Scène cinquième

les mêmes, corbin
corbin
(Entrant avec un sac d’argent, fait en forme de gant. À Pignouflard.)
Et de peur que ton âme encor ne se courrouce,

Voici sa dot, qui vaut bien de vaines primeurs.

scapin
(Au public.)
Le théâtre, messieurs, est l’école des mœurs.
(Apothéose et couronnement du buste du divin Marquis.)


LA
SULTANE ROZRÉA













LA SULTANE ROZRÉA

BALLADE TRADUITE DE LORD BYRON
PAR EXUPÈRE PINEMOL
Élève du petit séminaire de La Fère en Tardenois (Aisne)




.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.

I

— « Giaour, dit la sultane, en lui lavant à l’eau de rose la verge qu’il avait fort belle et démesurément longue, giaour, ton gland est arrondi et vermeil comme la coupole des mosquées au soleil couchant ! »

Et elle le lui essuya avec l’organe de la parole.

Après les spasmes d’une jouissance sans mélange, le maréchal des logis Corbineau se tortilla négligemment la moustache :

— « J’ai senti bien des langues dans ma vie, exclama-t-il, mais, c’est égal, je suis esbrouffé ! »

.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.

II

Le petit nègre d’Éthiopie souleva la portière de brocart à franges d’or ; il était vêtu d’un tablier blanc, pas plus grand que la main, et portait des tchiboucks à bouquins d’ambre, ronds et laiteux ; d’un sachet brodé de perles, il tira le latakieh dont les brins sont fins comme les cheveux, et roux comme les poils du veau.

— « J’aime autant le caporal, dit le maréchal des logis Corbineau, en se tortillant négligemment la moustache, mais, c’est égal, je suis esbrrouffé ! ! »

.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.

III

La sultane Rozréa détacha de la muraille sa viole à trois cordes, et commença de battre un refrain lent et cadencé.

Elle chanta :

Auprès des rivages du Phase,
Aux pieds du sourcilleux Caucase,
J’ai vu le jour ;
Chaude fille de Géorgie,
Je n’ai de goût que pour l’orgie,
Et pour l’amour !

À peine ma toison se frise,
Je tache à peine ma chemise,
Car j’ai quinze ans.
Et déjà, de ses lèvres fines,
Mon con serra les quinze pines
De quinze amants !

Oui, cette imperceptible fente
Huma de semence écumante
Plus d’un tonneau.
Mais aujourd’hui c’est toi que j’aime !
Viens ! et tu seras le seizième !
Mon Corbineau !

— « J’aime autant la chanson de la mère Camus dit le maréchal des logis Corbineau, en se tortillant négligemment la moustache, mais, c’est égal, je suis esbrrrouffé ! ! ! »

.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.

IV

 

— « Décousez le sac ! » dit le capitan-pacha.

On décousit le sac, et la sultane Rozréa apparut, pâle, échevelée, et tournant vers Corbineau un œil éteint.

— « Corbineau, murmura-t-elle, c’est toi seul que j’aime ! ! »

— « Recousez le sac, dit le capitan-pacha, et à l’eau ! »

.....Le Bosphore tournoya en cercles infinis.

— « L’eau n’est pas très froide pour la saison, dit le maréchal des logis Corbineau, en se tortillant négligemment la moustache, mais, c’est égal, je suis esbrrrrouffé ! ! ! ! »

.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.

V

— « Emmenez ce chien, et asseyez-le où vous savez ! » dit le capitan-pacha.

Les chefs des eunuques, Abou-Gastrah et San-Kouyoku, bondirent comme des tigres vers Corbineau ; mais l’un d’eux s’étant embarrassé dans ses jupes battantes, celui-ci profita de l’occaz pour risquer un œil sous les vêtements de l’esclave. Il vit deux cuisses maigres et pelées, et quelque chose de flasque, au milieu, qui pendait.

— « J’ai vu de fiers clitoris dans ma vie, dit le maréchal des logis Corbineau, en se tortillant négligemment la moustache, mais c’est égal, je suis esbrrrrrouffé ! ! ! ! !»

.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.

VI

Sur la place publique se dressait une longue tige de fer, en manière de paratonnerre ; on l’aimanta de Corbineau.

Quand la pointe entra, il fit la grimace…

Quand elle sortit, il cria : « Nom de Dieu ! » et tourna la tête pour voir…

Eunuques et icoglans avaient disparu.

Il ne restait que le capitan-pacha, lequel se grattait le cul d’un geste ironique, et souriait jaune.

— « J’avais prêté mon anus à bien des usages, dit le maréchal des logis Corbineau en se tortillant négligemment la moustache, mais, c’est égal, je suis esbrrrrrr… »

Et il claqua.

.....Le vent soufflait dans les orangers, et il sentait bon.

FIN.

POST-FACE

Les Joyeusetés galantes, les Bons Contes, Scapin maquereau et la Sultane Rozréa, forment l’œuvre érotique d’Albert Glatigny.

En 1866, un éditeur estimé, Poulet-Malassis, fit paraître, à Bruxelles, une jolie édition des Joyeusetés Galantes, sous la rubrique de Luxuriopolis. En 1870, le même éditeur donna les Bons Contes, en un petit volume in-18. Ces contes parurent aussi, en 1878, à la suite du tome VIII de l’Anthologie satyrique. Scapin maquereau fait partie du Théâtre érotique de la rue de la Santé, recueil de pièces libres réellement jouées à Paris en petit comité, et édité, pour la première fois, à Bruxelles, en 1866, par Poulet Malassis ; souvent réimprimé depuis.

La Sultane Rozréa, pièce attribuée à Glatigny, a été imprimée séparément en 1870, par les soins de Poulet-Malassis ; puis en 1871, avec d’autres pièces en vers, dans la Bibliothèque libre, par J. Gay et fils à Turin.

Une nouvelle édition des Joyeusetés, des Bons Contes, et de la Sultane Rozréa, vient d’être récemment imprimée, mais de nombreuses fautes dues à la négligence nous a engagé à donner aux bibliophiles la nôtre, qui renferme en sus la pièce de Scapin maquereau.

Giov. della Rosa.
  1. Mademoiselle Louise Thierry, jeune première, brune à l’excès.
  2. Le vidame de la Braguette ayant eu, un jour, le bordel triste, consacra par une éphéméride en trois sonnets ce cas singulier.
  3. Soit, mais le temps n’est plus de ces rudes secousses :
    Notre œuvre est achevée et veut des mains plus douces.

    F. PONSARD. Le Lion amoureux.

  4. HENRI HEINE. Reisebilder.
  5. Hippolyte, cher cœur, que dis-tu de ces choses ?
    CHARLES BAUDELAIRE, Fleurs du Mal.

    Un jour, M. Charpentier, jeune rapin, élève de Couture, aborda M. Hippolyte Lucas, sous les galeries de l’Odéon, et lui chanta, sous le nez, ce refrain, parodié d’une chanson ordurière alors en vogue dans les ateliers :

    Cet artiste
    Était Hippolyste
    Lucas, d’l’Odéon,
    Ah ! quel con ! (bis)
    Vive le Grand Napoléon !

    M. Hippolyte Lucas parut fort surpris.

  6. M. Scholl publiait dans le Figaro les Amours de Théâtre, roman d’alcôve où, selon son habitude, il insultait les femmes qui l’avaient honoré de leurs bontés.

    Un officieux avisa madame Doche de la publication, en ajoutant : — Scholl vous y habille bien !

    — Laissez-le faire, répondit-elle, il ne m’habillera jamais autant que je l’ai habillé moi-même.

  7. Non pas l’empereur apostat, par antiphrase. — Entendons-nous, Constantin.
  8. Débit de chair humaine au plus juste prix, sur le boulevard Monceaux.
  9. On sait que M. Théodore Pelloquet est le sujet de la romance Le beau Pelloquet des Espagnes, qui se chante sur l’air : Je suis muletier de Castille.
  10. Allusion à un plongeon fait quelques jours avant la première représentation de cette pièce (janvier 1864), par le nommé Fernand Desnoyers (de l’Isère), dans la fosse d’aisance en vidange de la maison de l’illustre photographe Carjat (Carjat, limonade, bière !). un soir de réunion artistique et littéraire.
  11. Restaurateur des lettres, comme François Ier, mais avec moins de faste.
  12. Petit nom d’oiseau. Nul n’ignore que M. Paulin Limayrac, quoique quinquagénaire, n’a pas encore atteint son premier lustre :

    Le jeune Paulin Limayrac,
    Est âgé de cinq ans à peine.

    (Odes funambulesques.)
  13. Et depuis lors je veille au sommet de Leucate…
    (Charles Beaudelaire, Fleurs du Mal, 1re édition. — Lesbos, pièce condamnée.)

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