L'Ancienne Littérature scandinave

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DISCOURS
SUR
L’ANCIENNE LITTÉRATURE SCANDINAVE.[1]


Messieurs,

La bienveillante amitié de M. Fauriel m’a désigné pour le remplacer momentanément dans la chaire de littérature étrangère, création si importante et dont il s’est montré si digne. Vous n’attendez pas de moi, messieurs, cette profondeur de savoir, cette sûreté de critique, cette finesse d’exposition, qui caractérisent son enseignement ; mais ce que vous êtes en droit d’exiger, c’est que celui qu’il a choisi s’efforce de ne pas être trop infidèle à ses exemples. Sur ces bancs, où j’ai été son auditeur assidu et où il me sera doux de m’asseoir de nouveau pour l’entendre, dans des communications journalières aussi instructives, plus précieuses peut-être que ses leçons, j’ai appris de lui à traiter sérieusement la science, à ne chercher dans les lettres qu’elles-mêmes, à ne point reculer devant de pénibles études, et à ne craindre que l’esprit de système, qui aspire à se passer d’elles. Ces principes seront les miens. Je tâcherai de tirer de mon sujet tout l’intérêt qu’il renferme ; mais je m’interdirai sévèrement de chercher à lui prêter un intérêt étranger ; et, pour commencer dès ce moment l’application de la méthode que je fais vœu de suivre, laissant de côté tout préambule, j’entre en matière.


Messieurs,

Tous les monumens de la littérature qui va nous occuper sont écrits dans une langue qui ne se parle plus, si ce n’est dans une île presque inconnue à l’Europe, presque entièrement isolée du monde. C’est dans cette île, à peine habitée, que se sont conservés la plupart de ces monumens. Ils contiennent les enseignemens d’une religion qui, depuis huit siècles, a cessé d’exister, des traditions héroïques qui ont été étrangères à notre enfance, les récits d’une histoire qui semble se lier à peine aux histoires que nous connaissons. Quel intérêt peut donc avoir pour nous cette littérature ? Que nous font ces antiquités obscures, cette religion sanglante, ces langues et ces chants barbares ? Pourquoi les tirer des brumes du nord et de la nuit du pôle ?

Mais, messieurs, si cette île, pauvre et lointaine, avait été, durant quatre siècles, le siége d’une république indépendante, possédant une littérature originale comme sa civilisation ; si l’étude approfondie de la langue, de la mythologie, des traditions scandinaves qu’elle nous a conservées, jetait un jour précieux sur les origines de la plupart de ces peuples barbares qui ont renouvelé l’Europe ; si elle rattachait le nord à l’orient, les temps modernes à l’antiquité ; si elle révélait les rapports essentiels des nations germaniques avec la Grèce et l’Italie d’une part, et de l’autre avec la Perse et l’Inde ; si cette religion d’Odin, qui semble, au premier coup-d’œil, si bizarre et si monstrueuse, renfermait, avec un système cosmogonique et philosophique assez régulier, les traces de son histoire et celle des races au sein desquelles elle s’est successivement formée ; si les poésies héroïques de L’Edda étaient les débris d’un grand ensemble épique, d’un grand cycle, héritage commun des nations germaniques ; si les traces de la diffusion de ce cycle se retrouvaient dans presque toute l’Europe ; et si la comparaison de ces vestiges dispersés avec le recueil scandinave, éclairait la question de la poésie primitive par des rapprochemens avec la formation de l’épopée homérique, d’autant plus frappans qu’ils sont puisés plus loin d’elle ; si des monumens d’un genre particulier offraient, sous le nom de sagas, le plus riche développement du récit traditionnel, transition curieuse de la fable à l’histoire ; si leur lecture, importante à d’autres égards, faisait mieux comprendre sous quel point de vue on doit étudier les muses d’Hérodote et les premiers livres de Tite-Live ; si une poésie lyrique ou l’exaltation effrénée de la guerre et de la mort éclate à côté d’une recherche maniérée et d’une pédanterie laborieuse, fermait le cercle de cette littérature extraordinaire ; si enfin, de même qu’en remontant à ses sources, on est conduit au fond de l’orient et au sein de l’antiquité la plus reculée en suivant son influence sur les temps postérieurs, on la voyait se répandre sur le moyen âge, le traverser même, et, dans certaines localités, se propager jusqu’à nos jours ; en un mot, si ce point trop négligé de l’histoire littéraire touchait à tant de lieux, ce moment à tant de siècles, peut-être serais-je justifié à vos yeux d’en avoir fait l’objet de longues études, le but de lointains voyages, et de le choisir pour sujet du cours que j’ouvre aujourd’hui devant vous.

Messieurs, la littérature scandinave est peu connue en France. Avant de nous engager dans ses détails, je crois devoir vous exposer sommairement les principaux faits et les principaux résultats que ces leçons devront établir et développer.

On n’arrive, messieurs, à l’intelligence complète d’une littérature, et surtout d’une littérature primitive, qu’en passant par des recherches un peu profondes sur l’histoire du peuple qui l’a produite, sur les origines, la langue, la religion de ce peuple. C’est aussi par où nous commencerons ; c’est quand nous connaîtrons les nations scandinaves en elles-mêmes et dans leur rapport avec les autres nations ; c’est quand nous aurons rattaché leur développement particulier au développement général de l’humanité, que leurs monumens littéraires auront pour nous le sens et la valeur qui leur appartiennent.

La Scandinavie, c’est-à-dire les pays dont se composent aujourd’hui les trois royaumes du nord, le Danemark, la Suède et la Norwège[2] ; la Scandinavie est peuplée presque tout entière par des populations de race germanique. Cependant d’autres populations étrangères à cette race ont occupé jadis une grande partie, peuplent encore quelques extrémités, et sont errantes sur les confins de la terre scandinave. Ces populations faisaient partie de la grande famille des nations finnoises qui, se déversant à l’orient et à l’occident des monts Oural, semblent avoir, à des époques reculées, couvert un si vaste espace et joué un si grand rôle dans les contrées septentrionales de l’Asie et de l’Europe. Nous arrêterons d’abord notre attention sur ces peuples qu’on pourrait appeler les Celtes du nord, dont ils disputèrent long-temps la possession aux tribus germaniques ; ces peuples opiniâtres et sombres auxquels une disposition particulière à l’extase fit de bonne heure un renom de magie et de divination, que, dans plusieurs endroits, ils ont conservé jusqu’à nos jours ; race maintenant fondue dans d’autres races ou asservie par elles, mais qui s’étendit sur les deux bords de la Baltique, conquit la Hongrie, comme l’atteste la langue de ce pays, fonda sur les plages glacées de la mer Blanche un état qui faisait le commerce avec l’Orient, quand les marchandises de l’Inde descendaient sur la Dwina, aux lieux où est Archangel ; quand les monnaies arabes circulaient dans les comptoirs de la Baltique ; et, si l’on en croit les opinions les plus récentes des orientalistes, race à laquelle appartenaient des nations nombreuses du nord de l’Asie, entre autres les Huns, ces terribles vengeurs de leurs frères opprimés ou détruits par les nations germaniques.

Passant des Finnois, premiers habitans de la Scandinavie, aux conquérans germains, ceux-ci nous présenteront deux divisions et, pour ainsi dire, deux couches au sein d’une même race. Les plus anciennement établis dans le sud de la Suède et en Danemark portaient le nom de Goths, ce nom qui a retenti dans toute l’Europe, qui a voyagé avec le soleil depuis les bords de la Caspienne jusqu’à l’embouchure du Tage. Après les Goths un autre rameau germanique fit invasion dans la péninsule scandinave.

Ces nouveaux envahisseurs s’appelaient les Ases, c’est-à-dire les forts, les dieux. Leur chef portait le nom d’Odin, l’une des principales divinités dans le système de religion commun aux Ases et aux Goths, et vraisemblablement aussi à un très grand nombre au moins des nations germaniques. Les Ases, qui paraissent être entrés plus au nord que les Goths, établirent sur les bords du lac Mellar, vers le point où depuis a été Stokholm, le centre d’un pouvoir théocratique et guerrier. Les Goths demeurèrent en possession de la Suède méridionale, les Ases pesèrent fortement sur les nations finnoises, et les reléguèrent partie au nord dans la Laponie, partie au nord-est dans la Finlande. Les guerres d’extermination que les Ases firent aux Finnois remplissent les traditions Scandinaves. Il n’en fut pas de même à l’égard des Goths avec lesquels ils avaient communauté de religion et d’origine. Mais les Ases, qui prirent aussi le nom de Suédois (svi thiod), paraissent s’être placés, vis-à-vis des Goths, dans une attitude de supériorité sacerdotale et politique dont les traces se retrouvent au moyen âge, et n’ont peut-être pas encore complètement disparu.

Maintenant d’où venaient ces Goths et ces Ases ? c’est demander d’où venaient les nations gothiques et même toutes les populations germaniques. Ici la question de l’origine des peuples scandinaves prend de la grandeur, car elle se rattache à celle de la migration des barbares. Nous serons obligé, messieurs, de nous occuper de cet immense événement ; nous remonterons, pour ainsi dire, ce torrent de peuples en suivant les traces des nations Scandinaves. Elles nous conduiront du côté de l’Orient : d’abord aux rives de la mer Noire, puis dans les gorges du Caucase, porte par où ont passé les tribus asiatiques, espèce de caravanserail sur la grande route du genre humain, où se sont arrêtés les traînards de toute race, et où on trouve comme des échantillons de chacune d’elles ; enfin de précieux indices nous entraîneront encore plus loin : guidés par eux, nous entreverrons au centre et au sommet de l’Asie, au nord de l’Inde et de la Perse, le point d’où sont partis ceux que nous avons trouvés établis sur les bords de la Baltique et du golfe de Bothnie,

J’espère, messieurs, rassembler devant vous des preuves de cette longue course des populations scandinaves à travers le monde, qui ne laisseront aucune incertitude dans vos esprits. Mais dès aujourd’hui je dois vous prévenir contre la surprise que cette assertion peut vous causer. Comment, direz-vous avec Tacite, serait-on venu d’un pays plus heureux dans la triste Germanie ? J’ajourne les diverses explications qu’on peut présenter de ce fait, et pour aujourd’hui je me borne à répondre : Connaissons-nous toutes les antiques révolutions qui ont agité ces masses d’hommes, pressées dans le centre de l’Asie ou perdues à ses extrémités ? C’est du milieu de cet océan de peuples qu’ont dû se soulever ces grandes tempêtes dont nous avons à peine aperçu les dernières ondulations dans notre coin reculé du monde ; et se heurtant, se brisant les uns contre les autres comme des vagues, ils se sont rués en désordre partout où ils trouvaient de la place, sans s’inquiéter s’ils allaient au nord ou au sud, à l’orient ou à l’occident, n’ayant pas le choix de la marche à suivre et de la terre à prendre, allant où ils étaient forcés d’aller, s’emparant de ce qui restait libre, comme dans une foule on obéit à cette force immense et confuse qui vous entraîne vers un point ou vers un autre. Ainsi les peuples ballottés pêle-mêle n’ont point choisi librement leurs demeures ; ils se sont avancés en tous sens selon que les poussait et les dirigeait la nécessité.

Revenus du fond de l’Orient dans la péninsule scandinave, nous ne nous y renfermerons pas long-temps, car ce ne fut ni dans cette péninsule qui comprend la Suède et la Norwège, ni dans les îles, ou la Chersonèse danoise, que se développe de la manière la plus complète la nationalité scandinave. Ce n’est pas dans ces pays que devaient se conserver le plus fidèlement la langue, la religion, les traditions poétiques des populations qui les habitaient ; la Scandinavie devait, pour ainsi dire, se transporter tout entière dans une île ; cette île devait être l’asile et comme le sanctuaire du génie des peuples germaniques, et nous transmettre un jour les seuls monumens littéraires où il subsiste dans sa pureté. C’est de cette contrée remarquable qu’il faut vous parler.

Sous le cercle polaire, entre l’extrémité septentrionale de l’Europe et la côte orientale de l’Amérique, aux confins du monde vivant, est situé l’un des plus singuliers pays que les hommes aient jamais habités : c’est l’Islande. Imaginez une grande île, formée presque tout entière de produits volcaniques, sillonnée de laves, couverte de cratères et de glaciers. Tout, dans ce pays boréal, avertit qu’on marche sur un gouffre ardent ; on vient de franchir une nappe de neige, et le pied enfonce dans le soufre liquide. Ici s’élancent à cent pieds des jets intermittens d’eau bouillante de deux toises d’épaisseur, là des colonnes d’une vapeur chaude sortent du sein de la terre, et forment des réservoirs d’air tiède au sein d’une atmosphère glacée. L’Islande est un volcan à plusieurs bouches. Sans doute, elle est sortie un jour de la mer qui l’environne ; la cause qui l’a soulevée continue à la travailler en tous sens, et maintenant il semble qu’au milieu de ses glaces, dans sa lointaine solitude, elle achève lentement de se dévorer elle-même.

Rien de plus triste, de plus désolé, comme on peut croire, que l’intérieur d’un tel pays. Les côtes seules sont habitées, le centre n’est qu’un désert de laves, où l’on ne rencontre ni un arbre, ni un être vivant. Pendant quelques mois seulement, l’Islande peut communiquer avec le reste du monde. Durant ses longs hivers, elle est isolée par les tempêtes, et cernée en partie par les glaces que les courans accumulent sur ses bords. On voit arriver les ours blancs, embarqués sur ces glaces qui s’avancent avec une incroyable vitesse, et si alors il survient une tempête qui soulève et agite ces masses flottantes, elles se choquent et se brisent avec d’épouvantables craquemens. Éclairez une pareille scène des feux sanglans d’une aurore boréale, mêlée à la lueur des volcans, se reflétant sur la neige ; qu’à ces tourmentes de l’océan du nord répondent les commotions de ces tempêtes souterraines qui soulèvent en vagues un sol de laves à demi refroidi, et vous aurez une idée de ce que peut présenter de plus terrible et de plus grand la nature septentrionale : telle est l’Islande, et l’amour de la patrie est si plein d’illusions chez tous les hommes, qu’un proverbe national dit : « l’Islande est le plus beau pays que le soleil éclaire. »

L’Islande fut peuplée au neuvième siècle, par suite d’une révolution qui s’opéra presque en même temps en Danemark, en Suède et en Norwège. C’est alors que ces royaumes furent fondés, que quelques chefs adroits soumirent les autres à leur autorité. Ceux à qui ce changement ne convenait point, ceux qui regrettaient l’ancienne indépendance, émigrèrent, et un grand nombre fut chercher un asile en Islande. L’Islande se trouva ainsi le refuge de tout ce qui tenait le plus fortement aux anciennes mœurs, aux traditions nationales. Ces fugitifs emportèrent avec eux la vieille religion du nord, établirent une sorte de république patriarcale, gouvernée par un président annuel, nommé l’homme de la loi. Cet état de choses dura quatre siècles. L’Islandais, dans sa jeunesse, était commerçant ou pirate, quelquefois tous les deux ensemble ; puis, il revenait dans son île, vivait dans sa maison de bois, de ses troupeaux, de quelque agriculture, là où elle était possible, et partageait son temps entre ses affaires domestiques, les assemblées locales de chaque canton, et l’assemblée générale qui avait lieu une fois l’an, sur le plateau volcanique de Thing-Valla, appelé aussi la Montagne de la loi. Joignez-y quelques coups de main auxquels donnaient lieu les querelles des diverses familles, et force procès, et vous aurez une idée assez complète de l’existence d’un Islandais. Tout le loisir que lui laissait un genre de vie si peu occupé était employé, soit à composer, soit à écouter des chants ou des récits. Grâce aux diverses circonstances qui favorisèrent ce penchant naturel, l’Islande devint bientôt le foyer principal de la littérature scandinave, et c’est ainsi que cette littérature et la langue dans laquelle elle existe, ont été nommées indifféremment scandinave ou islandaise.

Cette langue appartient à la famille des langues germaniques. Nous déterminerons la place qu’elle y occupe, et celle que la famille dont elle fait partie occupe elle-même dans le système général des langues.

Ici, nous aurons besoin de poser quelques principes de la science étymologique, pour ne pas nous laisser entraîner à des inductions mensongères.

Nous examinerons les règles que doit suivre une critique sévère dans les rapprochemens qu’elle établit soit entre les mots, soit entre les formes grammaticales qu’elle compare.

Grâce à des travaux récens entrepris en Allemagne et dans le nord, et qui se poursuivent en France avec succès, la science étymologique à laquelle des tentatives extravagantes avaient attaché une sorte de ridicule, est devenue une science philosophique et positive tout ensemble. Flambeau précieux et quelquefois unique, elle éclaire ce que l’histoire laisse trop souvent dans l’ombre, la filiation et le berceau des peuples. En outre, prise en elle-même, elle offre un intérêt indépendant de ce genre de services. L’histoire des langues peut s’appeler une anatomie ou plutôt une physiologie comparée, car une langue est comme un être vivant dont l’organisme se développe suivant des lois constantes. Nous aurons à étudier cet organisme, à constater quelques-unes de ses lois, avant d’entamer la comparaison des idiomes germaniques avec les autres idiomes qui leur ressemblent. Nous livrant alors à cette comparaison, nous pourrons y apporter quelque méthode et quelque certitude. Les résultats auxquels nous arriverons seront à-la-fois assez piquans et assez vastes, pour mériter que nous ne marchions vers eux que pas à pas, avec prudence et réserve. N’est-ce pas un fait frappant que l’analogie fondamentale de ce qui existe entre les langues germaniques, et les langues grecques et latines ? Qu’aurait pensé, bon dieu ! l’antiquité si dédaigneuse et si ignorante de tout ce qui était barbare ? Qu’auraient dit les Romains, si on leur eût appris que ces Goths, ces Francs qu’ils regardaient à peine comme des hommes, parlaient une langue dont les principales racines se trouvaient dans leur propre langue, dont la grammaire ignorée était une contre-épreuve assez fidèle de celle de Sophocle et de Démosthène, de Cicéron et de Virgile ?

Il fallait, pour reconnaître cette vérité, qu’après bien des siècles, les descendans de ces barbares eussent établi des bibliothèques et des académies dans la Chersonèse cimbrique et dans le pays des Cattes.

Ce n’est pas tout, et d’autres analogies non moins certaines rattacheront les langues germaniques aux anciens idiomes de la Perse et de l’Inde, si étroitement liés eux-mêmes avec ceux de la Grèce et de l’Italie ; et pour la seconde fois, nous aurons touché aux régions lointaines de l’orient, en partant de l’Islande.

Enfin, après les considérations de races et de langues, un troisième objet d’étude achèvera de nous préparer à la littérature des peuples scandinaves. Je veux parler de leur religion.

Il n’est plus permis aujourd’hui, messieurs, de ne voir dans une mythologie qu’un jeu de la fantaisie des poètes, ce serait transporter dans l’histoire de la pensée humaine l’erreur qui régnait autrefois dans l’étude du monde physique, quand on attribuait aux jeux de la nature ce qu’on ne savait pas ramener à ses lois : c’est aussi d’après des lois générales que se forme cette cristallisation brillante, bizarre en apparence, au fond régulière qu’on appelle une mythologie.

Mais, pour arriver à ces lois générales, il faut déterminer soigneusement tous les faits partiels d’où elles doivent sortir, et ici de graves difficultés se présentent. Rien n’est plus complexe et plus divers que les mythologies, car elles se forment à une époque de la pensée humaine où sa confusion égale sa hardiesse. Tout s’y trouve, et les idées que les hommes, dans leur ignorance, cherchent à se faire de l’origine et de la fin des choses, de la nature de Dieu et de la structure de l’univers, et les faits dont le souvenir les intéresse, leur propre histoire qui se confond dans leur esprit avec celle de leur religion et de leurs dieux. Instinct du vrai, superstitions folles, traditions véridiques, légendes fabuleuses, pressentiment du bien et du beau, mouvemens brutaux, aperçus de l’infini, et grossières erreurs, de toutes ces choses et de mille autres se forme un chaos qu’illuminent d’éblouissans éclairs. C’est dans ce chaos qu’il faut descendre, pour y chercher les divers élémens qui fermentent pêle-mêle dans son sein.

Afin de répandre quelque lumière sur la mythologie scandinave, je vous présenterai d’abord un tableau de son ensemble. Je construirai devant vous ce monde ou plutôt ces mondes, dont la superposition et la juxta-position symétrique forment dans les idées scandinaves l’édifice de l’univers. Je déroulerai à vos yeux ce grand drame cosmogonique qui s’ouvre par la naissance du monde, et se dénoue par la catastrophe dans laquelle la terre, le ciel et tous les dieux périssent pour renaître ; drame lugubre, sur lequel planent d’un bout à l’autre une tristesse belliqueuse et un pressentiment sinistre. C’est la vie sortant des ténèbres et des glaces de l’abîme ; c’est l’univers formé des débris d’un cadavre, un déluge de sang, des dieux qui souffrent et combattent, des dieux qui savent qu’ils doivent mourir ; c’est Balder qui périt de la main d’un frère ; c’est Odin que le loup dévore : enfin c’est la destruction universelle des êtres. En présence de ces redoutables scènes, on est transporté au milieu des fantômes du nord, on croit sentir son âme, pressée par le froid et la nuit, se dissoudre avec ce nébuleux univers. Si l’on entrevoit, vers la fin, l’aurore d’une vie nouvelle, plus douce et plus sereine, elle est comme ces feux polaires qui brillent d’une lueur vague au sein des longs hivers, sans en dissiper les ténèbres.

Après avoir contemplé ces grands et sombres symboles, nous tenterons d’en pénétrer le sens, non par une minutieuse interprétation, qui poursuit, dans des détails arbitraires, la chimère d’une explication complète ; mais, en nous attachant à quelques idées fondamentales. Nous comparerons les mythes principaux de cette religion avec ceux qui peuvent leur correspondre réellement dans les religions de l’orient ou de l’antiquité ; enfin nous demanderons à la mythologie scandinave sa propre histoire ; nous chercherons dans son sein les traces des révolutions qu’elle a subies. Nous nous efforcerons de déterminer son point de départ et les limites de son extension. Ici la coïncidence des résultats auxquels nous conduira cette recherche, avec ceux que nous aura fournis un travail du même genre sur les races et les langues scandinaves, nous permettra de nous élever avec confiance à des conclusions qui ne sont peut-être pas sans importance pour la connaissance des origines et des migrations des peuples, et pour l’histoire du genre humain.

Ainsi préparés à l’étude des monumens de la littérature scandinave, nous aborderons ces monumens.

Nous parlerons d’abord des plus célèbres, des Eddas.

Il existe deux recueils d’une nature et d’une composition entièrement différentes, et qui tous deux portent le nom d’Edda. La moins ancienne est l’ouvrage du dernier grand homme de l’Islande, de Snorri Sturleson, mort au milieu du treizième siècle (1241). Cette Edda se compose de plusieurs traités en prose sur la mythologie et la langue figurée, employées par les scaldes ou poètes scandinaves. La première partie contient, sous forme de dialogue, une exposition scientifique de la mythologie scandinave, faite long-temps après qu’on n’y croyait plus, et dans un but purement littéraire. Cette partie de l’Edda de Snorri est l’ouvrage d’un mythographe : c’est en quelque sorte un dictionnaire de la fable. Une seconde partie contient un choix de locutions poétiques inventées par les scaldes, de périphrases consacrées parmi eux, et on peut rigoureusement le dire classique, assez semblable à ce qu’on trouve dans un Gradus ad Parnassum. Ce recueil avait pour but de faciliter à ceux qui prenaient plaisir à la lecture des poésies nationales, et qui continuaient à se servir pour les leurs de l’ancien merveilleux scandinave, l’intelligence et l’emploi du langage des scaldes.

Enfin, à ces deux parties l’auteur a ajouté un traité de grammaire, de rhétorique et de prosodie, que termine assez pédantesquement un poème bizarre, où sont renfermées toutes les formes de la versification scandinave, espèce de métrique en exemple, et que l’auteur a intitulée Clef prosodique.

Telle est l’Edda de Snorri, nommée aussi l’Edda en prose, la Nouvelle-Edda, la seule dont une partie ait été traduite en français par M. Mallet ; compilation précieuse par les faits qu’elle contient, mais sans intérêt et sans valeur poétique, et qui ne ressemble pas plus à l’autre Edda, à l’Edda en vers, à la vieille et véritable Edda, que la bibliothèque d’Apollodore ne ressemble aux poésies d’Homère. Cette ancienne Edda est une collection de poèmes et de fragmens de poèmes mythologiques, gnomiques, héroïques, recueillis, au onzième siècle, par un Islandais, nommé Semund. Les auteurs en sont inconnus, les dates difficiles à déterminer. Elles remontent, au moins pour quelques-uns, à plusieurs siècles avant l’époque où ils furent recueillis.

Les poèmes mythologiques renferment les dogmes de cette religion sombre et guerrière dont je vous ai entretenus. Souvent ils sont empreints, comme elle, d’une majesté lugubre et d’une tristesse sublime.

Telle est la Voluspa, le plus important des poèmes mythologiques de l’Edda, débris d’une cosmogonie perdue, qui commence par la formation de l’univers, et se termine par l’embrasement dans lequel il doit périr : c’est l’expression voilée des mystères et des oracles ; c’est une vision confuse, gigantesque et terrible ; c’est à-la-fois la Genèse et l’Apocalypse du nord.

Il y a loin de là, messieurs, à ces poèmes burlesquement satiriques, qui se trouvent aussi dans la partie mythologique de l’Edda, et dans lesquels les divinités scandinaves apparaissent sous un jour grotesque, où le malin Loki persifle sans pitié la bravoure des dieux et la chasteté des déesses, où le maître de la foudre est devenu un personnage stupide et vorace ; il y a entre ces deux ordres de poésie toute la distance qui sépare la théogonie d’Hésiode et les railleries de Lucien.

Un poème sentencieux, le Hava-Mal, contient les adages de la sagesse antique des nations scandinaves : c’est un précieux dépôt de cette morale traditionnelle que recueille l’expérience naissante des âges primitifs, que les siècles suivans se transmettent, qui plus tard se conserve si long-temps, et voyage si loin sous la forme vivace et populaire du proverbe : à côté sont les enseignemens de la magie, de cette science des Runes qu’on pourrait appeler la cabale du nord.

Un autre poème de l’Edda (le chant de Rig) contient, sous l’enveloppe d’un mythe symbolique, l’histoire de l’origine de la société scandinave, et y montre la naissance des ordres dans ce qui fut ailleurs celle des castes dans la distinction des races.

Je néglige d’indiquer plusieurs portions curieuses de l’Edda, entre autres ce singulier Chant du soleil, le seul morceau chrétien qu’elle renferme ; ce récit du monde invisible que Semund prononça, dit-on, réveillé pour un moment du sommeil de la mort ; où les dogmes les plus menaçans du catholicisme font avec les mythes odiniques une étrange alliance ; où l’on voit un Islandais du onzième siècle, inspiré peut-être par ces peintures lugubres des supplices éternels qui dès-lors hantaient les imaginations méridionales, les rembrunir encore des noires couleurs de son ciel et du sanglant reflet des traditions, et empruntant aux deux religions leurs terreurs, créer un enfer où se mêle à des souvenirs de la Voluspa un pressentiment du Dante.

J’arrive à la partie peut-être la plus intéressante de l’Edda ; à sa partie héroïque.

Tous les poèmes qui la composent, à l’exception d’un seul, se rapportent à un vaste ensemble de faits concernant tous l’histoire d’une famille, celle des Volsungs, et principalement la destinée d’un guerrier nommé Sigurd.

Sigurd est le héros du nord. Une grande gloire, une fin triste et prompte, c’est là sa destinée, c’est aussi celle d’Achille ; et il est remarquable que dans la Scandinavie comme dans la Grèce, une même pensée mélancolique se soit associée à celle de la vaillance et de la gloire ; que chez les deux peuples, le héros par excellence périsse dans l’éclat de la jeunesse et du triomphe. L’idéal de la vie humaine leur a semblé de même une carrière brillante et courte, sans déclin, sans vieillesse, laissant après elle de longs regrets, une longue renommée ; dans le nord, on y a joint de longues vengeances.

Sigurd est le centre du grand cycle épique dont je vous ai parlé au commencement de cette lecture. L’histoire de ce cycle est certainement une des pages les plus curieuses des annales de la littérature primitive. Il est rare qu’on puisse analyser aussi complètement les élémens divers, et poursuivre avec autant d’exactitude les phases d’une légende épique. Le jour que réfléchit une pareille recherche rejaillit sur toutes les recherches du même genre. Nous ferons donc, avec le plus grand détail, cette monographie, d’où l’on peut tirer des matériaux propres à compléter l’histoire de la formation de l’épopée grecque et des épopées du moyen âge et de l’orient.

Nous recomposerons d’abord la destinée héroïque de Sigurd, selon la version scandinave contenue dans l’Edda. Nous verrons le héros conquérir sur un dragon le trésor fatal auquel ses malheurs et sa mort sont attachés ; puis aller sur la montagne réveiller la jeune Valkyrie dans son palais entouré de flammes ; périr enfin, victime de la jalousie et de la passion d’une femme, par la main d’un traître ; et celle dont l’amour a demandé sa mort se tuer pour le suivre. À ce moment commencent de nouvelles aventures, et chose étrange, ici paraissent des noms historiques ; les plus grands noms de la barbarie interviennent dans cette légende islandaise. La veuve de Sigurd devient la femme d’un roi des Huns qui s’appelle Atli, et dans lequel il est impossible de méconnaître le terrible Attila. Dès-lors, les horreurs s’enchaînent aux horreurs. Pour venger ses frères mis à mort par Atli, l’implacable Gudruna l’égorge après lui avoir offert le festin d’Atrée. Enfin, la figure d’Hermanrik, de ce puissant roi des nations gothiques, dont l’empire s’étendait de la mer Noire à la mer Baltique, clôt cette série de personnages fournis à la poésie, les uns par la mythologie, les autres par l’histoire.

Mais ce n’est pas seulement en Scandinavie, dans les chants héroïques de l’Edda, que se sont conservées ces tragiques aventures. Le poème des Niebelungen, écrit en Allemagne au treizième siècle, se compose d’une série d’événemens dont l’analogie avec ceux que nous venons d’indiquer ne se peut contester. C’est une autre version du même récit ; c’est une autre forme du même cycle. Quel fait peut être plus curieux que ces deux formations du même terrein épique chez deux peuples et dans deux langues différentes, à une distance de plusieurs siècles ! Il ne sera pas sans intérêt, messieurs, de comparer cette version allemande à la version scandinave, de montrer ce qu’elles ont de commun et de divers, d’expliquer cette ressemblance et cette diversité.

Vous pouvez déjà pressentir, messieurs, de quelle utilité doit être cette étude pour celle des autres poésies primitives. Ainsi, quant aux poésies homériques, on n’a que le résultat définitif, on n’a point les divers degrés de l’élaboration, plus ou moins longue, plus ou moins compliquée, de laquelle elles sont sorties. La critique est obligée de distinguer, après coup, les divers élémens qui se sont agglomérés pour former ces admirables masses épiques que la portion la plus cultivée du genre humain admire depuis trois mille ans. La critique cherche à découvrir dans ce merveilleux produit des siècles héroïques de la Grèce, les vestiges de plusieurs transformations successives, mais elle ne sait y parvenir que par voie d’induction ; ici les monumens de ces transformations subsistent ; on a dans l’Edda les rhapsodies isolées et les rhapsodies réunies en un corps de poème dans les Niebelungen.

Arrivés à ce point, nous connaîtrons l’histoire du cycle et de ses deux modifications principales. Nous aurons vu sur un vieux mythe scandinave, d’origine orientale, s’implanter le souvenir d’Attila et de Hermanrik, puis en Allemagne, au moyen âge, sur ce fond barbare et idolâtre, s’étendre à demi une couleur chevaleresque et chrétienne.

Élargissant alors le cercle de nos études, nous chercherons ailleurs des débris du même cycle, des retentissemens de la même légende. Nous en trouverons dans presque toute l’Europe, depuis le pied de l’Hecla jusqu’à celui des Appenins, depuis les bords de la Baltique jusques aux rives de la Loire, depuis le fond de la Pologne jusqu’au cœur de l’Angleterre.

Ainsi sera établie l’existence d’une poésie produite par les nations germaniques, et qui se rencontre à-peu-près partout où ces nations ont paru. C’est un âge poétique tout entier avant l’ère de la littérature chevaleresque.

Ce sont là, messieurs, les siècles héroïques des peuples modernes ; elle a eu aussi son Iliade, cette Europe barbare, dont M. Thierry, avec un courage égal à son malheur et à son talent recompose en ce moment l’histoire, et dont le plus grand écrivain de notre temps, a répandu la couleur sur quelques pages immortelles des Martyrs et des Études.

Il me reste à vous dire deux mots des sagas et des scaldes.

Les sagas ne sont point des poèmes comme on a paru souvent le croire. Ce sont des récits en prose, qui appartiennent à un genre littéraire, qu’il n’est pas inutile de signaler.

La saga n’est point un fait particulier à l’Islande : c’est un fait général dans la série des progrès de l’esprit humain. La saga, le mot l’indique, c’est ce que l’on dit, ce que l’on raconte ; c’est l’histoire naïve qui correspond à la poésie naïve. En effet, à chaque phase de cette poésie correspond une phase de la saga. Dans un temps donné, ce que les uns chantent, d’autres le racontent. À côté des poésies mythologiques, partout les plus anciennes, il y a les sagas religieuses, les traditions sacrées, qui se transmettent dans les temples. Quand vient l’âge de la poésie héroïque, qui est toujours chantée, vient aussi l’âge des traditions héroïques parlées, si on peut dire ainsi : telles sont la plupart des sagas scandinaves ; enfin les chants populaires ont pour cortége ces contes, comme eux marqués souvent d’un caractère de trivialité, et qui sont de véritables sagas populaires. La saga est donc un produit à part de l’intelligence, comme l’histoire, l’épopée et le roman. C’est de l’histoire moins la critique, de l’épopée moins la forme, du roman moins la fiction volontaire ; c’est de la tradition orale, comme le mot l’indique, crue par ceux qui la racontent et par ceux qui l’écoutent. Dans Hérodote, il y a beaucoup de sagas grecques. Les premiers livres de Tite-Live sont des sagas romaines, mises en œuvre par un historien artiste ; mais si la saga a existé partout où a existé la poésie primitive, l’Islande est plus riche qu’aucun pays dans ce genre de traditions. Nous ferons l’inventaire de cette richesse ; nous classerons ces nombreux monumens qui, malgré leur commune dénomination, diffèrent si fortement par le sujet et la nature du récit. Nous rangerons, dans diverses catégories, les sagas épiques qui reproduisent dans leur rédaction en prose et complètent en plusieurs points le cycle de l’Edda et celui des Niebelungen ; les sagas héroïques, qui racontent les destinées pleines de meurtre et d’inceste de quelques familles, dont la célébrité tragique fut semblable à celle qui s’attacha dans la Grèce au nom des Atrides et des Labdacides ; les sagas historiques, qui contiennent tantôt de piquantes biographies d’individus, tantôt de curieuses annales de famille, quelquefois le récit d’événemens mémorables, comme la colonisation ou la conversion de l’Islande, la découverte du Groënland ou celle de l’Amérique, quatre siècles avant Colomb, et qui offrent toujours un tableau fidèle et vivant de l’ancienne vie germanique, des vieilles mœurs du nord ; enfin les sagas romanesques et merveilleuses, où l’on voit les caprices de la fantaisie et les extravagances de la crédulité populaire envahir peu-à-peu et finir par supplanter complètement les majestueuses traditions de la mythologie et les naïfs récits de l’histoire.

Je terminerai en vous faisant connaître quelques-uns des principaux exemples de la poésie lyrique des scaldes. Cette poésie, d’un âge postérieur à celle de l’Edda, n’en a pas la grandeur et la simplicité. Vous serez étonnés, messieurs, d’apprendre que, dès le dixième siècle, l’époque de la décadence et du faux goût avait commencé pour la littérature islandaise. Chose bizarre ! ces pirates de l’Hécla poussaient la haine du mot propre et l’amour de la périphrase bien autrement loin que les précieuses de Molière. C’est une preuve que les raffinemens de la littérature n’attendent pas toujours ceux de la civilisation, et que la barbarie ne préserve pas de la recherche.

En effet ces poètes, qui contournaient si industrieusement leur pensée et leur expression, étaient la plupart des guerriers indomptables, et quelquefois féroces ; et à travers ce tissu artificiel se fait jour, en plus d’un endroit, un enthousiasme de la guerre, une joie de la douleur et de la mort, un goût de sang, et comme une odeur de carnage dont n’approche, que je sache, nulle autre poésie. Un pareil contraste empreint celle-ci d’un caractère à part, qui suffirait pour y intéresser, quand elle n’offrirait pas fréquemment des traits sublimes, comme le peuvent dire tous ceux qui ont lu le chant célèbre de Regner.

Le temps nous manquera, messieurs, pour aller plus loin. Nous ne pourrons nous avancer à travers le moyen âge, pour y écouter retentir les échos de plus en plus affaiblis, mais toujours reconnaissables des anciennes traditions du nord. Nous ne pourrons faire entrer dans l’espace trop resserré de ce cours les chants populaires de la Scandinavie moderne. Nous resterons sur le terrein de la vieille Scandinavie.

Vous avez pu voir que la littérature, comme reléguée dans des régions lointaines et ignorées, renferme en elle tout un monde, qui a sa mythologie, sa poésie, son histoire, et que ce monde, à part, n’est pas sans rapport avec le triple monde de l’orient, de l’antiquité et des temps modernes. Quelque rapide et quelque incomplet qu’ait été ce sommaire, il a pu vous donner une idée de ce que nous allons rencontrer dans la carrière où vous daignez me suivre. Messieurs, que votre bienveillance, à laquelle je n’apporte d’autres titres que des études sérieuses et un grand zèle, m’aide à la parcourir.


j.-j. ampère.[3]
  1. Prononcé pour l’ouverture de son cours par M. J.-J. Ampère, suppléant M. Fauriel à la faculté des lettres.

    C’est la première fois que le nom de M. Ampère paraît dans cette Revue, et nous sommes heureux, nous qui nous efforcerons toujours d’y rallier les esprits élevés, d’annoncer à nos lecteurs que sa collaboration nous est acquise pour l’avenir. Nous pouvons dès aujourd’hui promettre une série d’articles du jeune professeur.

    (N. du D.)
  2. L’Islande et les îles Ferroë appartiennent au Danemark.
  3. Nous espérons pouvoir suivre M. Ampère dans le cours de ses leçons sur la littérature scandinave, que cette première introduction fait si vivement désirer.

    (N. d. D)