Légendes chrétiennes/Le bon Dieu et la sainte Vierge parrain et marraine

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IV


le bon dieu et la sainte vierge parrain et marraine.


(PREMIÈRE VERSION)


Il y avait une fois un pauvre homme et une pauvre femme, gens craignant Dieu et qui avaient beaucoup d’enfants. Il leur en vint cependant un de surcroît, et les voilà bien embarrassés de lui trouver un parrain et une marraine. L’homme passa sa veste des dimanches, prit son penn-baz, se signa avec de l’eau bénite, et il se mit ensuite en route, à la recherche de deux personnes charitables qui voulussent bien tenir son nouveau-né sur les fonts baptismaux pour recevoir l’eau du baptême. Il n’alla pas loin qu’il rencontra un vieillard vénérable, à la barbe longue et blanche.

— Où allez-vous ainsi, mon brave homme ? lui demanda le vieillard.

— Ma femme vient de me donner encore un enfant, et je vais chercher un parrain et une marraine pour le faire baptiser. Mais, hélas ! j’ai eu tant d’enfants, que presque tous mes voisins m’ont déjà assisté, en pareille occasion, et je ne sais plus à qui m’adresser.

— Eh bien ! retournez à la maison, car je serai le parrain de votre enfant nouveau-né, et je me charge de lui procurer aussi une marraine. Trouvez-vous demain dans l’église de votre paroisse, à l’heure de midi, et amenez l’enfant ; son parrain et sa marraine y seront à l’attendre.

L’homme revint chez lui, tout joyeux de sa rencontre.

— As-tu donc trouvé si vite un parrain et une marraine ? lui demanda sa femme, en le voyant rentrer.

— Oui, femme, j’ai trouvé parrain et marraine, répondit-il.

— Qui sont-ils donc ?

— J’ai rencontré en mon chemin un vieillard à la barbe longue et blanche qui avait bien bonne mine, et il s’est offert pour être le parrain de notre enfant, et il a promis de nous procurer aussi une marraine.

— Comment ! Jean, un homme que tu ne connais pas ! Encore, s’il a bonne mine, comme tu le dis, et si c’est un honnête homme !

— Pour cela, oui, il a bonne mine, et ce doit être un honnête homme, ou je me trompe bien.

Le lendemain, vers onze heures, le père se rendit au bourg avec son enfant et une femme qui le portait. C’était tout le cortège. À midi sonnant, ils entraient dans l’église. Le vieillard à la barbe blanche les y attendait avec une belle dame. L’enfant fut baptisé et nommé Emmanuël.

En sortant de l’église, le parrain donna plusieurs pièces d’or au père et lui dit :

— Retournez tout droit à la maison, sans entrer dans aucune auberge. Vous achèterez du pain blanc, de la viande et du vin, et ne laisserez manquer de rien ni la mère ni l’enfant ; voici de l’argent ; nous irons vous voir sans tarder.

Le parrain et la marraine s’en allèrent ensemble, et Jean s’en retourna à la maison avec son enfant et la femme qui le portait, et chargé de provisions. Ce soir-là, l’on soupa bien dans sa pauvre chaumière, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps, et l’on fut joyeux.

Au bout de quelque temps, le vieillard à barbe blanche vint voir son filleul.

— Comment va mon filleul Emmanuel ? demanda-t-il.

— Il vient très-bien, répondit le père.

— Jésus, monseigneur, dit la mère, c’est donc vous qui êtes le parrain d’Emmanuël ? Que j’ai de joie de vous voir, et que nous vous sommes reconnaissants !

Le vieillard embrassa tous les enfants et leur donna à chacun une pièce d’or, et, comme il se disposait à partir, la mère lui dit :

— Nous serions heureux de voir aussi la marraine.

— Eh bien ! elle viendra dans quelques jours, répondit-il.

Puis il s’en alla.

La marraine vint, en effet, trois jours après. Elle avait aussi bien bonne mine. Elle caressa et embrassa tous les enfants, et donna de l’argent à leur mère pour leur acheter à chacun un habit neuf. Elle en donna encore pour envoyer Emmanuël à l’école.

L’enfant fut envoyé à l’école, chez des moines qui étaient dans le voisinage, et il apprenait tout ce qu’il voulait ; de plus, il était d’un caractère doux, aimant et docile, et ses maîtres étaient très- contents de lui.

Quand il fut arrivé en âge de faire ses premières pâques, comme il s’en revenait seul à la maison, la veille de ce beau jour, il rencontra sa marraine sur sa route, et elle lui parla de la sorte :

— Demain, mon enfant, sera un bien beau jour pour vous et pour moi aussi. Je serai dans l’église pour assister à votre première communion. Vous me verrez, mais nul autre que vous ne me verra. Ne vous étonnez pas de cela ; plus tard, vous en saurez la raison.

Et elle embrassa l’enfant et disparut.

Le lendemain, Emmanuël, proprement vêtu et tenant à la main un beau cierge, était dans l’église de sa paroisse, assistant à la grand’messe, parmi les autres enfants de son âge. Tout à coup, au moment de communier, sa marraine apparut devant lui, le regardant et lui souriant. Elle était si belle, si éclatante, que toute l’église en était illuminée.

Quand la messe fut terminée, le recteur invita Emmanuël à dîner au presbytère, avec quelques-uns de ses camarades parmi les plus sages.

Avant la fin du repas, une dame parut dans la salle, venue on ne sait comment, et visible à tous, cette fois. Elle était si belle, qu’elle éclairait tout autour d’elle, comme le soleil béni du bon Dieu.

Le recteur, troublé par cette apparition, resta muet d’étonnement quelque temps, puis il invita la dame à s’asseoir :

— Merci ! répondit-elle ; je viens chercher mon filleul Emmanuël.

— C’est donc vous, madame, qui êtes la marraine d’Emmanuël ?

— Oui, je suis sa marraine, et je viens le chercher pour venir avec moi au paradis, où il trouvera aussi son parrain.

Et elle prit Emmanuël par la main, et ils disparurent sans qu’on pût savoir comment.

Cette belle dame était la sainte Vierge Marie, qui était venue prendre son filleul pour l’emmener avec elle au ciel.

(Conté par Catherine Le Bêr, mendiante,
de Louargat, Côtes-du-Nord.)