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L’Égoïste (Meredith)/Chapitre 10

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Traduction par Maurice Strauss.
Charles Carrington (p. 137-162).
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CHAPITRE X


Où Sir Willoughby tente de se mettre en titre.

Vernon était utile à son cousin, il était le secrétaire rêvé pour un homme qui régissait ses propriétés avec sûreté et vigilance, mais qui une ou deux fois eût à subir des jugements contraires en Justice de Paix, à l’occasion de quoi, une demi-colonne d’anglais hautain soutenu par une citation classique appropriée, pénétra Willoughby de la valeur en controverse d’un tel secrétaire. Il n’avait aucune peur de ce dragon à l’haleine enflammée — la Presse — tant que Vernon était sa main droite, et il le jugeait d’autant plus indispensable qu’il avait l’intention de faire partie du Parlement. De plus il était ravi que les ouvrages signés par son cousin portassent la mention du château de Patterne où ils avaient été écrits. Ceci faisait briller sa maison dans un ordre nouveau, démontrant le bien de l’étude en lui donnant un parfum d’aristocratie de lettres, qui peut-être ne valait pas la peine, en soi-même méprisable, mais tout de même prisée au-dessus de l’aristocratie matérielle et titrée, sans que l’on puisse dire exactement pourquoi. Les sauces délicates animent, ennoblissent des viandes recherchées ; prises isolément, celles-ci paraîtraient vulgaires, celles-là nauséabondes. Il en est ainsi, ou approchant, quand vous êtes en possession d’un poète, ou mieux d’un savant, attaché à votre maison. Sir Willoughby méritait de l’avoir, dominant ses amis du comté par l’appréhension du fumet exhalé par le bon chien ; et tant qu’il l’avait ils se rendaient compte de leur infériorité. Son cuisinier, M. Dehors, élève du grand Godefroy, n’était pas le seul cuisinier français du comté, mais son cousin et secrétaire, l’écrivain adroit, le styliste élégant, était incomparablement décoratif ; dans son genre, cela va sans dire. Ne riez pas ; à moins qu’il vous soit égal de montrer que vous n’avez aucune idée du monde chic de la haute littérature. Par la volonté de Sir Willoughby, un silence abject pouvait contrister un grand dîner, par un mot dit sur Vernon « resté à la maison pour y travailler à ses Étrusques ou bien à ses Doriens » il faisait une pause pour laisser couler le mot à fond, puis il riait sur son excentrique cousin, qu’il laissait alors en repos.

De plus, Willoughby, abhorrait la perte d’une figure de son entourage. Il faisait peu de cas des domestiques qui acceptaient leur congé sans faire de supplications qu’on les gardât. Son inimitié allait au valet qui résignait sa place. Le projet de Vernon de quitter le château, apeurait et alarmait le sensible gentleman. « Il faudra que je lui donne Letty Dale » se disait-il, accédant en amère générosité aux conditions que lui imposait le manque de générosité d’un autre. Car depuis ses fiançailles avec Miss Middileton, sa prévoyance électrique avait vu en Miss Dale, la gouvernante de ses bébés, si, non mariée, elle restait dans son voisinage. Ce projet s’évanouissait. Ils pouvaient se marier et vivre dans un cottage, sur l’orée du parc, Vernon garder son poste ; Lætitia continuait son dévouement. Le risque d’abandon devait être prévu. Le mariage, c’est reconnu, a un tel effet sur les plus constantes des femmes, qu’une grande passion tourne à zéro dans leur cœur fugace, quand elles ont pris mari. Particulièrement chez la femme la matière triomphe de l’esprit. Toutefois il fallait courir le risque.

N’ayant aucune envie de discuter avec Vernon, qui avait l’habitude de garder le dernier mot en s’en allant brusquement aussitôt qu’il avait émis son opinion, il laissa les deux personnes qui s’intéressaient au jeune Crossjay, s’imaginer qu’il méditait sur la question et qu’il était sage de le laisser à ses méditations ; car il rabrouait aigrement ceux qui traversaient le courant de ses pensées. Cependant, il instruisit les ladies Éléonore et Isabelle pour que Lætitia Dale vînt en visite au château, bientôt l’on allait donner des dîners, ce qui nécessitait la présence d’une personne sachant causer ; également, une femme intelligente, splendidement sentimentale, jusqu’ici un miracle de fidélité féminine, devait inciter une femme plus jeune à l’émulation. En définitive, acoquiner Lætitia à Vernon c’était plus qu’il ne pouvait faire ; il était déjà beau qu’il voulût bien tenir la chandelle.

Concernant Clara, dont les sentiments ne répondaient pas en parfaite harmonie aux siens, son aptitude à lire dans les cœurs lui révélait quelque chose de cet absurde et indéfendable mot de Mrs Mountstuart Jenkinson : « friponne en porcelaine ». Qu’il y eût une idée en cette phrase, il le niait. Mais en considérant Clara comme une porcelaine d’une incomparable et délicate beauté, dans la touche incomparable et délicate de ses traits affleurait un soupçon d’innocente friponnerie ; la ressemblance de la précieuse et aimable substance appropriée à admettre une convenance, dans le sens dubitatif. Il haïssait la phrase, et elle le hantait.

Sûrement parfois elle semblait la nymphe qui a trop longtemps regardé le faune, imite sa lèvre retroussée, son œil langoureusement allongé. Ses yeux avec le jeune Crossjay ressemblaient au retour de la lady vers le chat ; elle s’y jetait comme si elle ne vivait que pour cet enfant.

Sir Willoughby ne voyait rien à redire à une animation physique qui lui promettait une compagne robuste ; mais par leurs conversations, il s’apercevait qu’elle ne pensait pas à faire de son cœur un nid pour lui. Des pointes acérées s’opposaient lorsque ayant au figuré, découvert son sein, s’attendant au plus doux, au plus beau. Elle raisonnait, c’est-à-dire : elle armait son ignorance. Elle raisonnait avec lui en public et appelait Vernon à la rescousse. L’influence vaut le pouvoir ; et son influence sur Vernon fut démontrée un soir chez Lady Culmer, qu’elle le fit danser après qu’il eut mélancoliquement exposé ses aptitudes en cet art ; et non seulement elle lui avait persuadé de se mettre en face d’elle ; mais elle le manœuvrait durant la danse, comme un garçon adroit cajole sa toupie, la fait venir à lui sans qu’elle chancelle, Vernon et Willoughby furent contents. Car il était le dernier à trouver à redire à une manifestation du pouvoir de sa fiancée.

En considération de cette influence sur Vernon, il lui reparla du jeune Crossjay, et comme il était systématique, il la mit dans la confidence, afin qu’elle pût agir pour lui.

— Ce vieux Vernon ne vous a plus reparlé du gamin ?

— Oui, Mr Whitford m’a questionnée.

— Il ne me questionne pas.

— Il me croit de meilleure aide que je ne suis.

— Voilà, ma chérie ! S’il m’abandonne Crossjay, il s’en ira. Cette rage le tient d’aller « enrôler » sa plume à Londres, comme il dit ; et je suis accoutumé à lui ; je ne veux pas le voir en scribe mercenaire, écrivant des bêtises sur commande, le tout pour gagner une misérable existence ; j’ai besoin de lui. S’il s’en va, il m’offense ; il perd un ami ; ce n’est pas la première fois qu’un ami a outrepassé les limites ; mais quand il m’offense, il est éteint.

— Il est quoi ? s’écriait Clara en émoi.

— Il est pour moi comme s’il n’avait jamais existé. Il est éteint.

— Malgré votre amitié ?

— À cause de cette amitié. Notre âme est pleine de mystères. Quels que soient mes regrets, il s’éteint. Ceci n’est pas à dire en public. Cependant je ne fais aucun mal, je reste chrétien. Mais…

Sir Willoughby, étendant les bras, s’interrompait.

— Mais parlez-moi comme vous parlez en public, Willoughby. Épargnez-moi.

— Ma Clara, nous ne faisons qu’un. Il faut que vous connaissiez de moi le pire, si j’ose m’exprimer ainsi, aussi bien que le meilleur.

— Faut-il vous dire tout ?

— Quoi ?

Elle restait silencieuse, le flot d’une instable résolution gonflait son sein et s’affaissait, avant qu’elle dit :

— Je ne m’en sens pas le courage.

— Ô femmes ! s’écriait-il.

Il ne faut pas s’attendre à tant des femmes ; ni vertus héroïques, ni vices. Elles n’ont pas à faire preuve d’énergie.

Il reprit et par son ton elle comprit qu’il lui avait élevé un autel dans son cœur : « Je vous dis ces choses, sachant que ce n’est pas à mon avantage. Mais cela doit servir à me faire connaître. Je vous le dis en toute humilité, j’ai trop en moi de l’orgueil de l’archange déchu. »

Clara, retenant son souffle, inclinait la tête.

— Cela doit être de « l’orgueil », disait-il en une rêverie qui le prit en la voyant pensive après sa révélation. Et il se rengorgeait sous les noires flammes infernales dont il venait de se couronner.

— Est-ce qu’il vous est impossible de vous en corriger ? interrogeait-elle.

Il répondait en désappointement et vexé : « Je suis ce que je suis. Il pourrait vous être démontré mathématiquement que dans mon caractère, des équivalents, des substitutions balancent ce défaut, si c’en est un.

— Il me semble que c’en est un. Punir si cruellement Mr. Whitford de chercher à améliorer son sort.

— Qu’il pense à moi. Il n’a qu’à me le demander pour que ses honoraires soient doublés.

— Il souhaite l’indépendance.

— Être indépendant de moi !

— La liberté !

— À mes dépens.

— Oh ! Willoughby…

— C’est le monde ! Et je le connais, mon amour. Si belle que puisse être votre incrédulité, vous trouverez plus réconfortant de vous fier à moi, à la connaissance que j’ai de l’égoïsme du monde. Ma plus douce… vous le ferez ? Car une différence de souffle entre nous, paraît intolérable. Ne voyez-vous pas que cela brise notre anneau magique ? Une étroite fissure et le monde s’y engouffre avec son déluge de boue. — Mais revenons à mon sujet, à ce vieux Vernon. Oui : je paierai pour Crossjay, si Vernon consent à rester. J’abandonne mes vues sur l’enfant, quoique je persiste à croire que c’étaient les plus raisonnables. De plus pour convaincre Vernon, à rester… Il a ses idées sur la contrainte par la présence d’une maîtresse de maison. Impossible de discuter avec lui, une sorte de détermination maniaque lui tient lieu de volonté, à ce vieux Vernon. Qu’il se fixe, tout près de moi, dans un de mes cottages. Voilà qui va bien ! Pour le fixer vraiment, il faut que nous trouvions à le marier.

— À qui ? demanda Clara craignant pour la lady à qui elle pensait.

— Les femmes, d’instinct, sont bâcleuses de mariages, mais aucune n’est aussi persuasive qu’une jeune fiancée. Avec un homme — et surtout un homme comme ce vieux Vernon — elle serait irrésistible. Que ce soit mon vœu, voilà de quoi vous rendre forte. Que ce soit votre désir, et il sera subjugué. S’il s’en va, ce sera pour tout de bon. S’il reste, il est mon ami. J’agis simplement avec lui, comme envers tout le monde. C’est là le secret de l’autorité. Bientôt Miss Dale perdra son père. Il vit d’une pension ; à moins qu’elle ne soit établie auprès de nous, il faudrait qu’elle quitte le voisinage du château. Tout son cœur est dans ce pays, c’est la passion de cette pauvre âme. Comptez sur son consentement. Mais elle a besoin d’un peu d’adoration… Ah ! l’adoration de ce vieux Vernon ! Imaginez-vous le tableau, mon amour ! Je présume qu’il traitera sa dame comme un dictionnaire, feuilletant à la recherche d’un mot, puis tournant hâtivement les pages à la recherche d’un autre mot, jusqu’à ce qu’il ait constitué la phrase. Ne rembrunissez pas votre front, ma Clara. Certains parlent avec leur langue, d’autres ne le peuvent. Il y en a qui ne sont que des bâtons tout secs ; des hommes virils, d’honnêtes compagnons, mais si élimés, si frottés de vernis, qu’ils s’en écartent du sexe et qu’ils leur faut des imprévus pour remplacer les filaments soyeux qui doivent les attacher. À présent Willoughby riait tout près de la figure de Clara, pour mobiliser son regard de rêveuse fixité. À présent, je puis vous l’affirmer, ma chérie, je comprends tout. Vernon ne sait pas parler, comme nous parlons. Il a, ou il avait, une rampante affection pour Miss Dale. Ce fut la chose du monde la plus divertissante. Oh ! ses assiduités ! L’air d’un dogue qui n’a pas la conscience tranquille et qui tente de se réconcilier avec son maître. Nous fûmes tous en humeur de rire. Naturellement cela tourna à rien.

— Est-ce que Mr. Whitford, en déclinant ce mariage, vous offenserait à l’extinction ?

En réponse à sa bêtise, Willoughby soufflait un affectueux : Ah ! bah !

Il reprit : — Nous les menons l’un à l’autre, le mieux que nous pouvons… Vous le voyez, Clara, je suis prêt à des sacrifices pour le retenir.

— Que sacrifiez-vous donc ? Un cottage ? disait Clara, combative sur tous les points.

— Un idéal, peut-être ? Le sacrifice m’importe peu, ce que je veux éviter c’est la séparation. C’est pourquoi je favorise les unions. Faites servir votre influence au bien, mon amour. Je suis sûr que vous pourriez le persuader de danser la gigue écossaise sur la table du grand salon.

— Il ne faut rien lui dire concernant Crossjay ?

— Nous tiendrons Crossjay en réserve.

— C’est urgent.

— Croyez-moi. J’ai mes idées. Je ne suis pas un oisif. Ce garçon a tout ce qu’il faut pour devenir un homme de cheval émérite. Des éventualités peuvent… Sir Willoughby, tout en s’adressant à sa fiancée, semblait se parler à lui-même. — La cavalerie ? Si nous le faisons entrer dans la cavalerie, nous pouvons en faire un gentleman — qui ne nous fera pas honte. Peut-être même, dans les Gardes. Pensez-y, mon amour. De Craye, qui, j’en suis sûr, agira pour moi, si le vieux Vernon s’avise de tirer au flanc, de Craye est lieutenant-colonel aux Gardes, un parfait gentleman, peu d’intellect, il est vrai, mais fort élégant ; il est Irlandais ; vous le verrez, et je serai ravi de placer à côté de lui, dans le salon, un lieutenant de vaisseau, pour que vous compariez et puissiez choisir le modèle que vous préféreriez pour un enfant à qui vous vous intéressez. Horace, c’est la grâce et la bravoure incarnées, un peu fat, probablement ; j’ai toujours été trop son ami pour l’étudier de près. Comme dit Vernon, « un rien enlevé par les vautours et blanchi au désert. » Il n’est pas vilain causeur ; si vous vous résignez à conduire le bal, il vous amusera. Ce vieux Horace ! Il ne se doute pas comme il est amusant.

— Mr Whitford a-t-il dit cela à propos du colonel de Craye ?

— Je ne sais plus de qui il l’a dit. Vous avez donc remarqué le faible de Vernon ! Citez-lui une de ces épigrammes, et de la tête aux talons il va se mettre en mouvement. Pour le mettre en bouteille, c’est la bonne recette. Quand je le veux de belle humeur, je n’ai qu’à murmurer : « Comme vous l’avez dit. » Aussitôt il se rengorge.

— Moi, disait Clara, j’ai surtout remarqué ses inquiétudes pour le petit ; en quoi je l’admire.

— S’il n’est pas très sagace et qu’il manque de perspicacité, par contre il est estimable. Donc, ma chère, attaquez-le de suite ; commencez par lui parler de notre charmante voisine. Elle sera notre hôtesse, pendant une semaine ou à peu près, et toute l’affaire pourra être assez avancée pour qu’il soit fixé avant qu’elle parte.

Elle attend une cousine qui doit soigner son père pendant son absence. Une gentille petite poussée fera tomber Vernon à genoux devant elle, pour autant qu’il puisse les plier, mais quand une dame s’attend à une déclaration, la formule intégrale n’est pas nécessaire. Est-ce qu’elle l’est ? Le direz-vous ? Pourtant il y a de jolies forteresses…

Il l’enlaçait. Clara commençait à s’y faire. Elle se soumit ; ne voyant aucun moyen d’y échapper, elle invoqua un froid salutaire pour arrêter son sang et elle passa par la minute, insensible. Après quoi, elle se reprochait d’en faire toute une affaire, l’estimant de moindre endurance que de l’écouter. D’ailleurs comment agir ? Elle était encagée. Par sa parole d’honneur, comme elle le croyait en de certains moments ; pour sa couardise, pensait-elle parfois ; percevant obscurément celle-ci plus puissante que celle-là ; elle ruminait sur cette question abstraite : la lâcheté d’une femme peut-elle être si absolue, qu’elle la pousse vers l’objet de son aversion ? Cette lâcheté peut-elle se comprendre ? Ne vient-il pas, le moment, où elle est aux abois ? Mais alors, l’Honneur au visage hagard surgit et réclame ses droits ; pour avoir le courage de se sauver, il faut que la femme ait le courage de rompre avec l’honneur, elle doit oser être sans foi ; il ne faut pas qu’elle se dise : « je serai brave, » il faut qu’elle le soit jusqu’au déshonneur. La cage d’une femme fiancée aspirant à sa liberté, a deux gardiens ; l’un est noble et l’autre vil. Où donc sur terre, est-il une créature aussi épouvantablement confinée. Il lui appartient de surmonter ce qui la dégrade, qu’elle puisse gagner la liberté en surmontant ce qui exalte.

Par sa situation, cette pensée (ou bien le brouillard de jeunesse acceptant ce mirage pour une pensée) née du mal présent, se précisa dans le cerveau de Clara : « Que ce doit être un monde branlant, piètrement construit, où l’heure de l’ignorance est créatrice de notre destin, forçant aux élections décisives dont l’issue de ce qu’il y a de plus important dans la vie. » Son maître l’avait amenée à voir le monde comme il le voyait.

Elle pensa aussi : « Comme cet homme doit mépriser les femmes qui osent ainsi s’exposer devant moi. »

Miss Middleton le dut à Sir Willoughby qu’elle cessât de penser en petite fille. Quand donc ce grand changement avait-il commencé ? Regardant en arrière, elle put croire que ce fut à cette période, qu’en amour, on appelle la première — à peu près dès le début. Car elle se sentait impuissante à évoquer le souvenir des émotions alors ressenties. Elles étaient si bien mortes qu’elle ne pouvait plus les faire surgir même sous forme d’ombres imprécises. Sans le blâmer, car jusqu’à ce certain point elle était raisonnable, elle se jugeait attrapée. En un rêve elle s’était vouée à un emprisonnement perpétuel ; ô terreur ! non pas en un cachot tranquille, les murailles nues qui l’enserraient, parlaient, exigeaient de l’ardeur, voulaient de l’admiration.

Elle était incapable de dire pourquoi il ne lui était pas possible d’admirer, d’être ardente ; pourquoi elle se repliait de plus en plus sur elle-même, pourquoi elle invoquait le froid, tueur des impressions les plus tendres. Elle était en révolte, jusqu’à ce que la pensée du jour des cloches la réduisît en une aveugle soumission ; dont un souffle de répit la rejetait dans la rébellion en stages gradués, mais rapides ; pour de nouveau la terrasser par l’évocation de cet étrange jour de deuil joyeux. Cela était vivant, avançait, avait une bouche, une bouche qui chantait. Elle recevait des lettres des demoiselles d’honneur qui parlaient de cela ; elle les sentait comme des vagues qui drossent vers la côte le navire en perdition. Considérant en affliction adverse les circonstances qui l’entraînaient, elle crut à la possibilité de devenir folle. Car autrement ne pouvait-on l’accuser d’une capriciosité tout aussi déplorable : il n’y avait pas longtemps, elle avait écrit à certaines de ces jeunes dames, concernant ce gentleman. En quels termes ? Sur quel ton ? Est-ce qu’elle était folle, alors ? Guérie, à présent ? Il lui semblait que d’en avoir parlé avec enthousiasme était de la démence, plus que de renâcler devant l’union ; mais de se trouver isolée, s’opposant à tout ce qu’elle avait consenti d’abord, lui semblait difficile à admettre pour une jeune fille douée de raison.

Ce fut Sir Willoughby lui-même qui la pourvut de cette clef de clairvoyance qu’elle cherchait. Ce fut lui qui la fit persister dans l’esprit de révolte, y donnant une quasi consécration.

Le médecin à la mode du comté, fameux pour son esprit anecdotique, le Dr Corney avait dîné au château. Le lendemain on vint à parler de lui et des prodiges d’art accomplis par Armand Dehors lorsqu’il eut appris qu’il allait devoir satisfaire le goût d’une assemblée d’hommes d’esprit. Sir Willoughby lançait à Dehors ce coup d’œil de bénévolente ironie, dont il était coutumier quand il parlait des personnages, grands dans leur genre, qui le servaient : « Quoi ? Il ne peut pas nous donner tous les jours un aussi bon dîner. On apprend toujours des Français. Le Français supplée à ce qui lui manque par de l’enthousiasme. Ils n’ont aucun respect. » Si je lui avais dit : « Dehors, je veux un dîner exquis, » il m’aurait fait servir un repas quelconque. Mais ils ont un fonds inépuisable d’enthousiasme, c’est là qu’il faut frapper.

Connaissez un Français et vous connaîtrez toute la France. Dehors est à moi depuis deux ans, et je puis définir son enthousiasme en un mot. Il crut que « homme d’esprit » signifiait « homme de lettres ». C’est ainsi que les Français ont détruit leur noblesse, en s’excitant. Ils exaltent leurs écrivains, non pas pour les révérer, ils ne le peuvent, mais pour se mettre eux-mêmes dans un état d’effervescence. Ils ne souffrent pas au-dessus d’eux de réelle grandeur, mais ils en veulent l’illusion. Peut-être afin de se donner le leurre de l’égalité. Vous avez beau hocher la tête, mon bon Vernon. Vous le voyez, la nature humaine est imprescriptible, et les Français ne diffèrent de nous que parce qu’ils ont marché dans le sang pour découvrir que rien n’était changé : « Je suis votre égal, Monsieur ! je suis né votre égal. Ah ! vous êtes un homme de lettres ? Permettez-moi de vous admirer ! » Oui, Vernon, et je suis sûr que le gaillard vous considère comme le chef de la maison. Oh ! je ne suis pas jaloux ! Pourvu qu’il remplisse ses fonctions. Il y eut un philosophe français qui proposa de désigner les jours du calendrier par les anniversaires des écrivains français. On aurait le jour de Voltaire, le jour de Rousseau, le jour de Racine et ainsi de suite. Peut-être Vernon va-t-il nous dire qu’il doit présider au premier Avril, le jour des dupes ?

— Quelques menues erreurs n’ont aucune importance quand vous êtes en veine de satire, répliqua Vernon. Contentez-vous donc de connaître toute une nation en la personne d’un cuisinier.

— Les Français pourraient donc juger des Anglais par un jockey, intervenait Dr Middleton. Je crois que nous échangeons nos jockeys contre leurs cuisiniers ; et nos voisins perdent au change.

— Mon cher, mon bon Vernon, reprit Willoughby, n’est-ce pas un non-sens de brailler tous les jours le nom de quelque homme de lettres ?

— D’un savant, d’un philosophe.

— Soit !

— De tous les temps, de tous les pays. Les noms des bienfaiteurs de l’humanité.

— Bienfaiteurs ! la fin du mot expirait dans le rire de dérision de Sir Willoughby. Il y a là-dedans une prétention incompatible avec le bon sens anglais. Vous vous en rendez compte sûrement.

— Nous pourrions, si vous le préférez, concédait Vernon, alterner, dédier tel jour à une de nos grandes familles dont cette date commémore une action de mérite.

La mutine Clara se délecta dans cette raillerie, s’écriant : « En trouverions-nous assez ? »

— Un poète ou deux pourraient nous aider.

— Un boxeur, au besoin.

— Pour les jours de tempête ! remarquait le Dr Middleton, et hâtivement, en contrition, il reprenait la conversation, que, à son insu, il avait fait dévier. Il émit son sentiment sur les inventions nouvelles dénuées d’esprit pratique. Et il disait, à part, un mot à Vernon, qui fit naître en Clara la bienheureuse impression que son père n’était pas disposé à appuyer les avis de Vernon, alors même qu’il les partageait.

Sir Willoughby avait dirigé la conversation. Mécontent que cette direction lui échappât, il se tourna vers Clara et se mit à lui raconter une des anecdotes du Dr Corney ; puis une autre, pleine de psychologie ; il s’agissait d’un gentleman valétudinaire, dont la femme était très malade ; il s’en allait rejoindre les médecins assemblés en consultation dans une chambre voisine, et tout en larmes, leur offrant tout ce qu’il possédait, il les conjurait de sauver la moribonde ; il leur disait : « Elle est tout pour moi ! Si elle meurt, il faudra donc que je coure le risque de me remarier. Il le faudra bien. Car elle m’a si bien habitué aux petites attentions des femmes ! Il faut la sauver ». Et l’époux fervent de n’importe quelle femme serviable se tordait les mains.

— Et voilà l’Égoïste ! ajoutait Sir Willoughby. Ceci est le parfait égoïste. Pauvre homme ! Pauvre femme ! Il ne se doutait pas de son grossier égoïsme.

— Un égoïste, répétait Clara.

— Gardez-vous de vous marier avec un égoïste ! Il s’inclinait galamment ; et elle le vit si aveuglément fat, qu’elle eut de la peine à croire qu’il se fût rendu coupable d’avoir dit ce qu’elle venait d’entendre. Elle tenait ses yeux obstinément fixés sur lui, jusqu’à ce que ses pensées se brouillassent en même temps que sa vue. Elle jetait les yeux sur Vernon, sur son père, sur les ladies Éléonore et Isabelle. Personne ne voyait l’homme dans le mot qu’il avait prononcé ; personne n’avait fait attention au mot ; pourtant ce mot, c’était sa panacée, à elle, la lampe qui faisait la lumière dans son esprit ; c’était la clef qui lui permettait de pénétrer dans le tréfonds de l’homme {et hélas ! elle y pensait en ressentant la nécessité), c’était encore l’avocat qui plaidait la cause de la fiancée. Égoïste | Elle le contemplait — l’infortuné par lui-même étiqueté — elle l’étudiait en ses bonnes qualités et dans ses défauts sous la lueur de l’implacable lampe, et ce qu’il y avait de bon en lui, apparut saturé de sa première personne au singulier. Sa générosité clamait son « moi » plus que tout le reste. Elle le supposa à l’âge du héros de l’anecdote du Dr Corney : « Je vous en prie, sauvez ma femme pour l’amour de moi. Il faudrait que j’en prenne une autre ! Une autre qui peut-être ne m’aimerait pas aussi bien, qui ne comprendrait pas mon caractère, ne saurait apprécier la grâce de mes attitudes ». Il était dans sa trente-deuxième année, un homme jeune, fort et robuste, mais son babil sempiternel sur son thème favori, son emphatique « Je » et « Moi », lui donnaient quelque ressemblance avec un vieil homme souillé de sénilité.

— Gardez-vous de vous marier avec un égoïste !

Est-ce qu’il l’aiderait donc à se sauver ? L’idée de la scène qui aurait suivi sa pétition de délivrance, d’être traînée autour des murs de son égoïsme, sa tête portant sur les angles, cette idée la rendait malade. Il y avait l’exemple de Constance. Mais cette jeune lady dans son désespoir avait été aidée par un brave et aimable gentleman. Elle avait trouvé un capitaine Oxford.

Clara épiloguait là-dessus et finit par les trouver héroïques. Elle se posait la question : « Pourrait-elle faire la même chose, si quelqu’un survenait pour l’assister ? » En torpeur, elle fermait ses yeux, déviant de son désir, et pourtant incapable de dire : « Non ! »

Ceci était positif, Sir Willoughby avait dit « Gardez-vous. » Se marier avec lui, c’était aller contre son avertissement formel. Elle fut jusqu’à se le représenter plus tard, lui disant : « Je vous ai avertie ! » Elle comprit l’état de mariage avec lui, non pas comme le fait d’une femme liée à un homme, mais à un obélisque couvert d’hiéroglyphes, dont, perpétuellement, il lui aurait expliqué le sens, en prenant texte pour des sermons.

Il était certain que cet inébranlable homme de pierre ne voudrait point la lâcher. Cette pétrification d’égoïsme, d’étonnement en austérité, rejetterait la supplique. Son orgueil le débarrasserait de comprendre son désir d’être délivrée. D’ailleurs si elle s’y résolvait, sans s’y prendre uniment comme Constance, il fallait encore compter avec la misérable stupéfaction de son père à qui cette complication serait un tragique dilemme. Son père avec toute sa tendresse, serait resté intraitable sur le point d’honneur, et chérissant son enfant, il aurait été en détresse dans une tempête de fureur ; ainsi affligé, le docteur Middleton levait ses bras, il fuyait les livres, les discours, semblait une épave sur l’océan, avec rien entre lui et sa calamité. Quant au monde, elle l’aurait eu, aboyant, sur ses talons. L’homme à qui elle aurait pu le proclamer égoïste, le monde l’aurait traitée de coquette. Elle songeait avec amertume à l’assentiment qu’elle avait donné à Sir Willoughby concernant le monde, il était cause que le jardin de ses rêves se fût rempli d’orties, que son horizon ressemblât à la quatrième face, non éclairée, d’un square.

Clara s’en allait d’une personne à l’autre, de ceux qui étaient au château. Tous, elle fut forcée de le reconnaître, honnêtement admiraient leur hôte. Nul ne soupçonnait la bourbe de son caractère. En acceptant leurs compliments pour ses fiançailles avec Sir Willoughby, ses offres d’hypocrisie étaient médiocrement compensées par le mépris de leur fatuité. Elle essaya de se tromper elle-même en se disant qu’ils étaient dans le vrai, et qu’elle était folle et vicieusement capricieuse. Dans son angoisse, pour dompter la révolte qui de son cerveau lui était entrée dans le sang, et la tourmentait, qu’elle y pensât ou non, elle encourageait les ladies Éléonore et Isabelle à magnifier l’homme fictif, objet de leur idolâtrie, espérant ainsi se convaincre et qu’elle pût se soumettre aux exigences de la situation. Quand elle avait réussi à engourdir son antagonisme, cinq minutes de conversation avec son fiancé défaisaient l’ouvrage.

Il la pria de porter les perles de Patterne pour un dîner de grandes ladies, et il voulut donner l’ordre à Miss Isabelle de les lui donner. Clara s’en excusa, invoquant son défaut de droits à porter ces joyaux. Il se prit à rire de sa modestie : « Mais, vraiment, cela peut passer pour de l’affectation. Je vous donne le droit. Virtuellement vous êtes ma femme ! »

— Non.

— Devant le ciel ?

— Non. Nous ne sommes pas mariés.

— Comme ma fiancée, vous les porterez. Pour me faire plaisir.

— Je préfère m’en dispenser. Je ne peux pas porter des bijoux qui me seraient prêtés. Veuillez m’excuser. Et de plus, Willoughby, disait-elle s’irritant de son manque de fermeté, en ne se tenant pas au refus simple, péremptoire et provocant, en cet arroi de joaillerie, j’aurais l’air d’une victime parée pour le sacrifice, la génisse enguirlandée qui se voit sur les vases grecs.

— Ma chère Clara ! s’exclamait l’amant éberlué, comment pouvez-vous dire que les bijoux vous seront prêtés ? Ils appartiennent à Patterne, ce sont les perles de la famille, incomparables, j’ose le dire, en ce comté et en bien d’autres. Ils vont à la maîtresse de la maison, par le cours naturel des événements.

— Ils sont à vous et non pas à moi.

— Par destination, ils sont vôtres.

— Ce serait donc une anticipation de les porter.

— Avec mon consentement ? Mon approbation ? À ma prière ?

— Je ne suis pas encore. Il peut arriver que je ne sois jamais.

— Ma femme ? Il eut un rire de triomphe et la fit taire en cajolerie virile.

Il avoua qu’après tout son scrupule était honorable. Peut-être était-il plus sûr de laisser les joyaux dans leur coffre de fer. Il avait cru lui faire une surprise et une joie.

Le courage lui venait pour s’expliquer plus clairement, quand il cessa d’insister qu’elle portât les bijoux, semblant ainsi déférer à son vœu, ce qui la désarmait en sympathie touchée.

Toutefois, elle disait : « J’ai bien peur, Willoughby, que nous ne soyons pas souvent d’accord. »

— Quand vous serez un peu plus âgée, cela changera ; telle fut l’irritante réplique.

— Ce sera bien tard pour nous en apercevoir.

— La découverte, je le crains, n’est pas indispensable, mon amour.

— Il me semble que nos goûts sont opposés.

— Je m’en serais sûrement aperçu sur une simple indication.

— Mais je sais, j’ai appris, que l’idéal du devoir de la femme, c’était d’assujettir ses goûts à ceux de son compagnon.

— Vraiment, mon amour ? Quant à ma femme, ses goûts seront tout naturellement en accord avec les miens.

— Ah ! Elle se portait sa main à ses lèvres, étouffait un bâillement. Je suis ici plus encline au sommeil que partout ailleurs.

— L’air est le plus pur du royaume. On se croirait au bord de la mer.

— Mais j’ai toujours sommeil ici.

— Il faudra que nous organisions une exposition publique de la Beauté.

Elle fut battue par ce trait de vivacité.

Elle le quittait, ressentant le mépris du cerveau aiguisé, fébrilement agité, pour honorer le cerveau ruminant la pâture dans les heureux herbages de la torpeur. Elle était si fiévreuse, si âpre fut son introspection, qu’elle n’épargna personne, Vernon moins que tout autre. Le jeune Crossjay, qu’elle ne supposait pas du tout capable de lui venir en aide, était le seul à qui elle désirât vivement de plaire ; en affection elle l’envia ; il était le plus jeune, le plus libre, il avait le monde devant lui et ne savait pas combien le monde est horrible, ou pouvait être considéré comme tel. N’attendant rien de lui, elle aima le petit homme. Les autres, Vernon Whitford, par exemple, auraient pu l’assister et ils ne remuaient pas un doigt. Il devait savoir de quoi il retournait. Une inquisition si pénétrante, sous son air d’abstraite méditation, quoiqu’il ne la fixât de ses yeux que durant une ou deux secondes, avait dû lui permettre de lire en elle, ligne par ligne, jusqu’à la fin, — excepté ce qu’elle pensait de lui pour l’avoir soumise, sans but déterminé, à ce regard d’acier, qui avait fouillé au profond de son cœur.

Elle comprit l’injustice de sa pensée. C’était son cas, son lamentable cas, — les nerfs impatients, en panique, les nerfs d’une captive effarée et qui criait au secours. Pour acquérir la force de s’en débarrasser, elle exagérait sa souffrance, et reconnaissant que celle-ci était exagérée, elle perdait sa force, et de ce conflit naissait la dépression, avec un cri aussi sauvage qu’un cri de folie ; car elle ne rougissait pas de se dire : « Si quelqu’un m’aimait ! »

Avant d’avoir entendu parler de Constance, elle s’était complu dans sa liberté comme une déesse virginale, — elle ne pensait pas aux hommes ; même, si la figure d’un sauveur s’évoquait dans sa pensée, il apparaissait plutôt comme un ange qu’en héros. Cette gracieuse puérilité virginale avait pris fin. Tout son être se démenait sous la grippe du dragon. Avec la saveur du dégoût, incapable de se contenir, incapable de parler haut, elle en vint à se parler à elle-même, et toute sa féminité éclatait en ce cri : « Ah ! si j’étais aimée, non pas pour l’amour, mais afin de pouvoir souffler librement » ; ce qu’elle voulait, c’était d’assurer le charme de sa vie, comme une mère, dans un naufrage, ne pense qu’à faire atteindre la rive à son enfant. « Si quelque gentleman pouvait me voir ainsi et ne dédaignerait pas de m’assister. Oh ! pouvoir sortir de cette prison de ronces et d’épines. Je ne peux seule m’en évader. Je suis lâche. Mon cri de détresse en est la preuve. Un doigt levé en signe d’amitié me donnerait le courage, je crois. Sanglante, à travers le feu, je courrais à un ami. Un ami ! Je ne veux pas d’un amant. Je trouverais encore quelque égoïste, moins répugnant, mais qui me glacerait de son souffle de mort. Je pourrais suivre un soldat, comme le fit Sally ou Molly. Il consacre sa vie à son pays, le pire des hommes qui fait cela peut rendre une femme fière de lui. Constance a rencontré un soldat. Elle avait prié sans doute et sa prière fut rejetée. Elle fit mal ! Mais je l’approuve. Il s’appelait Harry Oxford. De dire son nom, de voir qu’il l’attendait, ce dut lui être un réconfort. Elle ne s’attarda point, elle coupa les liens, reprit sa liberté. Ô la brave fille : Que penserait-elle de moi ! Mais je n’ai pas de Harry Whitford, je suis seule. Ce qu’on dit des femmes ! Il faut que nous soyons bien mauvaises, pour qu’on puisse écrire tant de mal sur nous. Cependant il faut avouer que d’exiger d’une femme qu’elle s’engage par un serment, une cérémonie, parce qu’en promesse ignorante elle s’est trompée sur le compte d’un homme, c’est… — en émoi soudain elle s’aperçut qu’au nom d’Oxford elle en avait substitué un autre, elle en devint cramoisie, dans un coup de honte.