L’Épicurien (Désaugiers)

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L’Épicurien (Désaugiers)
Désaugiers et ses amisPlancher (p. 67-69).

L’ÉPICURIEN.

air : Toujours debout, toujours en route.


Toujours debout, toujours en route,
Malgré les veilles et la goutte,
Sur terre on voit l’Épicurien,
Joignant à la soif de la gloire
L’autre soif qui le porte à boire,
Galant homme et joyeux vaurien,
Vivre long-temps et vivre bien :

Pour en citer plus d’un exemple,
Voyez l’Anacréon du Temple
À cent ans saisir à tâtons
Les fillettes et les flacons ;
De Théos on a vu le sage,
Qui gaîment eût passé cet âge
S’il n’avait d’un grain de raisin
Avalé jusques au pépin ;
J’ai vu le galant Fontenelle,
À cent ans pressant une belle,
Lui dire encore sans témoins :
Ah ! si j’avais dix ans de moins !…
Grâce à l’Amour, Saint-Aulaire
Fut heureux quoique centenaire ;
Presqu’à la centaine atteignant
On a vu chanter Latteiguant ;
Et Piron qui dans sa vieillesse
Fit des vers brûlants de jeunesse.
Chargé d’un siècle, au double mont
J’ai vu gravir Saint-Évremont,
Et, parmi tant de bonnes âmes,
Si j’ose vous parler des femmes,
À cent ans on a vu Ninon
Qui n’avait pas encor dit non.
Après elle le grand Voltaire
Quatre-vingt-cinq ans sur la terre

Chemin faisant s’est arrêté,
Allant à l’immortalité…
Tous ces gens, que le monde honore,
Pouvaient aller plus loin encore ;
Ils en avaient l’intention,
Et sont morts par distraction.

Désaugiers et ses Amis.