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L’Étoile de Prosper Claes/19

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La Renaissance du livre (p. 249-262).


CHAPITRE XIX



En ce jour épique de la rentrée des troupes à Bruxelles — « l’un des plus beaux que le soleil aye oncques veu de ses yeux » — après le moment d’indicible stupeur causée par l’apparition de Prosper Claes défilant rue de Flandre à la tête de sa compagnie, le retour du héros avait provoqué une émeute d’enthousiasme et déchaîné des ovations frénétiques.

Quel démenti, l’allégresse émerveillée d’une telle résurrection n’opposait-elle pas à l’atroce pensée du moraliste à savoir « que les morts les plus aimés, s’ils revenaient au bout de quelque temps, nous causeraient plus d’embarras que de plaisir » !

Sa tâche accomplie — cette tâche dont la légende populaire amplifiait l’histoire déjà suffisamment glorieuse en sa stricte vérité — le jeune homme pouvait renoncer aux affaires et continuer de servir avec la certitude d’atteindre aux plus hauts grades. Il déclina les offres de ses anciens chefs et voulut rester quincaillier comme devant.

Sa naissance ne lui donnait aucune ambition de faire valoir ses droits d’enfant légitime, ni d’échanger, contre un autre plus sonore, le nom bourgeois qu’il avait ennobli par ses actes. Seule, Camille en connaissait le secret, lequel selon le vœu même de M. de Boismont, ne serait jamais divulgué. C’était assez pour Prosper de savoir qu’un mariage clandestin avait uni ses parents et que sa mère, issue de bonne maison, était morte en le mettant au monde. Il connaissait la vie de son père ; romanesque, elle n’était entachée d’aucun déshonneur ; aussi bien, ce père, n’existait plus lors de la naissance de son fils, la mort l’ayant frappé à son poste dans une colonie lointaine. Personne n’était responsable d’avoir exposé un petit être vagissant à la pitié publique, sinon des serviteurs ou des amis, bien intentionnés sans doute, qui n’auraient pas abandonné l’orphelin à supposer qu’il n’eût pas été tout de suite recueilli par les vieux Claes. Quant au bonheur de ces derniers, il ne devait jamais être troublé par aucune révélation.

Entretemps, M. de Boismont avait rempli le mandat d’exécuteur testamentaire auquel l’autorité ecclésiastique l’avait substitué selon le vœu de la défunte Mlle L’Hœst. Camille pouvait épouser Prosper sans renoncer à la succession de sa marraine. Qu’importait d’ailleurs, puisque le mariage des amants avait été célébré dans une petite ville d’outre-Manche au lendemain de leurs libres noces !

Ainsi ne devaient-ils rien cacher : Péro n’était plus le fils d’Adélaïde…



L’ami Victor De Bouck rentrait également dans le civil en dépit de toutes les avances et promesses de l’autorité militaire. Il voulait se consacrer librement à la science, approuvé d’ailleurs par Martha, toute heureuse que son prochain mariage ne l’éloignât point de son père et de Clairette.

Quant à James De Leuw, il embrassait résolument la carrière des armes où il s’était conduit en si vaillant soldat avant de devenir l’un des meilleurs officiers de son régiment. Tel était le prestige qu’il rapportait du front que le souvenir de son humble métier de jadis ne pouvait l’entamer aux yeux de personne. Au surplus, n’était-il pas un authentique descendant d’une des plus nobles familles de la verte Erin ?

Cette rude campagne de quatre ans l’avait complètement transformé. De complexion plutôt délicate, il était devenu un garçon robuste et bien découplé sans perdre la finesse de ses traits ni le galbe d’une taille que l’uniforme avantageait encore. Et puis, comme chez Martha, cette bonne mine recouvrait de gentils sentiments de bonté, de générosité instinctive.

James connaissait à peine Charlotte De Bouck : il ne l’avait guère rencontrée qu’à l’époque lointaine où elle n’était encore qu’une fillette et lui un jeune garçon. Mais Ernest Spreutels, son brave frère d’armes, l’avait si souvent entretenu de sa fiancée que la jeune fille ne pouvait plus le laisser indifférent. Du reste, c’est lui qui avait pieusement gardé les papiers trouvés dans la tunique de son malheureux compagnon et reçu le dernier adieu que le soldat expirant adressait à son père et à sa douce amie.

La remise de ces reliques avait rapproché les jeunes gens et fait naître entre eux un sentiment de vive et inaltérable affection. Un double mariage unirait donc bientôt, et le même jour, les enfants des deux familles.

Quant au voyage de noces, il était tout indiqué : les deux couples passeraient la Manche pour se rendre en Irlande où leur noble cousin William O’Brien, ainsi que sa vieille lady de tante — qui l’avait élevé et qu’il chérissait comme dans le plus attendrissant des romans anglais — leur préparaient dans leur château, évidemment historique, la plus affectueuse réception.

Et qu’on ne parlât pas de la folie d’un tel voyage à cette inclémente saison de l’année ! Grâce au gulf stream, l’île de Saint-Patrick ne défiait-elle point les frimas, constamment vêtue, même au cœur de l’hiver, d’un splendide manteau de verdure et de fleurs !



Tandis que l’heureux Vergust avait encore engraissé au point que sa peau menaçât d’éclater si l’on n’y faisait promptement quelques crevés à l’espagnole, le fielleux Buellings, au rebours, sortait de l’occupation plus hâve, plus jaune, plus eximé qu’un hareng sauret oublié au fond de sa caque.

On avait plus ou moins pardonné au méchant homme en le jugeant surtout du point de vue de sa bile congénitale, laquelle, à de certaines heures, le rendait peut-être aussi irresponsable qu’un pensionnaire de Gheel.

Le hargneux sellier se remettait lentement de la crise qui l’avait tordu comme un cep au lendemain de la visite du pseudo feldgrau. Quelle stupeur d’apprendre que toutes ses « cachettes » étaient repérées et qu’il ne tenait qu’au bon plaisir de l’audacieux espion de le dénoncer à la Kommandantur ! Terrible menace ! Car ce n’était pas seulement la prison pour le dissimulateur, mais la colossale allemande, c’est-à-dire la ruine irrémédiable.

Le coup avait été si rude que, malgré l’armistice, le vieux grigou ne s’en relevait pas. Aussi bien, l’apparente sollicitude de ses anciennes connaissances, loin de lui apporter aucun soulagement, le remplissait d’une honte rancunière qui n’aidait pas aux soins dévoués de sa bonne femme non plus qu’aux remèdes du docteur Buysse. Les scorpions de l’envie continuaient de grouiller en lui, de hérisser son âme contre tout le monde et singulièrement contre Vergust, ce tripier plein de chance dont la fausse commisération lui était un motif de plus de le détester.

Après cela, l’annonce des multiples fiançailles qui réjouissaient les familles d’alentour n’était pas faite pour apaiser sa sourde fureur. Pourquoi, seule entre toutes, une demoiselle aussi accomplie que la sienne, n’était-elle recherchée de personne ? Pareille injure ne se pouvait concevoir.

Tombée du haut de ses rêves, Hortense n’avait plus osé se montrer nulle part depuis l’armistice. Lakmé ne chantait plus l’air des Clochettes ; son visage blafard restait fermé et nul Nilakanta n’eût été capable d’y ramener la grimace qui lui tenait lieu de sourire.

Vierge mûre, lui faudrait-il maintenant se rabattre sur le premier venu ? Encore, d’où sortirait-il celui-là ? Dans la sphère de leurs relations, vers quelque point cardinal qu’ils tournassent les yeux, le bourrelier et sa femme ne le voyaient poindre d’aucun côté…

À chaque visite du pitoyable Vergust, la pauvre Mme Buellings s’épanchait volontiers avec lui sur l’injuste sort d’Hortense. Comprenait-on qu’elle demeurât sans prétendant lorsque, pardessus ses autres avantages, elle avait celui d’être fille unique, si riche d’une belle dot et de tant d’espérances ?

— Ah ! soupirait-elle, les jeunes gens d’aujourd’hui ! Tous des imbéciles !

— Allons ! ne vous tourmentez pas, lui dit un jour le tripier en veine de consolation ; avec sa dot, Mlle Hortense ne sera pas gênée de trouver un bon parti… Et tenez, moi je connais un gaillard qui ferait peut-être bien son affaire…

— Vous croyez ? fit la bonne femme intriguée.

— C’est un veuf qui veut avoir de nouveau un intérieur… Un homme encore d’attaque, savez-vous, avec une belle position. Est-ce que je veux une fois vous le présenter ?

— Oh ! c’est bien gentil de votre part… Mais qui est ça ?

— C’est le plus fort abatteur de Cureghem !

— Œie non ! gémit-elle épouvantée ; ça je ne sais pas si…

— Mais c’est un bon métier ! Et comme ça vous sauriez avoir de la viande et du cuir pour rien !

C’était un argument. Elle réfléchissait : au fait, il ne fallait pas refuser si vite et faire les dégoûtés :

— Eh bien, je ne dis pas… Amenez-le une fois sans faire semblant de rien…

Or, un mois ne s’était pas écoulé que la sèche Hortense, fiancée à M. Fernand Vuilsteke, abatteur à Cureghem, rouvrait son vieux piano.

Ressuscitée, Lakmé chantait de nouveau. Toutefois, abandonnant le gargarisme des Clochettes, elle ne soupirait plus maintenant, la main sur sa poitrine abstraite, que la suave cantilène finale « Tu m’as donné le plus doux rêve… »

Tant il est vrai que l’Amour est le grand maître d’illusions qui poétise les plus féroces réalités…



Cependant, au milieu de tous ces apprêts de fête, un cœur demeurait encore anxieux et mélancolique, incapable de battre à l’unisson de la joie générale ; et c’était le tendre cœur de la blonde Emma Vergust. Rien de plus compréhensible pourtant : cette belle fille, qui avait fait preuve de tant d’énergie en des circonstances critiques, restait sous le coup d’une bien grave nouvelle…

Lors de la dernière et victorieuse offensive belge, Louis Lavaert était tombé dans un assaut, la tempe fracassée d’un éclat de shrapnell. Transporté à l’hôpital de Furnes, le brave lieutenant n’avait échappé la mort que par miracle. À peine convalescent, sa faiblesse ne lui avait pas permis de paraître à la tête de son bataillon en ce jour fameux de la Joyeuse Rentrée. Quel ennui ! Le pauvre garçon devait encore attendre de longues semaines avant de pouvoir être ramené à Bruxelles. Sans doute, le père Lavaert était-il déjà accouru à son chevet ; mais quelque réconfort que lui donnât la présence de l’excellent pâtissier-confiseur, le jeune homme ne souriait que bien tristement, très préoccupé, inquiet surtout d’une future rencontre… Ah ! si son visage balafré l’obligeait de renoncer à ce doux rêve d’amour qui l’avait tant encouragé à ne pas mourir ?…

Le « petit Louis » n’était plus le même. Dégoûté de se mettre dans la peau de personnages imaginaires, il était rentré dans la sienne estimant que c’est encore celle qui lui allait le mieux. Il avait cessé de débiter des rôles, d’enfler la voix, de s’enivrer d’apostrophes lyriques. Il parlait maintenant d’une façon toute naturelle, sans emphase, presque aussi mal que tout le monde…

Nulle mimique déclamatoire n’accompagnait plus ses moindres paroles ; il avait maté ses bras et ses mains, ne leur permettant désormais que de sobres gestes. À l’école de Prosper Claes et de ses amis, l’être retentissant de jadis était devenu un « piotte » réfléchi et discret, très cordial, plein de sang-froid du reste, d’initiative et de résolution dans la rude vie qu’il menait. Ses lettres à Emma Vergust, un peu grandiloquentes au début et se ressentant encore de l’accointance cornélienne, n’avaient pas tardé à devenir familières et gentiment cursives, à se proportionner à l’âme de son amie qui n’en était que plus à l’aise pour montrer, en ses discrètes réponses, l’intérêt toujours plus vif qu’elle prenait aux récits qu’il lui faisait de l’héroïque résistance de notre petite armée, ainsi qu’aux timides confidences de son cœur.

Emma n’avait pas attendu que le petit Louis se fût particulièrement distingué pour ne plus se défendre contre la sympathie qu’il lui inspirait. Le seul fait que, renonçant à sa vie oisive, il s’était engagé par amour pour elle, l’avait définitivement conquise à ce joli garçon. C’est de lui qu’il était question tout d’abord à chacune des visites intermittentes que lui faisait ce vagabond énigmatique qui, un soir mémorable, avait si rudement tancé le jeune pleutre pour s’attendrir à la fin devant ses larmes de honte et promettre de le conduire de l’autre côté…

Cette scène lui était toujours présente, de même que celle qui l’avait précédée. Que de fois son cœur s’était fondu en attendrissement au souvenir de la déconvenue du cher amoureux quand elle avait giflé l’audace de son ardent baiser ! Ah ! vraiment, elle s’était comportée d’une manière trop dure avec lui…

Aussi, quelle douleur à la nouvelle que le soldat gisait sur un lit d’ambulance, la mort entre les dents ! Et cela, à cause d’elle ! Par bonheur, son angoisse avait été de courte durée : le petit Louis n’était que dangereusement blessé, non pas mortellement ; il s’en tirerait sans grand dommage, au dire de ses vaillants compagnons…

N’importe, l’absence du blessé se prolongeant au-delà de sa patience, Emma se tourmentait, redevenait inquiète. Donc, un soir, après la fermeture de la charcuterie, elle annonça brusquement son intention de partir le lendemain pour Furnes.

— Fille, dit le tripier d’un air détaché en échangeant un regard avec sa femme, tu feras comme tu veux… mais moi je pense que c’est un dérangement inutile…

— Et pourquoi donc Papa ? fit la jeune fille très troublée ; est-ce qu’on m’empêchera d’entrer à l’ambulance ?

— Non, non ce n’est pas ça, mais j’ai comme dans l’idée que Louis est maintenant en route avec son père pour revenir à Bruxelles…

— Et moi aussi, je le crois, intervint la junonienne Mme Vergust en train d’enfermer les livres dans le comptoir ; mais on peut aussi se tromper. Enfin, Emma, il faut seulement faire votre goût…

Et sur ces mots, descendant de son trône avec majesté :

— Est-ce que vous venez, Auguste ?

— À vos ordres, Caroline ! dit le tripier en lui adressant un signe d’intelligence ; je ferme et je viens…



Ils étaient rentrés dans la maison, et la jeune fille s’attardait encore à quelques rangements, quand des coups secs, frappés sur la petite porte ménagée dans le volet mécanique, lui firent suspendre sa besogne. Elle dressa l’oreille ; les coups se répétèrent dont le rythme avait une signification connue d’elle seule… Et c’était bien le même signal qu’elle avait si souvent attendu et entendu pendant l’occupation, le signal qui lui annonçait la visite du contre-espion belge.

Elle eut un moment d’hallucination… Est-ce qu’elle rêvait ? La guerre durait-elle encore ?

Mais, se ressaisissant aussitôt, elle lâcha ses torchons, courut ouvrir les portes du magasin et du rideau de fer. Et le mendiant de jadis s’élança dans la salle toute reluisante de ses lambris carrelés et de ses étals de marbre nettoyés de la tripaille qui les recouvrait pendant le jour :

— C’est encore moi ! s’écria-t-il d’une voix retentissante et joyeuse. Hein, que vous ne vous attendiez pas à me revoir si vite, Mademoiselle Emma ?

En même temps, il enlevait son feutre roussi et laissait tomber l’ample souquenille de sa fausse gueuserie.

— Monsieur Prosper ! s’exclama la jeune fille dans un cri d’effarement.

— Soi-même ; fit-il en riant. Allons, Mademoiselle Emma, convenez aujourd’hui que vous vous en doutiez un peu…

— Eh bien oui, avoua-t-elle quand elle fut remise de son émotion ; mais c’est seulement à partir de la dernière fois quand vous êtes venu avec Mosheim que… Mais j’ai gardé ça pour moi et n’ai rien dit à personne, à personne !

— Oh ! j’en suis bien sûr ! reprit-il, je savais que l’on pouvait compter sur votre silence autant que sur celui des Lust et de Mlle Martha ! D’ailleurs est-ce qu’on ne travaillait pas tous ensemble ? Vous saviez l’importance de ne pas trahir mon incognito, même entre vous !

— Oh ! dit-elle dans un élan de cœur, comme ça nous a fait du mal de ne pouvoir rien dire à vos parents et surtout à Mme Camille ! Mais c’était trop dangereux pour vous, n’est-ce pas ?

— Discrétion sublime et dont je vous rends grâce à tous !

Il lui avait pris les mains :

— Vous savez, Mademoiselle Emma, que les services que vous avez rendus méritent une belle récompense !…

— Œie, dit-elle, c’est ça qui m’est égal ! Pour ce que j’ai fait, ça n’est vraiment pas la peine !

Et, détournant la tête :

— J’attends quelque chose d’autre qu’une médaille ! murmura-t-elle tandis que ses yeux se brouillaient de larmes.

Il souriait :

— Je devine peut-être… Eh bien, chère amie, si je vous l’apportais ce « quelque chose d’autre » comme vous dites ?

— Oh ! Monsieur Prosper, ne vous moquez pas d’une pauvre fille !

— Hé, petite, je ne plaisante pas du tout. Avez-vous donc perdu la mémoire ? Ne vous l’ai-je pas promis un soir, à cette même place, « qu’on vous le ramènerait votre joli garçon » ?

— Eh bien ? interrogea la jeune fille dont le corsage se mit à palpiter.

— Eh bien ! apprenez que Louis vient de rentrer à Bruxelles… Il m’a accompagné jusqu’ici… Mais, le croiriez-vous, il est devenu si timide qu’il n’a pas osé entrer avec moi…

— Où est-il ? Où est-il ! s’écria-t-elle haletante.

— Ma foi, il se promène dans la rue en attendant mon signal… Alors, est-ce que vous tenez absolument à ce que j’aille le chercher ?

C’en était trop ; à cette question railleuse, la jeune fille pâlit et ne put répondre autrement qu’en s’affaissant sur un escabeau où elle demeura prostrée contre le grand coffre frigorifique…



Quand elle rouvrit les yeux, un bel officier, la tempe étoilée d’une large et rose cicatrice, se tenait humblement agenouillé devant elle :

— C’est moi, dit-il sourdement comme un autre Werther ; sur le seuil de la porte, j’hésitais encore… Emma, chère Emma, est-ce que, maintenant, vous m’avez pardonné ? Ô puéril candeur ! Si on lui avait pardonné !

— Louis ! Louis ! Mon brave petit Louis ! soupirait-elle dans les bras du jeune homme en couvrant son front meurtri de baisers éperdus avec une prudente et amoureuse pitié…



Et tout le monde fut heureux — approximativement heureux…

À présent, sortis des coulisses, nos jeunes embusqués et tous ces véloces décampeurs dont la panique avait ailé les talons, revenaient parader sur la scène en costume d’Artaban :

— Ils m’amusent beaucoup, disait Prosper Claes à son ami chien ; mais qu’ils deviennent un jour trop remuants et notre « Journal de Guerre » leur sera d’une lecture plutôt désagréable…

— Pensez-vous, mon bon Maître ? répondait l’excellent Tom, qui était vraiment une personne ; m’est avis qu’ils s’en moqueront pas mal ! Leur âme n’est-elle pas imperméable à la honte ?

— Tu as raison, mon brave… Au fait, ce n’est pas leur faute d’être des pleutres, de ne redouter rien sinon les dangers, comme dit ce drôle de Panurge. Laissons-les donc en repos… D’ailleurs, ils sont déjà tous décorés !…


FIN