L’éducation platonicienne/2

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L’éducation platonicienne


L’EDUCATION PLATONICIENNE


SECOND ARTICLE[1]

IV

LA LOGISTIQUE ET LA MÉTRÉTIQUE


Avant d’examiner dans le détail sur quelles matières devait rouler l’enseignement scientifique dans le programme platonicien, il convient de distinguer nettement entre les connaissances réservées pour le second degré et les notions élémentaires qui font partie du premier.

Lorsque Platon parle de celui-ci, au VIIe livre des Lois, il se garde de profaner les noms des sciences que n’abordera pas le commun des élèves, mais seulement une élite soigneusement triée ; il ne dit donc pas l’arithmétique, il parle des λογισμοὶ (809, c) ; il ne dit pas la géométrie, mais la μετρητικὴ μήκους καὶ ἐπιπέδου καὶ βάθους (817, e) ; l’astronomie est de même réduite à la connaissance τῆς τῶν ἄστρων περιόδου, c’est-à-dire à celle du calendrier.

S’il est inutile que nous nous arrêtions sur ce dernier sujet, il n’en est pas de même pour les deux premiers, d’autant que la distinction, déjà établie du temps de Platon, a été rigoureusement observée pendant toute l’antiquité entre la science théorique, apanage du petit nombre, et les connaissances pratiques indispensables pour les besoins de la vie en général ou pour l’exercice de certaines professions particulières.

Ainsi la logistique, c’est-à-dire l’enseignement du calcul et des procédés à suivre pour la solution des problèmes numériques, a toujours été isolée de l’arithmétique. Ce dernier terme, chez les Grecs, est donc loin de désigner le même objet que chez les modernes ; il correspond plutôt aux éléments de ce que l’on appelle aujourd’hui la théorie des nombres, tandis que la presque totalité de l’enseignement actuel ordinaire de l’arithmétique représente la logistique ancienne.

De même, la métrétique, c’est-à-dire l’ensemble des applications de la science à la détermination des surfaces et des volumes, a toujours fait, dans l’antiquité, l’objet d’un enseignement parfaitement distinct de celui de la géométrie. Sur ce dernier point, nous avons à peu près conservé les mêmes errements, parce que l’œuvre d’Euclide est restée jusqu’à présent le type consacré pour les livres destinés à l’enseignement classique de la science de l’étendue. La métrétique ancienne est donc représentée de nos jours par les notions du système métrique, enseignées dans l’arithmétique ordinaire, et celles d’arpentage et métrage, qui font partie de l’instruction primaire, ainsi que par les exercices numériques auxquels on s’attache dans l’enseignement secondaire.

Il ne nous reste malheureusement aucun ouvrage de logistique ancienne ; aussi ne peut-on que former des hypothèses sur les méthodes suivies, pour l’enseigner, au temps de Platon. Toutefois, pour ces hypothèses, nous trouvons une base solide dans les écrits de l’antiquité qui, au contraire, nous sont parvenus relativement à la métrétique.

Ces écrits, auquel est attaché le nom de Héron d’Alexandrie, sont, en général, des compilations, faites sous l’empire romain, d’un grand ouvrage, aujourd’hui perdu, qu’avait composé, au premier siècle avant notre ère, ce célèbre mécanicien, le dernier génie original qu’ait produit l’antiquité pour les mathématiques. Ils ne renferment, à part des définitions et des données métrologiques indispensables, que des probtèmes numériques, avec le développement des calculs nécessaires pour comprendre le procédé de solution, mais sans explications théoriques ; ils sont d’ailleurs rédigés suivant un type tout spécial, essentiellement différent des modèles euclidiens.

Or, si nous n’avons pas de traité de logistique grecque, nous en avons un de logistique égyptienne, dans le papyrus de Rhind, récemment publié, traduit et commenté par M. Eisenlohr[2] ; nous y trouvons de même une série d’exercices numériques graduée, sans démonstrations, exercices dont la pratique répétée était suffisante pour donner l’acquis nécessaire et permettre d’exécuter les mêmes calculs sur d’autres données enfin la forme de rédaction de ces exercices est identique à cette des problèmes héroniens. Il est donc très probable que cette forme, empruntée dès l’origine aux Égyptiens par les Grecs, aura été conservée traditionnellement dans les écrits relatifs à l’enseignement de la logistique et de la métrétique, c’est-à-dire dans les recueils de problèmes qui ont certainement précédé celui de Héron, de même qu’elle a été religieusement gardée, pendant de longs siècles après lui, par les agrimenseurs romains et les compilateurs du moyen âge.

Resterait maintenant à préciser l’étendue de l’enseignement dont il s’agit. Pour la métrétique, son cadre, déterminé par les besoins de la vie usuelle, est évidemment à peu près invariable les progrès de la science théorique n’ont pour effet que d’y faire disparaître plus ou moins lentement l’emploi de formules trop grossièrement approchées ou inexactes, comme on en rencontre dans le papyrus de Rhind. Ainsi il serait ridicule de se figurer qu’avant Archimède les hommes n’avaient aucun moyen pour calculer la circonférence ou la surface d’un cercle d’après son diamètre. Ils savaient le faire dès longtemps, mais moins exactement, de même qu’aujourd’hui nous savons le faire plus exactement[3].

Pour la logistique, la question mérite un peu plus de détails. En premier lieu, il faut s’affranchir du préjugé qui consiste à regarder le système de numération grecque comme très incommode, surtout pour des opérations tant soit peu compliquées. Je me suis facilement convaincu, par ma propre expérience, que, quoique certainement moins avantageux que notre système, il est en réalité très pratique, et qu’il ne faut pas un très grand exercice pour effectuer les calculs avec une rapidité réellement comparable dans l’un comme dans l’autre.

Après les quatre règles sur les nombres entiers, on enseignait un calcul de fractions, différant du nôtre par l’emploi exclusif de fractions ayant pour numérateur l’unité. Ce calcul, dont nous ne connaissons pas exactement les détails, venait de l’Egypte et s’est perdu sous l’empire romain. L’emploi de nos fractions ordinaires semble avoir pour origine la considération des rapports numériques dans les accords musicaux, et, au temps de Platon, il ne devait être pratiqué que dans la théorie de l’harmonie.

Venaient ensuite une série de règles, analogues à nos règles de trois, d’alliage, de parties proportionnelles, pour la solution des problèmes. Il est très remarquable qu’à cet égard Platon (Lois, VII, 819, b, c) recommande expressément les méthodes égyptiennes, et en particulier l’emploi de pommes et de fioles, pour poser aux enfants des problèmes sur des choses concrètes et tangibles. Que ce dernier conseil ait été ou non suivi, il est établi en tout cas que les Grecs ont adapté à leur enseignement ces problèmes égyptiens. On le sait par les nombreuses questions arithmétiques conservées sous forme d’épigrammes dans l’Anthologie et roulant précisément sur des pommes ou des fioles, et aussi par un passage de Geminus[4], qui indique, comme un des buts principaux de la logistique, le calcul des nombres μηλίται et φιαλίται (de pommes et, de fioles). Ces problèmes représentent, en somme, au moins ceux du premier degré à une inconnue. Il semble clair, d’ailleurs, que l’on familiarisait les enfants avec les calculs de tête, et que l’enseignement restait exclusivement pratique, sans rien aborder de la théorie.

Quelques exercices simples sur les progressions, arithmétique et géométrique, complètent le cadre du papyrus de Rhind, et sans doute celui de la logistique enseignée à tous les élèves, d’après le programme de Platon. Mais ce cadre n’était-il pas dépassé déjà, au moins pour l’élite du premier degré ?

La complexité des problèmes pouvait être facilement augmentée pour les enfants qui prenaient goût à les résoudre. Déjà le pythagoricien Thymaridas de Paros, avait, dans son Epanhème, que Jamblique nous a conservé[5], traité un système passablement compliqué d’équations du premier degré à plusieurs inconnues ; d’autre part, nous verrons plus loin de sérieux indices de la connaissance, dès cette époque, de la solution numérique des problèmes du second degré, déjà résolus géométriquement depuis au moins un demi-siècle. Ainsi la logistique grecque avait déjà commencé l’évolution mal connue qui devait la faire aboutir à la solution des problèmes traités dans l’ouvrage de Diophante (iiie siècle de notre ère ?), c’est-à-dire à l’algèbre. S’il est bien peu probable que l’on eût déjà posé des problèmes d’analyse indéterminée, sans applications pratiques, comme ceux qui forment la partie la plus intéressante aujourd’hui du recueil mentionné par nous à l’instant, on doit néanmoins remarquer que les règles de Pythagore et de Platon, pour la formation des triangles rectangles en nombres, règles qui sont en fait la clef des problèmes de Diophante et qu’on retrouve dans les écrits héroniens[6] sur la métrétique, devaient appartenir à la logistique.

Enfin, on doit admettre que l’enseignement de l’extraction de la racine carrée était déjà devenue nécessaire à cette époque pour les calculs de la métrétique, en raison des applications du théorème de Pythagore.

Ainsi le cadre de cet enseignement mathématique du premier degré, sinon pour tous les élèves, au moins pour ceux destinés à passer au second degré, se trouvait sans doute très suffisamment étendu, et, sous une forme qui nous paraîtrait aujourd’hui probablement bien surannée, pouvait répondre très largement aux besoins de la pratique et de la science d’alors, τοῦ καπηλεύειν comme τοῦ γνωρίζειν, ainsi que s’exprime Platon, quand il insiste (Civitas, 525, d) sur le caractère abstrait et théorique que doit avoir l’arithmétique en opposition à la logistique ou calcul.

Si ce dernier était très probablement enseigné sans aucun mélange de théorie, ainsi qu’il convient d’ailleurs de le faire pour de jeunes enfants, les meilleurs élèves n’en pouvaient pas moins conserver un bagage de connaissances effectives valant bien celui que nos bacheliers ès lettres emportent en général aujourd’hui des bancs du lycée.

V

L’ARITHMÉTIQUE

Si nous avons pu, au moins dans une certaine mesure, préciser te caractère et le programme de l’enseignement mathématique commun à tous les élèves du premier degré, il nous sera beaucoup moins facile d’établir une distinction bien nette soit pour les méthodes, soit pour les matières, entre l’enseignement du second degré et l’instruction préparatoire reçue avant vingt ans par les meilleurs sujets du premier. Platon ne donne en effet aucun détail sur cette question, et nous sommes réduits aux conjectures.

Il nous paraît toutefois assez plausible de regarder comme pouvant nous donner une idée de ce que devait être, dans la pensée de Platon, cette instruction préparatoire, certains ouvrages qui ont été composés plus tard, pour servir de manuels mathématiques aux jeunes gens se destinant à l’étude de la philosophie tels sont les écrits de Nicomaque de Gérasa et de Théon de Smyrne, qui datent de la fin du premier ou du commencement du second siècle de l’ère chrétienne[7].

Tandis que la véritable œuvre des Grecs en arithmétique (théorie des nombres) ne doit pas être cherchée ailleurs que dans les livres VII, VIII et IX des Éléments d’Euclide, où elle se présente avec la rigueur et l’enchaînement des démonstrations mathématiques, les écrits que nous venons de mentionner nous offrent, pour la même science, des exposés succincts et l’énoncé des principales propositions, non pas établies rigoureusement, mais mises en lumière à l’aide d’explications et d’exemples plus ou moins développés. Je suis porté à croire que ce devait être, en particulier pour l’arithmétique, le caractère de l’enseignement préparatoire que je cherche à définir, et qu’il y avait ainsi, sous le rapport de la méthode, une transition entre l’instruction générale pour le premier degré, donnée, comme nous l’avons vu, sans démonstrations, et celle du second degré, qui devait nécessairement présenter toute la rigueur scientifique. Autrement, eu égard aux matières à étudier, le court espace de temps réservé pour cet enseignement préparatoire eût été insuffisant. Pour les autres sciences, les ouvrages de Nicomaque et de Théon de Smyrne ne peuvent donner qu’un spécimen beaucoup moins exact de cet enseignement. Si tous deux ont traité de l’harmonie, les progrès de l’art et les importants travaux théoriques d’Aristoxène, disciple d’Aristote, les obligent, comme nous le verrons plus tard, à parler de choses sans doute inconnues à Platon. Mais nous pouvons différer l’examen de ce sujet tout spécial. De même, l’astronomie, assez longuement traitée par Théon de Smyrne, est celle d’Hipparque, postérieur de deux siècles à Platon. Au contraire, malgré sa promesse, Théon ne semble pas avoir réellement traité la géométrie, dont il dit à peine quelques mots. Et, de fait, celle-ci n’a jamais été enseignée dans l’antiquité sans l’appareil euclidien. Peut-être Platon considérait comme possible d’en faire une exposition abrégée, comme pour l’arithmétique ; mais au moins fallait-il y apprendre aux élèves ce qu’est une démonstration rigoureuse et en quoi elle diffère d’une induction, même tirée, comme en arithmétique, d’autant de cas particuliers que l’on voudra.

Abandonnons donc ce point, qu’il est difficile de bien élucider, et revenons à l’arithmétique. Ayant défini le caractère de renseignement préparatoire, il reste, pour en préciser les matières, à écarter celles que nous rencontrons dans les ouvrages de Nicomaque et de Théon de Smyrne et qui ne pourraient être attribuées à l’époque de Platon.

L’Introduction arithmétique du néo-pythagoricien de Gérasa, écrite à une époque de décadence des études sérieuses, a joui d’une fortune singulière. C’est, en somme, un assez mauvais manuel des théories dont ia connaissance était regardée comme indispensable à un philosophe, une introduction à l’étude non pas de l’arithmétique, mais bien de la philosophie et en particulier de la Théologie arithmétique, où le même auteur avait entassé les rêveries néo-pythagoriciennes sur les nombres et dont d’importants fragments ont été conservés dans la Bibliothèque de Photius, comme dans les Theologumena anonymes compilés au iii- siècle ou ive siècle après Jésus-Christ.

Ce petit livre remplaça les écrits théoriques antérieurs, dont il ne reste que de faibles indices, se rapportant presque exclusivement a l’école pythagoricienne[8] ; il devint la base de l’enseignement et, comme tel, fut indéfiniment commenté. Grâce à une traduction de Boèce, son influence persista pendant tout le moyen âge. Nicomaque acquit ainsi un renom de mathématicien bien peu justifié, et l’ironique plaisanterie de Lucien : « Tu calculeras comme Nicomaque de Gérasa, » fut bientôt prise pour argent comptant.

Et cependant non seulement Nicomaque n’a certainement rien inventé en arithmétique, mais encore il est facile de voir que la plupart des théories exposées par lui remontent au moins à l’époque de Platon.

La discussion complète de cette assertion n’offrirait pas un grand intérêt à nos lecteurs ; nous nous contenterons donc d’ajouter quelques brèves remarques à la nomenclature des théories dont il s’agit.

Les principes de celle des rapports reposaient sur une classification de ceux-ci, aujourd’hui tombée en désuétude, parce qu’elle était intimement liée avec l’usage des fractions ayant pour numérateur l’unité. Cette théorie est en tout cas supposée par les connaissances harmoniques de l’époque de Platon.

Celle de la décomposition d’un nombre en facteurs premiers, de la divisibilité et des puissances, partait de la définition des nombres pairs et impairs (définition qui a évidemment formé dès l’origine le début des ouvrages théoriques sur la matière), continuait par celle des subdivisions du pair[9], des nombres premiers et des nombres composés, absolument ou relativement entre eux ; l’exposition se poursuivait à l’aide d’une représentation figurée, où les unités étaient symbolisées par des points rangés à côté les uns des autres. Dans cette figuration, le nombre premier ou linéaire[10] était conçu sous le schéma d’une rangée de ces points ; un nombre formé de deux facteurs ou plan, sous celui de rangées égales disposées en rectangle, dont les côtés représentaient par conséquent les deux facteurs ; de même, un nombre formé de trois facteurs était figuré en solide parallélépipède.

Le même système de figuration par points, appliqué sur le plan sous d’autres dispositions régulières) servait à représenter ce qu’on a appelé les nombres triangles et polygones en général, c’est-à-dire les sommes de progressions arithmétiques commençant à l’unité. Etendu, dans l’espace, à la combinaison de ces sommes sous forme de pyramides, il se prêtait déjà à l’ébauche de théories plus complexes.

L’étude de l’arithmétique à ce premier degré devait enfin comprendre les proportions. En dehors de la proportion géométrique entre quatre nombres (anacoluthie de Speusippe), les anciens s’attachaient spécialement à considérer des groupes de trois termes dont l’un était soit moyen arithmétique, soit moyen géométrique entre les deux extrêmes. Les premiers pythagoriciens avaient déjà coMidérê un troisième groupement, une troisième médiété (μεσότης), sous-contraire ou harmonique, comme la nommèrent Archytas et Hippasos[11]. On chercha une définition commune à ces trois médiétés, et on trouva que le rapport des différences du moyen à chacun des deux extrêmes était le même que celui de deux des trois termes. En combinant ceux-ci de toutes les manières possibles, Eudoxe constitua trois autres médiétés, l’une dite sous-contraire à l’harmonique, les deux autres dénommées cinquième et sixième ; il est à remarquer que le calcul des moyens de ces deux dernières exige la solution numérique de l’équation du second degré, indice important de la connaissance de cette solution dès l’époque de Platon[12].

Plus tard, et à une date indéterminée, deux pythagoriciens, Temnonidès et Euphranor, étendirent la définition en prenant les différences de deux quelconques des trois termes, au lieu de celles seulement où entre le moyen. Le nombre des médiétés fut ainsi porté à dix, comme on peut les voir dans Nicomaque et dans Pappus, dont les nomenclatures offrent d’ailleurs de notables différences.

Pour identifier avec le programme platonicien au premier degré le cadre rempli par Nicomaque, nous ne voyons guères en somme à retrancher de ce dernier que ces médiétés postérieures, d’une part, et, de l’autre, la théorie des nombres parfaits, surabondants et déficients, le célèbre passage du livre VIII de la République[13] prouvant que cette théorie commençait tout au plus à s’ébaucher au temps de Platon. En revanche, ce même passage nous conduit à faire remonter jusqu’à cette époque la génération donnée par Théon de Smyrne des nombres côtés et diamètres, c’est-à-dire la solution complète en nombres entiers de l’équation indéterminée

.

Cette solution, qui donne une série de valeurs rationnelles et de plus en plus approchées pour l’incommensurable , était au reste très facile à obtenir pour les anciens, en poursuivant, d’après leur procédé, l’extraction de cette racine.

Les autres théories exposées par Théon de Smyrne se retrouvent toutes en fait dans Nicomaque.

En résumé, si renseignement que nous avons essayé de décrire, comme correspondant à la partie arithmétique du programme platonicien pour l’élite du premier degré, ne semble pas présenter dans sa méthode un caractère véritablement scientifique, s’il devait être, à cet égard, complété par l’appareil des démonstrations réservées au second degré, les matières qu’il abordait remplissent, au fond, un cadre que les progrès de la science n’ont guère fait agrandir ; car, quelque essor que leur ait donné l’invention des notations algébriques, ils se sont surtout effectués sur des domaines restés, jusqu’à présent du moins, étrangers à l’enseignement élémentaire, à celui qui fait partie de notre éducation libérale ordinaire. Nous voyons même que, depuis Platon, on a abandonné, dans les premiers linéaments de la théorie des nombres, un sujet à la vérité sans applications pratiques, mais qui n’en est t’as moins toujours digne assurément d’exercer la force spéculative de ceux qui se destinent à la philosophie.

VI

LES ÉLÉMENTS D’EUCLIDE

Si, dans tes ouvrages de Nicomaque et de Théon de Smyrne, nous avons cru rencontrer des types représentant plus ou moins fidèlement une partie du programme platonicien, pour une autre partie, celle de l’enseignement mathématique du second degré, nous possédons, à n’en pas douter, dans les Eléments d’Euclide, un modèle dont la perfection dépasse, à vrai dire, celle que l’on peut supposer. pour le commencement du ive siècle avant Jésus-Christ, mais qui néanmoins nous donne exactement la forme de cet enseignement, et d’autre part, comme contenu, n’en dépasse pas sensiblement les limites possibles.

Nous n’insisterons pas longuement sur le premier point, celui de la forme ; on connaît suffisamment celle des démonstrations euclidiennes, puisqu’elle est restée, sans changement radical, dans notre enseignement classique de la géométrie. De nombreuses preuves, et en particulier les fragments d’Hippocrate de Chios, conservés par Simplicius[14] d’après Eudème, établissent suffisamment que cette forme, bien antérieure à Euclide, et sans aucun doute commune à tous les géomètres grecs qui l’ont précédé, avait été à peu près complètement élaborée dès l’origine de la science et n’a reçu ensuite que des perfectionnements de détail[15].

Quant au contenu des Éléments d’Euclide, il est de même aujourd’hui parfaitement établi qu’il ne représente en rien les travaux réellement originaux qu’a pu produire le premier des géomètres alexandrins ; son œuvre personnelle ne nous a guère été transmise que retravaillée par ses successeurs et fondue dans leurs écrits, tandis que ce qui nous reste sous son nom consiste au contraire dans la fusion des travaux de ses précurseurs, et cette fusion au reste n’est pas si complète qu’on ne puisse reconnaître la différence d’origine des matériaux qu’il a employés.

L’ordre dans lequel se suivent les théories exposées dans les Éléments est en effet essentiellement différent de celui qui règne de nos jours en géométrie, et il resterait absolument inexplicable s’il ne représentait pas un développement historique.

Tout d’abord il faut distinguer, dans les treize livres des Eléments, trois groupes ; les six premiers livres sont consacrés à la géométrie plane, les quatre suivants à l’arithmétique, les trois derniers à la géométrie dans l’espace, dont la théorie des cinq polyèdres réguliers forme le couronnement ; la géométrie sphérique, de même que la théorie des angles polyèdres, ne sont pas abordées ; ce sont des sujets qui, comme au temps de Platon, font encore partie intégrante de l’astronomie.

Si nous examinons le premier groupe, les six livres de la géométrie plane, nous reconnaissons facilement que le premier de ces livres, couronné par le théorème sur le carré de l’hypoténuse, comprend la démonstration de toutes les propositions simples, transmises par l’Égypte à la Grèce jusqu’au temps de Pythagore, après lequel les géomètres hellènes volèrent de leurs propres ailes.

Le livre II présente ce qu’on pourrait appeler la constitution d’un algorithme linéaire ; il renferme les théorèmes relatifs aux résultats des opérations arithmétiques sur les longueurs combinées entre elles. C’est le premier pas que devait faire la science, du moment où elle possédait, dans le théorème de Pythagore, le moyen de construire un carré égal à la somme de deux autres.

Les livres III et IV renferment la théorie du cercle et celle des polygones réguliers ; elles sont déjà supposées par les travaux d’Hippocrate de Chios sur la quadrature des lunules, au milieu du siècle avant Jésus-Christ.

Le livre V, consacré aux théorèmes généraux sur les proportions géométriques, paraît avoir pour base une rédaction d’Eudoxe. Mais la matière doit avoir été élaborée dès longtemps avant l’âge de Platon, si l’on en juge par l’usage fréquent qu’il fait de ces proportions[16].

Enfin le livre VI, le dernier de la géométrie plane, abstraction faite des derniers théorèmes, qui, sans lien avec les précédents, semblent des additions faites après coup à un plan primitif, marche à la solution générale des problèmes du second degré, la παραβολὴ avec ἔλλειψις, ou ὑπερβολὴ, qui fut, sur ce terrain, le dernier effort de la muse pythagoricienne.

D’après ce que nous avons dit à ce sujet dans notre premier article, nous admettons que le cadre général de ces six livres était déjà rempli dans les premiers Éléments qui aient été écrits, ceux d’Hippocrate de Chios ; si d’ailleurs les théories qui y étaient développées n’arrivèrent à Euclide qu’après avoir reçu de nombreux perfectionnements, les plus importantes additions, au témoignage de Proclus, paraissent avoir été dues à Théétète d’Athènes et à Eudoxe de Cnide, c’est-à-dire être au plus tard du temps même de Platon.

Quant aux quatre livres qui forment le groupe consacré à l’arithmétique, il faut distinguer les trois premiers (VII, VIII, IX) du suivant, le Xe. Si l’on écarte, pour les motifs indiqués plus haut, le couronnement de cette première subdivision, c’est-à-dire la théorie du nombre parfait, relative à un problème seulement posé du temps de Platon, on ne rencontre, dans les trois livres en question, que des connaissances vraiment élémentaires et évidemment possédées de bonne heure par les mathématiciens grecs, quoique l’âge de la première rédaction de l’ensemble des démonstrations, probablement postérieure Hippocrate de Chios, ne puisse être fixé avec précision.

Le Xe livre a un tout autre caractère il est consacra aux quantités incommensurables, dont la notion venait peine, au temps de Platon, d’être généralisée par Théétète. Le pénible développement de la théorie y trahit une connaissance incomplète du sujet et l’incertitude de la science sur un terrain relativement neuf à l’époque où fut composé ce livre. On peut donc y attribuer beaucoup plus qu’ailleurs à l’œuvre personnelle d’Euclide ; mais on doit remarquer que, dans le dernier théorème de ce livre, le géomètre alexandrin nous a conservé, au moins comme fond, l’antique démonstration pythagoricienne de l’incommensurabilité de la diagonale et du côté du carré, qui se faisait par une réduction à l’absurde, en arrivant à prouver qu’un même nombre serait à la fois pair et impair.

Après ce que nous avons dit plus haut sur les connaissances arithmétiques des Grecs au temps de Platon, il est inutile que nous nous étendions sur le contenu des livres VII, VIII et IX. D’après les indications de Proclus, l’ordre historique, et le fait constant que les livres des solides reposent sur une première rédaction d’Eudoxe, nous inclinons à penser que c’est à Théétète que doit être attribuée la composition primitive de cette partie arithmétique des Éléments.

Si d’ailleurs, de même que pour les autres parties, cette composition primitive dut subir, dans l’école platonicienne, des remaniements successifs qui amenèrent progressivement la théorie à une forme prête à recevoir, à Alexandrie, la dernière touche et le poli définitif, nous considérons comme indubitable que le caractère principal des démonstrations n’a pas changé depuis l’origine, et qu’on y a constamment employé des lignes pour figurer aux yeux les nombres sur lesquels portait la démonstration.

Ce point mérite quelque attention, car aujourd’hui cet emploi nous paraît une superfétation absolument inutile. En effet, pour désigner ces lignes dans le raisonnement, les anciens se servaient de lettres, à très peu près comme nous nous en servons nous-mêmes pour représenter symboliquement les nombres. À quoi bon dès lors un second intermédiaire ?

Il semble que l’inutilité actuelle d’une représentation figurée soit le signe d’un progrès réalisé par l’humanité depuis cette époque. L’évolution séculaire nous facilite l’abstraction à un degré que Platon eût envié sans doute ; elle nous évite un échelon indispensable pour ses contemporains. Seulement ce progrès ne doit pas être oublié quand nous cherchons à nous expliquer ce qu’il dit sur les questions relatives à ce sujet, sur les ἔιδη μαθηματικὰ par exemple, car autrement nous serions exposés à nous méprendre et à recourir à de malencontreuses conjectures.

VII

L’ANALYSE GÉOMÉTRIQUE

Pour en finir avec les Éléments d’Euclide, il nous reste à parler des trois livres des solides (XI. XII, XIII).

Le premier ne renferme que des propositions élémentaires sur les constructions dans l’espace, et nous devons attribuer au moins la connaissance de ces propositions aux Égyptiens. Le second, relatif aux volumes de la pyramide, du cône, du cylindre et de la sphère, nous représente, d’après le témoignage d’Archimède, une œuvre d’Eudoxe.

Enfin, au XIIIe livre, nous retrouvons, pour couronner toute l’œuvre, la théorie pythagoricienne des cinq solides réguliers. Mais, par une singulière coïncidence, nous y trouvons également, pour la première fois employée dans les démonstrations, la méthode analytique, dont toute l’antiquité a attribué la découverte à Platon. Cette méthode n’apparaît d’ailleurs que dans des scolies qui conservent sans doute d’anciennes démonstrations à côté de celles qui sont conçues suivant le type euclidien ordinaire.

Le prix attaché ainsi à ces anciennes démonstrations, qui par elles-mêmes n’ont pas d’ailleurs grand intérêt, indique suffisamment à nos yeux que ce sont précisément les premières applications régulières de la méthode analytique, dues, sinon à Platon lui-même, au moins à son ami, Léodamas de Thasos, et poursuivies par Eudoxe, qui, d’après les données précises d’Eudême, exposa sur le même plan la théorie dont il s’agit[17].

Nous avons donc sujet de nous arrêter sur cette méthode, d’autant qu’à notre sens les opinions courantes sont inexactes en ce qui concerne le rôle joué par Platon à ce sujet.

L’analyse, en géométrie, consiste, comme l’on sait, à supposer vraie la proposition à démontrer, résolu le problème posé ; on déduit ensuite les conséquences de cette hypothèse jusqu’à ce qu’on arrive à une relation qui exprime une proposition déjà démontrée ou comporte un problème que l’on sait résoudre.

Que Platon soit, à proprement parler, l’inventeur de ce procédé, il n’y faut pas songer ; dès qu’on a fait des mathématiques, on a fait de l’analyse, au moins comme M. Jourdain faisait de la prose. Il suffit de remarquer que les démonstrations apagogiques (par réduction à l’absurde), connues des pythagoriciens, ne sont au fond qu’un cas particulier de la méthode analytique ; que, avant Platon, Hippocrate de Chios savait comment on ramène un problème à un autre.

Le mérite de Platon ne peut donc avoir consisté qu’à donner à cette méthode une forme régulière, et cette forme ne peut être que celle qui est restée classique dans toute l’antiquité.

Or cette forme présente comme caractère constant, essentiel, l’adjonction à l’analyse à la marche en remontant de l’inconnu au connu, d’une synthèse dans laquelle la marche inverse est suivie.

C’est en particulier sur la nécessité de cette synthèse qu’a dû se porter l’esprit philosophique de Platon, car cette double marche ascendante et descendante est bien l’image de celle qu’il a décrite pour la διάνοια et le νοῦς ; à l’analyse correspond l’ἐπανάβασις, à la synthèse le συνορᾷν.

Ainsi la synthèse est une partie intégrante de la méthode ; elle est la vérification de l’analyse, la preuve qu’on ne s’est pas trompé dans les raisonnements ou les calculs ; parfois, et nous verrons à quelles conditions, on peut l’éviter ; mais alors les anciens ne manquaient pas de dire : « Quant à la synthèse, elle est évidente. » Ἡ δὲ σύνθεσις φανερὰ.

Au contraire, il n’y a pas de synthèse s’il n’y a pas eu d’analyse ; la première n’existe pas indépendamment de ta seconde. À la vérité, pour démontrer un théorème, on peut supprimer l’analyse et se contenter d’exposer la synthèse ; de même pour la solution d’un problème ; mais il n’y a pas de méthode synthétique, et la démonstration n’est pas satisfaisante, en ce sens qu’on n’est point assuré que les conditions de l’énoncé, prouvées suffisantes, sont toutes nécessaires ; la solution est insuffisante, car on ne sait point s’il n’en existe pas d’autre.

La cause de l’erreur commune à cet égard est que le début de la géométrie a été constitué en allant du connu à l’inconnu, sous une forme qui est semblable à celle de la synthèse. Mais, d’une part, cela était nécessaire, car la méthode analytique, pour s’exercer, réclame l’acquis de connaissances déjà étendues ; d’un autre côté, la vérité est que la géométrie a été constituée sans méthode et en tâtonnant. Aussi la perfection relative des éléments n’est due qu’à la longue répétition des tâtonnements[18].

On est encore confirmé dans cette erreur commune parce que, de nos jours, la méthode analytique en mathématiques est allégée de la synthèse, et qu’on ne reconnaît plus le lien nécessaire des deux marches de Platon. Il faut voir, comme nous l’avons dit, à quelles conditions la seconde peut être évitée.

Soit une suite de propositions :

.

telles que, si l’une quelconque est vraie (nécessaire), la suivante le soit aussi. De la vérité de la dernière, L, peut-on conclure la vérité de la première. A ? Nullement. Il faut encore que chacune des relations intermédiaires soit réciproque, c’est-à-dire que, si une quelconque des propositions est vraie, la précédente le soit également.

Or l’analyse moderne consiste essentiellement à ne procéder que suivant des relations réciproques. Cela est facilité par l’usage de l’algorithme algébrique ; mais on ne doit pas perdre de vue que la connaissance de cette méthode moderne réside précisément dans la distinction des transformations permises et des transformations non permises, de celles par exemple qui, dans un problème, supprimeraient ou introduiraient de nouvelles solutions ; et il faut ajouter que cette connaissance est en fait assez complexe.

En géométrie, tant qu’il n’y a pas d’algorithmes, des règles précises ne peuvent être posées à priori sur la réversibilité des conséquences : ce n’est que par l’exercice et l’habitude que l’on arrive à conduire la marche analytique de manière à pouvoir, sans obstacle, la parcourir en sens contraire. À la vérité, rien n’empêcherait de vérifier à chaque pas en avant, de A à B, de B à C, etc., si la réciprocité de relation a lieu : c’est ce que recommande Duhamel, dans son ouvrage Des méthodes dans les sciences du raisonnement, où il reproche aux anciens de n’avoir pas bien compris ce que doit être l’analyse.

Mais c’est là au contraire ce que je me figure comme observé naturellement jusqu’au travail de Platon, et qui ne voit les inconvénients de cette précaution ? C’est arrêter à chaque instant l’essor de la pensée, briser le fil qui la conduit, la détourner du but vers lequel elle tend, pour la ramener vers l’hypothèse incertaine dont elle est partie.

Voyons au contraire ce qui peut arriver de pis, si la chaîne n’est pas entièrement réversible de L à A. Ainsi nous supposerons que, si C est vrai (nécessaire). D le soit, mais que la réciproque n’ait pas lieu, D se trouvant d’ailleurs nécessaire.

Or, dans ce cas, C ne peut être absurde ; car l’analyse aurait alors abouti à une proposition absurde ; ou bien il faut supposer qu’elle a été mal faite, que de deux propositions fausses, en éliminant l’absurde par lui-même, on a conclu une proposition vraie. Dans ce cas seul, la marche de D à L et de L à D est, sinon inutile, puisqu’elle a établi la vérité de la proposition D, au moins indifférente pour la question posée. L’erreur étant reconnue, il ne reste qu’à recommencer l’analyse à partir de C. Mais ce cas est très rare, même si l’on n’a pas l’habitude du raisonnement.

Si donc, comme nous devons le supposer, l’analyse a été suffisamment bien dirigée, ou C est une proposition vraie (nécessaire), ou elle est simplement possible, ce qui signifie que sa nécessité réclame une condition qui n’a pas encore été exprimée. La découverte de cette condition se fera immédiatement, et l’on pourra poursuivre la marche régressive.

Il peut donc arriver que la synthèse, s’il s’agit d’un théorème, au lieu d’établir la vérité de ce théorème, prouve que l’énoncé doit en être modifié. Mais, en tout cas, la question se trouve élucidée, et le cercle des connaissances agrandi sur le point précis que l’on étudiait.

De même pour les problèmes, l’analyse, conçue dans l’esprit de Platon, peut introduire des solutions étrangères à la question, ce que la synthèse fera reconnaître ; mais il n’y a pas là non plus d’inconvénient réel dans une science dont le but est la spéculation, non pas la pratique, pour laquelle rien n’est donc plus désirable que d’étendre les vues et de multiplier les connaissances.

Dans cette discussion, nous n’avons eu au reste d’autre objet que de défendre notre philosophe contre un reproche théorique. En fait, l’analyse des anciens dans tous les monuments qui nous en restent, depuis les plus anciens jusqu’aux plus récents, nous apparaît avec un algorithme et des règles de calcul différant des nôtres, mais analogues, et ne semble pas procéder autrement que par propositions formant une chaîne immédiatement réversible.

Mais si les Grecs ont à cet égard obéi à une tendance naturelle, s’ils se sont astreints, dans leurs écrits, à suivre rigoureusement les règles qu’elle leur traçait, ce serait à tort que l’on s’étonnerait de les voir admettre la nécessité d’une contre-vérification de leurs déductions, dans les voies neuves qu’ils ouvraient et où nous marchons aujourd’hui avec tant d’assurance.

Paul Tannery.
  1. Voir le No de novembre 1880.
  2. Voir notre article sur Thalès de Milet, dans la Revue philosophique de mars 1880, p. 307.
  3. Pour le rapport de la circonférence au diamètre, 3,1415926535…, il est probable que, dès la plus haute antiquité, on prit simplement le nombre 3. Dans le papyrus de Rhind, on trouve l’approximation  ; la valeur donnée par Archimède, est devenue., comme on sait, classique jusqu’à la Renaissance ; celle des Hindous, paraît en avoir été déduite.
  4. Procli Diadochi in primum Euclidis elementorum librum commentarii, edit. Friedlein. Leipzig, 1873, p. 40. — Cf. Heronis Alexandrini geometricorum et stereometricorum reliquæ edit. Hultsch, Berlin, 1864, p. 218.
  5. Ἰαμβλίχου Χαλχιδέως… περὶ τῆς Νικομάχου ἀριθμητικῆς εἰσαγωγῆς, edit. Tennulius, 1668,. p. 87, 88.
  6. Heronis Alexandrini geometricorum et stereometricorum reliquiæ, edit. Hultsch, Berlin, 1864, p. 56, 57. Un triangle rectangle en nombres est un groupe de trois nombres entiers, tels que la somme des carrés de deux d’entre eux soit égaie au carré du troisième.

    La règle de Pythagore pour former de tels triangles consiste, a étant un nombre impair, à choisir le groupe :

     ;

    celle de Platon, étant un nombre pair, à prendre :

    .
  7. Nicomachi Gerasemi Pythagorei introductionis arithmeticæ libri II, recensuit Ricardus Hoche. Leipzig, 1866. — Theonis Smyrnæi platonici, eorum quæ in mathematicis ad Platonis lectionem utilia sunt expositio, ed. Bullialdus. Paris, 1644. Theonis Smyrnæi platonici liber de astronomia, primus edidit Th.-H. Martin. Paris, 1849. Νικομάχου ἁρμονικῆς ἐγχειρίδιον, dans les Antiquæ musicæ auctores édités par Meibomius.
  8. Les Theotogumena ( ed. Ast, Leipzig) citent des ouvrages de Philolaos, Clinias de Tarente, Archytas, antérieurs à Platon ou de son temps, ainsi qu’un traité de son neveu Speusippe sur Les nombres pythagoriques.
  9. Pairement pair = puissance de 2 — ; pairement impair = 2(2n + 1) ; — impairement pair = 2m(2n + 1).
  10. Εὐθυγραμμικὸς. Ce nom, dû, d’après Jamblique, au pythagoricien Thymaridas, se trouve avec les divers autres termes techniques que nous allons souligner, dans les citations du traite de Speusippe, mentionné plus haut, du moms sous la forme abrégée γραμμικος.
  11. Le moyen harmonique entre deux nombres et est . Les détails historiques ci-dessus sont donnés par Jamblique dans son commentaire sur Nicomaque, p. 14).
  12. Voir notre essai L’arithmétique des Grecs dans Pappus, dans les Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux, t. III, 2e série, p. 362.
  13. Voir notre essai Le nombre nuptial dans Platon, dans la Revue, t. I, 1876, p. 184 et 182.
  14. Simplicii comment. in octo Aristotelis physicœ auscultations libros. Le texte de ces fragments a été publié par Bretschneider, dans Die Geometrie und die Geometer vor Euklides, Leipzig, 1870, p. 100-121.
  15. Comme l’invention du διορισμός par Léon, contemporain de Platon. Un peut croire que l’origine de la forme euclidienne remonte aux Égyptiens, car on ne peut guère mettre en doute qu’ils ne sussent faire des démonstrations. Comparez le texte de Démocrite (Clem. Alex., Strom., I. p. 131, Sylb.) : Γραμμέων συνθέσιος μετὰ ἀποδείξιος κώ με παρήλλαξεν, οὐδ’ οἱ Αἰγυπτιών καλεόμενοι Ἀρπεδονάπται. .
  16. L’emploi qu’en fait de même Aristote dans l’Éthique à Nicomaque, V, 3, par exemple, en les appliquant à la notion de la justice distributive, est certainement emprunté a son maître et suppose une théorie géométrique complète. Le rôle d’Eudoxe semble avoir été surtout d’établir d’une façon irréfutable, pour les grandeurs en générât, commensurables pu non, une théorie qui, à l’origine, ne supposait de rapports qu’entre nombres. Jusqu’à son travail, l’incommensurabilité demeurait, en géométrie, une pierre d’achoppement, et ses précurseurs bannirent systématiquement, en conséquence, la potion de rapport des démonstrations des quatre premiers livres.
  17. Proclus, Comment. in Euclid., ad. Friedlein, p. 67. Εὔδοξος… τὰ περὶ τὴν τομην ἀρχην λαβόντα παρὰ Πλάτωνοω εἰς πλῆθος προήγαγεν, καὶ ταῖς ἀναλύσεσιν ἐπ' αὐτῶν χρησάμενος..

    La τομὴ dont parle ce texte est la division en moyenne et extrême raison dont il s’agit dans les démonstrations en question. En somme, Eudoxe peut être regarde comme le premier auteur des Éléments sur les solides ; mais il ne faut pas oublier, que d’après le témoignage constant de l’antiquité, la théorie la plus difficile du XIIIe livre, la construction du dodécaèdre régulier, avait été divulguée par le pythagoricien Hippasos. D’autre part, d’après Suidas, le premier traité sur les cinq polyedres aurait été composé par Théétète.

  18. L’ensemble des nouveaux travaux qui constituent ce qu'on appelle la géométrie non euclidienne est une preuve frappante de notre thèse ; car leur caractère consiste, au fond, à introduire la méthode analytique dans cette partie de la science qui n’avait jamais subi une pareille épreuve.