L’église habillée de feuilles/Au crépuscule, à l’heure où le silence saint

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Au crépuscule, à l’heure où le silence saint
de la chapelle, par un mariage divin,
s’unit aux boiseries qu’orne un chemin de croix,
enfumées du parfum des encens séculaires…
quand l’ombre rejoint l’eau dans le bénitier froid…
quand le vent pleure bas autour du presbytère
dans les tristes rameaux de peupliers carolins…
quand le dernier rayon dore de son mystère
l’althæa rose auprès duquel lit son bréviaire
un humble desservant qui va vers son déclin…

Alors, sortant de la chapelle où l’a mené
sa rêverie errante, le poète a refermé
la grille. On voit la lune en métal bosselé.

L’âme garde longtemps le parfum du rosaire
comme la boîte verte garde une odeur de feuilles.
Certe il est bon, quand la Terre vous abandonne,
de méditer, et qu’alors le Ciel vous accueille.
Il est bon, quand sur soi l’orage couve et tonne,
de descendre dans la profondeur des Mystères ;
il est bon lorsque les hommes vous ont trahi,
quand on est exilé, quand on n’est pas compris,
de retrouver toujours la Famille divine.
Cette Famille est là, qui avec vous chemine
ou s’arrête avec vous, matin, midi et soir ;
il est bon de parler à la Vierge et la voir,
tantôt enfant, avec son voile dans le Temple,
pure comme elle-même et remplissant sa lampe ;
tantôt tranquillement belle, puissamment mère ;
tantôt vieille, voûtée et saintement amère.
Il est bon d’évoquer son Enfant glorieux
et, banni par les hommes, d’habiter avec Dieu.