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L’épluchette/Étrennes de Gros-Jean à sa blonde

La bibliothèque libre.
Gérard Machelosse (p. 48).


Les étrennes de Gros-Jean à sa « blonde »

C’étaient deux simples cœurs que ceux de Jean et d’Ève ;
Très simples, ingénus, tout à leur premier rêve.
Ils avaient vu le jour pour la première fois
Loin au septentrion dans un hameau sous bois,
Et les ans, depuis lors, dans cette solitude
Pour eux, furent empreints de douce quiétude.
Vînt leur adolescence et ces deux simples cœurs
Succombèrent bientôt aux traits toujours vainqueurs
Du petit Cupidon. Or, se mourait l’année,
Leur dix-septième, quand Jean chez sa Dulcinée
Se trouva pour veiller. La douce Ève songeant
Aux fêtes de l’an neuf, et regardant son Jean
Se demandait tout bas : — S’il me fait des étrennes,
Comme i’ m’en f’ra ben sûr, que faut-i’ que je prenne ?
Quelque colifichet dans son cœur féminin,
Un objet pour le cou vînt la fixer soudain.
Étrangeté du sort, à l’instant identique
Jean eut l’intuition presque télépathique
Que la jeune fillette aimerait un cadeau
Pour le premier de l’an, et lui glissa ce mot :
— J’te veux faire un présent ; quoi s’que t’aimerais, Ève ?
L’idée encor fixée à l’objet qu’elle rêve
Elle dit : — Donne-moé… quéque chose de bon
Pour le cou ! Le galant lui promit quelque don.
Et la belle reçut : un morceau de savon !