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L’évolution des mondes/04

La bibliothèque libre.
Traduction par Théophile Seyrig.
Librairie polytechnique Ch. Béranger, éditeur (p. 103-128).

IV

LA FORCE RÉPULSIVE DE RADIATION
DU SOLEIL

L’arithmétique et la géométrie très élémentaire mises à part, l’astronomie semble avoir été la science la plus anciennement cultivée. Que le soleil fut la source première de toute vie et de tout mouvement, on ne s’en est rendu compte d’une façon parfaitement claire que vers le milieu du siècle dernier ; mais déjà aux époques historiques les plus reculées on avait quelques notions sur l’énorme importance qu’il a pour notre globe. Dans la vie des peuples nomades qui habitent les pays chauds, la lune tenait une grande place. Ses phases successives fournissaient le moyen le plus commode pour compter des durées plus grandes que la journée. D’autre part la chaleur du soleil est si oppressive, particulièrement en été, que ces peuples utilisaient de préférence la nuit et la clarté lunaire pour leurs déplacements à la recherche de nouveaux pâturages pour leur bétail. C’est ainsi que chez les Babyloniens par exemple, la lune fut primitivement la divinité principale ; le soleil ne le devint que plus tard.

La vénération du soleil et de la lune à la douce clarté s’étendit bientôt aux luminaires moins importants de la voûte céleste. On fit en effet l’observation que leurs positions dans le ciel concordaient avec les variations annuelles des saisons, dont l’influence était déjà si marquée sur toutes les entreprises ^humaines. On en vint donc à attribuer à la lune et aux étoiles le pouvoir de régir le temps, et par voie de conséquence, également tous les faits et gestes des humains. Nous savons aujourd’hui que cette attribution d’influence n’est fondée sur rien[1]. Avant de se lancer dans n’importe quelle entreprise, on s’assurait de la constellation heureuse des corps célestes. C’est ainsi que s’établit petit à petit, dès les temps les plus reculés, le pouvoir énorme sur la foule ignorante et superstitieuse de ceux qui prétendaient interpréter le firmament.

Ces superstitions étaient encore profondément enracinées lorsque Newton parvint à démontrer, en 1686, que les mouvements des étoiles vagabondes, c’est-à-dire des planètes, ainsi que de leurs satellites, pouvaient se calculer à l’aide d’une loi des plus simples. Cette loi dit que tous ces corps célestes sont attirés vers le soleil ou vers leur astre central, par une certaine force qui est à la fois proportionnelle à leur masse et à celle de cet astre central, et inversement proportionnelle au carré de leurs distances. Halley, le contemporain de Newton, appliqua cette même théorie aux si mystérieuses comètes, et depuis cette époque, l’astronomie mathématique a pour fondement une loi solidement établie, à laquelle on n’a encore pu découvrir aucune exception.

Le monde s’est trouvé ainsi libéré du coup, et définitivement, des superstitions paralysantes de l’astrologie, qui étaient liées à la croyance en une mystérieuse domination des corps célestes. Il n’est pas étonnant que les contemporains de Newton, comme aussi leurs successeurs, aient estimé cette découverte supérieure à toutes les autres, faites par ce héros de l’humanité. D’après cette loi de Newton toutes les masses de matière qui remplissent l’univers, ont une tendance à se réunir, à se joindre petit à petit, et l’évolution du monde se fait dans le sens de l’absorption des petits d’entre ses éléments, — les météorites par exemple —, par les grands.

Il convient toutefois de remarquer que déjà Kepler, le grand prédécesseur de Newton, avait observé dès 1618, que la matière composant les queues des comètes était repoussée par le soleil. Il croyait, comme plus tard Newton, que le rayonnement de la lumière avait pour origine de petits corpuscules lumineux projetés dans tous les sens par le soleil, comme par tout autre corps éclairant. Ceux-ci viennent ils à rencontrer les atomes de poussière des queues cométaires, ils les entraînent, ce qui expliquerait la répulsion qu’exerce le soleil. Il est très remarquable que Newton ne consentit pas à accepter cette explication, bien qu’il partageât l’opinion de Kepler sur la nature de la lumière. D’après lui, l’anomalie que présentaient les comètes, en s’écartant de sa loi de la gravitation universelle, n’était qu’apparente ; ces queues offraient le même paradoxe que la colonne de fumée qui sort d’une cheminée, et qui monte, parce que les gaz dont elle est formée sont plus légers que l’air environnant, bien que les gaz soient attirés vers la terre. Cette explication, dont Newcomb trouva bon de dire « qu’on ne peut plus lui accorder une importance sérieuse », fait bien voir comment Newton était désireux de tout expliquer à l’aide de sa loi.

Les astronomes ont depuis lors fidèlement suivi les traces de ce maître incomparable qu’était Newton. Ils ont écarté tout ce qui n’entrait pas rigoureusement dans le cadre de son système. Le célèbre Euler fit exception, lorsqu’en 1746, il formula l’hypothèse que les ondes lumineuses exerçaient peut-être une certaine pression sur les corps qu’elles viennent frapper. Cette opinion ne put cependant pas résister aux critiques qu’elle souleva et qui furent soutenues surtout par de Mairan. Le bien fondé de l’opinion d’Euler a été démontré beaucoup plus tard, en 1873, par Maxwell, dans son célèbre travail sur la nature de l’électricité. Ce savant fit voir que les rayons calorifiques exercent une pression, dont la grandeur a pour mesure la quantité d’énergie contenue dans l’unité de volume, par suite de la radiation. Bartoli a montré en 1876 que cela est également vrai pour les radiations de toute sorte. Maxwell a calculé la valeur de cette pression, et il la trouva si minime qu’on ne pouvait guère la mesurer à l’aide des moyens dont on disposait alors. Plus tard, on y est parvenu, par des expériences et des mesures faites dans le vide. Nous les devons au professeur russe Lebedeff et aux Américains Nichols et Hull (1900, 1901). Ces savants ont prouvé que cette force, que l’on désigne sous le nom de force répulsive ou de pression de radiation a exactement la valeur indiquée par Maxwell.

Malgré la situation éminente de Maxwell dans le monde scientifique, les astronomes négligèrent la loi si importante qu’il avait découverte. En 1892 Lebedeff essaya bien de l’appliquer, dans un travail sur les queues cométaires, qu’il considérait comme gazéiformes. Or la loi de Maxwell ne s’applique précisément pas à cette forme de la matière. Ce n’est qu’en 1900, peu avant que le même Lebedeff fournit la preuve expérimentale de l’exactitude de la loi, que je m’efforçai de faire ressortir sa très grande signification pour l’explication d’un certain nombre de phénomènes célestes.

À la surface du soleil, la grandeur de la pression de radiation est de 2,75 mgr. par centimètre carré, à supposer que les rayons tombent perpendiculairement à la surface d’un corps noirci. En partant de là, je cherchai quelle devrait être la dimension d’une gouttelette qui aurait le même poids spécifique que l’eau, et qui pourrait rester en équilibre avec la force attractive du soleil, se trouvant au voisinage immédiat de celui-ci. Ce résultat serait atteint si le diamètre de la gouttelette était de 0,0015 mm. Une correction à ce calcul est due à Schwarzschild. Il a fait voir qu’il n’est exact que si cette gouttelette réfléchit d’une façon parfaite tous les rayons qu’elle reçoit. Si son diamètre est plus petit, la force répulsive l’emportera sur l’attraction, — elle sera chassée loin du soleil. Cependant, suivant Schwarzschild, ce fait ne peut encore se produire que si la circonférence de la gouttelette est plus grande que les 0,3 de la longueur d’onde des rayons incidents ; c’est une restriction dont l’origine se trouve dans les lois de la diffraction de la lumière.

La gouttelette diminue-t-elle davantage, la pesanteur reprend son influence prépondérante. Mais entre les deux limites ainsi déterminées, il y a répulsion effective. On peut en conclure que les molécules qui auront des dimensions inférieures à la plus petite valeur trouvée ci-dessus, ne seront pas chassées, et que, par conséquent on ne doit pas appliquer la loi de Maxwell aux gaz.

Le maximum de l’effet de la force répulsive se produit quand la circonférence de la gouttelette est précisément égale à la longueur d’onde de la radiation. Elle est alors dix-neuf fois supérieure à l’effet de la pesanteur. — Tous ces résultats s’appliquent uniquement à des gouttes dont la surface opère la réflexion totale des rayons, dont la densité égale celle de l’eau, et pour une radiation et une attraction égales à celles du soleil. La lumière solaire n’est toutefois pas homogène ; il en résulte que l’effet maximum se trouve un peu diminué, et la pression est, en fin de compte, environ dix fois plus grande que la pesanteur, quand il s’agit de gouttelettes de 0,00016 mm. de diamètre[2].

Avant d’attribuer à l’existence d’une force de radiation les phénomènes correspondants, tels qu’on les observe dans les queues des comètes, on admettait en général avec Zöllner que cette répulsion était due à des forces électriques. Il est en effet hors de doute que l’électricité joue ici un très grand rôle, comme nous le verrons plus tard. Une découverte faite par C. T. R. Wilson en 1899 en donne l’explication. Des influences extérieures diverses peuvent rendre les gaz conducteurs d’électricité. On dit alors qu’ils sont ionisés, ce qui signifie qu’ils contiennent des ions libres, ou, en d’autres mots, des particules excessivement petites, chargées d’électricité positive ou négative. Cet état d’ionisation des gaz peut être produit, entre autres, par des rayons Röntgen, par des rayons cathodiques, par de la lumière ultraviolette, ou encore par une très forte élévation de température. Comme les rayons solaires contiennent une très grande proportion de rayons ultraviolets, il est hors de doute que les masses gazeuses qui arrivent au voisinage du soleil, par exemple celle des comètes qui en approchent, sont au moins partiellement ionisées, et qu’elles contiennent par suite des ions positifs et des ions négatifs.

Les gaz ionisés ont cette propriété très remarquable, de pouvoir condenser des vapeurs. Wilson a fait voir que cette propriété appartient à un bien plus haut degré aux ions négatifs qu’aux ions positifs, lorsqu’il s’agit de la condensation de l’eau[3]. Si donc il se trouve dans le voisinage du soleil des vapeurs aqueuses, qui se refroidissent et se condensent, les gouttes ainsi formées se déposent tout d’abord sur les ions négatifs. Ces gouttes sont-elles ensuite chassées par la pression de radiation, ou encore tombent-elles en raison de leur poids, comme dans l’atmosphère terrestre, elles emporteront avec elles la charge électrique négative, tandis que la portion correspondante d’électricité positive restera dans le gaz, — dans l’air par exemple. C’est ainsi que les charges d’électricité positives et négatives sont séparées les unes des autres, et que des décharges électriques peuvent s’ensuivre, lorsque des quantités suffisantes en ont été accumulées.


Fig. 33, Photo de la comète de Roerdam, 1893, II
Fig. 33. — Photographie de la comète de Roerdam (1893, II), présentant plusieurs gros noyaux dans la chevelure.

Ces décharges rendent lumineux les gaz par lesquels elles passent, quoique leur température puisse être extrêmement basse. Il a même été démontré par M. Stark qu’une basse température est favorable à la production de phénomènes lumineux très brillants.

Nous avons déjà indiqué plus haut que, dès le commencement du xviie siècle Kepler était d’opinion que le soleil repoussait la queue des comètes. Newton fit voir comment on peut calculer leur vitesse, en prenant pour point de départ la forme de ces queues. Il est préférable cependant de déduire cette vitesse de l’observation directe. Elles ne sont en effet nullement
Fig. 34, Comète de Swift, 1892, I
Fig. 34. — Comète de Swift (1892, I).
uniformes, comme on les représente en général sur les images, mais elles contiennent fréquemment plus d’un centre ou noyau (fig. 33) dont le mouvement peut être directement aperçu et mesuré.

Olbers a conclu de ses études cométaires, au commencement du siècle dernier, que la répulsion des queues des comètes par le soleil était inversement proportionnelle au carré de leur distance, c’est-à-dire que cette force répulsive suit les mêmes lois de variation que la gravité. Il devient possible, dès lors, d’exprimer la force répulsive par comparaison avec la gravitation vers le soleil, et cette façon de mesure a été universellement adoptée. Il est naturel que la force répulsive varie ainsi avec la distance, car la radiation que reçoit une surface donnée
Fig. 35, Comète de Donati lors de sa plus forte luminosité en 1858
Fig. 35. — Comète de Donati, lors de sa plus forte luminosité, en 1858.
est aussi inversement proportionnelle au carré de la distance du corps radiant, c’est-à-dire dans ce cas, du soleil.

Au siècle dernier l’astronome russe Bredichine fit un grand nombre de mesures de la force qui éloignait les queues des comètes du soleil. Il crut, sur la foi de ces déterminations, pouvoir les classer en trois catégories. Dans la première, la répulsion était dix-neuf fois plus grande que l’attraction due à la gravitation. Dans la seconde elle variait de 3,2 à 1,5 fois ; dans la troisième catégorie la répulsion l’emportait d’une fois à une fois et demie sur la pesanteur. On a cependant trouvé des valeurs supérieures encore pour un certain nombre de comètes. Ainsi Hussey a fait ce calcul pour une comète de 1893 (la comète de Roerdam : 1893, II) et il a trouvé que la répulsion était trente-sept fois la force de gravité. La comète de Swift (1892, I, voy. fig. 34) a donné un rapport plus élevé encore, savoir 40,5. Certaines comètes nous ont montré des queues de formes très diverses, comme celle, restée célèbre, de Donati (fig. 35). Les deux queues presque rectilignes de cette comète appartenaient à la première catégorie de Bredichine, la troisième, très recourbée, était de la deuxième catégorie.

Nous avons indiqué plus haut, que d’après Schwarzschild des gouttelettes de matière ayant une surface parfaitement réfléchissante, et d’une densité égale à celle de l’eau, étaient repoussées par le soleil avec une force qui pouvait atteindre dix fois leur poids. Si la gouttelette est au contraire d’une matière parfaitement absorbante, cette valeur diminue de moitié. Or des observations spectroscopiques sur les comètes font penser que les gouttelettes qui les composent sont probablement des hydrocarbures, qui ne sont pas parfaitement absorbantes, mais elles sont partiellement traversées par la radiation solaire. Si on leur applique le calcul, on trouve que l’effet de la radiation peut atteindre 3,5 fois celui de la gravité.

Des gouttes plus fortes donneraient des chiffres moins élevés. Il semble donc que les catégories 2 et 3 de Bredichine répondent parfaitement à ces conditions dont le point de départ est l’évaluation théorique de la pression de radiation.

On explique moins facilement comment il peut exister des forces répulsives aussi élevées que celles de la première catégorie de Bredichine, ou celles des comètes de Swift et de Roerdam. Si une gouttelette d’hydrocarbure est exposée à une forte radiation solaire, elle est en fin de compte tellement chauffée, qu’elle se carbonise. Elle se transforme alors en un charbon spongieux, par suite du dégagement des gaz qui s’en échappent, qui sont surtout composés d’hydrogène. Ces particules doivent beaucoup ressembler aux corpuscules charbonneux qui tombent des fumées de nos cheminées. On peut concevoir que ces petits charbons, consistant en margarites feutrées, c’est-à-dire en rangées ressemblant à des chaînes de bacilles, aient une densité de 0,1 seulement, si on les prend avec les gaz qui y sont enfermés (comp. p. 115). Une gouttelette absorbante ayant cette densité peut, dans certaines conditions, subir une répulsion qui va jusqu’à quarante fois la force d’attraction du soleil lui-même. On peut donc, par ces considérations, arriver à se faire quelque idée de la grandeur des forces répulsives si importantes du soleil.

Les spectres des comètes confirment en tous points les conclusions auxquelles conduit la théorie de la pression de radiation. Elles présentent un très faible spectre continu qui provient sans doute de la lumière solaire réfléchie par les petites particules composantes. On remarque en outre, comme il a été dit, un spectre d’hydrocarbures gazeux et de cyanogène. Ces bandes spectrales sont dues à des décharges électriques, car on les observe sur des comètes dont l’éloignement du soleil est tel qu’elles ne peuvent pas être lumineuses par l’élévation de leur température propre. On a remarqué dans la queue de la comète de Swift, des spectres de bandes dans des régions éloignées du noyau de 5 000 000 de kilomètres environ. Les décharges électriques proviennent principalement des parties extérieures de la queue, là où, d’après la théorie, les forces électriques sont les plus puissantes. Cela expliquerait également ce fait que les queues cométaires semblent entourées d’une sorte de manteau extérieur lumineux.

En photographiant les comètes on observe parfois, d’après M. Deslandres, une luminosité singulière, invisible à l’œil, qui se montre au milieu du cône visible de la chevelure. Il est probable que cette lumière photographiquement active est due à des décharges électriques à l’intérieur de la queue. Elle serait de signe contraire à celle des particules chargées d’électricité de l’enveloppe extérieure du manteau.

Lorsqu’une comète s’approche du soleil, d’autres matières, moins volatiles, se vaporisent à leur tour. On trouve alors dans le spectre les lignes du sodium. Quand la proximité du soleil est très grande, on aperçoit même les lignes du fer. Il semble évident que ces lignes proviennent des matières échappées du noyau lui-même, qui consiste sans doute, comme les météorites qui tombent sur notre globe, principalement en silicates, — parmi lesquels du silicate de soude, — et en fer.

On se représente aisément comment ces gouttelettes se forment. Lorsqu’une comète s’approche du soleil on remarque qu’une certaine quantité de matière est expulsée du noyau, par la face tournée vers le soleil. Ce phénomène correspond à celui de la formation des nuages dans notre propre atmosphère, par une chaude journée d’été. Cette évaporation produit ce qu’on appelle la calotte, qui ressemble, à la vue, à une mince enveloppe hémisphérique, autour de la face du noyau qui regarde le soleil. On constate parfois la présence de deux ou même de plusieurs de ces calottes concentriques, qui correspondent à des couches de nuages terrestres situées à des hauteurs différentes. La partie postérieure de cette calotte laisse échapper la matière de la queue, du côté opposé au soleil. En général, les queues des comètes sont plus développées pendant leur approche du soleil que lorsqu’elles s’en éloignent. La raison en est sans doute, comme on l’a depuis longtemps supposé, que les hydrocarbures sont en majeure partie détruits pendant le passage au périhélie. On a cru remarquer aussi que les comètes dites périodiques qui reviennent près du soleil à intervalles réguliers ont une chevelure de moins en moins développée à chaque révolution.

La lumière des comètes est beaucoup plus vive lors des périodes de maxima des taches solaires. On peut admettre qu’à ces moments-là les espaces environnant le soleil sont relativement très chargés de fines poussières, qui peuvent parfaitement
Fig. 36, Expérience de Nichols et Hull pour la reproduction des effets de queues de comètes
Fig. 36. — Expérience de Nichols et Hull, pour la reproduction des effets des queues de comète. La lumière d’une lampe à arc est projetée à travers une loupe, sur de fines poussières tombant d’un orifice.
aider à la condensation des matières formant la queue des comètes. Il est probable encore que dans ces mêmes circonstances, et par suite de la production toujours simultanée des facules en abondance, la radiation ionisante du soleil est plus forte qu’en temps ordinaire.

Nichols et Hull ont essayé d’imiter la production des queues cométaires. Ils ont fait chauffer au rouge des spores du champignon Lycoperdon Bovista (ou vesse de loup) qui sont à peu près sphériques et dont le diamètre est de 0,002 mm. Ils ont obtenu ainsi des masses spongieuses de charbon d’une densité moyenne de 0,1. Ces corpuscules furent introduits en même temps qu’un peu de poudre d’émeri dans une ampoule en forme de sablier (fig. 36), dans laquelle on fit ensuite le vide, aussi parfaitement que possible. Retournant l’ampoule, on laissa tomber le mélange en filet très mince, dans la partie inférieure. Celle-ci était éclairée latéralement par un puissant arc électrique, concentré au moyen d’une lentille. On vit alors tomber verticalement les grains d’émeri, tandis que les parties charbonneuses étaient repoussées en arrière du rayon lumineux par la radiation de celui-ci.

Nous pouvons reconnaître, au voisinage immédiat du soleil, les effets de sa pression de radiation. La direction rectiligne des rayons de la couronne, s’étendant jusqu’à une distance de plus de six fois le diamètre solaire (ou environ 8 millions de kilomètres), indique l’existence de forces répulsives, qui produisent leur effet sur les fines poussières météoriques. Aussi a-t-on longtemps comparé la couronne aux queues cométaires, et Donitsch la considère comme analogue aux comètes de la seconde catégorie de Bredichine.

On peut soumettre au calcul la chaleur et le rayonnement lumineux de la masse coronaire du soleil. Sa chaleur a été déterminée par les mesures de M. Abbot. À une distance de 30 000 kilomètres de la photosphère, la couronne ne rayonne de la chaleur que dans la proportion d’un corps qui aurait la température de ‒55° C. Cela vient de ce qu’elle est constituée par un brouillard excessivement léger dont la température absolue, calculée à l’aide de la loi de Stefan, serait de 4 350° C. La couronne est donc d’une ténuité telle qu’elle n’occulte qu’environ 1/190 000e du fond céleste qui se trouve derrière elle.

On arrive au même résultat si l’on étudie le rayonnement lumineux de la couronne. Il est à peu près égal à celui de la pleine lune, variant d’ailleurs environ du simple au double. Les observations ci-dessus rappelées s’appliquent aux parties les plus intenses de la couronne que l’on désigne sous le nom de couronne intérieure. D’après M. Turner son intensité diminue à mesure qu’on s’éloigne du soleil en raison inverse de la sixième puissance de la distance à son centre. À la distance d’un rayon solaire (690 000 kilomètres) la puissance lumineuse ne serait donc que de 1,6 p. 100 de celle qu’elle a dans le voisinage immédiat de la surface.

Admettons pour un instant, que la matière formant la couronne consiste en particules qui auraient juste des dimensions suffisantes pour que la force répulsive soit égale à leur poids, — toute autre particule se trouvant chassée au loin de cette couronne intérieure —, nous reconnaîtrons que le poids total de toute la couronne solaire ne dépasse pas une douzaine de millions de tonnes métriques. Ce poids serait celui de 400 de nos plus grands transatlantiques tels que l’Océanic, et ne représente que la moitié de la quantité de charbon qui se consomme dans l’industrie de notre globe, dans l’espace d’une semaine !

La ténuité extrême de la matière coronaire a déjà été déduite de ce fait que certaines comètes la traversent sans être influencées par elle dans leur mouvement, tout au moins d’une façon sensible. En 1843 une comète a passé à une distance de la surface du soleil qui n’a pas dû être plus grande que le quart de son rayon. L’orbite de la comète n’en fut point modifiée. Moulton a calculé que la grande comète de 1881, qui s’est approchée du soleil à la distance de la moitié de son rayon, n’a pas subi une résistance qui fut plus grande qu’un cinquante millième de son propre poids. Le noyau de cette comète devrait être au moins 5 millions de fois plus dense que la matière constituant la couronne.

Newcomb a dit que la raréfaction de la matière de la couronne était sans doute telle qu’elle ne comprenait guère qu’un grain de poussière par kilomètre cube, mais cette évaluation est sans doute quelque peu exagérée.

Si petite que soit toutefois la quantité de matière répandue dans la couronne, et si insignifiante que soit la fraction qui s’en élance dans les rayons visibles ; il n’en est pas moins certain que le soleil perd, d’une façon constante, une petite quantité de matière fine, impondérable. Cette perte n’est cependant pas plus grande que la quantité de matière qui y arrive, — nous l’expliquerons plus loin —, et qu’on peut évaluer à 300 milliards de tonnes par an. On peut calculer que dans un billion d’années le soleil n’envoie ainsi vers les espaces qu’environ 1/6 000e de sa masse totale, que nous évaluons à 2×1027 tonnes.

Ces chiffres sont toutefois empreints de beaucoup d’incertitude. Nous savons bien qu’il tombe sur la surface de notre globe un grand nombre de pierres météoriques, tantôt sous forme de matières compactes, tantôt à l’état de poussières fines provenant des étoiles filantes, qui s’enflamment en arrivant dans notre atmosphère, puis sont détruites. On a évalué la quantité de cette matière à environ 20 000 tonnes par an. C’est en partant de cette base que l’on arrive au chiffre de 300 milliards de tonnes, comme évaluation de la pluie météorique qui se précipite annuellement à la surface du soleil.

Depuis des temps infinis, tous les soleils de l’univers ont jeté de la matière dans l’espace, et il semble certain que plus d’un serait aujourd’hui disparu, si, à son tour, l’espace ne leur fournissait des apports qui couvrent les pertes. Les soleils éteints ne perdent que relativement peu de matière, mais ils reçoivent autant d’apports que les soleils chauds. Comme notre propre soleil doit être rangé dans la catégorie des corps célestes plutôt froids, il n’est pas improbable que l’estimation que nous faisons de ses pertes de matière soit un peu trop élevée si nous les supposons égales à son accroissement.

Quelle est l’origine des météorites ? Si leur formation n’est pas continue, il semble que leur nombre devrait être infiniment réduit, car les divers corps célestes auraient dû, dans le cours des temps, les absorber successivement tous. Il semble plutôt très probable qu’elles résultent de l’agglomération successive des particules minimes que les soleils jettent dans l’espace par la puissance de leur rayonnement.

On trouve dans les pierres météoriques des chondres, dont la structure est très caractéristique pour ces pierres. Elle semble indiquer que leur masse résulte de l’agglomération de grains excessivement fins (fig. 37). Voici ce que dit à ce sujet Nordenskiöld : « La plupart des météorites consistent en un tissu extrêmement fin de divers alliages métalliques. La masse du fer météorique est souvent si poreuse, qu’elle s’oxyde au contact de l’air comme une éponge de fer. Le fer palladique présente,
Fig. 37, Chondrites granuleuses dans la pierre météorique de Sexes
Fig. 37. — Chondrites granuleuses dans la pierre météorique de Sexes.
Agrandissement 1 : 70 d’après G. Tschermak.
lorsqu’on le coupe transversalement, cette propriété si désolante pour le collectionneur. Il en est de même des fers météoriques de Cranbourne, de Toluca, et d’autres encore, — à vrai dire, de presque tous les fers météoriques sans exception. Tout semble indiquer que ces masses de fer cosmique se sont constituées dans les espaces célestes ; les atomes de fer, de nickel, de phosphore, etc., se sont ajoutés à d’autres atomes, à peu près comme dans une solution métallique le courant galvanique sépare atome après atome en le précipitant. La plupart des météorites pierreuses montrent les mêmes caractères. La pierre est souvent, — sauf pour l’enveloppe extérieure —, fondue comme un laitier, si poreuse et si peu compacte, qu’elle pourrait servir de pierre filtrante, et qu’elle s’écrase aisément sous la pression des doigts. »

Quand des grains de poussière, chargés d’électricité, s’agglomèrent, leur très faible tension électrique, qui est d’environ 0,02 volt peut s’élever notablement. L’effet de la lumière ultraviolette conduit ensuite à la décharge de l’électricité de ces masses météoriques, lorsqu’elles arrivent au voisinage de quelque soleil. C’est ce que Lenard a fait justement ressortir. Leur charge négative s’échappe alors sous forme de ce que nous appelons aujourd’hui des électrons.

Le rayonnement de la couronne solaire faisant donc perdre au soleil une masse considérable de fines particules et celles-ci étant sans doute, suivant l’expérience de Wilson, chargées d’électricité négative, il doit rester dans la couche d’où émanent les rayons, une charge d’électricité positive. Par suite aussi cette charge est celle du soleil lui-même. Si elle devenait assez puissante, elle pourrait naturellement retenir les particules, chargées négativement, et les empêcher d’être repoussées au loin. Tous les phénomènes électriques résultant de l’effet de la pression de radiation, cesseraient du coup. J’ai pu calculer, à l’aide de la théorie moderne des électrons, jusqu’où peut s’élever le maximum de la charge électrique du soleil sans que ces phénomènes cessent. Cette charge serait égale à 250 milliards de coulombs, charge qui n’est pas en somme très considérable, puisqu’elle suffirait seulement à provoquer la décomposition de 24 tonnes d’eau.

Mais par l’existence de cette charge positive, le soleil exerce une très grande attraction sur tous les atomes chargés négativement qui arrivent à son voisinage. Ainsi que nous l’avons dit, les corpuscules solaires agglomérés en météorites perdent leur charge, sous l’influence de la lumière ultra-violette, sous forme d’électrons négatifs, particules excessivement infimes, dont un millier pèse à peu près autant qu’un atome d’hydrogène[4].

Ces électrons se répandent ainsi dans l’espace. S’ils arrivent à proximité d’un corps céleste chargé positivement, ils y sont attirés avec une grande violence. Supposons que ces électrons se meuvent, comme dans l’expérience de Lenard, avec une vitesse de 300 kilomètres par seconde. Il suffirait que le soleil eut une charge égale seulement au dixième de la charge maxima déterminée ci-dessus, pour qu’il absorbât tous les électrons dont les trajectoires rectilignes (avant d’être infléchies par l’attraction solaire) seraient situées à une distance immense. Cette distance serait cent vingt-cinq fois plus grande que celle de Neptune, trois mille huit cents fois plus grande que la distance de la terre au soleil, — mais seulement 1/60e de l’éloignement de l’étoile fixe la plus proche.

On peut dire que le soleil draine en quelque sorte tout son voisinage d’électricité négative, et ce drainage lui amène, comme on le démontre aisément, une quantité d’électricité qui est en rapport direct avec la charge positive du soleil. On voit qu’il est pourvu, en somme, très complètement à l’équilibre des recettes et des dépenses électriques du soleil.

Lorsqu’une particule électrique arrive dans un champ magnétique, elle décrit une spirale autour des lignes désignées sous le nom de lignes de force. Tant qu’elle se trouve encore à une grande distance (de l’aimant) elle semble se mouvoir suivant la direction même de ces lignes de force. Or les rayons de la couronne solaire qui émanent des pôles présentent une courbure rappelant les lignes de force qui entourent un aimant. C’est ce qui a conduit à supposer que le soleil se comportait comme un immense aimant, dont les pôles magnétiques coïncideraient à peu de chose près, avec les pôles géographiques.

Les rayons de la couronne plus voisins de l’équateur présentent également ces courbures (voy. fig. 30). Mais la force répulsive de la pression de radiation est ici dirigée normalement aux lignes de force, et elle est beaucoup plus intense que la force magnétique. Il en résulte que les rayons de la couronne sont contraints de former deux puissants faisceaux dirigés équatorialement. Cela est particulièrement manifeste à l’époque des minima des taches. Pendant l’époque des maxima la force répulsive de la radiation et la vitesse initiale des poussières semblent être d’une telle intensité, que les forces magnétiques ne peuvent plus guère entrer en ligne de compte.

Les astronomes affirment que notre soleil n’est qu’un astre de faible puissance lumineuse, en comparaison avec les belles et claires étoiles qui provoquent notre admiration. De même aussi, ce soleil est à ranger dans la catégorie des étoiles relativement froides. On peut aisément admettre que la radiation des étoiles plus grandes met en mouvement des quantités de matière beaucoup plus importantes que cela n’a lieu dans notre système solaire.

Si donc les diverses étoiles de l’univers s’étaient trouvées composées d’éléments chimiques dissemblables, cette variété aurait disparu au cours des siècles. Les météorites peuvent en effet être considérées comme une collection d’échantillons de la matière provenant de tous les points les plus éloignés de l’univers.

Quels sont donc les corps dont l’existence nous est ainsi révélée ?

Nous avons vu (p. 113–114) que dans la matière cométaire les corps les plus importants sont le fer, le sodium, le carbone, l’hydrogène et l’azote (sous forme de cyanogène). Mais nous savons aussi, surtout par les études de Schiaparelli, que les météorites ne sont souvent que des fragments de comètes, et qu’il y a conséquemment entre elles une véritable parenté. C’est ainsi, rappelons-le, que la comète de Biela, dont la révolution se faisait dans une période de 6,6 années, avait disparu depuis 1852. Elle s’était, déjà précédemment, en 1845, partagée en deux masses distinctes. Elle a été, depuis, reconnue dans un essaim d’étoiles filantes, dont la période est d’une durée identique, et qui passe près de l’orbite de la terre vers le 27 novembre. On a reconnu qu’un certain nombre d’autres essaims météoriques présentent des particularités analogues.

Or nous savons que les corps simples, que nous avons énumérés ci-dessus, et qui ont été décelés par l’analyse spectrale dans les comètes, sont précisément ceux que l’on rencontre en plus grande abondance dans les pierres météoriques. Ils contiennent encore d’autres éléments, du calcium, du magnésium, de l’aluminium, du nickel, du cobalt, du chrome. On y trouve des métalloïdes ; l’oxygène, le silicium, le soufre, le phosphore, le chlore, l’arsenic, l’argon et l’hélium y ont été constatés. Leur composition rappelle vivement celle des produits volcaniques que nous appelons basiques, c’est-à-dire qui contiennent de grandes quantités d’oxydes métalliques, et que des bonnes raisons nous font considérer comme provenant de couches très profondes de notre globe. Lockyer a rendu incandescents des météorites en les plongeant dans l’arc électrique. Leur spectre s’est alors trouvé extrêmement voisin de celui que donne directement le soleil.

De tous ces faits nous concluons que ces messagers, venus d’autres systèmes solaires que le nôtre, qui nous apportent des échantillons de leurs matières constitutives, ont une très grande ressemblance à la fois avec la matière de notre soleil, et avec celle de l’intérieur de notre globe. Que d’autres étoiles, ainsi que les comètes, eussent, dans leurs parties essentielles, une constitution analogue à celle de notre soleil et de notre terre, cela a été prouvé depuis longtemps par l’analyse spectrale. Mais certains corps n’ont jamais pu être reconnus par ce moyen ni dans le soleil, ni dans les étoiles. Tels sont le chlore, le brome, le soufre, le phosphore et l’arsenic, qui jouent cependant un rôle des plus importants dans la constitution de la terre. Or on en retrouve dans les météorites, et il ne subsiste plus le moindre doute qu’ils fassent partie également du soleil et des autres globes célestes. Seulement ces métalloïdes ne produisent que difficilement des spectres, et c’est là la seule raison pour laquelle on n’a pas encore pu prouver leur existence, dans les étoiles, par l’analyse spectrale.

En ce qui concerne les gaz récemment découverts, l’hélium, l’argon, le néon, le crypton et le xénon, on en a constaté la présence dans le chromosphère, par les moyens de leurs spectres, pendant diverses éclipses de soleil (Stassano). Toutefois, suivant l’opinion de Mitchell, les affirmations concernant le krypton et le xénon ne seraient pas encore absolument établies.

Les grains minuscules de poussière qui sont chassés par la pression de radiation dans l’espace immense, vers les soleils et les étoiles situés à des distances les plus variées, peuvent se rencontrer et s’aggréger en masses plus ou moins grandes, pour former de la poussière météorique ou des pierres météoritiques. Ces aggrégations tombent en partie sur d’autres mondes, sur les étoiles, les planètes, les comètes ou sur des satellites. En partie, — sans doute en majeure partie même —, elles flottent dans l’espace. Elles y forment une sorte de brume, qui, comme d’autres plus grands corps célestes obscurs, nous retire quelque peu de la lumière envoyée à notre globe par les soleils éloignés. Si l’espace céleste est rempli de fines poussières, celles-ci doivent laisser passer, tout comme celles de notre atmosphère lors du coucher du soleil, de la lumière rouge, de préférence à la lumière bleue. De même que le soleil parait plus rouge lorsqu’il approche de l’horizon, c’est-à-dire quand ses rayons sont obligés de traverser une plus grande épaisseur d’air chargé de poussières, que lorsqu’il est haut dans le ciel, la lumière des étoiles éloignées devrait être en général plus rouge que celle des astres plus rapprochés. M. Tikhoff, un astronome russe a vérifié cette conclusion. Se servant de verres de diverses couleurs, qu’il a interposées devant la plaque photographique, il a pu évaluer les intensités des différentes couleurs dans la lumière stellaire.

Cette lumière se trouvant en partie éteinte dans le trajet qu’elle parcourt avant de nous arriver, nous ne voyons pas la totalité de la voûte céleste couverte d’étoiles lumineuses. Tel serait sans doute le cas si, comme il est probable, les étoiles sont uniformément réparties dans l’espace infini de l’univers, et si aucun obstacle ne nous privait de leur lumière.

Mais s’il n’existait pas tout une autre catégorie de corps célestes, de température très basse et de volume considérable, qui absorbent et retiennent la chaleur rayonnée par les soleils lumineux, il arriverait rapidement que les corps obscurs, les météorites, ainsi que la poussière cosmique obscure seraient chauffés par la radiation des soleils et qu’ils deviendraient lumineux à leur tour. La sphère céleste tout entière nous apparaîtrait alors comme une voûte entièrement de feu, dont le rayonnement calorifique anéantirait rapidement tout ce qui a vie sur la terre.

Ces corps célestes froids, qui absorbent les rayons des soleils, sans que leur température s’élève, ce sont les nébuleuses proprement dites, ou les étoiles nébuleuses. Des études récentes ont fait reconnaître que ces remarquables corps célestes existent partout, répandus sur la voûte céleste (comp. p. 49). Nous expliquerons plus loin (dans le chap. VII) le mécanisme étonnant, merveilleux, qui fait qu’elles puissent recevoir de la chaleur, sans cependant s’échauffer. Mais comme ces nébuleuses froides occupent la majeure partie de l’espace céleste, la plus grande partie de la poussière cosmique, dans son voyage à travers l’immensité, doit finir par s’y précipiter. Elle y rencontre des masses gazeuses qui l’empêchent de pénétrer, et qui l’arrêtent. Comme la poussière est chargée d’électricité, principalement négative, celle-ci s’amasse également à la périphérie de la nébuleuse. Ce phénomène dure jusqu’à ce que la tension électrique devienne suffisante pour qu’il y ait émission d’électrons, et un commencement de décharge.

Il en résulte comme conséquence, que les gaz périphériques arrivent à l’incandescence, malgré que leur température ne dépasse sans doute que de très peu, 50 degrés peut-être, le zéro absolu, ou ‒273° C. Nous arrivons, par cette luminosité, à constater leur existence. Comme la majeure partie des particules de poussière est arrêtée avant d’avoir pénétré un peu profondément à l’intérieur des nébuleuses, ce sont en somme lus parties extérieures des nébuleuses ou brouillards cosmiques qui nous envoient leur lumière. Cela concorde absolument avec la description que fait Herschel des nébuleuses planétaires, qui ne présentent à leur centre aucun renforcement de lumière, mais qui brillent, dit-il, comme si elles formaient « une enveloppe sphérique creuse », de matière nébuleuse.

Or, il est aisé de démontrer que ce sont seulement les éléments les moins facilement condensables, tels que l’hélium et l’hydrogène, qui puissent exister à l’état gazeux à une température aussi basse. C’est pourquoi les nébuleuses ne brillent presque exclusivement que par des rayons de ces gaz. On y trouve cependant encore une autre matière, encore mystérieuse, qu’on a appelé le « nébulium », dont la lumière très particulière n’a encore été observée nulle part ailleurs, ni sur la terre, ni dans celle d’aucun corps céleste. Jadis on expliquait ce fait en disant que les nébuleuses ne contenaient aucun autre corps que ceux énumérés plus haut, ou encore que tous les autres éléments s’y trouvent décomposés en hydrogène. L’hélium était encore inconnu à ce moment. Mais une explication bien simple est celle-ci : que les seuls gaz des couches extérieures arrivent à l’incandescence. Quant à ce qui se trouve dans leurs parties profondes, nous l’ignorons absolument.

Cette explication a rencontré deux objections. Elle aurait, dit-on, pour conséquence que la totalité de la voûte céleste devrait briller d’une lueur de nébuleuse. D’autre part, notre atmosphère terrestre même devrait nous la manifester. Mais, en ce qui concerne celle-ci, l’hydrogène et l’hélium ne s’y trouvent qu’en quantités infimes. Par contre elle donne au spectroscope une autre lumière, qu’on a appelé la lumière aurorale (Nordlichtlinie) qui est probablement causée par du krypton. Où que l’on dirige le tube du spectroscope par une nuit très claire, et particulièrement sous les tropiques, on en remarque la ligne verte très particulière. On la croyait spéciale à la lumière zodiacale, mais des investigations très serrées ont fait reconnaître qu’on la trouve sur tous les points de la voûte céleste, en l’absence de toute lumière zodiacale. L’objection précitée est donc ainsi détruite, car l’observation approfondie nous apprend que notre déduction est absolument d’accord avec l’expérience.

En ce qui concerne la première des deux objections il faut remarquer que si nos sens perçoivent une lumière, c’est que son intensité dépasse une certaine valeur minima. Mais il peut exister des nébuleuses, — et c’est probablement la majorité d’entre elles —, que nous ne saurions apercevoir parce que le nombre des atomes de poussière chargées d’électricité qui y parviennent, est beaucoup trop insignifiant. Ce point de vue a trouvé sa confirmation dans la subite manifestation de l’étoile nouvelle de Persée, le 21–22 février 1901. Deux sortes de particules poussiéreuses furent chassées de cette étoile, dont l’une se déplaçait avec une vitesse sensiblement double de l’autre. Ces masses poussiéreuses formèrent deux enveloppes sphériques autour de l’étoile nouvelle. Elles correspondaient, sous tous les rapports, à deux catégories de queues que l’on peut observer parfois à une même comète (voy. fig. 35). Ce sont les queues des première et deuxième catégorie de Bredichine. Lorsque ces poussières rencontrèrent les masses nébuleuses qui se trouvaient sur leur passage, celles-ci devinrent lumineuses, et nous eûmes ainsi connaissance de grands amas nébuleux, de l’existence desquels nous n’avions auparavant pas le moindre soupçon.

Il en est sans nul doute de même dans d’autres régions du ciel, où jusqu’à présent, nous n’avons pu reconnaître aucune nébuleuse. Il nous parait que la cause doit en être cherchée dans le trop petit nombre des particules chargées d’électricité qui circulent dans ces régions. Une raison analogue explique sans doute aussi la variabilité de quelques nébuleuses qui, jusqu’à présent, a semblé particulièrement énigmatique.


  1. Le principal effet de la lune sur notre globe est de produire les marées. Autrement sa position n’a que très peu d’importance en ce qui concerne la pression atmosphérique, les phénomènes électriques de l’atmosphère ou ceux du magnétisme terrestre. L’influence des étoiles est absolument insensible.
  2. Un centimètre cube d’eau contient 470 billions de gouttelettes semblables, tandis que le nombre de ses molécules est de 90 millions. Il existe probablement des formes qui sont plus petites encore que ces gouttelettes. À comparer les recherches de E. Raehlmann, de N. Gaidukow, et d’autres sur les ultramicroorganismes.
  3. Tout récemment, Laby a étendu ses recherches à d’autres vapeurs que celle d’eau, par exemple à l’alcool et aux acides organiques. Il a trouvé que pour elles ce sont les ions positifs qui ont le plus grand effet condensateur. Pour ce qui va suivre, il peut être à peu près indifférent quels ions ont le plus grand effet condensateur des vapeurs dans l’atmosphère solaire. Toutefois les phénomènes des aurores et de l’électricité atmosphérique tendent à prouver que pour elles les ions les plus effectifs sont négatifs. C’est ce que nous avons supposé.
  4. Un gramme d’hydrogène contient environ 1024 atomes, correspondants à 1027 électrons.