L’île de Madagascar/02

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L’île de Madagascar
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 100 (p. 596-637).
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DEUXIÈME PARTIE[1].

Après la chute de l’empire, lorsqu’il fut permis à la France de revoir les mers et de songer à ses anciennes colonies, l’Ile-de-France et l’île Bourbon étaient aux mains des Anglais ; l’agent placé à Tamatave par le général Decaen avait été expulsé, les forts qui existaient dans les comptoirs de la côte orientale de Madagascar avaient été détruits, le pays abandonné aux indigènes. Le traité de Paris spécifiait la cession à la Grande-Bretagne de l’Ile-de-France et de ses dépendances. Dans l’opinion, du gouverneur de la colonie anglaise, sir Robert Farquhar, Madagascar était une simple dépendance de l’Ile-de-France, qu’on appelle désormais l’île Maurice. L’interprétation, au moins singulière, fut contestée ; elle donna lieu à l’échange de nombreuses pièces diplomatiques entre la France et l’Angleterre. Un ordre du gouvernement britannique, en date du 18 octobre 1816, enjoignit à l’amiral Farquhar de remettre immédiatement à l’administration de l’île Bourbon les anciens établissemens de Madagascar. Les écrivains anglais aiment à plaisanter à l’égard de nos droits sur la grande île africaine ; c’est en vérité beaucoup manquer de logique. Mieux que tout autre, le peuple anglais a pris pour axiome que les pays barbares appartiennent à la nation civilisée qui la première y a planté son pavillon et déclaré possession. Sous ce rapport, la France est bien en règle relativement à Madagascar ; les reproches qu’elle mérite pour d’irréparables fautes retombent sur les gouvernemens, qui écoutent toujours les intrigans et ne recherchent presque jamais les hommes utiles.

Au mois de mars 1817, le ministre de la marine et des colonies chargea les administrateurs de l’île Bourbon de reprendre possession des anciens établissemens français de la Grande-Terre, d’envoyer un agent commercial et un nombre de soldats capable de faire respecter le pavillon. Un conseiller d’état, vice-président du comité de la marine, M. Forestier, fut choisi pour rechercher, à l’aide des rares documens conservés dans les archives, le parti que la France pourrait tirer du pays tant de fois foulé par nos compatriotes dans les deux siècles précédens. Se croyant suffisamment éclairé par les lumières de M. Sylvain Roux et d’un ancien chef de traite, M. Forestier proposa de fonder un établissement colonial d’une certaine importance sur la côte orientale de Madagascar. L’île Sainte-Marie, située en face du port de Tintingue, parut offrir une réunion d’avantages propres à fixer d’abord le choix du gouvernement, — le canal qui la sépare de la grande île formant une rade sûre, d’un accès facile par tous les temps.

La pénurie des finances détermina l’ajournement de toute entreprise jusqu’à l’année 1819. Afin de préparer la voie, une commission spéciale, placée sous les ordres de M. Sylvain Roux, dut aller examiner l’endroit où il conviendrait d’entreprendre des cultures et d’attirer le commerce ; Tintingue et Sainte-Marie furent indiqués comme les points les plus favorables. En présence des principaux habitans du pays réunis en kabar, c’est-à-dire en assemblée générale, on reprit possession de Sainte-Marie le 18 octobre, et de Tintingue le 4 novembre 1818 ; la revendication de la propriété de la petite île ne fut nullement contestée par les indigènes. Le baron de Mackau, alors capitaine de frégate, et son état-major avaient mis le temps à profit pour lever le plan du port de Tintingue. Les explorateurs s’applaudirent de l’accueil des Malgaches ; ils amenaient du reste un témoignage vivant de la confiance qu’ils avaient inspirée. Le chef de Tamatave, né d’un père français et d’une mère de la race des Zafferamini, le fameux Jean René, avait remis son neveu, et le chef de Tintingue son petit-fils aux mains de M. de Mackau, pour les faire élever dans un des collèges de Paris. Tandis que l’administration française réunissait des commissions, réclamait des rapports, discutait sur les points où l’on devait s’établir, les Anglais déployaient toute l’activité imaginable pour acquérir une influence prépondérante sur les habitans de Madagascar. Un changement considérable s’était effectué depuis peu dans la condition politique de la Grande-Terre. Le peuple ova, autrefois relégué dans l’intérieur de l’île, absolument inconnu à nos anciens colons du fort Dauphin, signalé en termes très simples par Le Gentil et Sonnerat, avait étendu sa domination sur les peuplades voisines, et faisait reconnaître son autorité jusqu’à la côte. Autrefois soumis à différens chefs, les Ovas s’étaient longtemps fait la guerre. Au commencement du siècle, Impoina conquit la province d’Imerina tout entière, et le renom du vainqueur détermina la soumission des chefs de plusieurs districts. Le fils du conquérant, Radama, était devenu roi en 1810, à l’âge de dix-huit ans[2] ; homme plein d’énergie, souvent cruel, mais supérieur à ses compatriotes par les qualités de l’esprit, il devait au contact des Européens prendre goût aux formes de la civilisation et accroître son ambition. Sir Robert Farquhar comprit l’intérêt de gagner les bonnes grâces de ce souverain rempli d’orgueil, qui rêvait à sa grandeur, assis sur une natte et enveloppé d’un lamba. En 1816, le gouverneur de l’île Maurice se hâta d’envoyer son aide-de-camp, le capitaine Le Sage, près de Radama, dans le seul dessein avoué d’établir des relations d’amitié. L’agent anglais entreprit résolument le voyage de Tananarive, la capitale des Ovas ; — d’énormes difficultés de tout genre, une saison déplorable, des pluies continuelles, le débordement des torrens, le danger d’être pris entre deux rivières infranchissables, l’absence de chemins, la perspective de manquer de vivres, n’arrêtèrent pas l’intrépide officier. Le capitaine Le Sage trouva le pays magnifique, néanmoins la route était bien pénible ; pendant le trajet, plusieurs de ses compagnons succombèrent à la fatigue et aux atteintes de la fièvre, d’autres se traînèrent malades. Les indigènes, étonnés de voir des hommes blancs, les entouraient avec curiosité sans témoigner de malveillance ; mais, misérables, ils n’avaient rien à offrir, aucune assistance à donner. Dans les fonds, même dans les endroits unis, la marche était presque impossible sur le terrain détrempé par la pluie ; sur les pentes, il fallait s’accrocher ou se laisser glisser. C’était un désespoir pour les malheureux voyageurs ; aussi quelle joie tout à coup ! la petite troupe se voit en présence de messagers du roi Radama qui venaient à sa rencontre, amenant des bestiaux pour fournir des vivres pendant la route.

Le souverain des Ovas promettait bonne réception, et exprimait le regret de ne pouvoir, par suite d’un incendie du palais et de la résidence de la cour, installer ses hôtes comme il l’eût désiré. En approchant de la capitale, l’agent britannique eut le plaisir de voir souvent des messagers qui venaient le saluer en apportant des provisions et des lettres du roi. Dans une dernière lettre, Radama s’informait si l’envoyé européen voulait attendre qu’il eût assemblé tout son peuple pour le recevoir, ou s’il préférait le trouver simplement entouré de ses soldats ; l’officier anglais, considérant son piteux équipage, se déclara pour la simplicité. A peu de distance de Tananarive, le capitaine Le Sage et ses compagnons furent assurés d’un aimable accueil d’une façon si galante qu’on s’en étonnait de la part du roi d’un état barbare. Quatre groupes, composés chacun d’une vingtaine de personnes, apparurent portant des rafraîchissemens aux voyageurs ; tout ce monde appartenait aux familles les plus distinguées de la cour. Les femmes, vêtues d’un lamba d’un pourpre foncé, serré à la taille et retombant en plis gracieux qui faisaient ondoyer les franges, étaient parées de colliers, de chaînes d’argent, d’anneaux aux chevilles ; les hommes, ayant des parures semblables à celles des femmes, se distinguaient par une sorte de couronne d’argent sur la tête, un ceinturon muni d’une poche pour les amulettes et un mousquet élégamment façonné à la main. A quelques milles de la capitale se présentèrent une douzaine d’hommes tenant une petite chaise ; c’était le tacon destiné à l’agent britannique. Porté sur les épaules de vigoureux Malgaches et suivi des gardes du roi, le capitaine Le Sage franchit le reste du chemin d’une manière digne ; la foule se pressait pour le voir, le canon tonnait, une multitude de soldats avec le mousquet et la lance venaient l’entourer en dansant. Après ces témoignages d’allégresse, les coups de feu, nouveau signe de réjouissance, partirent de la ville et des montagnes environnantes. Les voyageurs, escortés de 7,000 à 8,000 soldats, avançaient lentement au milieu de la population entière répandue dans la ville et sur les collines voisines. Le cortège, parvenu dans Tananarive, s’arrête : le moment est solennel. Un ministre de Radama impose silence et annonce que le roi a donné le pays à son visiteur ; il demande au peuple s’il y consent, et le peuple répond oui. S’adressant à l’officier anglais, il lui déclare qu’il est le roi, qu’il jouit de l’autorité sur toute la contrée, que Radama règne seulement à Maurice. De telles formes de politesse devaient faire penser à l’Inde ou à la Perse. En arrivant à la résidence royale, l’agent britannique trouve le souverain sur une sorte de trône, entouré de ses ministres et d’hommes d’armes assis à terre sur des nattes. Après l’échange des salutations, le roi répète ce que le ministre a crié à haute voix sur la place publique, et, paraissant de même consulter l’entourage, il dit que Madagascar est le pays du capitaine Le Sage, et le sien l’île Maurice. L’envoyé de sir Robert Farquhar, ayant présenté ses lettres de crédit, le souverain exprima le plaisir que lui causait pareille visite.

Pendant son séjour à Tananarive, l’officier anglais ne cessa d’être traité avec des égards infinis et une politesse exquise. Une maison fut construite pour les étrangers ; Le Sage, étant tombé malade, devint l’objet des attentions les plus assidues de la part de Radama. De son côté, l’agent britannique remit les présens dont il était chargé, et ne négligea aucun soin pour gagner l’amitié et flatter l’orgueil du roi. Au départ, Radama, marchant à pied, accompagna le capitaine Le Sage jusqu’à la distance de 3 à 4 milles ; plusieurs membres de la famille royale ne le quittèrent qu’après un trajet d’une quarantaine de milles. En fallait-il davantage pour rendre intarissables les éloges du caractère et de l’intelligence du roi des Ovas ? La réception faite à l’aide-de-camp de l’amiral Farquhar engagea les Anglais à redoubler d’efforts pour acquérir une influence considérable à Madagascar. Une cause louable devint un merveilleux prétexte pour le gouvernement britannique ; aux yeux du monde, il devait ne paraître préoccupé que d’une question d’humanité, l’abolition de la traite des esclaves. Depuis un temps immémorial, l’esclavage existait sur la Grande-Terre ; mais les seigneurs malgaches, doux en général envers les hommes qu’ils considéraient comme une propriété, ne les vendaient pas aux étrangers. On citait du moins peu d’exemples de ce commerce avant l’invasion des pirates sur la côte orientale de l’île. Depuis cette époque, le trafic s’était perpétué ; le chef de Tamatave, Jean René et son frère, le chef de Tintingue, étaient des marchands d’esclaves. De temps à autre, ils se rendaient à Tananarive, et achetaient des Ovas les prisonniers de guerre pour les conduire à la côte et les vendre. Le soin le plus apparent comme le désir le plus nettement formulé de l’amiral Farquhar était donc d’obtenir de Radama l’abandon d’un trafic adieux.

A la date du 12 septembre 1816, le gouverneur de l’île Maurice, écrivant au comte Bathurst, le secrétaire d’état d’Angleterre pour les colonies, annonce l’arrivée à Port-Louis de deux jeunes frères de Radama, événement de haute importance, capable de contribuer à la civilisation de Madagascar ; il déclare l’intention d’envoyer au roi des Ovas une personne particulièrement désignée, afin de conclure une paix durable et assurer la protection des Anglais établis dans l’île. « Un des sujets de sa majesté britannique, dit sir Robert Farquhar, un Français du nom de Chardeneaux, m’a été indiqué comme très apte à rendre ce service par suite de ses rapports intimes avec les différens chefs malgaches, et surtout à cause de l’amitié qui depuis nombre d’années l’attache à Radama. » Examinant l’avantage de se concilier les principaux chefs du pays, le gouverneur anglais poursuit en ces termes : « De tous ces souverains, le plus guerrier, le plus intelligent, celui qui a le plus de ressources est Radama ; son peuple est le plus industrieux de toutes les nations de Madagascar ; son armée compte 40,000 hommes pourvus d’armes à feu. C’est pourquoi l’amitié d’un chef si puissant ne peut manquer d’être éminemment utile pour avoir la sécurité et pour faciliter le commerce qui sera entrepris avec l’idée d’abolir le trafic des esclaves. » Le roi des Ovas est cité comme un homme avide d’instruction, sachant écrire sa langue en caractères arabes et apprenant à écrire le français en lettres romaines. Un missionnaire évangélique du nom de Le Brun, qui n’a jamais fourni l’occasion d’un grief aux habitans, qui se distingue par un tact extrême et se recommande par des succès obtenus dans l’éducation des Malgaches, paraît à l’amiral Farquhar convenir pour être envoyé à la cour du roi des Ovas et résider dans la capitale. De la sorte, le gouverneur de Maurice sera mis en rapport continuel avec l’intérieur de Madagascar, et pourra se servir utilement de l’amitié du prince. Le fin diplomate a l’assurance que le ministre de la Grande-Bretagne ne désapprouvera point ces ouvertures pacifiques qui n’occasionneront aucune dépense. Avec un orgueil peu dissimulé, il ajoute : « Mieux que les forts et les garnisons, des moyens de cette nature nous permettront d’étendre notre commerce ; à toute époque, les gouverneurs de ces îles se sont efforcés d’obtenir cette situation amicale qui maintenant nous est offerte par les princes indigènes. » Sir Robert Farquhar tient à se montrer fort supérieur à tous les chefs de nos anciennes colonies ; le souvenir d’une récente aventure semble s’être effacé de sa mémoire. L’année précédente en effet, un groupe d’Anglais avait voulu fonder une colonie dans le nord de l’île, au port Louky[3] ; des violences avaient révolté les indigènes, les étrangers avaient été massacrés, le gouverneur de l’île Maurice avait expédié un détachement de troupes pour venger les colons.

Néanmoins on ne songeait plus qu’aux moyens pacifiques, les circonstances étaient favorables. Les jeunes frères du roi des Ovas, confiés aux soins de M. Hastie, retournaient à Tamatave au mois de juillet 1817, accompagnés du précepteur qui avait toute la confiance de l’amiral Farquhar. Radama était venu à la côte pour recevoir ses frères ; mais, comme il avait une armée de 30,000 hommes, on juge aisément que son dessein était bien plus encore de faire reconnaître son autorité et de punir le chef d’Ivondrouna, frère de Jean René, pour une parole injurieuse qui avait été répétée. A l’origine, les Anglais s’étaient bornés à entretenir Radama de liens d’amitié et à faire des cadeaux propres à les cimenter. Maintenant la question du trafic des esclaves devait être soulevée ; M. Hastie fut chargé de la délicate mission. Pour se rendre à Tananarive, l’agent anglais se trouva dans l’impossibilité de suivre la même route que le roi et l’armée : il fallait choisir des chemins praticables pour les bêtes de somme et surtout pour des chevaux destinés au souverain des Ovas ; on attendait un merveilleux effet d’un tel présent. M. Hastie eut un voyage pénible ; les villages réduits en cendres, les cadavres gisant sur le sol, la misère des habitans, attestaient les désastres causés par la guerre. Aux approches de la ville, l’ambassadeur fut salué avec les démonstrations dont le capitaine Le Sage avait été honoré. La réception royale ne laissa rien à désirer. Radama n’était plus le Malgache de l’année précédente : vêtu d’un habit écarlate et d’un pantalon bleu, portant un chapeau de général et des bottes vertes, il se montrait fier d’un luxe qu’il devait à ses nouveaux amis. L’installation des visiteurs anglais fut l’objet de soins minutieux. Dans ses premiers entretiens avec le roi, M. Hastie se préoccupa de l’état déplorable des chemins et fit ressortir les avantages, des bonnes routes ; les raisons données eurent un plein succès. Un incident particulier aussitôt saisi amena la conversation sur la traite des esclaves. En cette occasion, l’agent britannique employa toute son éloquence. — Le gouvernement de la Grande-Bretagne ne voulait rien dicter à l’égard des coutumes du pays ; l’amiral Farquhar voyait dans le roi des Ovas l’homme le plus éclairé de sa nation, il était certainement le plus puissant ; l’abolition du trafic des esclaves augmenterait sa puissance comme sa richesse et immortaliserait son nom. Alors interviendrait un traité pour empêcher l’exportation de ses sujets. — Flatté, sinon convaincu, Radama ne témoigna que de la bonne humeur. C’était le moment de fortifier l’effet des paroles par quelques jolis présens ; une pendule fit l’admiration du souverain, qui, sans souci de la dignité royale, se mettait à danser quand elle sonnait. Une boussole et une petite mappemonde où le roi se plaisait à reconnaître la situation de Madagascar causèrent encore de bien agréables surprises. Radama monta un des chevaux amenés à son intention, et sa joie devint inexprimable ; après le premier essai d’équitation, il riait, criait, dansait, et déclarait n’avoir jamais éprouvé de sa vie un égal plaisir.

Les négociations paraissaient en bonne voie ; des marchands venus à Tananarive pour acheter des esclaves avaient été congédiés. Cependant des personnages, fort émus à l’idée de renoncer à une pratique qui les enrichissait, conseillaient au roi de ne pas céder, et l’agent anglais n’obtenait aucune réponse catégorique. Des scènes dont M. Hastie fut témoin pendant son séjour à la capitale de Madagascar permettent d’apprécier le caractère et les sentimens de justice des Ovas. Des criminels conduits devant un tribunal faisaient passer des pièces de monnaie aux juges et s’assuraient ainsi d’un acquittement. Les épreuves par le poison ou par tout autre procédé du même genre étaient en usage, comme chez les peuplades de la côte orientale dont Flacourt a décrit les mœurs. Une sœur du roi se trouva malade ; on soupçonna les quatre suivantes de la princesse d’en être la cause. Soumises à la stupide épreuve, trois des malheureuses filles furent déclarées coupables et condamnées à mort. M. Hastie essaya de les sauver, Radama demeura inflexible ; les prétendues criminelles, traînées sur un rocher, eurent les doigts, les bras, les jambes, le nez, les oreilles coupés avant d’être précipitées du haut en bas. La foule s’amusa beaucoup du spectacle ; les enfans ne se lassaient pas de jeter des pierres sur les corps affreusement déchirés. — Il y avait bien à faire pour civiliser de pareilles gens, même l’homme le plus éclairé de sa nation.

Impatienté de n’avoir aucune solution, M. Hastie témoigna souvent l’envie de quitter Tananarive ; le roi s’efforçait toujours de le retenir. Sortant un peu de sa réserve habituelle, Radama consentit à s’expliquer : il se montrerait disposé à mettre un terme au trafic des esclaves, si le gouvernement britannique voulait l’approvisionner d’armes et de munitions. Ces objets étaient fournis par des marchands français qui abandonneraient le pays dès l’instant que la traite ne serait plus permise ; alors des chefs puissans attaqueraient le territoire des Ovas, si l’on n’avait plus les moyens de les repousser. L’accord s’étant établi, l’agent anglais partit de la capitale au milieu de marques de respect, emmenant quatre jeunes gens confiés par le roi pour apprendre la musique militaire. A peine arrivé à Maurice, M. Hastie, ayant informé sir Robert Farquhar des résultats de sa mission, dut retourner immédiatement à Tananarive. Malgré son autorité absolue, le roi demeurait plein d’hésitation ; très enclin à trouver impossible l’exécution de la mesure qu’on lui proposait, il craignait aussi d’agir contre son intérêt particulier. Se tenant sur la défensive, il unit par rappeler à son interlocuteur qu’une fois il lui avait dit un mensonge.

La persévérance de l’envoyé britannique était infatigable. Le souverain des Ovas déclarait pouvoir sans doute renoncer personnellement au trafic des esclaves ; mais devait-il empêcher tout un peuple d’accroître sa richesse ? M. Hastie promettait que la richesse viendrait par d’autres sources. Un kabar étant convoqué, 5,000 personnes environ se réunirent pour exprimer l’opinion générale du peuple ; l’avis ne fut pas favorable à la proposition des étrangers. Presque aussitôt une circonstance changea la situation ; Radama parut indigné de l’audace de ses sujets : plusieurs d’entre eux avaient demandé s’il était l’esclave des Anglais. Après de nouvelles conférences avec le roi, avec les ministres ou d’autres personnages qualifiés, l’entente s’établit : le traité était arraché. Par ce traité, la confiance et une amitié sincère doivent être perpétuelles entre les deux parties ; la vente des esclaves est prohibée dans tout le pays placé sous la domination de Radama ; comme dédommagement, le gouverneur de l’île Maurice s’engage à payer annuellement 1,000 dollars en or et 1,000 dollars en argent, à fournir 100 barils de poudre, autant de fusils anglais munis du fourniment, 10,000 pierres à fusil, des habits rouges, des pantalons, des chemises, des chapeaux de soldats, des paires de souliers au nombre de 400, 12 épées de sergent avec le ceinturon, 400 pièces de toile blanche et pareille quantité de toile bleue, enfin un habillement complet, chapeau et bottes, ainsi que deux chevaux pour Radama. On ne par le pas du don d’un officier anglais, qui sera général. L’armée du roi des Ovas allait donc être équipée comme les soldats du roi de la Grande-Bretagne : sir Robert Farquhar avait remporté la victoire ; il partit pour l’Angleterre, afin de mieux jouir de son triomphe.

Maintenant c’est à la nation anglaise de profiter des avantages du traité. La société des missionnaires de Londres ne perd pas une minute ; elle s’agite, elle conçoit de vastes projets, et sans retard elle envoie quelques-uns de ses membres à Madagascar. Au débarquement, des difficultés se présentèrent ; le général Hall, qui remplaçait l’amiral Farquhar, n’avait mis aucun obstacle à la traite des esclaves, il avait cessé d’entretenir des relations amicales avec le roi des Ovas. Fort irrité de la violation du traité, Radama se souciait peu de recevoir les missionnaires. Ceux-ci commencèrent par résider à Tamatave, ouvrant des écoles, allant faire de la propagande dans les villages de la côte. En 1820, l’amiral Farquhar était venu reprendre le gouvernement de l’île Maurice ; jaloux de restaurer la bonne harmonie avec le souverain de Madagascar, il songea de nouveau à charger M. Hastie de se rendre à Tananarive en compagnie d’un missionnaire, M. Jones. Radama fit savoir que son ancien ami serait bien accueilli. Sur cette assurance, les envoyés se mirent en route ; au pied de la colline qui porte la ville, ils reçurent l’ordre de s’arrêter ; deux ministres du roi, montés et costumés en officiers d’état-major, se présentèrent pour les informer de l’heure de l’audience royale. Presque aussitôt, M ; Robin, un Français remplissant près du roi les fonctions de secrétaire et d’aide-de-camp, vint les avertir du moment précis de l’entrée. De notables changemens s’étaient opérés depuis les premiers voyages des Européens à la capitale du royaume des Ovas. Le palais était meublé et décoré avec élégance ; l’agent britannique allait ajouter à ce luxe, — il apportait un service de vaisselle plate. Une jolie route, déjà longue de plusieurs milles, avait été construite. Radama se plaignit avec amertume de la violation du traité ; pareille absence de bonne foi l’exaspérait. M. Hastie tenait son explication toute prête : tant que la sanction du roi n’avait pas été obtenue, la rupture de l’acte d’un prédécesseur n’était pas condamnable, — le général Hall avait en vérité un adroit défenseur ; — les relations établies par le gouverneur Farquhar se trouvant à présent autorisées, approuvées, ratifiées par le souverain de la Grande-Bretagne, il n’y avait plus de mécompte possible. Radama ne parut pas convaincu ; il avoua que son peuple avait créé un nouveau proverbe : « faux comme l’Anglais. »

Les conférences se multiplièrent. M. Hastie ne se lassait point de parler des sentimens désintéressés du gouvernement britannique en recherchant l’alliance de Radama ; il ne tarissait pas sur les avantages de cette alliance pour Madagascar. Des discussions de tout genre finirent par amener le succès de l’agent anglais : le traité fut ratifié par le roi des Ovas ; une proclamation annonça l’événement au peuple. Dans le même temps, le jeune souverain qui régnait à Tananarive reçut de magnifiques présens, les uns du roi d’Angleterre, les autres du roi de France ; ces derniers étaient apportés par un officier[4]. Radama, considérant la bonne mine et la discipline croissante de ses troupes, voulut tenter une nouvelle expédition dans le nord-est de l’île contre les Sakalaves. Les Anglais l’encourageaient beaucoup à porter ses forces sur la côte orientale de l’île et à se déclarer maître de tout le pays ; c’était le moyen imaginé pour empêcher les Français de s’établir sur aucun point du littoral. Malgré l’amitié jurée entre les Anglais et les Ovas, la confiance n’était pourtant pas sans bornes du côté des Malgaches ; on rapporte que, dans les circonstances où Radama consentit à monter sur un navire de sa majesté britannique, des otages avaient été exigés. Après la conclusion du traité, le missionnaire, Jones, bien logé dans une maison neuve, ouvrit une école dans la capitale de Madagascar ; bientôt rejoint par sa femme et par un confrère amenant aussi sa femme et un enfant, il y eut un petit groupe d’instituteurs et d’institutrices qui voyait déjà en rêve la jeunesse malgache brillante et policée comme la fleur de la nation anglaise. La compagnie ne tarda pas à s’accroître et à étendre son influence ; chaque jour augmenta le nombre des élèves. Les membres de la mission s’appliquèrent à l’étude de l’idiome du pays ; la manière d’écrire les mots, jusqu’alors transmis seulement par la parole, fut déterminée. Avec l’approbation du roi, l’on convint d’adopter les consonnes de la langue anglaise et les voyelles françaises. Radama désirait que partout chaque lettre fût exprimée par le même son ; à cette époque, il chargea son secrétaire, M. Robin, d’instruire les officiers de l’armée et leurs femmes. Les écoles des missionnaires prirent assez rapidement une notable extension ; on voulut en ouvrir dans les principaux villages de la province d’Imerina. Tantôt les habitans semblaient charmés de voir l’instruction se répandre, tantôt la population s’irritait à l’idée que les enfans prendraient les manières et les usages des étrangers ; néanmoins, pendant plusieurs années, les instituteurs conservèrent l’espoir de faire des lettrés de bon nombre de Malgaches, particulièrement des Ovas, comme d’introduire dans le pays la plupart des arts manuels de l’Europe ; aux yeux des missionnaires, déjà s’offrait en perspective le règne de l’esprit de l’Angleterre sur le peuple de Madagascar.


II

En France, on était très peu renseigné à l’égard des progrès de l’influence anglaise sur la grande île africaine. Longtemps le défaut de ressources pécuniaires avait arrêté les entreprises. Une expédition, dirigée par M. Sylvain Roux, partit en 1821. Elle était à Sainte-Marie le 1er novembre ; bien accueillie des indigènes, elle obtint à prix d’argent la concession de trois villages. Malheureusement rien n’était préparé : les cases n’étaient pas habitables pour des Européens ; il fallut se contenter de mettre le matériel dans les villages et de s’établir sur l’îlot Madame, situé à l’entrée de la baie. Arriva la saison pluvieuse : les hommes tombèrent malades ; à la fin du mois de janvier 1822, un fort petit nombre de marins et d’ouvriers et parmi les officiers seul un enseigne de vaisseau avaient conservé la santé. Un mois après l’installation des Français s’était montré sur la rade de Sainte-Marie un bâtiment de la marine britannique : le commandant se présentait au nom des autorités du cap de Bonne-Espérance et de Maurice pour s’enquérir des projets de notre gouvernement ; M. Sylvain Roux avait répondu qu’il agissait en vertu des ordres du roi de France. Obéissant à une suggestion dont l’origine est demeurée incertaine, des chefs du peuple betsimisarake, qui occupe le littoral de la Grande-Terre, vinrent, au mois de mars 1822, assurer le commandant de Sainte-Marie d’une entière soumission. Soudain une proclamation lancée par Radama fut répandue sur toute la côte orientale pour déclarer nulle toute cession de territoire qui n’aurait pas été ratifiée par le roi des Ovas. Un corps de 3,000 hommes appuyait cette prétention ; bientôt il s’emparait de Foulepointe. Plusieurs officiers britanniques étaient dans les rangs de l’armée envahissante ; la présence de M. Hastie indiquait clairement la source des résolutions de Radama. Plaintes, récriminations de la part de l’agent français établi à Sainte-Marie restèrent inutiles ; la force manquait pour appuyer les paroles. M. de Freycinet, gouverneur de l’île Bourbon, put envoyer seulement quelques navires, afin de protéger le pauvre établissement ; frappé de l’incapacité de M. Sylvain Roux, il demanda le rappel de ce fonctionnaire. Celui-ci était mort lorsque la décision du ministre parvint à Bourbon. Un instant sans chef, la petite colonie mit à la tête des affaires un habitant de Sainte-Marie justement considéré, M. Adolphe Albrand, ancien professeur au collège de l’île Bourbon ; elle donna le commandement de la troupe à un jeune officier d’artillerie en congé, M. Carayon. M. Blévec, capitaine du génie, vint remplacer M. Sylvain Roux ; bientôt averti que Radama ne tarderait pas à se présenter sur la côte avec des forces considérables, il fut réduit à se mettre en état de défense à Sainte-Marie. En effet, au mois de juillet 1823, les troupes ovas arrivaient jusque sur la Pointe-à-Larrée, incendiaient Tintingue et Fondaraze, désolaient la contrée par un pillage général. M. Blévec protesta contre le titre de roi de Madagascar que Radama s’attribuait, contre toute occupation des points de la côte orientale dépendant de l’autorité du roi de France. La protestation, portée au roi des Ovas par un officier ayant pour interprète Jean René, ne changea nullement la situation, La réponse ne se fit pas attendre : l’île Sainte-Marie seule était reconnue propriété de la France ; à l’égard de la Grande-Terre, on laissait aux étrangers la faculté de s’y établir en se soumettant aux lois du royaume. Après le départ du souverain malgache, la tranquillité permit de continuer les travaux de défense militaire, de s’occuper de culture sur la petite île ; une colonie de 60 à 30 Français, qui s’était attaché une centaine d’indigènes, ne pouvait en) vérité se promettre de grandes entreprises[5]. Sans bruit, sans longues discussions, on avait repris possession du fort Dauphin, dont il ne restait guère que des décombres ; la presqu’île de Tholangare ou Tolaonara[6] étant éloignée des centres d’opérations des Ovas comme des Anglais, on devait croire à la probabilité d’y vivre en paix. En 1819, M. Albrand avait reçu la mission de visiter le territoire anciennement occupé par les Français. L’impression avait été favorable ; des observations d’un certain intérêt nous ont été transmises[7]. Le caractère du pays a été dépeint pour la première fois d’une manière un peu saisissante. La contrée, dit M. Albrand, présente aux navigateurs qui abordent la côte de la province d’Anossi un aspect imposant : des montagnes hautes et découpées d’une façon bizarre s’élèvent brusquement à une lieue du rivage ; d’épaisses forêts couvrent les flancs de ces montagnes et s’étendent au pied jusqu’à peu de distance des bords de la mer où, semblable à un liséré, court une bande de sable marquant au loin, par sa teinte blanche, les sinuosités du littoral. A l’intérieur, c’est une vaste plaine de tous côtés circonscrite par une chaîne montueuse, d’une élévation rapide, où l’œil découvre à peine entre les nombreux villages des bouquets de bois rares et clair-semés. La position du fort Dauphin, avantageuse à certains égards, offre l’inconvénient d’être exposée aux brises du sud-est. L’extrémité de la presqu’île avancée au sud de la baie de Tolaonara, comme une jetée naturelle, est une défense contre la houle, insuffisante pour rompre entièrement l’effort des lames. L’entrée de la baie du fort Dauphin semble désignée par une roche où l’on remarque un effet curieux ; même dans les temps les plus calmes, la mer brisant sur cet écueil, l’eau jaillit en une gerbe pareille au jet d’une baleine. On s’étonne de la rareté des eaux courantes dans un pays aussi montagneux, la contrée n’a qu’une rivière un peu considérable, la Fantsaïra, large comme le Rhône au pont Saint-Esprit, coulant avec lenteur, fermée près de l’embouchure par une barre, et souvent obstruée par des sables. Selon M. Albrand, la fertilité du sol a été fort exagérée ; une argile rougeâtre, qui s’étend sur la grande plaine d’Anossi, offre une surface nue où seules quelques rizières éparses récréent les yeux du voyageur. Plusieurs fois on a parlé de la douceur du climat de Madagascar : pendant un séjour au fort Dauphin, du 4 août au 20 novembre, le narrateur a observé cinquante jours sereins et secs, vingt-deux jours pluvieux, les autres incertains et variables ; la plus forte chaleur, constatée le 5 septembre, a été environ 28 degrés centigrades ; la plus faible, le 5 août, 17 degrés centigrades. La croyance dans l’uniformité complète de la langue malgache sur toute l’étendue de la grande île s’est fort accréditée ; M. Albrand s’attache à montrer l’erreur. Les gens du sud et du nord, dit-il, ont une prononciation assez différente, et parmi les mots les plus usuels beaucoup sont particuliers à certaines provinces.

Sur ce territoire d’Anossi, dans les ruines de ce fort Dauphin tant de fois habité par nos compatriotes, se trouvait installé un petit poste français ne songeant guère sans doute qu’on s’occupait de sa présence jusqu’à Tananarive, jusqu’à Maurice, peut-être même jusqu’à Londres ; le poste se composait de 5 hommes commandés par 1 officier. Au mois de février 1825 apparut dans le voisinage une armée de 4,000 Ovas ; le général avertit l’officier français qu’il venait, par l’ordre de Radama, prendre possession du fort Dauphin. La prétention repoussée, on convint de part et d’autre d’attendre deux mois avant de faire aucun acte d’hostilité, afin de laisser au commandant du fort le temps nécessaire pour recevoir des ordres du gouverneur de l’île Bourbon ; mais on n’attendit pas. Le 14 mars, les Ovas se ruèrent sur la place ; le pavillon français fut arraché. Le gouverneur de Bourbon, ne disposant que de forces insignifiantes, dut renoncer à tirer vengeance de cette insulte. Jamais encore Radama ne s’était occupé de la partie méridionale de la Grande-Terre ; les instigateurs de l’agression étaient faciles à découvrir : des avantages pour le commerce et pour la construction des navires ne tardèrent pas à être généreusement donnés à la nation anglaise.

Tandis que Madagascar était le théâtre de luttes de tout genre, l’intérêt scientifique s’éveillait ; deux botanistes allemands qui résidaient à Maurice, MM. Bojer et Helsinberg, étaient venus dès l’année 1822 se livrer à des recherches sur la grande île africaine. A la même époque paraissait à Londres un ouvrage relatif à l’histoire de ce pays, à ses habitans, à ses productions naturelles[8]. Une expédition sous le commandement du capitaine Owen était chargée de poursuivre la reconnaissance hydrographique des rivages les moins connus de l’Afrique, de tenter l’exploration de la partie nord de Madagascar, « où il est certain que les naturels sont favorables aux Anglais et où le bétail se trouve en grande abondance, » de visiter enfin telle étendue de la côte que le commandant jugera n’avoir point été exactement déterminée. Des astronomes et au moins un naturaliste furent embarqués. Dans cette campagne, accomplie pendant les années 1822 à 1824, la configuration de l’île de Madagascar, jusqu’alors tracée d’une manière très imparfaite, a été l’objet d’études remarquables ; des observations importantes sur le pays ont été consignées[9]. Après avoir examiné le littoral de Tamatave et de Foulepointe, ainsi que les parages de l’île Sainte-Marie, l’expédition du capitaine Owen se dirigea vers la baie d’Antongil. Entre Tamatave et Tintingue, on le sait, la côte est basse, les montagnes se dressent à distance ; au nord, les rivages prennent un aspect plus abrupt, les collines viennent près de la mer, formant en certains endroits des promontoires rocheux d’une apparence surprenante ; les hauteurs couvertes d’une brillante végétation, les ruisseaux traversant les plaines verdoyantes, offrent un grand charme. Sur les bords marécageux de la rivière Maransetra[10] s’élèvent des arbres magnifiques, et les ketmies (hibiscus) étalent de ravissantes fleurs. Au milieu de ces paysages des tropiques, la scène se trouve animée avec une simplicité pastorale lorsque les bœufs piétinent le sol trempé qui doit recevoir le riz. Quand on est parvenu tout au nord de la grande île africaine, on rencontre la baie de Diego-Suarez, — un des plus beaux havres du monde, s’écrient les navigateurs. Le pays d’alentour est habité par des Sakalaves absolument misérables ; les villages se composent de huttes basses couvertes de feuilles de palmier, maintenues à la charpente par des courroies, avec des portes si étroites que les explorateurs anglais sont rappelés au souvenir des loges où l’on enferme les animaux qui fournissent au Yorkshire une partie de sa richesse. Dans cette région humide, les lits, faits de bambous, sont élevés à quelque hauteur au-dessus du sol. Les habitans ont peu de chose à offrir autre que des bœufs, t ce qu’en échange ils souhaitent au plus haut degré, ce sont des armes à feu. Sur le côté oriental de la baie, le plus exposé à la tempête, les arbres rabougris et enchevêtrés présentent une barrière impénétrable pour un homme. Sur le rivage des colonnes de madrépores, — plusieurs d’entre elles semblables à des aiguilles creuses et cylindriques, — des roches de formation volcanique, fournissent des abris à des milliers d’animaux marins ; les yeux des jeunes officiers qui opèrent des sondages ne cessent d’être ravis par ces mollusques tels que les harpes traînant des coquilles splendides. Le capitaine Owen s’attache à déterminer d’une façon rigoureuse la longitude et la latitude du cap d’Ambre, l’extrémité nord de Madagascar ; puis, redescendant au sud, il recueille des informations sur un grand nombre de points, rectifie des erreurs commises par les premiers navigateurs, découvre une baie que les indigènes ne désignent par aucun nom et l’appelle port Leven, enfin arrive à l’îlot Madame. En passant, on note un trait des habitudes des Sakalaves voisins du port Louky, dont il y a, paraît-il, beaucoup d’exemples sur la grande île : les habitans ont à la fois résidence à la côte et dans l’intérieur ; au temps de la mousson du sud, ils se retirent dans les terres et cultivent le sol ; lorsque règne la mousson du nord, ils reviennent à la côte pour se livrer à la pêche. Ainsi, du mois de mai au mois d’octobre, les villages du littoral sont entièrement déserts.

Après l’achèvement d’une série d’études aux îles Comores, l’expédition scientifique se met en devoir de faire une reconnaissance de la côte occidentale de Madagascar, — opération importante, car les anciennes cartes ne donnent aucune idée juste des sinuosités, et les plus modernes sont encore fort inexactes. Les navires abordent l’entrée de la baie de Saint-Augustin ; bientôt entourés par des naturels venus dans des canots, visités par le roi, la reine, les principaux personnages de la contrée, les Anglais constatent chez cette population des sentimens de véritables sauvages. Ces Malgaches bruyans, grossiers, enclins à l’ivrognerie, avides de tout, mon iraient une incroyable dextérité pour s’emparer, malgré la surveillance, des objets qu’ils apercevaient. De Saint-Augustin, le capitaine Owen se porte à Tulléar, — une baie formée par un récif long et fort étroit qui Teste à sec pendant la marée basse. Un peu au nord, il gagne un groupe de petites îles où allait s’accomplir un événement tragique : deux jeunes officiers envoyés sur un îlot, afin de prendre quelques mesures angulaires, furent assassinés par des gens qui cherchaient des coquillages à la mer ; sur la carte, l’endroit a été appelé l’Ile du Meurtre. Toute la côte depuis Saint-Augustin jusqu’à la baie de Bouëni, située entre le 15e et le 16e de latitude, est presque uniforme, — basse, marécageuse, arrosée par des rivières dont les bords sont nus, flanquée d’une ligne de massifs de coraux qui reste découverte à marée basse ; l’aspect est triste. En quelques places, on observe tout un archipel de petites îles rocheuses offrant une grande variété de formes fantastiques. La rive ne présente à la vue que des arbres rabougris ; seulement au voisinage immédiat de la mer, on remarque parfois d’élégans casuarinas. La baie de Bouëni contraste d’une manière fort agréable avec cette portion du littoral ; les belles collines qui l’entourent et la tranquillité des eaux charment les yeux. La partie nord de la côte occidentale de Madagascar, dit le capitaine Owen, est découpée par une série de baies, de havres, de rivières admirables sous bien des rapports ; si le pays était civilisé et l’esprit commercial développé chez le peuple, elle serait fréquentée par des navires de toutes nations. Ces havres, à l’exception de celui de Bombétok, presque inconnus avant le passage du capitaine Inverarity en 1802, sont entièrement négligés. C’est à peine si par hasard y vient une péniche arabe pour se procurer du bois de sandal ou du bœuf conservé. La baie de Bombétok, vaste estuaire de plusieurs rivières, est rétrécie dans le milieu de façon à n’être plus qu’un simple canal où l’eau se précipite avec tant de violence qu’elle a creusé un abîme profond de 115 mètres. La côte en général est basse et couverte de végétation, mais en quelques endroits se dressent des rangées de hautes collines. Bombétok est un petit village ; au contraire Madsanga, assise sur la rive du nord presque à l’entrée de la baie, est une très grande ville, peuplée de Malgaches et des descendans des Arabes qui s’établirent en ce pays à une époque fort reculée. Madsanga était gouvernée par trois chefs égaux en puissance ; l’un malgache, l’autre arabe pour les deux parties de la communauté, le troisième pour les relations avec les étrangers. Cette situation venait d’être changée brusquement peu de jours avant l’arrivée de l’expédition anglaise ; à la tête d’une nombreuse armée, Radama s’était emparé de la ville. Les Américains fréquentaient beaucoup cette localité, préparant eux-mêmes sur place des viandes, du suif, des peaux, ils en chargeaient des navires ; tenant de petites boutiques approvisionnées des objets qui plaisent aux peuples primitifs, ils recevaient en échange les produits du pays qu’apportaient les indigènes. Le côté méridional de la baie est occupé par des Sakalaves, une tribu guerrière répandue sur de vastes espaces dans l’ouest et au nord de la grande île africaine. Pendant que les vaisseaux du capitaine Owen se trouvaient à la baie de Bombétok, le lieutenant Boteler eut l’occasion de voir Radama ; il en a profité pour faire le portrait du roi des Ovas. À cette époque, le fameux conquérant, âgé de plus de trente ans, paraissait tout jeune ; de taille très médiocre, d’une figure fine et gracieuse, de manières défiantes à l’extrême, rien n’indiquait l’homme accoutumé aux fatigues de la vie militaire, beaucoup moins encore le guerrier heureux, l’idole d’un peuple endurci par les combats, la terreur des ennemis. Radama parlait et écrivait avec facilité l’anglais comme le français. Le mode de paiement adopté par les Ovas amusait singulièrement les officiers anglais ; des chaînes d’argent que l’armée avait apportées servaient de monnaie courante. Le soldat voulant faire une acquisition détachait un fragment de la chaîne, et, après l’avoir pesé dans une petite balance de cuivre, le remettait au vendeur.

L’expédition scientifique, poursuivant sa course au nord, vient explorer la baie de Mazamba, une profonde découpure irrégulière, qui ressemble d’une manière surprenante à la baie de Bombétok ; d’anciennes tombes encore respectées, sur l’îlot de Manza, attestent que le pays fut autrefois habité par des Arabes. Plus loin, c’est la baie de Narinda ; à l’entrée, vers le nord, se trouvent de petites îles qui offrent d’excellens mouillages, — la plus grande, Sancasse ou Sangadzira, est toute verdoyante ; une autre, Souhy, est une énorme roche inaccessible, haute de plus de 200 pieds. En face, la rivière de Lanza, après avoir formé une immense lagune, verse ses eaux dans la mer par un canal extrêmement étroit. L’étonnante profondeur de l’eau, l’aspect pittoresque des deux rives, rendent la scène fort curieuse. De Narinda, on découvre le pic de Matoula, qui domine les hautes montagnes d’alentour. Sur la rive orientale de la baie, les navigateurs ne se lassent de contempler les jolis makis noirs au ventre blanc[11], gambadant sur les branches d’arbres qui retombent au bord des précipices ; c’est un délicieux spectacle de voir ces mammifères pleins de grâce surgissant en l’air pour retomber sur une tige, exécutant avec une incroyable agilité des sauts effroyables.

En quittant Narinda, le capitaine Owen se porte sur un groupe d’îles volcaniques et l’inscrit sur la carte sous le nom d’îles Radama ; il atteint ensuite la pointe occidentale de Passandava, la baie la plus large et la plus profonde de la côte ouest de Madagascar. Le village de Passandava, situé à l’entrée de la baie, se compose de misérables huttes ; au temps de l’expédition anglaise, il était occupé par une petite garnison d’Ovas que le climat rendait malade. Le commandant, un major, dont le rang ne s’accusait que par un chapeau de paille et une épée à la main, gémissait de ne pouvoir se procurer un chapeau à plumes. Près du village commencent les montagnes qui entourent le pic inaccessible de Matoula, véritable chaos d’escarpemens, de brèches, de déchirures, enfin tout le désordre grandiose produit par les actions volcaniques.

On touche à Nossi-bé[12], que depuis les Français ont appris à connaître ; le lieutenant Boteler, chargé de l’exploration d’une grande partie de la baie de Passandava, se montre ravi en présence des paysages pittoresques de cette grande île. Elle offre aux yeux, dit-il, une charmante variété de vallées fertiles, de collines abruptes, de montagnes superbes. Sur la côte de la Grande-Terre, ajoute-t-il, la variété n’est pas moins remarquable : c’est une succession de baies profondes et de passages qui la plupart peuvent être considérés comme d’excellens ports. On se dirige enfin sur l’archipel Minow ou plutôt Mitsiou, curieux, assemblage d’îles, de roches perpendiculaires, d’amas de coraux. La plus importante de ces îles, la grande Minow de la carte du capitaine Owen, la Nossi-Mitsiou des Malgaches, est d’une configuration toute singulière ; les navigateurs la comparent aux branches ouvertes d’un compas. A l’exception de deux ou trois groupes de coraux assez bas, ces petites îles sont hautes et constituées par des colonnes de basalte, droites ou courbées, formant la plupart des précipices et des pointes les plus hardies. Particulièrement au nord de la grande Mitsiou, plusieurs de ces colonnes ont un caractère, tout à fait imposant ; droites, élancées, longues de près de 20 mètres, avec des pans au nombre de quatre à six, elles s’adaptent si bien les unes aux autres que l’assemblage se présente comme une masse compacte. La dernière reconnaissance fut celle des îlots voisins du cap Saint-Sébastien. Les officiers détachés pour accomplir ces derniers travaux quittèrent Madagascar, afin de rejoindre à l’île Mombas les divers membres de l’expédition du capitaine Owen qui allait continuer les opérations scientifiques dans d’autres parages. Une œuvre de haute importance pour la géographie physique venait d’être exécutée ; pour la première fois, les contours de la Grande-Terre malgache et la position de la plupart des petites îles voisines se trouvaient tracés avec exactitude. En s’attachant à réaliser dans la science un progrès considérable, l’Angleterre montrait de tous côtés son pavillon aux peuples barbares, tandis qu’elle usait des ressources de la diplomatie pour accroître son influence politique et ouvrir de nouveaux débouchés au commerce.


III

Un instant, les colons et les résidens français s’attendirent à voir la puissance de Radama ébranlée. En 1825, deux révoltes éclatèrent contre les Ovas : l’une, chez les Betsimisarakes de Foulepointe, assez maladroitement suscitée par le gouverneur de Sainte-Marie, — l’autre, près du fort Dauphin, parmi les Antanosses. La première insurrection fut aussitôt réprimée ; la seconde mit en péril l’armée des Ovas, — le général dut solliciter l’intervention du gouverneur de l’île Bourbon pour faire parvenir des lettres à Radama et à Jean René. Se trouvant dans l’impossibilité de mettre à profit les circonstances, M. de Freycinet voulut paraître généreux ; il rendit au général malgache le service demandé. Croyant le moment propice, il écrivit à Radama ; c’était la proposition « de désigner, de part et d’autre une personne de confiance pour arriver à la conclusion d’un traité d’alliance et d’amitié. » Dans la réponse, où se laissait apercevoir l’inspiration des agens britanniques, le roi des Ovas, affirmant avec hauteur ses prétentions à la souveraineté exclusive de Madagascar, se déclarait disposé à recevoir dans Tananarive la députation qui serait envoyée pour la négociation projetée ; le gouverneur de Bourbon jugea inutile de s’en occuper davantage.

Au commencement de l’année 1826 mourut Jean René, le chef de Tamatave et de la principauté des Bétanimènes. Son neveu, successeur désigné, le jeune Berora, étant au collège à Paris, Radama investit Coroller, un de ses grands officiers du gouvernement de la province sous l’autorité supérieure d’un autre général, d’un dévoûment bien éprouvé. Plus que jamais, les Français se virent exposés à tous les genres de vexation de la part des Ovas : ils reçurent l’injonction de ne point se présenter ailleurs qu’à Foulepointe ou à Fénérive pour acheter des denrées. Radama montrait une extrême intelligence ; quand il s’agissait de comprendre certains avantages de la civilisation européenne ; il avait établi la douane, mis des droits excessifs à l’entrée et à la sortie des marchandises, et, toujours gracieux envers ses bons amis, il avait donné la ferme des impôts à une maison de l’île Maurice. Le comte de Cheffontaines, qui remplaçait M. de Freycinet en qualité de gouverneur de l’île Bourbon, informa le ministre de la marine d’une situation qui était insupportable pour nos compatriotes et humiliante pour la France, disant avec sagesse : Il faut tout abandonner ou se mettre en mesure de se faire respecter. A Paris, les hommes d’état demeuraient beaucoup plus calmes, gênés par la pauvreté des ressources financières, mal instruits des événemens qui se produisaient dans la grande île africaine, ils comptaient sur l’efficacité de petits moyens. Après avoir envoyé au Sénégal prendre deux cents Yolofs, on abandonnait à M. de Cheffontaines le soin d’apprécier si, avec cette force unie à un petit groupe d’indigènes et quelques soldats tirés des garnisons de Bourbon et de Sainte-Marie, on pourrait chasser de la côte orientale l’armée des Ovas. Le gouverneur et le conseil privé de Bourbon pensèrent que folle serait la tentative ; ils se bornèrent à indiquer le nombre et la nature des forces qui seraient indispensables, pour une entreprise sérieuse.

Le 27 juillet 1828 commence à se propager de Tananarive vers tous les points de la côte cette nouvelle inattendue : Radama est mort[13]. On s’imagine l’effet prodigieux d’une telle annonce. Dans la capitale des Ovas, les uns pleurent le héros, orgueil de sa nation, le souverain qui les a comblés de faveurs ; les autres, mus soit par l’ambition, soit par la haine ou d’un maître cruel ou de la civilisation européenne, se réjouissent. Parmi les peuples vaincus et soumis renaît l’espoir de l’indépendance ; chez les étrangers, les sentimens les plus opposés se rencontrent : — ici, c’est la crainte de perdre l’influence acquise, là une sorte de joie à la pensée de saisir l’occasion de la revanche. A Tananarive, la succession est disputée : la reine-mère, plusieurs généraux, soutiennent les prétentions du jeune Rakotobe, neveu de Radama ; le peuple et l’armée se prononcent pour Ranavalona, l’une des femmes du conquérant. Ce parti l’emporte ; Ranavalona, reconnue souveraine, fait mettre à mort le jeune prince, le père, la reine-mère, — moyen d’en finir vite avec les compétitions. Dans le conseil de Bourbon s’agite le projet d’une attaque contre les Ovas au moment même des dissensions ; mais on reconnaît la nécessité d’attendre des renforts. Dès le premier mois de l’année 1829, une expédition se prépare en France, le capitaine de vaisseau Gourbeyre reçoit le commandement d’une flottille et de quelques centaines d’hommes de troupes ; de l’avis du conseil de Bourbon, il doit se présenter sur la côte de Madagascar d’une façon amicale, ne rien tenter avant d’avoir une réponse à la notification qui sera faite à la reine de l’intention du roi de France de faire occuper Tintingue, d’exiger la reconnaissance de nos droits sur le fort Dauphin et sur toute la partie de côte orientale comprise entre lvondrou et la baie d’Antongil, enfin de lier des relations de commerce et d’amitié avec les peuples de Madagascar. Une députation envoyée près de Ranavalona portera ces réclamations en même temps que des robes et des cachemires dignes d’une souveraine civilisée, sans compter divers présens pour les principaux officiers. Le 9 juillet, M. Gourbeyre arrive sur la rade de Tamatave ; le lendemain, entouré d’un état-major, il descend sur la Grande-Terre et visite le chef de la province, annonçant une mission de paix et des cadeaux pour la reine. Les dispositions n’étaient pas favorables aux étrangers. Pendant sa visite, le chef de l’expédition française, remarquant de la part des Ovas de grands préparatifs de défense, renonce à envoyer des officiers à Tananarive ; il se borne à transmettre par écrit les réclamations, fixant à vingt jours le délai pour avoir la réponse. Afin d’utiliser cette période de trois semaines, il porte sa division à Tintingue, fait élever sur ce point des fortifications et placer des canons en batterie. Des officiers ovas ayant apporté une lettre de leur général en chef qui désirait être informé des motifs de notre prise de possession de Tintingue, M. Gourbeyre se contenta de rappeler les droits de la France et d’insister sur la réparation des griefs qu’on reprochait au gouvernement des Ovas. Laissant un navire et une garnison à Tintingue, il revient à Tamatave, et se prépare au combat. Le prince Coroller ayant affirmé qu’il n’avait pas reçu de la reine Ranavalona les pouvoirs nécessaires pour traiter, un officier français lui remet une déclaration de guerre accompagnée d’une lettre annonçant l’ouverture des hostilités. Aussitôt le feu commence, le fort est détruit, les Ovas abandonnent les positions ; un détachement de troupes mis à terre les poursuit et achève le succès. Les Betsimisarakes offrent de se soulever contre les Ovas ; de même que dans d’autres circonstances analogues, on se trouve dans l’impossibilité de laisser une force qui permettrait de profiter de ces dispositions favorables à notre cause. M. Gourbeyre se dirige sur Foulepointe ; ici nos soldats subissent un échec, mais à la Pointe-à-Larrée les Ovas qui menaçaient Tintingue et Sainte-Marie sont culbutés.

Ces actes vigoureux avaient inspiré la terreur dans la province d’Imerina. Deux envoyés de la cour de Tananarive, accompagnés du prince Coroller et du général qui commandait l’armée des Ovas sur la côte orientale, vinrent solliciter une entrevue du chef de l’expédition française ; ils apportaient des lettres de la reine et témoignaient le désir de conclure la paix. Ils promirent que l’on accorderait les réparations dues à la France, et s’en allèrent emportant un traité dont la ratification ne semblait pas douteuse. Cette rectification refusée néanmoins par Ranavalona, selon toute apparence à l’instigation des missionnaires anglais, il fallut songer à reprendre les hostilités. A la demande de M. Gourbeyre et du conseil de Bourbon, le ministre de la marine résolut d’expédier une force imposante : intimider les Malgaches, obtenir sans nouveau combat les satisfactions réclamées, c’était le désir et l’espoir du gouvernement français. Sans attendre les renforts annoncés, M. Duval-Dailly, qui venait de succéder au comte de Cheffontaines, se croyant certain des dispositions pacifiques de la cour de Tananarive, se hâte maladroitement d’envoyer un agent près de la reine. M. Tourette, secrétaire de l’administration de Sainte-Marie, est choisi pour remplir cet office ; M. Rontaunay, un industriel qui à Mahela, près de Tamatave, exploitait une sucrerie dont il partageait les bénéfices avec Ranavalona, est chargé, sans caractère officiel, de se rendre à la capitale et d’employer son influence personnelle pour le succès de la négociation. M. Tourette partit de Tamatave avec une escorte fournie par le prince Coroller ; mais, avant d’être arrivé à sa destination, le premier ministre de Ranavalona se présente et s’annonce comme ayant tout pouvoir pour conférer sur l’objet de la mission. Malgré une insistance extrême pour continuer son voyage, l’agent français fut obligé de revenir. M. Rontaunay alla jusqu’à Tananarive sans être beaucoup plus heureux ; il ne parvint pas à être admis auprès de la reine. Peu de temps après, le premier ministre de la souveraine des Ovas mourut assassiné ; alors on eut la preuve que cet homme, véritable faussaire, n’avait rien communiqué ni aux autres ministres, ni à la reine. M. Gourbeyre se rendit en France, afin d’éclairer le ministre de la marine ; mais la révolution de juillet 1830 était survenue, le nouveau gouvernement se souciait peu des affaires de Madagascar. On rappela les bâtimens de guerre de l’expédition et toutes les troupes excédant l’effectif des garnisons ordinaires de Sainte-Marie et de Bourbon ; l’évacuation de Tintirigue fut ordonnée. On demeure stupéfait autant que navré en voyant avec quelle légèreté les entreprises étaient tour à tour engagées et abandonnées.

Après le départ des forces françaises, les relations commerciales continuèrent sur la côte comme avant les hostilités. Tout à coup se réveille l’idée de s’établir sur la grande île africaine. L’amiral de Rigny, devenu ministre de la marine, s’était engoué de la baie de Diego-Suarez : en 1833, il expédie une corvette et des commissaires qui devront examiner l<e littoral ; — on y gagna d’avoir le plan exact de la remarquable baie, levé par M. L. Bigeault, lieutenant de vaisseau. Les commissaires, très charmés du pays, jugèrent tout simple de faire la conquête de Diego-Suarez sous prétexte d’en chasser les Ovas, qui étaient des envahisseurs. L’avis, déféré au conseil d’amirauté, ne fut pas adopté ; à cette occasion, on décida même que les dépenses imposées par la colonie de Sainte-Marie seraient considérablement réduites.

Si les efforts mal dirigés des Français sur Madagascar n’eurent que d’assez tristes résultats, les avantages obtenus par les Anglais ne tardèrent pas à être perdus. Jusqu’aux derniers momens de la vie de Radama, tout allait au gré de la puissance britannique. La société des missionnaires, qui s’était beaucoup accrue, avait pris une influence extrême dans la province d’Imerina ; s’appuyant des désirs et de la volonté du roi, elle retenait dans les écoles un nombre d’élèves toujours croissant, elle travaillait avec succès à l’extension et au perfectionnement de l’agriculture comme au développement des travaux publics. Radama marquait les derniers instans de sa carrière par l’entière soumission de la plus grande partie des Sakalaves et par l’envoi dans le sud de l’île d’une armée qui s’empara du pays de Vangaïdrano et commit les plus ignobles excès. M. Hastie vint à mourir dans sa résidence de Tananarive ; ce fut le premier événement funeste pour les Anglais. On ne remplace pas un homme d’une telle persévérance, d’une pareille énergie, d’une semblable habileté. Cependant les missionnaires, assurés des sympathies du roi, ne pouvaient craindre encore de voir leurs succès interrompus. Depuis plusieurs années, ils regrettaient de manquer d’une imprimerie ; la presse tant désirée fut introduite à Tananarive avec tous les engins nécessaires à la typographie. Malheureusement l’imprimeur, presque aussitôt atteint de la fièvre, ne tarda point à succomber. L’événement terrible fut la mort de Radama. En montant sur le trône, la reine Ranavalona instruisit par un message les membres de la mission et les autres étrangers de son intention d’encourager la poursuite de l’œuvre commencée ; mais, soit défaut de sincérité de lapait de la reine, soit influence prépondérante de certains conseillers hostiles, les actes du gouvernement ne permirent pas de douter que les temps heureux étaient passés pour les Anglais qui résidaient à Madagascar.

Le successeur de M. Hastie près la cour de Tananarive fut informé très officiellement que la reine se refusait à le recevoir en qualité d’agent du gouvernement britannique, et quelle pensait n’être liée en aucune manière par le traité de Radama. L’envoyé anglais n’eut donc plus d’autre soin à prendre que d’annoncer son départ ; une réponse fort peu courtoise indiquait que rien ne serait plus agréable. M. Lyall ne put quitter la capitale, sans subir d’affreuses avanies. Une multitude de peuple suivant une idole portées au bout d’une longue perche vint se ruer sur la maison du consul, traitant de sorciers l’agent britannique et ses fils, elle les obligea de se retirer tout de suite dans un village éloigné de quelques milles. Des serpens apportés dans un grand sac avaient été lâchés sur le terrain, comme devant être les exécuteur de la vengeance de l’idole Ramahavaly. A la fin du deuil national, c’est-à-dire douze mois après la mort de Radama, eut lieu le couronnement de la reine. La cérémonie se fit avec une pompe extraordinaire ; on voulait offrir au peuple un imposant spectacle. Couverte de riches ornemens, Ranavalona, après avoir reçu la consécration, dit en prenant en main les idoles : « Vous m’avez été données par mes prédécesseurs, je mets ma confiance en vous. » La déclaration n’était pas de nature à rassurer les missionnaires protestans.

L’armée du sud, souillée de crimes, revint vers cette époque, traînant à sa suite des captives, les unes aux autres attachées sur une longue file, la corde au cou ; c’étaient les femmes, les sœurs, les filles des plus nobles parmi les vaincus. Les Européens témoins de ce monstrueux spectacle frémissaient d’indignation. Les membres de la mission évangélique ne tardèrent pas à se sentir profondément découragés. Chaque jour resserrés davantage dans leur action, ils voyaient le culte des idoles restauré, toutes les décisions du gouvernement prises en vertu des ordres d’une idole renommée ; l’épreuve par le poison était sans cesse appliquée de façon à se débarrasser des gens qui ne plaisaient pas. Au milieu de circonstances si pénibles, le fondateur de la mission de Tananarive ne songea plus qu’à revoir son pays natal. Ses confrères ne jouirent plus que d’une certaine tolérance : ils pouvaient encore opérer des conversions, répandre les livres saints traduits en langue malgache ; mais des signes de conflits prochains se manifestaient : devenus nombreux dans la province d’Imerina, les chrétiens se trouvaient exposés à entendre des paroles de mépris de la part des idolâtres. Enfin la reine et les ministres, s’alarmant des progrès du christianisme, interdirent l’arrivée ou le séjour de nouveaux missionnaires ; à l’égard de ceux qui depuis de longues années habitaient Tananarive, on gardait quelques ménagemens, parce qu’ils avaient fait connaître l’art de travailler le bois et le fer, ainsi que la construction de certaines machines.

Le 26 février 1835, les missionnaires furent appelés pour entendre une communication de la reine. Ranavalona déclarait les Européens libres de pratiquer leur religion et de conserver leurs usages ; seulement elle ne permettait pas qu’on changeât les coutumes de ses ancêtres, et jugeait coupables ceux qui violaient la loi du pays. Le service religieux du dimanche, la pratique du baptême, les réunions, étaient désormais défendus. « S’il s’agit seulement, disait la reine, de la connaissance des arts et des sciences qui seront profitables à mes sujets, alors instruisez, car c’est pour le bien. » Il y avait dans ces paroles une leçon bonne à recueillir pour les nations et les gouvernemens d’Europe qui prétendent introduire la civilisation chez les peuples réputés idolâtres. Une grande assemblée populaire ayant été convoquée dans la province d’Imerina, un édit de la reine signifia les résolutions prises touchant la religion des étrangers. Les personnages de la cour qui avaient embrassé le christianisme furent dégradés ou placés dans des rangs inférieurs. Beaucoup de chrétiens cessèrent toute pratique ; d’autres, vraiment convertis, voulurent persévérer. Les missionnaires ne perdirent pas courage absolument, — ils conservaient le droit d’enseigner la lecture, l’écriture et l’arithmétique. La persécution devint continuelle, violente, acharnée. Alors les membres de la mission, incapables de lutter plus longtemps, quittèrent Madagascar à la fin de l’année 1835 et au commencement de l’année 1836, croyant le christianisme déjà suffisamment enraciné parmi les Ovas pour n’être pas détruit ; mais la fureur redoubla contre les malheureux élèves des étrangers, on ne compta plus les victimes. Le récit de la persécution des chrétiens de Madagascar a été tracé dans tous ses détails par d’anciens missionnaires[14]. Cette reine Ranavalona, impitoyable quand il s’agissait des affaires religieuses, désirait néanmoins procurer à son peuple les bienfaits de la civilisation. Un de nos compatriotes, M. Laborde, dont l’histoire a été fort travestie par Mme Ida Pfeiffer[15], en est le vivant témoignage. D’après les renseignemens que M. Grandidier a obtenus à la meilleure source possible, on peut aujourd’hui présenter les faits avec exactitude. M. Jean Laborde, né à Auch vers 1810, partit tout jeune encore pour un voyage au long cours. Au retour de l’Inde, le navire, surpris par un ouragan furieux, se trouva jeté sur la côte de Madagascar, près d’Ampasiméloke, par 22° 18’ de latitude sud. Accueilli d’une manière affable par le commandant ova du fort d’Ambohinero, sur les bords du Matitanane, le jeune Français émerveilla les barbares ; il avait une énergie, une intelligence, un esprit d’invention, une gaîté, qui exerçaient un singulier prestige. Selon la coutume, la reine, promptement instruite du naufrage du navire et de la présence d’un tel étranger, fit parvenir à M. Laborde l’invitation de se rendre à la capitale. Avoir vingt et un ans et se trouver appelé par une reine, l’aventure était charmante ; M. Laborde ne se fit pas prier deux fois pour venir à Tananarive. Reçu avec enthousiasme, il gagna toutes les sympathies par une complète droiture de caractère, par un esprit conciliant et avisé, par une conduite digne et ferme inspirant le respect. Les missionnaires anglais avaient donné aux Ovas quelques leçons sur l’art de forger le fer ; un Français particulièrement, M. Legros, avait fourni l’instruction sur l’art du charpentier ; en réalité, c’était encore peu de chose. M. Laborde apprit à ces Malgaches à tailler la pierre ; il fit construire les premiers édifices en granit, des tombeaux dont l’architecture serait remarquée en Europe, d’énormes bâtimens pour des usines ayant une longueur de 80 mètres sur une largeur de 25 mètres, des hauts-fourneaux. Un peu à l’est de Tananarive, dans le désert, il créa une ville, Soatsimananpiovana, qui eut 10,000 ouvriers chaque jour au travail, et seul il dirigeait un pareil monde. S’occupant à la fois de tous les arts industriels de la vieille Europe, il avait recherché avec un soin extrême les produits naturels du pays qui pouvaient être utilisés. M. Laborde produisait de la fonte et de l’acier, il fabriquait des canons, des mortiers, des bombes, des grenades, de la poudre, des fusées à la congrève, des pièces d’artifice, des sabres, des épées, des fusils. La fabrication du verre, des briques, des tuiles, de la faïence, des poteries, du savon, de la chaux, du charbon de bois par la méthode européenne, du charbon animal pour la raffinerie, de l’alun, du sulfate de fer, de l’acide sulfurique, de l’acide nitrique, de la potasse, de l’indigo par les procédés en usage dans l’Inde, du bleu de Prusse, s’exécutait sous cette habile et puissante direction. On élevait des vers à soie de Chine, on blanchissait la cire, on raffinait le sucre dans la ville industrielle de Madagascar. M. Laborde avait introduit les paratonnerres, et il en avait fait comprendre à la reine l’utilité.

L’esprit demeure confondu en présence de pareils résultats obtenus à l’aide de sauvages convertis par l’exemple et par une volonté inébranlable en ouvriers habiles. Si la France du XVIIe ou du XVIIIe siècle avait eu à la tête de l’établissement colonial de Madagascar un chef comme M. Laborde, il est permis de croire que le succès aurait été grand. Notre compatriote ne s’est pas signalé seulement par ses travaux industriels ; choisi comme parrain de l’héritier de Ranavalona pour la cérémonie de la circoncision, il a fait l’éducation morale du jeune prince ; les qualités qu’on a reconnues chez Radama II venaient en partie des leçons et des excellens conseils de M. Laborde. Cet homme de bien rencontra cependant un ennemi ; un favori de la reine, ministre tout-puissant, parvint à l’exiler en 1857. M. Laborde avait travaillé vingt-six ans pour la prospérité de son pays d’adoption ; lorsqu’en 1861 il revint à Madagascar, tout était perdu, il ne restait que le souvenir de l’œuvre gigantesque. Aujourd’hui le voyageur qui traverse Soatsimananpiovana contemple des ruines, et, sous l’impression du plus triste sentiment, il se dit que le mouvement et la vie du monde s’arrêtent dès que l’intelligence a disparu.

Après le départ des missionnaires anglais, la cour de Tananarive se montra très décidée à vivre dans un isolement aussi complet que possible. En 1837, sur la foi de certains avis mal fondés, l’amiral Duperré, alors ministre, eut l’idée d’envoyer près de la reine Ranavalona un capitaine de la marine proposer un traité de commerce et d’amitié. L’agent français se convainquit de la ferme volonté du gouvernement de Madagascar de ne se lier en aucune façon avec les étrangers. Les Européens établis sur la côte se plaignaient de vexations incessantes exercées par les Ovas. Deux navires anglais et deux navires français se rencontrèrent en 1838 sur la rade de Tamatave ; sans s*être concertés, les gouverneurs de Maurice et de Bourbon avaient expédié des bâtimens de guerre, afin d’obtenir des réparations. À ce moment, l’alarme ne fut guère moins grande chez les négocians européens que parmi les indigènes ; en cas d’attaque, d’après l’ordre de la reine, les habitations des étrangers devaient être livrées aux flammes. En effet, la nuit, l’incendie s’alluma ; il se serait promptement étendu sans les secours que fournirent les marins. Le jour suivant, le gouverneur ova consentit, donner des garanties pour l’avenir ; un peu de sécurité était rendu aux commerçans.

L’attention se trouva portée sur un point de Madagascar dont les Européens ne s’étaient pas encore occupés. Les Sakalaves du nord-ouest, traqués par les Ovas, abandonnant la Grande-Terre au mois de mai 1839, se réfugièrent, au nombre de. 5,000 à 6,000, avec leur reine à Nossi-Bé. Dans la même année, un navire français vint mouiller dans les eaux de l’île qui avait autrefois causé l’admiration du lieutenant Boteler. M. Passot, capitaine d’infanterie de marine, était chargé d’une exploration de Nossi-Bé ; les chefs sakalaves et la reine Tsioumeik, redoutant encore les Ovas, demandèrent à cet officier d’informer le gouverneur de Bourbon du désir qu’ils avaient de se mettre sous la protection de la France. M. de Hell, qui dirigeait l’administration de l’île Bourbon, accueillit cette ouverture. En 1840, M. Passot revint à Nossi-Bé, et le 14 juillet il signait la convention. La reine cédait à la France tous ses droits de souveraineté sur le Bouëni[16] et les îles voisines. L’année suivante, Nossi-Bé reçut un commandant particulier et une garnison ; des habitans de Maurice et de Bourbon ne tardèrent pas à se rendre sur l’île, désormais bien défendue. L’œuvre de colonisation fut tout de suite en bonne voie.

Sur la côte orientale, depuis plusieurs années, les traitans européens subissaient une foule d’avanies ; les plus riches achetaient un peu de repos par des bassesses. Au mois de mai 1845, sans motif avoué, on publia un ordre de la reine Ranavalona frappant d’expulsion tous les étrangers qui ne se soumettraient pas à certaines exigences humiliantes. C’était un procédé simple, imaginé pour en finir avec des dettes contractées par des chefs malgaches envers les commerçans et pour saisir les propriétés. Averti par des rapports officiels, le commandant de la station française des côtes orientales d’Afrique, M. Romain-Desfossés, expédia aussitôt un de ses vaisseaux, qu’il ne tarda pas à rejoindre en rade de Tamatave ; il y trouva un navire anglais qui était venu dans le même dessein. Aux réclamations, les chefs de la côte se contentèrent de répondre que l’ordre de la reine était formel. Toutes les tentatives de M. Romain-Desfossés et du capitaine Kelly, de la marine britannique, pour faire parvenir des lettres soit à la reine, soit au gouverneur de Tamatave, furent inutiles. Les malheureux commerçans européens n’eurent plus d’autre ressource que de traîner jusqu’au bord de la mer les marchandises et les objets de valeur, de les charger sur les chaloupes et de s’embarquer ; ils virent emporter par les Malgaches ce qu’ils avaient laissé. Les Ovas étaient pleins de confiance dans leurs travaux de défense, surtout dans un fort en pierre construit depuis peu par des Arabes de Zanzibar. Les bâtimens de guerre français et anglais, agissant de concert, criblèrent de bombes et d’obus les fortifications de Tamatave. Les ravages étant jugées considérables, des colonnes de débarquement envahirent les ouvrages entamés, et tuèrent un grand nombre des défenseurs. Après ce châtiment, bien faible en réalité et sans autre résultat que l’abandon forcé du pays par les commerçans, les navires, mettant à la voile le 17 juillet 1845, longèrent la côte afin de recueillir les Européens qui ne voudraient pas demeurer exposés aux insultes et aux vengeances des Malgaches[17]. Pour les Anglais et les Français, le sort était pareil ; mais les premiers éprouvaient une perte plus grande, — ils comptaient une trentaine de navires constamment employés à faire le voyage de Madagascar, les Français n’en avaient pas plus de huit[18].


IV

Pendant la période qui commence avec les premières relations entre les Européens et les Ovas, et qui finit avec l’expulsion des étrangers, des observations de plusieurs genres et des recherches scientifiques d’un haut intérêt ont été faites dans la grande île africaine. Une province centrale, des régions du nord, des peuples inconnus aux explorateurs du XVIIe et du XVIIIe siècle, ont été les sujets d’études particulières. Les membres de la mission anglaise et divers voyageurs avaient recueilli de nombreuses informations ou s’étaient livrés à des investigations sur la nature du pays. Ainsi, à l’aide de documens encore nouveaux, le révérend William Ellis a composé en 1838 une histoire de Madagascar[19], qui conserve même aujourd’hui une importance exceptionnelle parmi tous les écrits relatifs à la Grande-Terre. Comme le remarque l’auteur estimé d’une notice sur la géographie de ce pays, M. Eugène de Froberville, l’ouvrage ne comprend guère que l’histoire d’une province, mais il s’agit du peuple qui s’est révélé dans le siècle actuel, de la contrée qui a été parcourue par les Européens à une époque récente ; c’est un ensemble de faits digne de toute notre attention.

Dès le temps où il devint possible de visiter une portion de l’intérieur de Madagascar, plusieurs voyageurs un peu familiarisés avec la science ont indiqué les grands traits géologiques de l’île africaine. Ils ont constaté d’une manière générale la présence des formations primitives, les granits et les blocs de quartz. L’argile a été observée sur de vastes espaces, dans le pays des Betsileos, situé au sud de la province d’Imerina ; on a découvert des ardoises excellentes pour faire des toitures. Le silex, la calcédoine, le calcaire renfermant de beaux échantillons de marbre, ont été vus dans diverses régions. Sur des étendues considérables dominent les roches d’origine volcanique ; en beaucoup d’endroits, le sol est formé d’une terre ferrugineuse et de la désagrégation des laves ainsi que de dépôts d’alluvion. Certains échantillons évidemment de formation carbonifère ont montré la probabilité de l’existence de la houille dans quelques parties de l’île. Sous le rapport de l’abondance du fer, le pays des Ovas n’est pas moins bien partagé que les districts voisins de la côte ; à l’ouest de la capitale, le minerai se montre à la surface du sol, seulement on a peine à l’utiliser, le combustible fait défaut. Les pyrites, très communes, fournissent une ressource inépuisable pour se procurer le soufre ; le nitre n’est pas rare sur les berges de plusieurs lacs où il offre à la vue l’apparence de la gelée blanche ou du grésil. De l’oxyde de manganèse avait été trouvé à 80 kilomètres environ au sud-ouest de Tananarive. Cette sorte de plombagine propre à vernisser les vases de terre, signalée par Flacourt, avait été remarquée dans le centre de l’île, ainsi que plusieurs sortes d’ocre employées par les Malgaches pour colorer en jaune les murs extérieurs des maisons.

Lorsque nous avons écouté les voyageurs qui avaient exploré la côte orientale de la Grande-Terre, nous n’avons entendu parler que de pays fertiles, que de végétation magnifique, que de produits délicieux rendant à l’homme la vie facile. Si maintenant nous prêtons l’oreille aux récits des membres de la mission anglaise établie à Tananarive et surtout de M. James Cameron, qui ont parcouru le centre de l’île, un tout autre tableau nous sera présenté. La côte de l’est, on le sait, est basse, presque unie, à l’exception de la partie méridionale, la province d’Anossi. En beaucoup d’endroits, les montagnes s’élèvent brusquement à la distance de 50 ou 60 kilomètres du rivage ; alors ce ne sont plus que montagnes et collines de hauteurs infiniment variées, prenant toutes les directions jusqu’au moment où l’on découvrira un plateau. En effet, d’immenses plaines existent dans quelques régions, — tristes solitudes où le regard embrassant l’espace est à peine arrêté par un groupe de végétation. Le voyageur qui part de Tananarive, s’acheminant vers l’ouest, après avoir franchi la limite du pays des Ovas, marchera pendant une semaine au milieu du désert avant d’atteindre quelques villages voisins de la contrée qu’habitent les Sakalaves. Vers le centre de l’île, plusieurs montagnes atteignent des proportions considérables, — de 2,500 à 3,500 mètres d’après la première évaluation des explorateurs anglais. Les plus remarquables sont dans la province d’Imerina l’Angavo, où prend sa source la rivière qui arrose les environs de Tananarive, aux confins sud-ouest du pays des Ovas le massif d’Ankaratra, — un amas de montagnes, dit M. Cameron, qui domine toute la contrée. En général, les sommets sont des blocs de basalte durs à l’intérieur, désagrégés à la surface et rendus terreux par l’action des agens atmosphériques. Lorsque, suivant une chaîne qui court au nord-ouest, on atteint un lieu du nom de Kiotrakiotra, on est frappé du changement dans la nature des roches ; ce sont alors des masses de granit et de petits fragmens de quartz. D’énormes roches semblent se détacher du terrain ; l’une d’elles, projetée horizontalement, forme une caverne spacieuse, où les voyageurs trouvent un abri. Au voisinage, les yeux demeurent ravis en présence d’un spectacle à la fois grandiose et infiniment pittoresque. C’est une étroite vallée, profonde de 150 mètres, que traverse un cours d’eau : ici, la rivière se montre découverte ; plus loin, elle est perdue sous les verts arbrisseaux qui garnissent les bords ; des oiseaux de divers genres animent ce tranquille séjour. A côté, entre des roches gigantesques s’avançant au-dessus d’un ravin, des buissons touffus offrent une vigueur et une variété peu ordinaires à la végétation de la partie centrale de Madagascar. Dans les traités de géographie, on affirme que la grande île africaine est traversée du nord au sud par une chaîne de montagnes formant une sorte de crête ou d’arête ; sur les cartes, la prétendue chaîne est figurée en toute conscience. C’est la pure invention d’un géographe : jamais aucun des anciens explorateurs n’a parlé de cette crête continue ; il y a un demi-siècle, les membres de la mission anglaise, qui avaient visité une partie de la région centrale de la Grande-Terre, ont déclaré le fait inexact, — l’erreur n’a pas été déracinée.

Les lacs sont en nombre à Madagascar ; plusieurs d’entre eux, d’une étendue considérable, parsemés de petites îles, bordés d’une riche végétation, donnent au pays un charme extrême. Dans la province d’Imerina, le lac Tasy, à l’ouest de la capitale, est renommé pour la pêche. Près de la côte orientale, les lacs, qui se succèdent, sont fort appréciés des Européens. Pour aller de Tamatave à Tananarive, il faut suivre le littoral sur une longueur de près de cent kilomètres dans la direction du sud. Des pirogues ou des canots permettent d’accomplir presque tout le trajet sans fatigue ; c’est à Andouvourante que le voyageur abandonne le voisinage de la mer pour pénétrer dans l’intérieur du pays.

On se rappelle combien le climat de la côte de Madagascar plaisait à nos anciens compatriotes du fort Dauphin ; bien différent, celui de la province d’Imerina est peut-être encore davantage du goût des Français et des Anglais. D’après les missionnaires, au pays des Ovas la plus forte chaleur atteint à peine 30 degrés[20] ; la plus basse température est de 4 à 5 degrés au-dessus de zéro. Pendant l’hiver, c’est-à-dire du mois de mai au mois d’octobre, le thermomètre ne s’élève guère au-dessus de 6 à 7 degrés. En été, les fluctuations sont parfois rapides et très considérables ; le thermomètre, qui marque au matin 3 ou 4 degrés, monte à 26 ou 27 entre deux et trois heures de l’après-midi ; sur les hautes montagnes, le froid paraît être souvent assez vif. En hiver, la pluie tombe à peu près tous les jours, fréquemment accompagnée de grêle ou de tonnerre ; en été, elle est extrêmement rare. Tandis que les parties basses et marécageuses de la Grande-Terre offrent en général un séjour malsain pour les étrangers, la région montagneuse est réputée fort salubre.

Le pays des Ovas, désigné sur les cartes et dans toutes les relations sous le nom d’Ankova[21], est une contrée triste, de peu d’intérêt pour un naturaliste ; les montagnes, où l’œil cherche en vain des arbres ou des buissons, présentent une déplorable monotonie. Dans la saison pluvieuse, l’herbe pousse dans les vallées et jusque sur les collines, mais dans la saison de la sécheresse l’aridité est désolante ; c’est à peine si l’on rencontre un peu de verdure dans quelques endroits arrosés par l’industrie des hommes. Seule peut-être, une vallée à l’ouest de Tananarive, vallée couverte de plantations, traversée par la rivière Ikiopa, qui serpente autour de la ville à distance inégale, est vraiment d’un bel aspect.

L’Ankova comprend trois districts : l’Imerina, l’Imamo et le Vonizongo ; ces deux derniers ont été réunis à la province d’Imerina par le père de Radama. Tananarive est bâtie sur une colline longue et irrégulière dominant une vaste étendue de pays. D’après les observations faites en 1828 par M. Lyall, l’agent britannique dont nous avons rappelé les mésaventures, la position géographique de la capitale des Ovas est par 48° 56’ 26" de latitude sud et par 45° 37’ 22" de longitude est du méridien de Paris. Suivant une estimation un peu vague, le point culminant serait à plus de 2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer, ce qui est sans doute fort exagéré. Le palais du souverain et les demeures des principaux personnages occupent le sommet de la colline. Les plus belles maisons, construites en bois, ont le seuil élevé de 1/2 mètre au-dessus du terrain : une pierre placée devant la porte remplit l’office d’une marche ; des nattes jetées sur le plancher servent à tous les usages. Comme chez les Antanossep, une place couverte de pierres est le foyer : la cheminée est inconnue ; les toits, d’une hauteur supérieure à celle du bâtiment et garnis aux angles de longues perches, offrent un aspect singulier. Pendant le séjour des missionnaires anglais, on fit des habitations plus élégantes avec des vérandahs, des toits mignons et bien façonnés. Un seul chemin partage cette ville étrange ; ensuite ce sont d’innombrables ruelles irrégulières et fort incommodes. En 1820, la population était évaluée à 10,000 ou 12,000 âmes, quinze ans plus tard à 20,000 ; nous savons qu’elle s’est considérablement accrue depuis cette époque. Dans le pays où le bois doit être apporté de loin, les pauvres gens se contentent de cases faites de bambous.

Au sud, l’Ankova est borné par les monts Ankaratra, qui le séparent de la province des Betsileos, une contrée assez fertile ; à l’est, il touche la province d’Ankay, qui consiste surtout en un long plateau encadré par des montagnes et arrosé par le Mangourou, une des belles rivières de Madagascar. Au nord, c’est la province d’Antsianaka, citée pour la culture du riz, pour la production du coton, pour l’abondance des troupeaux. Cette région, coupée par une partie de l’immense forêt d’Amazalaotra, a un très joli lac ; une île vers le milieu, un village sur les hauteurs de l’île, donnent à l’ensemble un effet des plus pittoresques.

Le chiffre de la population de Madagascar n’a jamais pu être déterminé, même d’une manière approximative ; on croit qu’à une époque ancienne l’île avait beaucoup plus d’habitans que de nos jours. Les voyageurs, parcourant la grande île africaine sans s’arrêter aux détails, distinguent tout de suite deux sortes d’hommes : ceux qui ont la peau noire et les cheveux crépus, ceux qui ont le teint olivâtre et les cheveux plats. Les explorateurs adonnés à l’étude ont bientôt reconnu plusieurs peuples très différens : les Ovas, les Sakalaves, les Betsileos et les Betsimisarakes. Les premiers, maintenant les véritables maîtres sur la Grande-Terre, sont agiles, pleins d’activité, de taille très médiocre ; les Ovas de race pure ont le teint olive-clair, les traits un peu plats, les lèvres souvent épaisses et proéminentes, le regard voilé, les cheveux noirs lisses ou bouclés. Aucune tradition ne révèle ni l’origine, ni le moment de l’apparition des hommes de cette race à Madagascar ; regardés tantôt comme des Malais, tantôt comme des Abyssins, on n’est pas éloigné aujourd’hui de croire, d’après des analogies constatées dans les idiomes, qu’ils pourraient avoir une origine polynésienne. Suivant une opinion fortement enracinée dans le pays, les aborigènes de l’île seraient les Vazimbas, dont le souvenir n’est rappelé que par des tombeaux d’une construction particulière existant encore sur des montagnes de la province d’Imerina. Les Sakalaves, au dernier siècle les plus puissans parmi les Malgaches, occupent le nord et presque toute la partie occidentale de la Grande-Terre. Ce sont des nègres aux cheveux longs et néanmoins crépus, ayant une assez belle prestance, une grande vigueur de corps, une remarquable énergie de caractère. Les Betsilos, qui ont eu peu de rapports avec les étrangers, sont en général de petite taille, avec le teint bronzé, les lèvres épaisses, les cheveux longs et frisés. Ils se rapprochent beaucoup des Ovas par l’aspect physique, sans en avoir le caractère ; livrés surtout aux paisibles travaux de l’agriculture, les Betsileos ne paraissent nullement enclins à guerroyer. Les Betsimisarakes et les Bétanimènes, peuples de la côte orientale, sont des nègres de médiocre stature ; on les considère comme appartenant à une race inférieure aux autres à raison de l’intelligence et dessentimens. Entre ces diverses races, les mélanges ont été sans nombre, et les Arabes établis sur plusieurs points de l’île ont encore contribué à faire de la population de Madagascar l’ensemble le plus varié qu’on puisse rencontrer sur un espace circonscrit du globe.

En présence des élémens si dissemblables qui composent cette population, on s’étonne de trouver dans l’île entière la même langue, les mêmes coutumes, les mêmes superstitions. N’y a-t-il pas dans ce fait l’indice d’une domination autrefois exercée d’une manière générale ? Si cette domination a existé, la trace en est perdue ; les premiers Européens qui visitèrent la grande île africaine n’ont rencontré que des peuplades obéissant à dès chefs indépendans. Néanmoins le respect pour les croyances des ancêtres est égal chez les hommes de ces races si distinctes. La division de l’année en douze lunes est partout adoptée ; seuls les noms diffèrent sur la côte et dans l’intérieur ; des jours propices et des jours néfastes sont reconnus dans chaque province. Du nord au sud, l’idiome ne présente que de simples nuances ; les usages, d’une surprenante uniformité, sont à peine marqués d’une région à l’autre par de petits détails particuliers.

Ainsi les missionnaires qui ont vécu parmi les Ovas nous entretiennent de mœurs, de pratiques déjà signalées dans les narrations de Flacourt et des anciens voyageurs sur les Malgaches du sud et de la côte orientale. Dans la province d’Imerina, la naissance d’un enfant, événement très fêté par les familles, est toujours l’objet d’une consultation près des devins, — il faut savoir la destinée de l’être qui vient au monde. Les infanticides se multiplient pour les mêmes causes que chez les Antanosses ; sous le règne de Radama, les auteurs de ces crimes furent menacés de châtimens terribles, — le mal ne semble pas avoir disparu. Le mariage des personnes de qualité est consacré par une cérémonie, mais la séparation demeure toujours facile ; en aucun cas, le mari n’est empêché de posséder plusieurs femmes en sa maison. Le serment du sang, qui doit créer un lien de fraternité indissoluble entre deux individus, reporte au souvenir de la manière dont d’autres Malgaches concluent les traités d’amitié ; on verse le sang d’une poule, chacun en boit une petite quantité en vociférant des imprécations, en appelant sur sa tête mille malédictions, s’il manque à la foi jurée. Chez les Ovas, avec le riz, le bœuf, le chevreau, les volailles, — pintades et canards domestiques ou sauvages, — constituent les alimens les plus ordinaires ; on estime les œufs lorsque le poulet est développé, on recherche les œufs de crocodile, et, lorsque par malheur les sauterelles ou plutôt les criquets fondent sur les champs, on les récolte pour les manger, aussi bien que les vers à soie. En cas de maladie, quelques plantes, de l’eau de riz, les charmes ou les olis, comme sur la côte, sont les remèdes habituels. Les funérailles des hauts personnages ressemblent à celles dont nos anciens compatriotes étaient les témoins aux environs du fort Dauphin ; mais dans l’Ankova le séjour des morts diffère entièrement de celui qu’on voit au pays d’Anossi. Les tombes des familles riches exigent un travail énorme ; ce sont des chambres creusées dans le sol à une certaine profondeur et couvertes par une voûte formée de pierres de granit et de couches de terre alternativement superposées. Les ouvriers détachent les blocs de granit en les soumettant à un feu de bouse de vache, et en versant de l’eau froide sur la pierre brûlante au point où il convient d’opérer la fracture. Le bloc, soulevé à l’aide de leviers, enveloppé de paille pour résister aux chocs, attaché avec des cordes, est ensuite traîné jusqu’à sa destination ; on a vu parfois 500 ou 600 hommes employés au transport d’une seule pierre.

Quand les missionnaires anglais vinrent à Tananarive il y a un demi-siècle, les Ovas ne savaient pas cultiver la terre autrement que les peuples de la côte. Ils fondaient le fer par les procédés tout primitifs dont Flacourt et Sonnerat ont donné une description ; la première forge européenne introduite dans la province d’Imerina causa autant de surprise que d’admiration. A Madagascar, l’usage de la monnaie est de date récente ; ce sont les piastres d’Espagne qui ont d’abord été introduites. Les indigènes ont tout de suite inventé un moyen de division aussi simple que barbare : ils coupent les pièces par morceaux ; l’opération étant grossièrement exécutée, on pèse chaque fragment pour acquitter le prix d’un objet ou d’une marchandise.

Tandis que les missionnaires anglais observaient les mœurs et les usages des Ovas en s’efforçant d’amener ce peuple à la civilisation européenne, Madagascar était l’objet d’études particulières, relatives soit à la géographie, soit aux sciences naturelles. Plusieurs hommes distingués de l’île Maurice, Lislet-Geoffroy, Le Mayeur, Chapelier, Fressanges, Dumaine, après avoir visité diverses parties des côtes de la grande île africaine, ont donné des descriptions fidèles de certaines localités[22]. Un peu plus tard, des officiers de marine ont fourni de précieuses indications sur des baies ou des ports, sur Nossi-Bé, Nossi-Mitsiou, etc.[23]. L’un d’eux, M. Bona-Christave, s’est occupé d’une manière assez générale de la géographie de la Grande-Terre[24] ; il a rappelé ce que fut Madsanga à l’entrée de la baie de Bombétok, la seule ville de Madagascar digne de ce nom, alors que Tananarive était encore inconnue. Bien accueillis par les rois sakalaves de la province de Bouëni, les Arabes construisirent des maisons de pierres entourées de jardins, et donnèrent à la ville une sorte de splendeur. La conquête des Ovas fut suivie de la destruction de Madsanga ; quelques années plus tard, des ruines indiquaient au voyageur l’ancienne importance de la Taste cité, centre des relations de la grande île africaine avec l’Arabie.

Le capitaine Guillain, qui explora la côte occidentale de Madagascar en 1842 et 1843[25], a recueilli des renseignemens sur le commerce dans les différens ports, et s’est appliqué d’autre part à retracer l’histoire des Sakalaves ; — le même sujet venait d’être traité par M. Noël[26]. Ces travaux, estimables à certains égards, n’ont jeté aucune lumière sur l’origine de la nation qui avant les progrès des Ovas était la première en puissance sur la Grande-Terre. Les noms des rois ou des chefs, la mention des succès ou des revers des différentes tribus en lutte les unes avec les autres, composent toute l’histoire des anciens Sakalaves ; les élémens en sont puisés dans la narration de Drury[27] et dans des traditions orales d’une valeur bien incertaine. Les auteurs n’ont vu du pays que le littoral, reconnu les limites des provinces et des districts que par les embouchures des fleuves ; — il y a les Sakalaves du sud ou du Ménabe et les Sakalaves de Bouëni et de Bombétok. Selon la croyance générale, cette nation, autrefois établie dans le Ménabé, que limite au sud la rivière Anoulahine ou de Saint-Augustin, s’est étendue successivement par la conquête jusqu’au nord de Madagascar ; rencontrant de petites colonies d’Arabes, l’association s’est faite. Peut-être convient-il de rechercher si l’influence des hommes venus des bords de la Mer-Rouge et disséminés sur une infinité de points des côtes de Madagascar n’explique pas des ressemblances remarquables dans les usages, dans l’industrie, dans les superstitions des peuples de la Grande-Terre, qui ne sont liés ni par une commune origine ni par un mélange absolu.

Au temps où Madagascar était le théâtre des singuliers événemens politiques et des recherches de géographie dont nous venons de rappeler le souvenir, l’histoire naturelle du pays devenait l’objet d’un intérêt spécial, — des voyageurs et des résidons apportaient ou envoyaient des plantes et des animaux. Il serait difficile de citer tous ceux qui ont contribué à faire connaître la flore et la faune également admirables de la grande île africaine, mais les noms de deux personne, de qualité différente s’imposent. Un capitaine d’artillerie de marine qui eut le commandement du fort de Sainte-Marie, M. Sganzin, s’est acquis considération dans la science par des observations nombreuses et des récoltes importantes. M. Goudot, ne se souciant que du profit matériel, avait adopté comme profession la récolte des plantes et particulièrement des animaux de Madagascar. Après avoir formé de grandes collections, il venait à Paris les débiter, afin d’en obtenir le plus d’argent possible ; c’est alors surtout que nos musées se sont enrichis d’une foule d’objets précieux qui nous instruisent sur la nature de l’île à tous égards séparée du reste du monde. D’abord M. Goudot séjournait au voisinage de la côte : plus tard, il eut de la reine Ranavalona la permission de monter à Tananarive ; ce fut pour le collecteur l’occasion de se marier avec une femme ova d’un magnifique embonpoint. Cette femme vint en France avec son mari s’occuper d’achats d’étoffes et de bijoux pour la reine ; on assura que c’était une princesse.


V

Après les actes de violence de l’année 1845, les Européens eurent peu de relations avec Madagascar. Cependant la nécessité, pour les colonies de Bourbon et de Maurice, de se procurer du bétail ramena plus d’une fois des navires en rade de Tamatave ; quelques marchands se hasardèrent sur la côte. La cour de Tananarive persistait dans la volonté de n’entretenir aucun rapport avec les gouvernemens étrangers et de détruire absolument le christianisme parmi les Ovas. Néanmoins malgré la persécution il existait encore dans la province d’Imerina des fidèles qui transmettaient des informations au clergé de l’île Maurice. Près de vingt ans s’étaient écoulés depuis le départ des missionnaires ; il y avait une sorte d’apaisement. En Angleterre, on imagina qu’une visite à la reine et au peuple de Madagascar pourrait être d’un excellent effet. Deux membres de la mission de Londres, M. Cameron et M. Ellis, ce dernier rendu célèbre par la publication de l’histoire de Madagascar, furent mis en devoir de se faire habiles diplomates ; — on reconnaissait la nécessité de s’abstenir entièrement de parler d’affaires religieuses. Au mois de juillet 1853, les deux Anglais débarquaient à Tamatave : ils trouvèrent le peuple misérable, regrettant beaucoup les étrangers ; le riz et les autres marchandises du pays s’accumulaient dans les magasins, l’argent et les produits d’Europe ne venaient plus enrichir personne. Parmi les autorités, il y avait à la fois satisfaction de questionner des Européens au sujet des nouvelles du monde et appréhension de vues hostiles de la part du gouvernement britannique ; à cet égard, on se hâta de les rassurer. Les lettres des Anglais à la reine expédiées, M. Ellis, en attendant la réponse, entreprit des excursions botaniques ; comme il avait déjà visité les peuples de la mer du sud, il demeura surpris d’entendre des mots malgaches qui existent dans la langue des Polynésiens ; c’était l’indication d’une recherche à poursuivre. La réponse de la reine parvint à Tamatave : conçue en termes pleins de courtoisie, elle insistait sur les grandes affaires d’intérêt public, qui de longtemps ne lui laisseraient aucun loisir ; avec politesse, on engageait les visiteurs à repasser la mer, afin de se soustraire aux chances de maladies. Les Anglais s’en retournèrent à Maurice[28].

Soudain une idée était venue à cette terrible reine Ranavalona : consentir à permettre le commerce extérieur, si on lui donnait 15,000 piastres en dédommagement de l’offense faite par MM. Romain-Desfossés et William Kelly. M. Cameron partit bien vite porter la somme, et les autorités de Tamatave ne tardèrent pas d’être avisées par le secrétaire du cabinet de Tananarive que la reprise des opérations commerciales était autorisée ; une salve de coups de canon tirée du fort annonça l’événement. En témoignage d’amitié, l’ordre fut écrit de détacher les crânes des Anglais et des Français tués dans les derniers combats, restés depuis 1845 accrochés au sommet de longues perches. M. Ellis part de cet exemple pour constater gravement que les usages politiques et les formes de la diplomatie diffèrent beaucoup d’une nation à l’autre.

L’année suivante, le révérend William Ellis avait le plaisir de revoir la Grande-Terre. À peine se trouvait-il installé, qu’un homme se présente de la part d’un chef des environs de Tamatave, alors malade et en quête d’une bonne médecine. Pour l’étranger, c’est l’occasion d’une visite qui permettra une étude de la vie domestique actuelle des Malgaches. Le chef occupait non pas la maison belle et spacieuse qu’il habitait d’ordinaire, mais, afin d’avoir plus chaud, une pauvre hutte bâtie dans le même enclos. Au milieu de la chambre, le feu est allumé sur une plate-forme de terre soutenue par une bordure de pierres, une lumière blafarde éclaire ce réduit, et la lampe attire l’attention du visiteur. L’appareil se compose d’une baguette de fer enfoncée dans le sol et munie en haut d’une tasse contenant la mèche ; au-dessus de la flamme, un morceau de suif tenu par un crochet, en fondant s’écoule dans la tasse, — ce mode d’éclairage est parfaitement reçu dans la demeure des grands personnages. Tout cet intérieur annonce beaucoup d’indifférence pour le luxe des Européens. D’autre part, la scène dont l’étranger est témoin indique un remarquable progrès dans la civilisation des Malgaches. On apporte des lettres au chef malade couché sur une natte ; il ordonne à un aide-de-camp d’en faire la lecture, — il répondra tout de suite. Le jeune secrétaire prend dans une boîte papier, plume et encre, s’assied à terre, place le papier sur un genou, puis écrit sous la dictée de son supérieur ; il lit ensuite cette réponse à haute voix, et, l’approbation donnée, il plie la lettre et l’expédie à sa destination. Ceci se passait dans le pays où trente ans auparavant l’écriture était inconnue ; après l’expulsion des étrangers, l’instruction s’était transmise par les indigènes.

A Tamatave même, des femmes esclaves se servaient de longues cannes de bambou pour puiser de l’eau. Le marché, toujours fort sale, était approvisionné de fruits, de racines, de millet, de riz et d’autres graines, de quincaillerie indigène, de vêtemens tels que des lambas, de nattes, de paniers, de chapeaux de paille, de cotonnades européennes, — tous ces objets jetés à terre ou placés sur des tas de sable, les volailles se promenant de tous côtés, les bouchers coupant à terre la viande sur de grandes feuilles de bananier. Après avoir visité les campagnes et les forêts des environs de Tamatave et de Foulepointe, consigné d’intéressantes observations sur les habitudes du pays et sur la végétation, recueilli quelques belles plantes, M. Ellis dut partir encore une fois de Madagascar. Sous prétexte de la présence du choléra parmi les habitans de l’île Maurice, les Anglais n’avaient point eu la permission de se rendre à la capitale. Cette permission accordée beaucoup plus tard, on se hâta d’en profiter. De retour sur la Grande-Terre en 1856, les deux membres de la mission de Londres, frappés de l’accroissement de la population de Tamatave, du nombre des maisons neuves construites par des négocians étrangers, surpris de trouver le gouverneur de la province assis dans un bon fauteuil, ravis d’avoir étonné les Malgaches avec un télégraphe électrique, s’acheminèrent enfin vers Tananarive. M. Ellis est un ami de la nature ; sur le trajet de Tamatave à Andouvourante, il remarque le caractère de la végétation, il admire l’aspect des lacs ; lorsque, tranquille dans son palanquin, il suit les sentiers des montagnes où les malheureux porteurs glissent sur l’argile détrempée, traverse la célèbre forêt d’Amalazaotra et le rude pays d’Ankova, plus que les précédens voyageurs, il note des observations. Tananarive est nécessairement l’objet d’une nouvelle description ; le visiteur esquisse ensuite le portrait du prince royal, Rakoto, qui doit être Radama II, un jeune homme de vingt-six ans, aux manières élégantes, portant l’habit et le pantalon noir, la cravate blanche et un gilet de velours brodé, s’informant de la santé de la reine Victoria et des dispositions des gouvernemens de France et d’Angleterre à l’égard de Madagascar. Ce n’était pas un barbare que ce prince, instruit par nos compatriotes MM. Laborde et Lambert ; il donnait de belles espérances. Aux officiers se présentant de la part de la reine pour s’enquérir des motifs du voyage de l’étranger, M. Ellis assure qu’il ne vient pas traiter d’affaires de commerce ; s’il a demandé la permission de monter à la capitale, c’est pour faire une visite d’amitié à la reine et au gouvernement et causer de choses relatives à la prospérité du royaume. La diplomatie de la Grande-Bretagne, on le voit, usait dans tous les temps des mêmes procédés. Le membre de la société protestante de Londres eut l’honneur de faire des excursions avec le prince et sa femme, accompagnés d’une suite vraiment royale. Admis d’une façon très solennelle à l’audience de la reine à la Maison-d’Argent, il exprima l’ardeur des sentimens d’amitié du gouvernement britannique pour la reine Ranavalona et son peuple. M. Ellis était un bon photographe, il intéressa singulièrement le prince royal et la princesse sa femme, tout charmés d’avoir des portraits d’une ressemblance parfaite, exécutés avec une pareille promptitude. La reine n’avait aucune prédilection pour cet art diabolique ; les personnes dont on avait l’image pouvaient bien en mourir, pensait-elle. La souveraine, on le sait, ne goûtait pas les innovations : un Français avait proposé d’établir un télégraphe électrique de Tananarive à Tamatave ; elle jugea que les relais de courriers valaient mieux. En quittant la capitale des Ovas, M. Ellis s’applaudissait de tout ce qu’il avait vu ; il croyait avoir dignement représenté l’Angleterre. Cependant, si l’on en croit certaines assertions assez bien justifiées, le révérend William Ellis avait par des insinuations malveillantes blessé le prince royal ; on l’accuse aussi, avec quelque fondement, d’avoir voulu dénoncer à la reine de Madagascar des Français et surtout un missionnaire catholique[29].

Le gouvernement de Ranavalona était exécré de la nation ; un ministre infâme, secondé par un complaisant collègue, s’était rendu odieux par des cruautés et des déprédations sans fin. Le prince Rakoto, navré de la misère du peuple, chargea un des résidens les plus honorés de Madagascar, son ami, frère par le serment du sang, M. Lambert, de solliciter le protectorat de la France ; la démarche n’eut pas de résultat. Dans l’espoir de perdre l’homme qui était devenu le fléau de son pays, d’obtenir l’abdication de la reine et l’élévation du fils, un complot s’ourdit en 1857 à l’instigation de plusieurs Européens ; ce complot déjoué par suite d’une dénonciation, les étrangers furent conduits à Tamatave et chassés de l’île ; — tout rentra dans le silence. La vieille reine meurt le 18 août 1861 ; encore une fois deux partis dans le palais se trouvent en présence : les amis des anciennes coutumes veulent donner le trône au neveu de Ranavalona ; les amis du progrès se prononcent pour le prince Rakoto, fils de la reine. Ces derniers l’emportent, Rakoto est proclamé roi sous le nom de Radama II. Le nouveau souverain de Madagascar envoya M. Lambert annoncer son avènement à l’empereur Napoléon III. Tout faisait pressentir que les relations des Européens avec la grande île africaine seraient désormais vraiment amicales, que le progrès du peuple ova sous le rapport de l’instruction, du perfectionnement des arts, du développement de l’industrie, allait recevoir une vive impulsion. M. Lambert, porteur de cadeaux de l’empereur pour le roi et la jeune reine de Madagascar, devait se trouver à Tananarive pour le couronnement de Radama II. Le capitaine Dupré, alors commandant de la division navale des côtes orientales d’Afrique, fut chargé de représenter la France à cette cérémonie. Le digne officier s’entoura de quelques hommes distingués et rendit sa mission profitable à la science[30] : le docteur Vinson a rapporté une série d’observations pleines d’intérêt sur le pays, sur des végétaux, sur plusieurs genres d’animaux[31] ; le père Jouen, de la compagnie de Jésus, en traçant un portrait flatteur de Radama et de la reine, devait annoncer les succès de la mission catholique[32]. Aussitôt l’avènement du nouveau roi de Madagascar connu à Maurice, le gouverneur s’empressa d’envoyer le colonel Middleton porter des félicitations. La société des missionnaires de Londres, enflammée par l’espoir de reprendre l’œuvre interrompue, mit sa confiance dans les talens de celui qui avait déjà visité la capitale des Ovas ; en toute hâte elle envoya M. Ellis. Sur le drapeau flottant au sommet du fort de Tamatave, on lisait écrit en lettres rouges : « Radama II ; » la nouvelle parvenue en Angleterre se trouvait ainsi confirmée[33]. Le pasteur méthodiste était à Tananarive longtemps avant l’arrivée de M. Dupré : pour le plus grand profit de sa nation, il s’appliquait en conscience à nuire aux Français, principalement aux prêtres catholiques ; — tous nos compatriotes n’ont pas gardé bon souvenir de M. Ellis.

Nous ne parlerons pas des fêtes et de la cérémonie du couronnement, des discours, des banquets, des illuminations de la ville et des campagnes de Tananarive ; les détails en sont rapportés dans plusieurs ouvrages, et on a pu les lire dans les gazettes. Le jeune souverain conclut des traités de commerce et d’amitié avec la France et l’Angleterre ; il accueillit les étrangers, proclama la liberté des cultes, abolit la peine de mort et l’épreuve par le poison. On s’attendait à un règne long, paisible, fécond, et Ra’lama mourait assassiné dès le mois de mai 1863[34]. La veuve du souverain, élevée au trône sous le nom de Rasolierina, morte en 1867, a pour successeur sa cousine, c’est Ranavalona II. Les derniers événemens de Madagascar présentent un médiocre intérêt ; aujourd’hui les missionnaires protestans et catholiques bâtissent des églises et des chapelles et se disputent l’instruction des Malgaches. Dans les années qui viennent de s’écouler, diverses études scientifiques sur Madagascar ont été faites : nous allons en faire connaître le mérite ; le moment est venu d’exposer les particularités de la nature dans la grande île africaine.


EMILE BLANCHARD.

  1. Voyez la Revue du 1er juillet.
  2. Ellis, History of Madagascar, t. II, a donné des détails sur les prédécesseurs de Radama.
  3. Sur différentes cartes et dans plusieurs ouvrages, on écrit port Louquez on Loquez.
  4. Cette circonstance est rapportée par Ellis, History of Madagascar ; nous ne l’avons vue mentionnée dans aucun document français. Parmi les présens, il y avait un portrait de Louis XVIII.
  5. On trouve les correspondances des autorités de Bourbon et de Madagascar dans le Précis sur les établissemens français formés à Madagascar, imprimé par l’ordre de l’amiral Duperre, ministre de la marine et des colonies, Paris 1836.
  6. Tholangare était le nom adopté par Flacourt, — Tolaonara, le nom rectifié par les auteurs qui ont étudié la prononciation malgache.
  7. Albrand : Etude sur la province d’Anossi : Annales maritimes et coloniales, t. Cil, p. 4t)U ; 1847. — Cette notice, publiée longtemps après la mort de M. Albrand, fut rédigée en 1820.
  8. Copland, History of the island of Madagascar, comprising a political account of the island, religion, manners, etc., of its inhabitants and its natural productions. 1822.
  9. Narrative of voyages to explore the shores of Africa, Arabia and Madagascar, under the direction of captain W. F. W. Owen, 2 vol. ; London 1833.
  10. Ce nom est écrit. Maransectzy dans la relation du capitaine Owen.
  11. Lemur catta.
  12. Nos, nosi, nossi, en langue malgache, signifient île.
  13. Il n’avait que trente-six ans.
  14. Voyez Ellis, History of Madagascar, surtout J. Freeman and D. Johns, A Narrative of the persécution of the christians in Madagascar, London 1840.
  15. Voyage à Madagascar, chap. IX.
  16. Province du nord-ouest de la Grande-Terre, au fond d’une baie dont il a été question précédemment.
  17. Les actes du gouvernement français concernant Madagascar sont rapportés avec plus ou moins de détails dans divers ouvrages : Macé Descartes, Histoire et Géographie de Madagascar, Paris 1816. — Barbié du Bocage, Madagascar, possession française depuis 1642, Paris 1858 ; — Louis Lacaille, Connaissance. de Madagascar, Paris 1862.
  18. Rapport fait le 20 mars 1844 par un capitaine de navire français. — Annales maritimes et coloniales, t. LXXXVIII, p. 48, 1844.
  19. History of Madagascar, 2 vol. London 1838.
  20. 30 degrés centigrades = 85 du thermomètre Fahrenheit.
  21. Nous avons indiqué dans notre première partie l’origine des noms d’Antanossi, d’Antandrouis, etc. ; c’est un même mode de formation pour le mot Ankova avec le changement du t en k, — c’est-à-dire, là, les Ovas, ou plutôt chez les Ovas.
  22. Voyez diverses notices dans les Annales des Voyages et Essai sur Madagascar ; Statistique de l’île Maurice, par le baron d’Unfenville, t. III, p. 223 (1838).
  23. Jehenne, Renseignemens nautiques sur Nossi-Bé, Nossi-Mitsio, Baratou-Bé, Paris 1843.
  24. Annales maritimes et coloniales, t LXXXVII, p. 498 ; t. LXXXVIII, p. 800,1844.
  25. Documens sur l’histoire, la géographie et le commerce de la partie occidentale de Madagascar, — Annales maritimes et coloniales, 1843-1845.
  26. Bulletin de la Société de géographie, 2e série, t. XIX et XX, 1843 ; 3e série, t. Ier, 1844.
  27. Voyez la Revue du 1er juillet, p. 69.
  28. Ellis, Three Visits to Madagascar during the years 1853-1854-1856, London 1858.
  29. Voyez Ida Pfeiffer, Voyage à Madagascar, et la notice de M. Fr. Riaux, placée en tête du volume.
  30. Trois mois de séjour à Madagascar, Paris 1863.
  31. Voyage à Madagascar au couronnement de Radama II, Paris 1865.
  32. Madagascar et le roi Radama II, par le révérend père Henri de Régnon. Paris 1863.
  33. Madagascar revisited, by rev. William Ellis. London 1867. Le même auteur a encore publié : Madagascar : its social and religious progress, London 1863, et the martyr church : a record of the introduction, persecutions and triumph of christianity in Madagascar. 1866 — Nous avons également sous les yeux d’autres ouvrages anglais relatas 1 la Grande-Terre : Vincent W. Ryan, Mauritius and Madagascar, 1864 ; — Lyons Mac Leod, Madagascar and its people, 1864, etc.
  34. Voyez Laborde. Révolution de Madagascar. — Revue maritime et coloniale, t. VIII, p. 774 ; 1863.