L’Adolescence Clémentine

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L’Adolescence Clémentine
1538


L’Autheur à son Livre

    Oster je veulx (approche toy mon Livre)
Ung tas d’escriptz, qui par d’aultres sont faictz.
Or va, c’est faict : cours legier, et delivre :
Deschargé t’ay d’ung lourd, et pesant faiz.
    S’ilz font Escriptz (d’avanture) imparfaictz,
Te veulx tu faire en leurs faultes reprendre ?
S’ilz le font bien, ou mieulx, que je ne fais,
Pourquoy veulx tu sur leur gloire entreprendre ?
    Sans eulx (mon Livre) en mes Vers pourras prendre
Vie apres moy, pour jamais, ou long temps.
Mes Oeuvres donc content me doivent rendre :
Peuples, et Roys s’en tiennent bien contentz.

A sa Dame

Tu as (pour te rendre amusée)
Ma Jeunesse en Papier icy.
Quant à ma jeunesse abusée,
Une aultre, que toy l’a usée :
Contente toy de ceste cy.

La mort n’y mord.


Nicolaus Beraldus in Clementis Marotis adolescentiam.

Hi sunt Clementis juveniles, aspice, lusus :
Sed tamen his ipsis est juvenile nihil.


CLEMENT MAROT
A ung grand nombre de freres, qu’il a : tous enfans d’Apollo, salut.

Je ne sçay (mes treschiers Freres) qui m’a plus incité à mettre ces miennes petites jeunesses en lumiere, ou voz continuelles prieres : ou le desplaisir, que j’ay eu d’en ouir crier, et publier par les Rues une grande partie toute incorrecte, mal imprimée, et plus au proffit du Libraire, qu’à l’honneur de l’Autheur. Certainement toutes les deux occasions y ont servi : mais plus celle de voz prieres. Puis doncques, que vous estes cause de l’evidence de l’Oeuvre, je suis d’advis, s’il en vient blasme, que la moytié en tumbe sur vous : et s’il en sort (d’adventure) honneur, ou louange, que vous, ne moy n’y aions rien, mais celluy, à qui seul est deu honneur, et gloire. Ne vous chaille (mes freres) si la courtoisie des Lecteurs ne nous excuse, le Tiltre du Livre nous excusera. Ce sont Oeuvres de jeunesse, ce sont coups d’essay : ce n’est (en effect) aultre chose, qu’un petit Jardin, que je vous ay cultivé de ce, que j’ay peu recouvrer d’Arbres, d’herbes et fleurs de mon Printemps : là où (toutesfoys) ne verrez ung seul brin de Soucie. Lisez hardiment, vous y trouverez quelcque delectation : et en certains endroictz quelcque peu de fruict. Peu dis je, pource qu’Arbres nouveaulx entez ne produisent pas fruictz de trop grande saveur. Et pource qu’il n’y a Jardin, où ne se puisse rencontrer quelcque herbe nuisante, je vous supplie (mes freres, et vous nobles Lecteurs) si aulcun maulvais Exemple (d’adventure) en lisant se presentoit devant voz yeux, que vous luy fermiez la porte de voz voulentez : et que le pis, que vous tirerez de ce Livre, soit passetemps. Esperant, de brief vous faire offre de mieulx : et pour Arres de ce mieulx, desjà je vous metz en veue, apres l’Adolescence, Ouvrages de meilleure trempe, et de plus polie estoffe : mais l’Adolescence ira devant. Et là commencerons par la premiere Eglogue des Bucoliques Virgilianes, translatée (certes) en grande jeunesse : comme pourrez en plusieurs sortes congnoistre : mesmement par les Couppes feminines : lesquelles je n’observois encor alors : dont Jan le Maire de Belges (en les m’apprenant) me reprint. Et A Dieu freres tresaymez : lequel ardamment je supplie vous donner, et continuer sa grâce.

De Paris. ce douziesme d’Aoust. 1530.


L’ADOLESCENCE CLEMENTINE, C’est assavoir les Oeuvres, que Clement Marot composa en l’Aage de son Adolescence