L’Amitié (Nemo)/XIII

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Nemo
Petrot-Garnier (p. 33-35).


CHAPITRE XIII

Importance de cultiver l’Amitié.


Si l’amitié est tant précieuse ; si, pour les deux mondes, tant forte protection, qu’il importe de la cultiver !

Aussi, quel est le conseil du sage ?

« Dans la prospérité, acquérez des amis et faites-en l’épreuve dans l’adversité. »

Encore :

« N’abandonnez ni votre ami, ni l’ami de votre père, aussi votre ami et le plus sûr ;

» Vieux amis, vieux écus, les meilleurs ;

» L’affection est le pain quotidien ; »

ne sont point adages usés et démentis.

En effet, ôtez de la vie la bienveillance et l’amitié, que reste-t-il ? Un vague indéfinissable, une monotonie froide, accablante, mortelle.

Voyageur du temps, ô homme, entends et comprends : Quel que soit ton rang, quelque puissant et fortuné que tu sois, tu n’es que locataire. Le pompeux propriétaire n’est, autant qu’effronté barbarisme, que fastueuse fausseté.

Après toi, dans quelles mains tombera ta fortune ? De qui sera-t-elle la proie ? Il ne t’appartient de le savoir ; mais ton ami, mais le cœur de ton ami, dont les battements sont pour toi, de qui sera-t-il la possession ?

De personne ; il est fixe, inaliénable, intransmissible. Quelle autre invincible raison aux sages de dire :

Ne laissez pas croître l’herbe sur le chemin de l’amitié ; l’entretenez par tous les bons offices : la confiance, la complaisance, l’estime, ses éléments de vie.

Encore : obligez vos amis pour vous les attacher davantage ; usez de cette libéralité qui soit utile à vos amis et ne nuise à personne.

Il est très certain, le prix de l’amitié étant dans l’amitié, les vrais amis aiment sans pensée d’intérêt.

Néanmoins, rien n’est doux comme une bienveillante réciprocité. Ou donner alors ou recevoir est si délicat plaisir.

La raison de raison, qui ne la voit ?

Bien que les bons offices et les dons d’un ami ne soient point chers comme l’amitié, ils le sont beaucoup ; car, ils la prouvent ; car, tout part du cœur.

Pourquoi le dire ? Noble rivalité, plutôt noble entente entre des cœurs faits l’un pour l’autre, faute d’y verser l’huile, laisse-t-on s’éteindre la lampe ?

Cette parole, jetée dans une société comme l’actuelle société, peut-être en heurtera plusieurs. Qu’ils me pardonnent, plutôt qu’ils me comprennent : non, mille fois non, point à la hauteur d’un si noble commerce tout quiconque se peut imaginer qu’on l’aimera pour sa fortune.

C’est l’insensé qui n’aura pas d’amis et dont le bien qu’il fait ne sera pas agréé.