L’Antiquaire (Scott, trad. Ménard)/Chapitre II

La bibliothèque libre.
Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 7p. 17-25).


CHAPITRE II.

L’AUBERGE.



Monsieur, on me fait injure ici ! Tous les jours un misérable collet de mouton desséché au point d’être râpé en poussière, et, pour le faire couler, un mélange de bière et de lait de beurre. Cela ne se passe pas ainsi dans mon patrimoine. Du vin ! voilà le mot qui réjouit le cœur de l’homme, et chez moi l’on boit du vin. Du vin d’Espagne, me dit mon bouchon ; amusons-nous, et buvons du Xérès : je m’en tiens là.
Ben-Johnson. La nouvelle Auberge.


En descendant le mauvais marche-pied de la diligence devant l’auberge, le vieux voyageur fut salué par son hôte, gros homme goutteux et poussif, avec ce mélange de familiarité et de respect que les aubergistes écossais de la vieille école avaient coutume de se permettre avec leurs pratiques les plus estimées.

« Bon Dieu, Monkbarns ! lui dit-il en l’appelant de son nom de terre, le plus agréable qui puisse frapper les oreilles d’un propriétaire écossais ; est-ce bien vous ? Je ne me doutais guère de voir ici Votre Honneur avant la fin de la session d’été.

— Vieux radoteur, répondit son hôte, dont l’accent écossais, autrement assez peu remarquable, le devenait beaucoup lorsqu’il était en colère ; vieil idiot impotent, qu’ai-je affaire avec la session, avec les oies qui s’y attroupent ou les faucons qui s’apprêtent à tomber dessus ?

— Ma foi, cela est vrai ! » dit mon hôte, qui dans le fait n’avait parlé que d’après un souvenir assez confus de la première éducation de l’étranger, mais qui aurait été fâché qu’on ne le crût pas exactement informé du rang et de la profession de notre voyageur, ou de tout autre qui s’arrêtait quelquefois chez lui. « C’est bien vrai, mais je vous croyais quelque procès à surveiller pour votre compte. J’en ai un moi-même ; c’est une cause pendante que mon père m’a laissée, et qui lui avait été léguée aussi par son père. C’est au sujet de notre arrière-cour… Il se peut que vous en ayez entendu parler au parlement[1], Hutchinson contre Mackitchinson ; ah ! c’est une cause bien connue, elle a comparu quatre fois devant les juges, et du diable si le plus sage d’entre eux y a connu quelque chose, sinon de la renvoyer encore à la chambre supérieure[2]. Oh ! c’est une belle chose que la lenteur et la réflexion qu’on met à rendre la justice dans ce pays !

— Taisez-vous, vieux fou, dit le voyageur, mais d’un ton de bonne humeur, et dites-nous ce que vous pourrez donner à dîner à ce jeune monsieur et à moi.

— D’abord, il y a du poisson, c’est-à-dire de la truite de mer, et de la morue, dit Mackitchinson en tortillant sa serviette ; puis, vous aurez des côtelettes de mouton, et il y a des tourtes aux fruits très bien conservées, et il y a enfin tout ce que vous voudrez.

— Ce qui veut dire qu’il n’y a rien du tout de plus. Eh bien, soit ! le poisson, les côtelettes et une tourte nous suffiront ; mais n’allez pas imiter les prudens retards que vous venez de louer dans les cours de justice ; qu’il n’y ait pas de délai de la chambre inférieure à la chambre supérieure : vous m’entendez ?

— Non, non, » dit Mackitchinson, qui, à force de lire avec toute son attention des volumes entiers du Journal des Assises, avait recueilli quelques termes de loi ; « le dîner sera servi quamprimum et peremptorie. » Et avec le sourire satisfait d’un aubergiste de bon augure, il les laissa dans un parloir sablé, orné des gravures des quatre Saisons.

Comme, en dépit de ses promesses, les glorieux délais de la loi ne furent pas sans imitation dans la cuisine de l’auberge, notre jeune voyageur en profita pour sortir, et faire quelques questions aux gens de la maison sur le rang et l’état de son compagnon de route. Les renseignemens qu’il obtint, quoique moins authentiques et d’une nature plus générale que ceux que nous allons donner nous-mêmes, lui apprirent le nom, l’histoire et la position du gentilhomme que nous allons essayer le plus brièvement possible de mieux faire connaître au lecteur.

Jonathan Oldenbuck ou Aldinbuck, dont une contraction populaire avait fait Oldbuck, était le second fils d’un gentilhomme, possesseur d’un petit bien dans le voisinage d’un port de mer florissant sur la côte nord-est d’Écosse, et que pour diverses raisons nous appellerons Fairport[3]. Ils s’étaient établis, depuis plusieurs générations, comme propriétaires dans la province et dans la plupart des comtés de l’Angleterre ; cette famille aurait joui de quelque importance, mais le comté de… était rempli de gentilshommes d’une origine plus ancienne et d’une fortune plus considérable. En outre, tous les gentilshommes du pays de la dernière génération avaient été, presque sans exception, jacobites, tandis que les propriétaires de Monkbarns, comme les bourgeois de la ville près de laquelle ils vivaient, étaient de fermes soutiens de la ligue protestante. La famille dont nous parlons avait cependant une origine dont elle s’enorgueillissait autant que ceux qui la méprisaient avaient d’estime chacun de leur côté pour leur généalogie saxonne, normande ou celtique. Le premier Oldenbuck qui s’était établi dans cette terre descendait, disait-on, d’un de ceux qui introduisirent l’imprimerie en Allemagne, et il avait quitté sa patrie pour se soustraire aux persécutions dirigées contre ceux qui professaient la religion réformée. Il avait trouvé un asile dans la ville près de laquelle demeuraient ses descendans, avec d’autant plus de facilité qu’il était victime de la cause protestante ; ce qui ne lui fut pas non plus nuisible, fut qu’il avait apporté assez d’argent pour acheter le petit domaine de Monkbarns, alors mis en vente par un laird prodigue, au père duquel ce bien avait été donné avec d’autres terres de l’Église lors de la destruction d’un riche et puissant monastère auquel il avait appartenu. Les Oldenbuck étaient donc de fidèles sujets dans tous les cas d’insurrection, et comme ils étaient en bonne harmonie avec le bourg voisin, le laird de Monkbarns qui vivait en 1745 fut nommé prévôt de la ville pendant cette malheureuse année, et se distingua par son zèle en faveur du roi George, pour le service duquel il fit même des dépenses dont, suivant la libéralité ordinaire de tout gouvernement envers ses amis, il ne fut jamais dédommagé. À force de sollicitations, cependant, et de crédit dans le bourg, il parvint à obtenir une place aux douanes, et comme c’était un homme soigneux et de peu de dépense, il fut bientôt en état d’augmenter considérablement sa fortune paternelle. Il n’avait que deux fils, dont, comme nous l’avons déjà fait entendre, le laird actuel était le plus jeune, et deux filles, dont l’une florissait encore dans les douceurs du célibat, tandis que l’autre, qui était beaucoup plus jeune, avait contracté un mariage d’inclination avec un capitaine du 42e, qui n’avait pour tout bien que sa compagnie et une généalogie écossaise. La pauvreté troubla une union que l’amour aurait pu rendre heureuse, et le capitaine Mac-Intyre, dans l’intérêt de ses deux enfans, un garçon et une fille, s’était vu obligé d’aller chercher fortune aux Indes orientales. Ayant été commandé dans une expédition contre Hyder Aly, le détachement auquel il appartenait fut taillé en pièces, et sa femme infortunée ne sut jamais s’il avait péri sur le champ de bataille, s’il avait été égorgé en prison, ou s’il avait survécu dans une captivité que le caractère du tyran indien rendait sans espérance. Elle succomba sous le double poids de l’incertitude et de la douleur, laissant un fils et une fille à la charge de son frère le laird actuel de Monkbarns.

L’histoire de ce propriétaire lui-même ne sera pas longue. N’étant, comme nous l’avons dit, qu’un second fils, son père l’avait destiné à prendre part à des entreprises commerciales d’un avantage solide, auxquelles s’adonnaient quelques uns de ses parens maternels ; mais l’esprit de Jonathan n’ayant jamais pu se concilier avec ce projet, il fut mis en apprentissage chez un procureur, où il profita au point d’être bientôt au courant de toutes les formes d’investitures féodales, et se plaisait tellement à expliquer leurs bizarreries et à remonter à leur origine, que son patron avait conçu la plus vive espérance de le voir un jour un habile notaire. Mais il s’arrêta sur le seuil de la porte doctorale, et quoiqu’il eût acquis quelque connaissance de l’origine et du système des lois de son pays, on ne put jamais lui persuader d’en faire un usage pratique et lucratif. Ce n’était pourtant pas par insouciance des avantages attachés à la possession de l’argent, qu’il trompait ainsi les espérances de son maître : « S’il était étourdi, inconsidéré, ou rei suæ prodigus, disait son patron, je le comprendrais ; mais jamais il ne donne un schelling sans examiner soigneusement la monnaie qu’on lui rapporte. Pour lui une pièce de six-pences va plus loin qu’une demi-couronne avec tout autre[4] ; il restera ici des jours entiers à méditer sur une vieille copie en lettres gothiques des actes du parlement plutôt que d’aller à la paume ou à la bourse[5], et cependant il ne consacrerait pas une journée à une petite affaire de routine qui lui mettrait une vingtaine de schellings dans la poche : mélange bien singulier de nonchalance et d’industrie, d’économie et d’insouciance pour ses intérêts ; en vérité, je n’y comprends rien. »

Mais avec le temps son élève obtint les moyens de disposer de lui selon ses goûts ; car son père étant mort, fut suivi d’assez près par son fils aîné, amateur déterminé de la chasse et de la pêche, et qui mourut à la suite d’un rhume qu’il avait attrapé lorsqu’il se livrait à son penchant favori en tirant sur des canards dans un fond marécageux appelé Kittlefitthigmoss[6], quoiqu’il eût avalé une bouteille d’eau-de-vie cette même nuit pour se tenir l’estomac chaud. Jonathan hérita donc du domaine, et avec lui des moyens de subsister sans recourir à l’odieux métier de la loi. Ses désirs étaient fort modérés, et comme le revenu de son petit bien s’était augmenté en proportion de l’amélioration des terres, il surpassa bientôt de beaucoup ses besoins et sa dépense ; et quoique trop indolent pour pouvoir gagner de l’argent, il n’était nullement insensible au plaisir de le voir s’accumuler. Les bourgeois de la ville voisine le regardaient avec une espèce d’envie, comme quelqu’un qui affectait de se tenir en dehors du rang qu’ils avaient dans la société, et dont les études et les plaisirs leur semblaient également incompréhensibles. Cependant une sorte de respect héréditaire, qu’augmentait encore la connaissance de ses moyens pécuniaires, lui conservait une certaine importance parmi cette classe de ses voisins. Les gentilshommes du pays, qui lui étaient en général supérieurs en fortune, mais inférieurs en facultés intellectuelles, avaient peu de rapports avec M. Oldbuck de Monkbarns, à l’exception d’un seul avec lequel il vivait sur le pied d’une certaine intimité. Il avait toutefois la ressource ordinaire de la compagnie du ministre, ou du docteur, lorsqu’il le désirait, et se faisait en outre des occupations et des plaisirs qui lui étaient propres, étant en correspondance avec la plupart des savans de son temps, qui, comme lui, aimaient à mesurer des retranchemens en ruine, à faire le plan d’un château démoli, à déchiffrer d’illisibles inscriptions, et à écrire des essais sur des médailles, à raison de douze pages par chaque lettre de l’exergue. Il avait contracté une certaine irritabilité de caractère provenant en partie, disait-on, d’un désappointement amoureux qu’il avait éprouvé dans sa jeunesse, et qui, selon lui, l’avait rendu misogame[7], mais plus particulièrement parce qu’il était gâté par les attentions et les soins auxquels l’avaient habitué la vieille fille sa sœur, et sa nièce orpheline, qu’il avait accoutumées à le regarder comme le plus grand homme de la terre, et qu’il vantait comme les seules femmes de sa connaissance qui fussent bien dressées et soumises au frein de l’obéissance ; ce qui n’empêchait pas que miss Grizzy Oldbuck ne se permît quelquefois de regimber lorsqu’il lui arrivait de tenir les rênes trop serrées. Cette histoire achèvera de faire connaître son caractère, et nous terminons avec plaisir la tâche fastidieuse des explications.

Pendant le dîner, M. Oldbuck, poussé par la même curiosité qu’avait éprouvée à son égard son compagnon de route, fit quelques avances que son âge et sa position lui permettaient de rendre plus directes, pour connaître le nom, le rang, et la destination du jeune étranger.

Le jeune homme répondit que son nom était Lovel.

« Quoi ! le chat, le rat, et notre chien Lovel ! Descendait-il du favori du roi Richard[8] ?

— Il n’avait aucun droit, dit-il, à se donner pour un chien de cette race. Son père était du nord de l’Angleterre. Quant à lui, il se rendait actuellement à Fairport, la ville voisine de Monkbarns ; et si cet endroit lui plaisait, il y passerait peut-être quelques semaines.

— L’excursion de M. Lovel n’avait-elle d’autre but que le plaisir ?

— Pas entièrement.

— Il avait peut-être affaire à quelques uns des négocians de Fairport ?

— C’était bien en partie pour des affaires, mais qui n’avaient aucun rapport au commerce. »

Ici finit l’interrogatoire avec les réponses, car M. Oldbuck ayant poussé ses questions aussi loin que le permettait la politesse, fut obligé de changer de conversation. L’Antiquaire, quoique n’ayant nulle aversion pour la bonne chère, était néanmoins ennemi déclaré de toute dépense inutile en voyage ; c’est pourquoi, lorsque son compagnon eut dit un mot au sujet d’une bouteille de vin de Porto, il fit une description épouvantable du mélange qu’on vendait ordinairement sous ce nom, ajoutant qu’un peu de punch était bien plus naturel et plus salutaire dans la saison où l’on était ; il se proposait de sonner pour demander ce qu’il fallait, mais Mackitchinson avait arrêté en lui-même ce qu’ils boiraient, et il parut portant à la main une immense bouteille de deux litres, appelée en Écosse magnum, toute couverte de sable et de toiles d’araignées, gages de son antiquité.

« Du punch ! dit-il attrapant ce mot libéral en entrant dans le parloir. Du diable si vous buvez une goutte de punch aujourd’hui ici, Monkbarns, vous pouvez y compter.

— Que voulez-vous dire, impudent coquin ?

— Pas grand’chose par là ; mais vous rappelez-vous le tour que vous m’avez joué la dernière fois que vous êtes venu ici ?

— Moi, je vous ai joué un tour ?

— Oui, vous-même, Monkbarns. Le laird de Tamlowrie, sir Gilbert Grizzlecleuch, le vieux Rossballoh et le bailli venaient d’entrer pour passer ici leur soirée, et vous, avec quelques unes de vos histoires de l’ancien monde auxquelles les gens ne résistent pas, vous me les avez emmenés là-bas pour aller voir le vieux camp romain. Ah ! monsieur, ajouta-t-il en se tournant vers Lovel, il attirerait l’oiseau du sommet de l’arbre avec les histoires qu’il raconte des gens d’autrefois ! Et n’ai-je pas perdu la consommation de six pintes de bon vin clairet[9] ? car du diable si l’un d’eux eût bougé d’ici avant qu’elles eussent été bues.

— Entendez-vous ce drôle ? » dit Monkbarns riant en même temps ; car le digne aubergiste, comme il s’en vantait, connaissait la mesure du pied de son hôte, aussi bien qu’aucun cordonnier de ce côté du Solway ; « en bien, ajouta-t-il, vous pouvez nous envoyer une bouteille de Porto.

— Du Porto ! non non, il faut laisser le Porto et le punch à des gens comme nous ; c’est le clairet qui est digne de vous, messieurs ; et j’oserais dire qu’aucun de ces anciens dont vous parlez tant n’a jamais bu ni de l’un ni de l’autre.

— Voyez-vous comme le drôle est absolu ? Eh bien ! mon jeune ami, pour une fois il faudra préférer le Falerne au vile Sabinum. »

L’officieux aubergiste déboucha immédiatement le vin de Bordeaux, et le transvasa dans un flacon d’une capacité convenable, assurant que son parfum embaumait la chambre ; et il laissa ses hôtes en former leur opinion.

Le vin de Mackitchinson était réellement bon et produisit son effet sur la tête du plus âgé des deux convives, qui raconta quelques contes plaisans, décocha plusieurs traits malins, et entra à la fin dans une discussion savante sur les anciens auteurs dramatiques ; il trouva sa nouvelle connaissance si ferme sur ce terrain, qu’il finit par le soupçonner de les avoir étudiés par profession. « Il voyage, se dit-il en lui-même, partie pour son plaisir, partie pour ses affaires : le théâtre concilie tout cela, puisque c’est un métier pénible pour les acteurs, et qu’il offre, ou du moins est censé offrir aux spectateurs une distraction agréable. Il paraît, il est vrai, sous le rapport de l’éducation et des manières, au dessus de la classe des jeunes gens qui prennent ce parti ; mais je me rappelle avoir entendu dire que le petit théâtre de Fairport devait faire son ouverture par les débuts d’un jeune homme qui n’avait encore paru sur aucun théâtre. Si c’était ce Lovel ?… Oui, justement, Lovel et Belville, ce sont ordinairement des noms de ce genre que prennent nos jeunes étourdis dans ces circonstances. Par ma foi, j’en suis fâché pour le pauvre garçon ! »

M. Oldbuck était ordinairement économe, mais sans aucune bassesse[10]. Sa première pensée fut d’épargner à son jeune compagnon sa part des dépenses du repas, qui, dans sa position, pouvait, à ce qu’il présumait, le gêner plus ou moins. Il saisit donc le moment de payer en particulier M. Mackitchinson. Le jeune voyageur se plaignit de cette libéralité, à laquelle il ne se soumit que par déférence pour l’âge et le caractère respectable du vieux gentilhomme.

Le plaisir mutuel que leur avait procuré la société l’un de l’autre engagea M. Oldbuck à proposer, et Lovel à accepter avec empressement un moyen de terminer ensemble leur voyage. M. Oldbuck exprima le désir de payer les deux tiers de la location d’une chaise de poste, en disant qu’il y occuperait bien une place proportionnée ; mais Lovel se refusa décidément à cela. Leur dépense fut donc également partagée, à l’exception d’un schelling que Lovel glissait de temps en temps dans la main d’un postillon grondeur ; car Oldbuck, attaché aux anciennes coutumes, n’étendait jamais sa libéralité au delà de trois six-pences par poste. Ils voyagèrent ainsi jusqu’à Fairport, où ils arrivèrent le lendemain vers les deux heures.

Lovel s’était peut-être attendu à se voir invité à dîner, dès leur arrivée, par son compagnon de voyage ; mais celui-ci, qui se doutait que rien n’était préparé chez lui pour recevoir un hôte inattendu, et qui avait peut-être encore d’autres motifs, ne jugea pas à propos, pour le moment, de lui faire cette politesse. Il le pria seulement de venir le voir aussi souvent qu’il le pourrait dans la matinée, et le recommanda à une veuve qui avait des chambres à louer, ainsi qu’à une personne qui tenait une assez bonne table ; mais il les avertit toutes deux séparément que, ne connaissant M. Lovel que comme un agréable compagnon de voyage, il ne prétendait pas se rendre responsable des mémoires qu’il pourrait faire pendant son séjour à Fairport. Cependant la tournure et les manières du jeune homme, sans parler d’une malle bien garnie qui arriva bientôt par mer à son adresse, eurent probablement autant de poids en sa faveur que la recommandation limitée de son vieux compagnon de route.


  1. Il s’agit ici du parlement d’Écosse ; et l’édifice appelé Parliament-House (maison du parlement) réunit à Édimbourg les principales cours de justice écossaises. a. m.
  2. Outer-House (maison extérieure), dit le texte ; c’est la cour intérieure où l’on instruit le procès en première instance. Il y a ensuite l’Inner-House (maison ou cour intérieure), où l’on juge en dernier ressort. La cour des sessions se réunit quatre fois l’an, et Walter Scott en était le greffier. a. m.
  3. L’éditeur de la première traduction de l’Antiquaire dit que Fairport est Arbroath ou Aberbrothwick, dans le comté d’Angus, à quarante milles d’Édimbourg. a. m.
  4. Un schelling faut 1 franc 20 centimes ; un six-pences, 60 centimes ; half-crown, une demi-couronne, 2 francs 50 centimes. a. m.
  5. Golf, dit le texte, pour signifier le jeu de paume ou du mail. a. m.
  6. Mot composé de kittle, difficile, fitting, terrain, et moss, marais ; ce qui reviendrait à cette phrase : « marais où il est difficile et dangereux de marcher. » a. m.
  7. Mot formé du mot grec μὶσος, haine, et γάμος, mariage ; ce qui revient à « ennemi des femmes ou du mariage. » a. m.
  8. Nous emprunterons à la première traduction de l’Antiquaire une note renfermant l’explication de ce passage :
    « Sous le règne de Richard III, un nommé Collinbourne fit les deux vers suivans :

    « A rat, a cat and Lovel our dog
    Rule all England under a hog. »

    Ce qui veut dire : « Le rat était Ratcliffe : le chat, Catesby ; et lord Lovel était nommé en toutes lettres, parce que c’était alors fréquemment un nom de chien. Quant au porc, c’était Richard lui-même. Ce distique contre le roi et ses favoris fit punir l’auteur de la peine de mort. a. m.
  9. Vin de Bordeaux. a. m.
  10. Il ne faudrait pas prendre ici à la lettre la définition que donnerait la décomposition du mot Oldbuck, où l’on trouve old, vieux, et buck, daim, car buck veut dire aussi petit-maître. Ainsi Oldbuck aurait pour équivalent en français ci-devant jeune homme ou vieux petit-maître. a. m.