L’Art de faire les Rapports en Chirurgie/08
CHAPITRE VIII.
Des Signes Diagnoſtics de la léſion des Parties contenues dans les trois premieres Cavités du Corps, & du Prognoſtic de ces Playes.
Es Signes des Playes qui attaquent les
Parties contenues dans les principales
Cavités du Corps, ſe tirent de cinq choſes ; ſçavoir, 1o de la léſion des actions ; 2o de la
ſituation de la playe ; 3o de la nature de la
douleur ; 4o des excrétions ; 5o des propres
accidens.
Il n’eſt pourtant pas toûjours abſolument néceſſaire d’avoir des ſignes tirés de ces cinq choſes pour aſſurer qu’un viſcere eſt bleſſé. Mais parce qu’aucune des parties contenues dans les trois principales Cavités, ne peut être bleſſée, que ſa bleſſure ne ſoit connue par des ſignes tirés de quelqu’une de ces cinq choſes, ou de pluſieurs en même tems, il eſt de la prudence d’un Chirurgien expert & éclairé, de faire ſelon les différentes playes ſur leſquelles il peut être engagé à donner ſes Raports, une attention ſinguliere à ceux de ces ſignes qui ſont capables de lui en donner des notions plus ſûres & plus certaines.
Par exemple, une playe faite à l’eſtomac par un coup d’épée, ſera bien plûtôt comme par ſa ſituation & par ſes propres accidens, que par la léſion de ſon action & par les excrétions : car ſi la playe eſt ſupérieure & que l’eſtomac ſoit vuide, il ne ſortira point de chyle : ou ſi la playe eſt inférieure, le chyle pourra s’épancher dans la capacité du ventre, & n’être point apperçu au dehors : & la chylification, qui eſt l’action de l’eſtomac, ne donnera d’abord aucune marque de ſa léſion.
Article premier.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes ſimples & des Contuſions qui arrivent aux Parties extérieures de la Tête.
Ippocrate, au commencement de ſon
Livre des Playes de Tête, nous en a
donné d’abord une ſi fâcheuſe idée, que l’on
n’eſt pas trop ſûr d’avancer qu’il puiſſe arriver
des playes ſimples à cette partie, s’il eſt
vrai, comme cet Auteur l’aſſure, que les
moindres playes de la tête ne ſont point à
mépriſer. Cependant comme la raiſon & l’expérience
nous perſuadent qu’il y a du plus
ou du moins dans les choſes mêmes les plus
fâcheuſes, nous croyons devoir dire ici que
les playes de la tête qui n’intéreſſent que les
tégumens communs, ne ſont pas par elles-mêmes
d’une conſéquence fort dangereuſe,
à moins qu’elles ne ſoient accompagnées de
ces ſymptômes fâcheux qui nous font juger
que la diſpoſition extérieure n’eſt qu’un foible
indice d’un plus grand mal qui s’eſt communiqué
aux parties intérieures.
On a lieu de conjecturer que la diſpoſition extérieure peu conſidérable en apparence, ne nous cache rien de plus fâcheux, quand la playe ne pénetre que le cuir chevelu, qu’elle a été occaſionnée par un inſtrument tranchant, & que le bleſſé a d’ailleurs toutes les marques d’une ſanté parfaite.
On eſt au contraire obligé de ſuſpendre ſon jugement, quand la playe, quelque ſuperficielle qu’elle ſoit, a été cauſée par un inſtrument rond & contondant, & qu’il eſt ſurvenu à l’heure même un éblouiſſement au bleſſé, perte de connoiſſance, nauſée, fiévre, & qu’il continue à ſe ſentir, les jours ſuivans, la tête peſante, embarraſſée, peu d’appétit, & dans un abattement conſidérable.
Les contuſions extérieures de la tête ne ſont pas difficiles à connoître par la vûe, par l’attouchement, & par le récit du bleſſé ou des aſſiſtans. La tumeur molle, un peu plus ou moins douloureuſe, & la meurtriſſûre qui paroît aux environs, ſont les ſignes ordinaires de ces ſortes de contuſions, quand tout le mal eſt à l’extérieur : mais quand une contuſion qui paroît légere à l’extérieur, a cauſé une commotion au cerveau même, elle peut être ſuivie d’éblouiſſement, de vertige, d’hémorrhagie par le nez, par la bouche, ou par les oreilles, de céphalalgie, de ſurdité, d’une grande foibleſſe, de la perte de la mémoire, d’épilepſie, de ſpaſme, d’apoplexie, de léthargie, de manie, & des plus fâcheux accidens.
La contuſion légere & ſuperficielle, ſous laquelle il n’y a pas beaucoup de ſang épanché, ni de dilacération conſidérable, eſt ſans danger, & peut ſe réſoudre avec facilité ; mais celle qui a occaſionné un grand épanchement ſous les tégumens, en conſéquence d’une dilacération très-violente, & qui ne diminue point par l’uſage des onctions réſolutives, eſt ſuſpecte d’abſcès ou de putréfaction.
De plus une contuſion, quoique très-légere en apparence, eſt toûjours dangereuſe quand elle eſt ſituée ſur les muſcles temporaux, parce que la léſion de ces organes peut aiſément ſe communiquer au cerveau par le moyen des nerfs qu’ils en reçoivent de fort près ; ce qui fait que les contuſions de ces muſcles, qui ſont aſſez ſouvent traitées de bagatelles, ſont bien-tôt ſuivies d’une forte fiévre, du délire, de la paralyſie, de la convulſion, & de la mort des bleſſés : l’on en a trop d’exemples pour en douter.
Enfin, quoique les contuſions de la tête, même les plus légeres, ne ſoient pas ſans péril, il faut pourtant convenir que les grandes contuſions accompagnées d’une violente dilacération des tégumens, ſont très dangereuſes ; parce qu’il eſt bien difficile qu’il ſe faſſe un ſi grand délabrement à l’extérieur, ſans que le cerveau & les meninges ayent ſouffert une ſecouſſe très-violente ; ce qui paroît ordinairement par la chûte du corps, la perte de la vûe, de la voix, du mouvement & du ſentiment, & par l’hémorrhagie du nez, de la bouche, & des oreilles, qui ſont de très-mauvais ſignes.
Raport d’une Playe à la Tête, pénétrante juſqu’au péricrâne.
Aporté par moi Maître Chirurgien Juré
à Paris, ſouſſigné, que ce jourd’hui au
matin, 23 Décembre 1700, j’ai été mandé
au coin de la rue du Mûrier, quartier de la
Montagne Sainte Geneviéve ; & qu’ayant
monté à une premiere chambre, j’ai vû &
viſité le nommé François de la Roche, Tailleur-de-pierre,
âgé de vingt-cinq ans, que
j’ai trouvé bleſſé d’une playe à la tête de
la grandeur d’un écu de trois livres, ſitué ſur
la partie poſtérieure & moyenne de l’os pariétal
droit, près de la ſuture lambdoïde,
pénétrante juſqu’au péricrâne, que j’ai trouvé
découvert de la grandeur d’un demi écu, ou
environ ; laquelle playe a été faite en partie
par un coup de pelle à feu ; & en partie par
les inciſions qu’il a fallu faire pour découvrir
le fond de ladite bleſſure : & quoique le ſuſdit
bleſſé ait déjà été ſaigné trois fois, il le doit
être encore une fois, il faut qu’il obſerve un
régime régulier, & qu’il ſoit aſſiſté de toutes
choſes néceſſaires pendant trois ſemaines ;
après quoi il pourra commencer à travailler
de ſa profeſſion, pourvû qu’il ne lui ſurvienne
aucun des accidens qui ne ſe manifeſtent pas
quelquefois d’abord dans le traitement des
playes de tête. Fait les jour & an que deſſus.
Raport de pluſieurs Playes de longue & difficile curation.
Aporté par nous ſouſſignés Médecin &
Chirurgiens ordinaires de la Cour, que
ce jourd’hui, en vertu de l’Ordonnance de
ladite Cour, nous nous ſommes tranſportés
au Faubourg S. Germain, rue du Four, dans
une maiſon où pend pour enſeigne le Chapeau
de triomphe, chez un Boulanger ; auquel
lieu nous avons vû & viſité le nommé
Pierre Cardin, lequel nous avons trouvé au
lit bleſſé en diverſes parties de ſon corps,
ſçavoir, en la partie moyenne & interne de
la cuiſſe gauche, d’une playe de la grandeur
d’une piece de cinq ſols, laquelle nous a paru
en voie de guériſon ; d’une autre playe ſur le
milieu de la rotule, de la grandeur d’une
piece de quinze ſols, accompagnée de dénudation
& d’altération à l’os de la rotule, de
la grandeur d’un ſol. De plus nous lui avons
trouvé deux playes en la partie moyenne &
externe de la jambe du même côté, de la
grandeur d’un travers de doigt chacune ou
environ, leſquelles nous ont paru en aſſez
bon état. Nous avons remarqué audit
Cardin une autre playe en la partie moyenne
& interne de la même jambe, laquelle il nous
a dit avoir été faite pour donner iſſue au pus
d’un abſcès qui s’étoit formé en cette partie ;
& en effet, après avoir porté la ſonde dans la profondeur de cette playe, en préſence de ſon
Chirurgien ordinaire, nous avons trouvé un
profond ſinus, d’où il nous a paru ſortir une
matiere ichoreuſe, qui marque l’altération de
ces parties & de l’os même ; pour raiſon de
quoi nous avons conſeillé à ſon Chirurgien
de faire une grande & profonde inciſion, en
notre préſence, laquelle inciſion a été faite,
& au fond de laquelle nous avons découvert
une cavité qui ſembloit ſe porter juſques ſous
le jarret. Toutes leſquelles playes on nous a
raporté avoir été faites par une arme-à-feu ;
ce qui paroît vrai, attendu la diſpoſition d’icelles,
& même que les balles n’avoient
point été tirées de toutes ; ce qui nous fait
juger qu’il peut y en avoir encore, & même
d’autres corps étrangers, comme étoffe,
bourre, &c. Pour raiſon deſquelles bleſſures,
nous eſtimons que ledit Cardin n’eſt
point encore un sûreté de ſa perſonne, quoiqu’il
y ait long-tems qu’il ait été bleſſé ; &
qu’en cas que toutes choſes ſuccedent favorablement,
il ne peut être guéri que dans un
très-long tems, qui ne ſe peut encore déterminer.
Fait ce 19 Mars 1664.
Modeles de Raports ſur de fauſſes Plaintes, les perſonnes s’étant trouvées en bonne ſanté.
Aporté par nous Médecin & Chirurgiens
ordinaires du Roi en ſa Cour de
Parlement, que ce jourd’hui, en vertu de l’Arrêt de ladite Cour, du 12 du courant,
nous nous ſommes tranſportés au bout du
Pont N. Dame, en la maiſon où pend pour
enſeigne le Coffre Royal ; auquel lieu nous
avons vû & viſité le nommé Pierre des Hayes,
lequel s’eſt plaint à nous d’avoir été battu &
excédé en diverſes parties de ſon corps, ſans
qu’il nous ait pû déterminer aucun lieu particulier ;
de maniere que nous ne lui avons
trouvé aucune marque de bleſſure, ou de
contuſion ; & nous ayant dit qu’il reſſentoit
une douleur au côté gauche, nous ne lui en
avons reconnu aucun ſigne, lui ayant touché
ce côté ſans qu’il en ait ſouffert de douleur, lui
ayant trouvé d’ailleurs le pouls bien réglé &
la reſpiration bonne ; de maniere que nous
eſtimons que ledit des Hayes eſt en fort bonne
ſanté. Fait ce 26 Mai 1661.
Aporté par nous ſouſſignés Médecin &
Chirurgiens ordinaires du Roi en ſa
Cour de Parlement, que ce jourd’hui, en
vertu de l’Ordonnance de ladite Cour, nous
nous ſommes tranſportés dans la rue des Nonaindieres,
en la maiſon où pend pour enſeigne
les quatre fils Aymond, au deuxieme
étage ; auquel lieu nous avons demandé à voir
& viſiter la nommée Louiſe Rouſſel, femme
d’un Archer nommé Cornier, laquelle on
nous a dit être ſortie pour vacquer à ſes affaires ;
& ayant demandé à une voiſine ſi ladite Rouſſel étoit malade, elle nous a répondu
que non, & qu’elle étoit en bonne ſanté. Fait
ce 18 Juin 1661.
Aporté par nous ſouſſignés Médecin &
Chirurgiens ordinaires du Roi en ſa
Cour de Parlement, que ce jourd’hui, en
vertu de l’Arrêt de ladite Cour du 21 du
courant, nous nous ſommes tranſportés au
Port S. Landry, chez un Teinturier, pour
voir & viſiter la nommée Jeanne Tréchet,
laquelle s’eſt plainte à nous d’une contuſion
au bras gauche ; de laquelle contuſion il ne
nous a apparu aucune marque, ladite Tréchet
étant d’ailleurs debout & en parfaite
ſanté. Fait ce 22 Juin 1661.
Aporté par nous ſouſſignés Médecin
& Chirurgiens ordinaires du Roi en ſa
Cour de Parlement, que ce jourd’hui, en
vertu de l’Arrêt de ladite Cour, nous nous
ſommes tranſportés au Faubourg S. Denis,
en la maiſon où pend pour enſeigne la Botte
Royale ; auquel lieu nous avons demandé à
voir & viſiter la nommée Martine Blandin,
Veuve de Pierre le Févre. On nous a répondu
qu’elle étoit à la Ville, & qu’elle vacquoit
à ſes affaires ; & nous étant enquis ſi elle étoit
en bonne ſanté, on nous auroit répondu
qu’oui. Fait ce 24 Juin 1661.
Aporté par nous ſouſſignés Médecin &
Chirurgiens ordinaires du Roi en ſa Cour de Parlement, que ce jourd’hui, en
vertu de l’Arrêt de ladite Cour, nous nous
ſommes tranſportés au bout du Pont-Neuf,
en la maiſon du ſieur Sadot, Notaire ; auquel
lieu, en préſence de Me Pierre Joly, Subſtitut
de M. le Procureur-Général du Roi, nous
avons vû & viſité le nommé Haroüard, ſon
Clerc, qui s’eſt plaint à nous d’avoir été battu
& excédé de pluſieurs coups en diverſes
parties de ſon corps, notamment au côté gauche
ſur la région des fauſſes-côtes, & auſſi en
la partie externe & ſupérieure du bras droit ;
auſquels lieux il ne nous a paru aucune marque
ni veſtige de contuſion, ſoit qu’elles
ayant été effacées par la longueur du tems,
ſoit qu’elles ayent été légeres, ou autrement.
Fait ce 26 Juin 1661.
Modeles de Raports concernant les Playes ſimples & Contuſions extérieures de la Tête.
Raport d’une Playe ſimple non dangereuſe.
Aporté par moi Maître Chirurgien Juré
à Paris, que ce jourd’hui 13e jour d’Avril
1685, j’ai été mandé vers les quatre heures
du ſoir dans la rue de la Mortellerie, au
troiſieme étage d’une maiſon où pend pour
enſeigne le Dauphin, pour panſer le ſieur
Pierre le Bel, Maître Tailleur-d’habits, d’une playe à la tête, de figure tranſverſale, ſituée
ſur la partie ſupérieure & latérale de l’os coronal
au côté gauche, ayant environ trois travers
de doigt en ſa longueur, ouvrant ſimplement
le cuir chevelu ; laquelle playe ledit
le Bel m’a dit avoir reçûe une demi-heure auparavant,
en badinant avec un particulier
qui avoit un raſoir entre ſes mains pour ſe raſer
la barbe ; ce qui me paroît d’autant plus
vrai-ſemblable, que la diviſion s’eſt trouvée
très-réguliere ; enſorte qu’après lui avoir raſé
de ſes cheveux ce que j’ai jugé à propos, je
me ſuis contenté d’approcher les bords de la
playe le plus exactement qu’il m’a été poſſible,
& de les maintenir en cet état par un
médicament adhérent & glutinatif qui tiendra
lieu de ſuture ; au moyen de quoi j’eſpere
que la playe en queſtion ſera conſolidée &
réunie dans peu de jours, pourvû que ledit
bleſſé veuille garder le repos, & obſerver le
régime que je lui ai preſcrit.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une commotion au Cerveau, ſans playe ni contuſion.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 15 jour
de Juillet 1693 j’ai été mandé, rue Montorgueil,
pour voir & viſiter Madeleine Robert,
femme de Marin de Longuert, que j’ai trouvée
au lit, où elle & les aſſiſtans m’ont dit qu’elle étoit retenue depuis huit jours, à cauſe
d’une bleſſure à la tête, qu’elle avoit reçûe à
l’occaſion d’un paquet de linges, ou autres
hardes, qui lui étoit tombé de haut ſur cette
partie ; qu’elle étoit tombée du coup, & reſtée
ſans connoiſſance durant quelques inſtans ;
que le jour même elle avoit été attaquée
de vomiſſement, & le lendemain d’un
ſaignement de nez, avec une fiévre conſidérable,
qui lui a continué depuis ce tems-là,
& dans laquelle je l’ai encore trouvée en la
viſitant, avec blancheur & ſéchereſſe à la
langue, langueur & abattement de tout ſon
corps : Pour raiſon dequoi elle a été ſaignée
trois fois, & le doit être encore une ou deux
fois, en cas que les accidens perſéverent, qui
ſont l’effet d’une grande commotion de tout le
corps, & du cerveau en particulier, dont les
ſuites ſont à craindre juſqu’au quatorzieme
jour ; pendant lequel tems elle doit garder le
repos, obſerver un régime exact, & être aſſiſtée
de toutes les choſes néceſſaires.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe de Tête, accompagnée de contuſions en d’autres parties.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que cejourd’hui premier
jour de Mars 1702, le nommé Charles Colin,
Praticien, eſt venu chez moi pour être panſé
d’une playe contuſe, qui venoit de lui être faite à la tête, ſur la partie moyenne de la ſuture
ſagittale, pénétrante juſqu’au péricrâne ;
laquelle playe j’ai été obligé de dilater environ
de la longueur d’un travers de doigt,
pour empêcher la ſuppuration de croupir au
fond de la playe. J’ai de plus remarqué au
ſuſdit bleſſé, une grande contuſion, avec ſang
épanché, de la grandeur de la paûme de la
main, ſituée ſur la partie moyenne & externe
du bras droit ; de plus une ecchymoſe autour
de l’orbite de l’œil gauche ; & une autre
contuſion moins conſidérable que la précédente,
ſur l’épaule droite, outre pluſieurs excoriations
ſur différens endroits de ſon viſage :
laquelle playe, & contuſions, je juge
avoir été faites par des coups de canne ou de
bâton violemment appuyés, outre les coups
d’ongles qui ont cauſé les excoriations. Pour
raiſon dequoi le ſuſdit bleſſé, qui a été ſaigné,
a beſoin de garder le lit & la chambre, & même
le lit au moins pendant huit jours ; ſa
playe dextre doit être ſoigneuſement panſée :
& il faut que ledit bleſſé, pendant tout le tems
de ſont traitement, ſoit contenu dans le régime,
& aſſiſté de toutes choſes néceſſaires.
Fait les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe contuſe, accompagnée de mauvais accidens.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que le 25 Janvier 1686 j’ai été mandé en la maiſon du ſieur Gilcourt,
Marchand Mercier, demeurant en la rue
S. Denis, à l’enſeigne du Coq, pour panſer la
nommée Jeanne Oüillet, ſa femme, que j’ai
trouvé bleſſée d’une playe contuſe à la tête,
de la longueur d’un pouce, & d’un demi-travers
de doigt de largeur, ſitué ſur la partie
moyenne de l’os pariétal droit, pénétrante
juſqu’au péricrâne ſans y faire aucune léſion :
laquelle playe je juge avoir été faite par un
inſtrument orbe & contondant, comme par
un coup de bâton, de pierre, ou autre ſemblable.
Pour raiſon dequoi, après avoir panſé
ladite bleſſée en premier appareil, je l’ai ſignée
à l’heure même, l’ayant trouvée ſans
connoiſſance & dans un aſſoupiſſement léthargique,
après avoir vomi les alimens
qu’elle avoit pris une heure avant ſa bleſſure,
laquelle a cauſé une grande commotion à ſon
cerveau ; enſorte qu’on peut dire que ladite
Oüillet n’eſt pas ſans danger, au cas que ces
accidens continuent.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe à la Tête, accompagnée d’impreſſion ſur l’os du crâne.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que cejourd’hui 25 Juillet
1712, je me ſuis tranſporté, rue S. Denis, dans
une maiſon où pend pour enſeigne la Croix
d’or ; auquel lieu j’ai vû & viſité le nommé Touſſaint Magnier, garçon Marchand, que
j’ai trouvé bleſſé à la tête d’une playe qu’il reçut
hier entre dix & onze heures du ſoir, ſituée
ſur la partie moyenne de la ſuture ſagittale,
de la grandeur de quatre travers de
doigt, occupant la partie ſupérieure des deux
os pariétaux, un peu plus du côté gauche, accompagnée
d’une impreſſion ſur leſdits os,
& faite par un inſtrument tranchant, comme
une large épée, un ſabre, ou autre arme ſemblable ;
lequel coup doit avoir été porté avec
beaucoup de violence, puiſque le chapeau &
la perruque du ſuſdit bleſſé en ont été coupés :
Je lui ai de plus remarqué deux contuſions
de la largeur d’une piece de vingt-quatre
ſols, ſituées l’une & l’autre ſur le bras gauche,
ſavoir, l’une ſur la partie moyenne &
externe dudit bras, & l’autre ſur la partie
moyenne & externe de l’avant-bras. Pour
raiſon dequoi ledit bleſſé a été ſaigné, & le
doit être encore ; il a de plus beſoin d’être
panſé régulierement durant ſix ſemaines, qui
ſont le terme de l’exfoliation de l’os ; d’obſerver
un régime très-exact ; de garder le lit &
la chambre, au-moins durant les quinze premiers
jours ; & d’être aſſiſté de toutes les choſes
néceſſaires, juſqu’à ſa parfaite guériſon,
pour prévenir les fâcheux accidens qui ſurviennent
aux playes de la tête, dont ledit
bleſſé ne peut être à couvert de plus de vingt
jours. Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Contuſion légere à la Tête, ne menaçant d’aucun danger.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 18e jour de
Novembre 1698, j’ai été mandé, rue Jean
Beauſire, près la Porte St Antoine, pour
panſer le nommé Gilles Audriot, compagnon
Maçon, que j’ai trouvé bleſſé à la tête,
d’une contuſion ſituée à l’occiput, un peu au-deſſous
de la conjonction de la ſuture ſagittale
avec la lambdoïde, accompagnée d’une ecchymoſe
peu conſidérable, & d’une légere
effloraiſon à l’épiderme. Pour raiſon dequoi,
après avoir appliqué ſur ladite contuſion une
compreſſe imbue d’une liqueur ſpiritueuſe
propre à en procurer la réſolution, j’ai ſaigné
ledit Audriot, & lui ai conſeillé de garder le
repos & un peu de régime pendant quelques
jours, pour éviter les accidens qui peuvent ſurvenir
aux moindres bleſſures de la tête ; & cela
pour la plus grande sûreté, ne voyant pas que
ſa bleſſure doive avoir aucune ſuite fâcheuſe.
Fait à Paris, les jour & an que ci-deſſus.
Raport d’une grande Contuſion à la Tête, accompagnée de fâcheux accidens.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 15 Août
1699, j’ai été mandé, dans la rue Aubriboucher,
au ſecond appartement d’une maiſon dont la boutique eſt occupée par un Marchand
Papetier, pour conſulter ſur la bleſſure
du ſieur Boutar, Juré-Mouleur de Bois ; laquelle
bleſſure m’ayant été découverte pare le
ſieur C… Chirurgien privilégié, qui le
panſe depuis cinq jours, j’ai apperçû une contuſion
accompagnée d’une ecchymoſe très-conſidérable
ſur la ſuture ſagittale ; qui s’étendoit
de côté & d’autre ſur les os pariétaux,
que ledit Chirurgien & les aſſiſtans m’ont
dit avoir été cauſée par une botte de foin qui
lui a été jettée ſur la tête le 10 du préſent
mois, du comble d’un bâteau qui en étoit
chargé : depuis lequel tems ledit bleſſé a
reſté ſans connoiſſance & dans un profond
aſſoupiſſement, avec une fiévre très-forte,
dont il a été attaqué dès le ſecond jour, & ſur
le champ même d’un ſaignement par le nez
& par les oreilles, tout cela joint à un grand
œdême & gonflement de tout le viſage. Ces
fâcheux ſymptômes faiſant connoître que le
cerveau & les méninges ont ſouffert une violente
commotion, & donnant lieu d’appréhender
qu’il n’y ait un épanchement ſous le
crâne, j’ai conſeillé au ſieur C… d’ouvrir
la contuſion par une inciſion cruciale ; ce
qu’ayant fait auſſi-tôt, il en eſt ſorti une palette
ou environ de ſang en partie liquide, &
en partie coagulé ; & le péricrâne s’étant
trouvé contus, il a découvert l’os, auquel
nous n’avons remarqué aucune fracture : ce qui ne nous a pas empêché de conclure à
l’application du trépan, ſi les accidens continuent
après une quatrieme ſaignée, que nous
ſommes convenus de faire au bleſſé, lequel
nous croyons dans un grand danger de ſa vie.
Fait à Paris les jour & an que deſſus.
Raport d’un Coup de Tête, accompagné de crachement de ſang, & d’une grande contuſion ſur le bras.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 13 Mars
1689, je me ſuis tranſporté au Port de l’École,
où j’ai monté au cinquieme étage d’une maiſon
qui ſert de Bureau aux Mouleurs de Bois ;
auquel lieu j’ai vû & viſité la nommée Antoinette
de Caux, Veuve de Jacques de l’Air,
âgée de 57 ans, que j’ai trouvé detenue au
lit depuis quinze jours, à cauſe d’une contuſion
très-conſidérable, ſituée ſur la partie ſupérieure
du bras droit, de la grandeur de quatre
travers de doigt, occupant preſque toute
la longueur du muſcle deltoïde, & cauſée
par un coup de bâton fortement appuyé ſur
ladite partie : laquelle bleſſure eſt accompagnée
d’une fiévre continue, pour laquelle la
ſuſdite bleſſée a été ſaignée pluſieurs fois, &
doit l’être encore : de plus elle s’eſt plainte à
moi de reſſentir de grandes douleurs à la partie
poſtérieure de la tête, à cauſe de pluſieurs
coups qu’elle prétend y avoir reçûs, & d’avoir pluſieurs fois craché du ſang en conſéquence.
À raiſon de tout l’énoncé ci-deſſus,
j’eſtime que la bleſſée en queſtion doit obſerver
un régime exact, ſe réduiſant aux ſeuls
bouillons de viande, & à quelques œufs frais,
& qu’elle doit être aſſiſtée de toutes les choſes
néceſſaires juſqu’à ſa parfaite guériſon.
Fait les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe de Tête, accompagnée de mauvais ſymptômes.
Aporté par nous ſouſſignés Médecin &
Chirurgiens ordinaires du Roi en ſa
Cour de Parlement, que cejourd’hui, en
vertu de l’Ordonnance de ladite Cour, nous
nous ſommes tranſportés au Faubourg S. Germain,
au coin de la rue des mauvais Garçons ;
auquel lieu nous avons vû & viſité Euſtache
Pavie, bleſſé en la partie moyenne de l’os coronal,
d’une playe cruciale rendue telle par
ſon Chirurgien, avec dénudation dudit os de
la grandeur d’une piece de cinq ſols : laquelle
playe nous avons trouvé mal conditionnée,
les chairs nous ayant paru blafardes, avec
peu de ſuppuration, & le malade ſe plaignant
de reſſentir de la douleur en la région du foye ;
ce qui peut être véritable, attendu que nous
lui avons trouvé une fiévre continue, & le
pouls aſſez languiſſant : ce qui nous a fait dire
à la femme dudit bleſſé qu’elle devoit appeller
du conſeil ſur le beſoin que ſon mari pouvoit avoir d’être trépané ; lequel nous eſtimons
être en danger de ſa perſonne.
Fait ce 4 Août 1663.
Raport d’une Playe ſemblable à la précédente, qui ne menaçoit pas d’un ſi grand danger.
Aporté par nous ſouſſignés Médecin &
Chirurgiens ordinaires du Roi en ſa
Cour du Parlement, que cejourd’hui nous
nous ſommes tranſportés dans la rue des Arcis,
chez un Vitrier, à la ſeconde chambre ;
auquel lieu nous avons vû & viſité le nommé
Bon de Bailly, Sergent à verge au Châtelet
de Paris, que nous avons trouvé bleſſé à la tête
en la partie ſupérieure de l’os coronal, d’une
playe avec dénudation d’os de la grandeur
d’une piece de cinq ſols, rendue cruciale par
ſon Chirurgien : laquelle playe nous a paru
en fort bon état & ſans aucun accident ; de
maniere que nous eſtimons que ledit Bon
pourra guérir dans un mois, & peut-être un
peu plus, à cauſe de l’exfoliation de l’os, en
cas qu’il ne lui ſurvienne aucun des accidens
imprevûs qui ſuccédent ſouvent aux playes
de tête. Fait ce 10 Août 1663.
Raport d’une Contuſion au Muſcle Crotaphite, ſuivie de fâcheux ſymptômes.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que cejourd’hui 9 Février
1695, j’ai été mandé vers les onze heures du matin, dans la rue S. Martin, en l’Hôtellerie
du Cheval rouge, pour voir le nommé Gervais
Criſſal, Valet d’écurie, que j’ai trouvé
bleſſé d’une contuſion ſur l’os temporal droit,
avec une ecchymoſe plus étendue en longueur
qu’en largeur, que les aſſiſtans m’ont
dit lui avoir été cauſée, il y a trois jours, par
un coup de houſſine qu’il reçut en cette partie,
& qu’ayant été à l’heure même fort
étourdi du coup, il s’eſt toujours ſenti fort foible
& fort abattu juſqu’au jour d’hier, que la
fievre l’ayant pris avec friſſon ſur les dix heures
du matin, il entra vers les neuf à dix heures
du ſoir dans un délire, qui fut précédé
de quelques contractions des levres & des
paupieres du côté gauche ; ce qui a continué
juſqu’au aujourd’hui, à huit heures du matin,
qu’il eſt tombé dans une apopléxie très-forte,
laquelle le met dans un péril éminent. Cependant,
pour ne pas manquer à faire les choſes
qui peuvent être capables de lui donner quelque
ſoulagement, après avoir appliqué ſur la
contuſion une onction anodyne & confortative,
je l’ai ſaigné des deux bras à une heure
d’intervalle, je lui ai fait uſer de ſorts ſternutatoires,
& je me propoſe de le ſaigner encore
ce ſoir, afin de tâcher, par ces évacuations,
de dégager ſa tête, qui eſt fort embarraſſée : car
pour l’ouverture de la contuſion, je n’eſtime
pas qu’elle ſoit néceſſaire en cette occaſion, la
cauſe extérieure n’ayant pas été aſſez forte pour occaſionner une commotion au cerveau
& aux méninges, laquelle ait donné lieu à
aucun épanchement ſous le crâne qui demande
l’application du trépan ; mais il eſt plus
vrai-ſemblable que la bleſſure du crotaphite
a cauſé une violente contuſion aux nerfs de la
cinquieme paire qui ſe diſtribuent à ce muſcle,
& que cette léſion s’étant communiquée
juſqu’au principe d’où ils partent, a déréglé
toute l’économie animale, & eſt en état de
cauſer la mort au bleſſé, au cas que ces accidens
continuent.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Contuſion à la Tête, avec ecchymoſe, tendante à ſuppuration.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que cejourd’hui 20 Juillet
1697, j’ai vû, viſité, & panſé le nommé
Bernard Létumé, aide-Maçon, auquel j’ai
remarqué une contuſion avec ecchymoſe de
la groſſeur d’un œuf de poule, ſituée ſur l’os
pétreux au derriere de l’oreille droite, qu’il
m’a dit lui avoir été cauſée, il y a quinze jours,
par un coup de pelle à remuer la terre, & que
cette contuſion ne lui ayant fait aucune douleur
pendant plus de huit jours, il n’y avoit
fait aucun remede ; mais que depuis ce tems-là
étant devenue plus douloureuſe, on lui
avoit conſeillé de la frotter d’eau-de-vie ; ce
qu’il avoit fait pluſieurs fois chaque jour, juſqu’à ce que la douleur & la chaleur s’augmentant,
au point de l’empêcher d’agir à ſon travail,
il m’eſt venu prier de le panſer. Et comme
il m’a paru, par l’examen de ſon mal, que
cette ecchymoſe tendoit à ſuppuration, ayant
déja les ſignes d’une diſpoſition phlegmoneuſe,
j’en ai fait l’ouverture, & j’en ai tiré un
ſang noir & fétide, mêlé d’une ſanie ſéreuſe.
J’ai ſaigné le bleſſé, & lui ai conſeillé de ſe
tenir en repos, & d’obſerver le régime ſelon
ſon pouvoir ; au moyen de quoi j’eſpere qu’il
pourra être guéri dans trois ſemaines.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Article II.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes du Péricrâne.
Es playes du Péricrâne, comme toutes
les autres playes des parties extérieures,
ſe connoiſſent à la vûe, & par l’attouchement
du doigt, ou de la ſonde. Quand ces playes
arrivent à des ſujets d’une bonne conſtitution,
& qu’elles ſont traitées avec méthode, elles
guériſſent aſſez heureuſement : mais lorſque
la mauvaiſe diſpoſition des bleſſés, ou des
remedes peu convenables occaſionnent l’inflammation
du péricrâne, il ſurvient des accidens
preſqu’auſſi fâcheux à ces playes, que
ſi les méninges étoient bleſſées.
Les ſignes qui font connoître l’inflammation du péricrâne, ſont le vomiſſement, la fiévre aiguë avec des friſſons irréguliers, les violentes douleurs, l’œdême éréſipélateux qui ſe répand ſur toute la tête & ſur le viſage, les mouvemens convulſifs ; & tous ces accidens ne ceſſent que lorſqu’on a coupé le péricrâne, & découvert l’os.
La déduction de ces fâcheux ſymptômes donne lieu d’en faire aiſément le prognoſtic, & de juger que les playes qui arrivent à cette membrane, qui eſt très-ſenſible & d’une tiſſure très délicate, ſont fort dangereuſes quand elles viennent à s’enflammer ; parce que cette inflammation peut aiſément ſe communiquer au moyen des fibriles qui traverſent les ſutures, & faire périr les bleſſés, à moins que l’on n’y remédie promptement ; ou bien, comme cette membrane couvre le crâne immédiatement, ſon inflammation peut cauſer une ſuppuration ſur l’os même, laquelle ſera cauſe d’une carie.
De plus, les playes du péricrâne qui le diviſent dans toute ſon épaiſſeur, ſont moins fâcheuſes que celles qui ne le coupent qu’en partie ; parce qu’il ſe fait alors une diſtention convulſive des fibres qui reſtent en leur entier, par raport à celles qui ſont coupées, ce qui ne manque pas d’occaſionner les fâcheux accidens ci-devant énoncés. Enfin les playes du péricrâne faites par ponction, ſont plus diſpoſées à produire de fâcheux accidens, que celles qui ſont faites par inciſion ; parce que la ſanie n’ayant pas une iſſue facile, ſon ſéjour la rend plus âcre & plus diſpoſée à cauſer de grandes douleurs, & à faire une fâcheuſe impreſſion ſur le crâne. Quand ces playes arrivent à des ſujets infectés du mal vénérien, il eſt preſque impoſſible que l’acide rongeant de la vérole ne cauſe une carie profonde, & rébelle ſur l’os du crâne où les playes ſe trouvent ſituées.
Modeles de Raports concernant les Playes du Péricrâne.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 30 de
Decembre 1693, j’ai été mandé dans la rue
Montmartre, près la Juſſienne, au ſecond
étage d’une maiſon dont le bas eſt occupé par
une Fruitiere ; auquel lieu j’ai trouvé le nommé
Nicolas Simonneau, Maître Emballeur,
giſant au lit à cauſe d’une playe de tête, ſituée
ſur la partie moyenne de l’os coronal, à la racine
des cheveux dont l’entrée eſt fort étroite,
mais dont la ſinuoſité a deux travers de doigt
de longueur, gliſſant de bas en-haut entre le
péricrâne & les tégumens ; laquelle playe le
ſuſdit bleſſé m’a dit lui avoir été faite, il y a
cinq jours, par une de ces groſſes aiguilles ou
carlets dont ceux de ſa profeſſion ſe ſervent
pour coudre les balots de marchandiſes, dont
il fut piqué avec violence. Que croyant cette playe légere, il ne laiſſa pas de travailler de
ſon métier, le jour même & le jour ſuivant
juſqu’au jour, qu’ayant commencé à ſentir de
grandes douleurs à ſa playe, & un friſſon accompagné
de nauſées, il fut obligé de ſe mettre
au lit ; que la fiévre a toujours augmenté depuis
ce tems là, auſſi-bien que les douleurs,
avec de fréquens vomiſſemens, & une fluxion
éréſipélateuſe qui s’eſt étendue ſur tout ſon viſage.
Tous leſquels accidens j’ai crû ne devoir
attribuer qu’à la léſion du péricrâne, & à ſon
inflammation occaſionnée par le ſéjour d’une
ſanie ſéreuse, à laquelle l’étroiteſſe de la playe
n’a pû permettre de s’évacuer. De quoi étant
convenu avec un Chirurgien privilégié, de ſon
voiſinage, qui avoit fait quelques onctions ſur
la playe, je la lui ai fait dilater depuis ſon entrée
juſqu’à ſon fond ; au moyen de quoi j’eſpere
que ces fâcheux ſymptômes s’appaiſeront
bien-tôt, pourvû que le bleſſé obſerve
la diete que je lui ai preſcrite, qu’il ſe tienne
dans un grand calme de corps & d’eſprit, &
que l’on détourne encore par deux ou trois
ſaignées la matiere & la fluxion.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe de Tête pénétrante juſqu’au Péricrâne, que le virus vérolique avoit fait dégénerer en un Ulcere de difficile curation.
E ſouſſigné Chirurgien travaillant actuellement
pour ma Maîtriſe en l’Hôpital de la Salpétriere, certifie que, pour ſatisfaire à
l’ordre que j’ai reçû de Meſſieurs les Adminiſtrateurs,
de m’expliquer ſur ce qui empêche
que la nommée Marguerite Chiffart, qui
eſt depuis plus de deux mois traitée à l’Infirmerie
dudit Hôpital, d’une playe contuſe à
la tête, qui a paru légere dans ſon commencement,
n’en ſoit juſqu’ici parfaitement guérie,
j’ai fait mes réflexions ſur la réſiſtance
de ſon mal à tous les remedes qui lui ont été
adminiſtrés avec tout le ſoin & toute la méthode
poſſible ; & que l’ayant interrogée dans
le particulier, j’ai découvert que le virus vérolique
a fait dégénerer ſa playe en un mauvais
ulcere, qui ne pourra être guéri que par
le traitement de la vérole, auquel elle doit
être renvoyée, s’il plaît à meſdits Sieurs de
l’ordonner ainſi.
Fait à Paris, le 16 Juin 1694.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 19e jour
de Mai 1701, j’ai été mandé au Port S. Paul,
dans une Auberge où pend pour enſeigne
l’Ange Gardien, pour voir & viſiter le nommé
Nicolas Palmier, Marchand Forain, auquel
j’ai remarqué pluſieurs bleſſures ſituées
en différentes parties, & notamment une
playe à la tête ſur la partie moyenne de l’os
pariétal droit, de la grandeur de trois travers
de doigt, pénétrante juſqu’au péricrâne, que je juge avoir été faite par un inſtrument mouſſe
& aucunement tranchant, comme pourroit
être le bord d’un pot d’étain, d’une aſſiette, ou
d’autre choſe ſemblable ; plus une contuſion
de la grandeur du pouce, ſur l’os pariétal gauche :
leſquelles bleſſures ſont accompagnées
de fiévre, ainſi qu’il m’a paru par l’agitation
du pouls dudit bleſſé, par la blancheur de ſa
langue, & par une grande chaleur dans tout
ſon corps. J’ai de plus remarqué audit bleſſé
pluſieurs excoriations, avec ecchymoſe, ſur
les paupieres de ſes deux yeux. Pour raiſon
de quoi je lui ai conſeillé de ſe faire ſaigner au
plûtôt une & même deux fois, de garder le lit
pendant pluſieurs jours, qu’il ſe faſſe régulierement
panſer de ſa playe, & qu’il s’abſtienne
de tout exercice juſqu’au bout de quatorze
jours, pour prévenir de plus fâcheux accidens.
Fait les jour & an que deſſus.
Article III.
Des Signes & du Prognoſtic des Fractures du Crâne, des Playes des Méninges, de la Commotion, & des Playes du cerveau.
Es ſignes des fractures qui arrivent aux
os du Crâne, ſans qu’il y ait playe aux tégumens,
ſont ordinairement ſi équivoques,
que l’on ne peut juger que par conjecture ;
& cette conjecture ſe tire des accidens qui
paroiſſent à l’inſtant de la bleſſure ou qui ſurviennent dans la ſuite, des cauſes qui l’ont
produite, ou des ſignes qu’en donnent les ſens
extérieurs.
Les accidens qui arrivent à l’inſtant de la bleſſure, quand le crâne eſt fracturé, ſont la chûte du bleſſé ſans ſentiment & ſans connoiſſance, l’éblouiſſement, le vertige, le vomiſſement bilieux, l’hémorrhagie par le nez & par les oreilles, & la perte de la parole.
Les conjectures que l’on tire des cauſes, ſe rapportent à l’agent, au patient, & à l’inſtrument qui a bleſſé.
Il faut conſidérer à l’égard de l’agent, c’eſt-à-dire, de celui qui a frappé, s’il eſt fort, ou foible ; s’il a frappé de propos délibéré, ou par mégarde ; s’il étoit en colere, ou non ; ſi le coup a été donné obliquement, ou bien à plomb, & de fort haut ; de loin, ou de près : Car ſi celui qui a frappé eſt fort & vigoureux, s’il étoit en colere, s’il a eu le tems de méditer ſur le coup qu’il vouloit porter, s’il a frappé de haut & perpendiculairement, il eſt aiſé de conjecturer qu’un tel coup a bien pû cauſer une fracture à l’os, une contuſion, ou une dépreſſion.
Il faut enſuite conſidérer la partie bleſſée, & juger, ſelon les apparences, ſi les os du crâne ſont plus ou moins durs & épais, & cela par rapport à la conſtitution du bleſſé, à l’âge, au ſexe, à ſa ſanté, ou à ſon infirmité, & à l’endroit de la tête où le coup a été donné ; & de tout cela conjecturer ſi la bleſſure eſt plus ou moins conſidérable.
Il eſt enfin fort à propos d’obſerver au ſujet de l’inſtrument qui a bleſſé, quelle eſt ſa matiere, par exemple, ſi c’eſt une pierre, un bâton, un inſtrument de fer ; s’il eſt piquant, tranchant, ou contondant ; s’il eſt égal, ou inégal, peſant, ou léger ; parce que toutes ces choſes donnent lieu de juger de l’impreſſion qu’il a pû faire.
Cependant toutes ces conjectures, quoique bien fondées, ne nous fourniſſent pas des ſignes tout-à-fait certains des fractures du crâne : car il arrive quelquefois que le crâne eſt fracturé, ſans que les accidens dont nous avons parlé ſe manifeſtent d’abord, ſavoir, quand la fracture eſt petite, & que le crâne eſt fort dur ; & quelquefois ces accidens arrivent à l’heure même, ou bien-tôt aprés, ſans qu’il y ait fracture au crâne ; & pour lors ils ſont produits par la violente commotion du cerveau.
Les ſignes de la commotion du cerveau ſont donc à-peu-près les mêmes que ceux qui ſurviennent aux fractures du crâne : toute la différence qu’il y a entre ces ſignes dans ces différens cas, conſiſte en ce que ces accidens ſubſiſtent dans la fracture du crâne, juſqu’à ce que l’on ait remédié à cette fracture par l’application du trépan, qui donne lieu de relever les os enfoncés, & de tirer le ſang épanché ſous le crâne ; au lieu que ces accidens ceſſent bien-tôt quand ils ne ſont cauſés que par la commotion du cerveau, à moins qu’elle n’ait été aſſez conſidérable pour occaſionner un épanchement ſous le crâne : car en ce cas-là il n’eſt pas moins néceſſaire d’appliquer le trépan, que s’il y avoit fracture au crâne.
Pour juger par les ſens d’une fracture au crâne, il faut d’abord examiner la playe ; & ſi l’on remarque qu’il y ait des cheveux enfoncés, coupés, & fichés dedans, il y a lieu de croire que l’os eſt bleſſé. Il faut obſerver enſuite ſi l’os eſt découvert ; & quand il ne l’eſt pas, & qu’il y a des accidens qui font ſoupçonner la fracture, il faut le découvrir, le bien eſſuyer, & examiner enſuite ſi l’on n’y apperçoit point de fente, ou d’inégalité, tant à la vue qu’à l’attouchement.
Quand la fracture eſt conſidérable, on l’apperçoit aiſément à la vue, ou bien on la reconnoît en introduiſant le doigt dans la playe, ou en y pouſſant la ſonde, à ſon défaut : mais il arrive des fentes ſi déliées aux os du crâne, qu’elles ſont très-difficiles à connoître ; ce qui a fait que les Auteurs ont propoſé différens moyens pour les découvrir, comme eſt l’application de l’encre des Imprimeurs ſur l’endroit de l’os où le coup a été donné, prétendant que lorſqu’on viendra enſuite à eſſuyer cette encre, elle laiſſera une trace noire dans la fente de l’os, qui ne pourra s’effacer.
Ils ont encore propoſé l’application d’un médicament en forme de cataplaſme ſur l’os découvert, pour voir ſi ce médicament ne ſe trouvera pas plus deſſéché dans un endroit que dans un autre, après y avoir reſté pendant quelque tems, eſtimant que cet endroit plus deſſéché marquera celui de la fracture.
On propoſe encore de faire ſerrer fortement quelque choſe que ce ſoit entre les dents du bleſſé, pour voir s’il ne ſentira point une douleur poignante à l’endroit bleſſé, pendant ce ſerrement, auquel cas l’endroit douloureux ſeroit celui de la fracture. Ils conſeillent auſſi de faire pouſſer au bleſſé ſa reſpiration fortement entre ſes deux mains, & d’obſerver en même tems s’il ne ſortira point quelque humidité à travers le crâne.
Mais comme tous ces moyens n’ont jamais fourni de grandes lumieres pour connoître ces fractures ſi délicates qui échappent au plus éxact éxamen qu’on en peut faire par les ſens extérieurs, il eſt bien plus ſûr en ces occaſions de faire fonds ſur la continuation des accidens ; & quand les ſymptômes perſéverent, il ne faut point héſiter à pratiquer, pour le ſoulagement des bleſſés, tout ce que nous ferions ſi la fracture nous étoit bien connue.
Les ſignes de la léſion des méninges, & du cerveau mêmes, ſont tous les accidens dont nous avons parlé d’abord, & outre cela une douleur poignante que le bleſſé reſſent préciſement à l’endroit de cette léſion, principalement lorſqu’il y a quelque eſquille qui pique ces membranes.
Celſe, au chap. 26 de ſon 5e Livre, s’explique ſur les ſignes des méninges & du cerveau bleſſé, en ces termes : « Ceux qui ont le cerveau bleſſé, ou ſes membranes, perdent d’abord beaucoup de ſang par le nez & par les oreilles, & il leur ſurvient bien-tôt après un vomiſſement de bile. Quelques-uns tombent dans l’aſſoupiſſement & dans une telle inſenſibilité, qu’ils n’entendent point lorſqu’on les appelle. Quelques-uns ont le viſage affreux, & les yeux enfoncés & exténués ; ils ſont dans une continuelle inquiétude, ſe tournant ſans ceſſe de côté & d’autre ; le délire leur arrive le troiſiéme ou le cinquiéme jour au plus tard. Pluſieurs tombent en des convulſions fâcheuſes ; & quand ils ſont prêts de mourir, on les voit déchirer & arracher les appareils qui entourent & couvrent leurs playes, qu’ils expoſent ainſi à l’air. »
Pour ce qui eſt du prognoſtic des fractures du crâne, il eſt fort différent ſelon les diverſes circonſtances qui s’y trouvent. On peut néanmoins dire, parlant en général, que de quelque maniere que le crâne ſoit atteint, les bleſſés ſont en danger, & que ces bleſſures doivent être traitées avec toute l’application poſſible ; parce qu’il ſurvient ſouvent, même après un long tems, & lorſqu’on y penſe le moins, de fâcheux accidens à ces ſortes de playes, qui paroiſſent d’abord n’être pas d’une grande conſéquence, comme Hippocrate nous en avertit au commencement de ſon Livre des Playes de Tête ; en ſorte que l’on ne doit pas croire qu’un bleſſé ſoit abſolument hors de danger qu’après cent jours.
Le danger eſt moins conſidérable quand la table externe du crâne eſt bleſſée, que quand l’interne l’eſt, l’externe reſtant en ſon entier ; & en général toutes les impreſſions faites au crâne par contuſion, ſont bien plus dangereuſes que les atteintes qu’il reçoit par des inſtrumens tranchans.
Quand les deux tables du crâne ſont fracturées, le péril eſt moindre lorſque la fracture eſt grande & fort apparente, que lorſqu’elle eſt petite, & tellement cachée que l’on n’en apperçoit aucun veſtige ; & cette eſpece de fiſſure a cauſé la mort à une infinité de bleſſés, non pas à cauſe de ſa petiteſſe, mais à cauſe de l’épanchement du ſang qui ſe fait ſous le crâne, auquel on ne remédie pas aſſez promptement.
Or le peril eſt d’autant plus grand dans ces ſortes de bleſſures, que l’on eſt moins ſûr de l’endroit où la fracture eſt cachée, & que la table extérieure de l’os étant ſaine, il y a cependant quelque fragment de la table interne qui pique les méninges, & qui cauſe de ſi fâcheux accidens que le bleſſé en meurt, la compreſſion du diploë entre les deux tables occaſionnant un ſuintement de ſang, qui ſe corrompt, enflamme & carie l’os, mais ſi ſourdement, que l’on ne s’apperçoit de ce déſordre qu’après pluſieurs ſemaines, & quelquefois après pluſieurs mois, que les bleſſés meurent lorſqu’on les croit dans une entiere ſûreté.
De plus, les playes qui arrivent ſur l’endroit de la tête que l’on nomme bregma ou ſinciput, ſont très-dangereuſes ; parce que le crâne eſt foible en cet endroit, & que les tégumens y ſont fort minces, outre que le cerveau remplit beaucoup cet eſpace : au lieu que les playes qui arrivent à l’occiput, ſont moins périlleuſes ; car, quoique le cerveau rimpliſſe auſſi fort éxactement cet endroit du crâne, l’os y eſt fort dur & fort épais, & les matieres épanchées peuvent trouver des voyes de décharge par le nez & par les oreilles, beaucoup plus aiſément qu’au ſinciput.
Les bleſſures qui arrivent aux tempes, ſont auſſi d’une grande conſidération, à cauſe des muſcles temporaux, qui ont des arteres, des veines, & des nerfs très-notables ; à raiſon de quoi leurs bleſſures ſont ſuivies d’hémorrhagie, de convulſion, de délire, de carus, & d’autres ſymptômes fâcheux ; outre que ces muſcles empêchent qu’on ne découvre l’os avec facilité pour y appliquer le trépan.
Les playes qui arrivent ſur les ſutures, méritent auſſi beaucoup d’attention, tant à cauſe de la foibleſſe du crâne en ces endroits, qu’à cauſe que la dure-mere y eſt attachée par des fibres qui traverſent les os, au moyen de quoi la ſanie des playes peut fort bien couler juſques ſur la dure-mere.
Les enfonçures & les dépreſſions du crâne ſont auſſi très-périlleuſes ; & l’on a que trop d’éxemples de la mort qu’elles ont cauſée aux bleſſés, quand elles ont été négligées.
On ne peut que mal augurer des bleſſés, quand les levres de leurs playes pâliſſent, ſe deſſéchent, & deviennent ſemblables à des chairs ſalées, quand elles jauniſſent, ſe noirciſſent, ou ſe flétriſſent ; & qu’au lieu d’une bonne ſuppuration, il n’en ſort qu’une ſanie noire & de mauvaiſe odeur.
Quand on découvre le crâne, & qu’il ſe trouve noir, c’eſt un très-mauvais ſigne, auſſi bien que la ſéchereſſe des playes quand elle eſt à un tel point, qu’elles ne jettent aucuns excrémens ni groſſiers ni ſubtils : de même lorſqu’il paroît des puſtules ſur la langue, qu’elle ſe fend par ſécheresse, & qu’elle ſe noircit par l’épanchement qui s’y fait d’une ſanie âcre à travers les trous du palais, on ne doit rien attendre de bon des bleſſés ; & il eſt très-rare d’en voir échaper quelques uns de ceux à qui ces accidens arrivent.
Les bleſſures de tête qui arrivent à ceux dont la tête eſt ſujette aux fluxions & aux éréſipeles, qui ſont attaqués du mal vénérien, qui ont la fiévre hectique, ou quelqu’autre maladie de conſomption, ou qui arrivent après qu’on s’eſt épuiſé par l’acte vénérien, ſont très dangereuſes.
Quand après les grandes playes ou fractures du crâne, la diarrhée ou la dyſenterie ſurviennent aux bleſſés, ils ſont dans un grand danger, auſſi-bien que ceux dont les urines ſont troubles comme celles des cavales (ce qui marque une grande corruption) ; & l’on ne doit pas mieux augurer de ceux qui les rendent blanches & très-claires.
Il y a encore en général deux ſortes d’accidens qui arrivent aux playes de tête. Les uns ſurviennent aux atteintes de la ſubſtance du cerveau & des parties voiſines ; tels ſont la fiévre, le délire, la convulſion, la paralyſie, la ſtupeur, l’aſſoupiſſement, &c. Les autres ſont la ſuite d’une certaine agitation, perturbation, & diſſipation des eſprits animaux ; comme, par éxemple, la privation de la voix, de la vue, & de l’ouie, dont les bleſſés ſont quelquefois bien-tôt délivrés, ſans qu’il leur en reſte rien de fâcheux ; ſçavoir, quand il n’y a point de fracture au crâne, ni de ruption aux nerfs, veines, & arteres ; mais quelquefois auſſi ces accidens perſiſtent : Si les bleſſés reviennent à eux, ils tombent dans des ſymptômes qui ne ſont pas moins fâcheux, ſçavoir, quand le crâne eſt fracturé, ou que les méninges ou la ſubſtance du cerveau ſont bleſſées.
Ainſi lorſque ces accidens arrivent aux bleſſés à l’inſtant de leurs bleſſures, on ne doit pas s’en allarmer beaucoup : Mais on en doit plus mal augurer, quand ils continuent, ou quand ils ſurviennent au quatriéme ou au ſeptiéme jour, ou même plus tard, dans le tems que toutes choſes devroient prendre un meilleur train ; car alors c’eſt une marque qu’il y a quelque amas de ſang ou de pus, ou quelqu’autre déſordre ſous le crâne.
La fiévre qui ſurvient au commencement des playes de la tête, c’eſt-à-dire, depuis le quatriéme juſqu’au ſeptiéme jour, doit être attribuée à la ſuppuration ; par conſéquent cet accident n’eſt pas fort dangereux, puiſqu’Hippocrate nous avertit, dans l’Aphoriſme 47 de la 2e Section, que lorſque le pus ſe fait, la douleur & la fiévre arrivent : Mais ſi ces accidens ſurviennent après le ſeptiéme jour, lorſqu’ils devroient ceſſer, c’eſt un mauvais ſigne ; parce que ce contre-tems ne peut marquer autre choſe ſinon que le crâne, le cerveau, & les méninges ſe putréfient.
Quand un bleſſé tombe dans le délire, qu’il perd la mémoire, qu’il parle ſans raiſon, que ſes yeux s’obſcurciſſent, ou qu’il devient ſourd, qu’il reſte ſur ſon lit ſans mouvement, ou qu’il en veut ſortir malgré les aſſiſtans, que les urines & les ſelles ſont ſupprimées, & que la paralyſie & la convulſion lui arrivent, de même qu’une douleur conſidérable en la région du foye (car la purulence formée dans le cerveau, rentrant en partie dans les veines, ne tarde pas, ſuivant le cours de la circulation, à s’embarraſſer dans le labyrinthe des vaiſſeaux du foye, ou des poûmons, & d’y produire un abſcès) ce ſont-là tous les ſignes d’une playe mortelle.
Au contraire, lorſqu’une playe conſidérable reçue à la tête, n’eſt accompagnée d’aucun mauvais ſymptôme, on peut dire qu’elle eſt dangereuſe, & non pas mortelle, pourvû que le malade, le Chirurgien & les aſſiſtans faſſent leur devoir. En un mot, il faut faire des playes de tête en général, quand elles ſont ſans accidens, le même jugement que l’on fait des maladies aiguës.
Enfin quand un bleſſé eſt tranquille, qu’il conſerve ſa raiſon, qu’il reſpire aiſément, qu’il prend quelque repos, qu’il n’eſt pas trop preſſé de la ſoif, qu’il n’a pas un dégoût abſolu pour toutes ſortes d’alimens, qu’il ne ſouffre pas de grandes douleurs, que le pus que la playe fournit, ſoit pendant ou hors de la fiévre, eſt blanc, égal, léger, ſans mauvaiſe odeur, & en quantité ſuffiſante ; que le bleſſé n’a point le viſage différent de ce qu’il l’auroit dans l’état de ſanté, que la dure-mere eſt molle, bien colorée, & ſe meut librement, que les chairs qui renaiſſent à la playe ſont rouges & de bonne couleur, & que le mouvement de la nuque & des mâchoires ſe fait librement & dans l’ordre naturel, on a pour lors lieu de faire un bon prognoſtic d’une telle playe, quand elle ſeroit par elle-même très-conſidérable & très-dangereuſe.
Au reſte, quoique les fractures du crâne ſoient fort périlleuſes, comme nous l’avons déjà ſuffiſamment inſinué, les playes des méninges & du cerveau le ſont encore bien davantage. Or le danger des playes des méninges procede du grand nombre de vaiſſeaux ſanguins qui s’y diſtribuent, & qui ſont diſpoſés, lorſqu’ils ſont ouverts, à fournir un épanchement ſur le cerveau ; ou de ce que le ſentiment délicat de ces membranes peut occaſionner de violentes douleurs, la fiévre, l’inflammation, & tous les autres ſymptômes du phlegmon.
À l’égard des playes du cerveau, elles ſont de toutes les playes de la tête celles qui menacent d’un plus grand danger ; parce que la ſeule expoſition du cerveau à l’air extérieur, le diſpoſe à la corruption, & que la ſanie qui découle de la playe, l’infecte & le fait pourrir. C’eſt auſſi l’avis que nous donne Hippocrate (Aphor. 18. Sect. 6.) quand il nous dit que les playes de la veſſie, du ventricule, du cerveau, du cœur, &c. ſont mortelles.
Si l’on objecte, contre cet avis d’Hippocrate, que l’on a des éxemples de playes à la tête, non ſeulement avec fracture au crâne, mais encore avec léſion des méninges & du cerveau, & dont le fracas avoit donné lieu à l’iſſue de quelque portion du cerveau même, qui ont cependant été heureuſement guéries, comme beaucoup d’Auteurs d’un grand nom le témoignent, entr’autres Ambroiſe Paré, Falloppe, Nicolas Maſſa, André de la Croix, Schenckius, Fabrice de Hilden, Scultet, Zacutus, Luſitanus, & beaucoup d’autres ; il faut répondre que ces faits, qui ſont très-rares, ne doivent pas ſervir de regle, ſuivant cet axiôme, rara non ſunt artis.
Ainſi ce que l’on doit recueillir de tout ce détail des ſignes diagnoſtics & prognoſtics des playes de la tête, eû égard aux Raports en Chirurgie, doit ſe réduire à dire & à déclarer dans ces Actes de Juſtice :
1o Que les playes de tête faites par contuſion, quoique ſuperficielles, ne ſont point à mépriſer, & doivent être panſées avec beaucoup de ſoin & d’attention.
2o Que les contuſions ſans playe, qui ſont ſuivies de quelques-uns des fâcheux ſymptômes qui ont été ci-devant marqués, ſont dangereuſes.
3o Que toutes les fractures du crâne mettent les bleſſés en danger de mort.
4o Que les dilacérations des méninges & du cerveau ſont abſolument mortelles[1].
Modeles de Raports concernant les Playes de Tête.
Raport d’une Playe de Tête, pour laquelle on avoit fait le trépan, qui donnoit bonne eſpérance de guériſon.
Aporté par nous ſouſſignés Médecin &
Chirurgiens ordinaires du Roi en ſa
Cour de Parlement, que ce jourd’hui, en
vertu de l’Ordonnance de ladite Cour, nous
nous ſommes tranſportés, dans la rue des
Amandiers, en la maiſon où pend pour enſeigne
le Valon, deuxiéme chambre ſur le
devant, auquel lieu nous avons vû & viſité
pour la ſeconde fois le nommé Roland, écolier,
lequel nous avons trouvé au lit, bleſſé
à la tête en la partie moyenne du pariétal
droit, d’une playe profonde de deux à trois travers de doigt, & pénétrante juſqu’à l’os,
que nous avions trouvé dénué dans notre
premiere viſite ; à laquelle nous obſervons
que l’on a fait l’opération du trépan, y ayant
trouvé dès-lors une fracture. Nous avons cependant
trouvé ledit bleſſé ſans fiévre, & en
meilleur état qu’il n’étoit à notre premiere
viſite ; enſorte que, quoiqu’il ne ſoit pas encore
parfaite ſureté de ſa perſonne, nous
eſtimons pourtant que l’on peut juger favorablement
de ſa playe, pourvû qu’il continue
de ſe précautionner par un bon régime, &
d’être aſſiſté de toutes les choſes néceſſaires.
Fait le 6 Mai 1667.
Raport d’une grande Contuſion, avec Fracture du Crâne.
Aporté par moi Maître Chirurgien Juré
à Paris, que ce jourd’hui 16 Septembre
1697, j’ai été mandé, en la maiſon de M. S…
Conſeiller du Roi en la Cour des Aydes,
pour panſer le nommé Gilbert Oſia, dit Languedoc,
ſon Cocher, que j’ai trouvé bleſſé
d’une grande contuſion ſur l’os pariétal droit,
laquelle on m’a dit lui avoir été cauſée par
un coup de rondin de bois à brûler, qui lui
a été déchargé ſur la tête avec beaucoup de
violence ; ce qui a fait que ledit Languedoc
eſt tombé du coup, ſans connoiſſance, rendant
le ſang par le nez & par les oreilles :
que l’ayant trouvé dans un état ſi fâcheux, j’ai ouvert la contuſion, & après en avoir
tiré le ſang épanché juſqu’à la quantité d’une
palette ou environ, j’ai trouvé le péricrâne
détaché, & l’os découvert de la largeur d’une
piece d’un écu, avec une fente triangulaire,
dont un des angles étoit embarré ſur la ſuture
ſagittale : Que pour tirer cette piece d’os, j’ai
été obligé d’appliquer le trépan, & uqe la
dure-mere m’a paru fort contuſe ; enſorte
qu’après avoir appliqué ſur la playe l’appareil
convenable, & avoir ſaigné le bleſſé, j’ai
conſeillé aux aſſiſtans de lui faire adminiſtrer
les Sacremens, dès qu’un intervalle de bon
ſens le lui pourroit permettre, eſtimant le ſuſdit
bleſſé dans un prochain danger de perdre
la vie. Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe à la Tête, accompagnée d’une grande Commotion.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, certifions qu’en
vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant
Criminel, en date du 15 Juin 1675, nous
avons vû & viſité Louis-Charles P… du
D… Clerc de M. D. C. Procureur audit
Châtelet, auquel nous avons trouvé une playe
contuſe à la tête, ſituée ſur la partie ſupérieure
& moyenne du pariétal gauche, de la
longueur d’un travers de doigt, pénétrante
juſqu’au péricrâne, avec contuſion d’icelui ;
laquelle playe nous a paru faite par un inſtrument orbe & meurtriſſant, comme pierre,
bâton, ou autre ſemblable : Que cette playe,
peu conſiderable en apparence, a cependant
été ſuivie de très-fâcheux accidens, qui ſont
une fiévre très-ardente, avec des friſſons ſans
regle, une douleur poignante en l’hypochondre
droit, une grande difficulté de reſpirer,
avec de grandes inquiétudes ; leſquels ſymptômes
marquent une violente commotion
au cerveau, & une diſpoſition inflammatoire
au foye, qui cauſeront dans peu la mort au
bleſſé, quelque diligence qu’on apporte à
combattre ces fâcheux accidens. Ce que
nous certifions véritable.
Fait à Paris, le 16 du mois & an que deſſus.
Raport de l’ouverture du Corps mort du précédent Bleſſé.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant Criminel,
en date du 17 Juin
1675, nous avons fait l’ouverture du corps
mort de Louis-Charles P… du D… en la
maiſon de M. D. C. Procureur audit Châtelaet,
ſur les cinq heures de relevée, & qu’à-près
avoir ſoigneuſement examiné toutes les
parties du ſuſdit corps, particuliérement
celles qui ſont contenues dans le ventre
ſupérieur, nous avons enfin trouvé quelque
peu de ſang figé & coagulé en la région poſtérieure de la baſe du cerveau, & un
très-grand abſcès contenu dans la ſubſtance
du foye (d’où nous avons tiré ſept à huit onces
de pus), & de plus toute la ſubſtance du
poumon purulente & abſcédée ; ce que nous
eſtimons avoir été la cauſe de ſa mort, les
playes de la tête avec violente commotion
du cerveau, étant ſujettes à cauſer ces ſortes
d’abſcès intérieurs. Ce que nous atteſtons.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe pénétrante juſqu’à la Dure-mere.
Aporté par moi Maître Chirurgien Juré
à Paris, que ce jourd’hui 5e jour de
Juin 1710, j’ai été mandé, dans la rue de la
Mortellerie, au troiſieme étage d’une maiſon
où pend pour enſeigne le Pot d’étain, où j’ai
vû & viſité le nommé Jacques Alart, Porteur
de grains, que j’ai trouvé bleſſé d’une playe
à la tête, ſitué ſur la partie moyenne de l’os
coronal, de la grandeur de deux travers de
doigt, de figure oblique, pénétrante juſqu’à
la dure-mere : laquelle playe ayant été ſuivie
de vomiſſement, fiévre, & rêverie, me fait
juger qu’elle eſt du nombre de celles qui ſont
d’ordinaire cenſées mortelles ; & elle me paroît
avoir été faite par un inſtrument tranchant.
Pour raiſon de quoi le ſuſdit bleſſé a
beſoin d’être ſaigné pluſieurs fois, d’obſerver
un régime de vie très-exact, & que ſa playe ſoit dilatée, afin d’y appliquer inceſſamment
le trépan, pour vuider le ſang qui
peut être épancher ſur la dure-mere, & éviter
par-là, s’il eſt poſſible, le plus terrible de tous
les ſymptômes, qui eſt la mort du bleſſé,
dont ces ſortes de playes ſont ordinairement
ſuivies. Fait les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe contuſe à la Tête, avec Fracture de la ſeconde table du Crâne, qui fut reconnue après la mort du Bleſſé.
Ous ſouſſignés Médecin & Chirurgiens
du Roi en ſon Châtelet de Paris, certifions
que, par l’Ordonnance de M. le Lieutenant Criminel,
en date du 6 Février 1677,
nous avons fait l’ouverture du corps de feu
Bonaventure Sergil, Maître Cordonnier à
Paris, demeurant rue Galende, près la place
Maubert, que ſa femme & ſon fils nous ont
dit avoir été bleſſé, il y a cinq ſemaines ou
environ, d’une playe à la tête, cauſée par
un coup de pierre, dont il avoit été guéri en
quinze jours ; mais que depuis ce tems-là il
s’étoit toûjours plaint d’un grand dégoût,
d’envie de vomir, & d’une douleur ſourde
avec peſanteur de tête, juſqu’au premier
Février, qu’il avoit eu un grand friſſon & la
fiévre enſuite ; & que le jour ſuivant il avoit
eu des convulſions, & étoit tombé dans un
aſſoupiſſement qui ne l’avoit point quitté
juſqu’à ſon décès arrivé ce jourd’hui.
Que ſur ce récit des accidens arrivés audit Sergil avant ſa mort, nous avons examiné la cicatrice de la playe en queſtion, que nous avons trouvée bien faite. Après quoi nous avons ſcié le crâne, pour examiner les parties ſituées au-deſſous ; ce qui ayant été fait, nous avons trouvé une ſanie purulente épanchée ſur la dure-mere, qui avoit rendu cette membrane toute livide. Puis ayant examiné le crâne par dedans, nous avons découvert une fente accompagnée d’une légere éroſion à la ſeconde table, juſtement au-deſſous de la playe qui étoit ſituée ſur la partie ſupérieure & latérale droite de l’os coronal, la premiere table étant en ſon entier. Sur quoi nous eſtimons que cette fracture, & l’épanchement qui s’eſt fait en conſéquence par un ſuintement de ſéroſités, ont été cauſe de la mort du ſuſdit bleſſé. Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une grande Fracture au Crâne, avec léſion des Méninges & du Cerveau.
Aporté par moi Maître Chirurgien Juré
à Paris, que le jour d’hier 25 Avril
1693, j’ai été mandé, dans la rue des Gravilliers,
au quatrieme étage d’une maiſon dont
la boutique eſt occupée par un Menuiſier,
pour panſer le nommé Jérôme Protais, compagnon
Charpentier, que j’ai trouvé bleſſé
d’une grande playe contuſe à la tête, cauſée
par la chûte d’un ſoliveau d’un premier étage ; laquelle playe eſt ſituée ſur le bregma, avec
briſûre & enfonçûre d’une piece de l’os coronal,
dilacérant la dure & la pie-mere, &
pénétrant dans la ſubſtance cendrée du cerveau ;
pour laquelle piece retirer j’ai été
obligé d’appliquer le trépan en deux endroits
au ſuſdit bleſſé, dans l’eſpérance que la compreſſion
que cette piece enfoncée cauſoit aux
méninges & au cerveau, venant à ceſſer, il lui
reviendroit quelque intervalle de connoiſſance,
pendant lequel on auroit lieu de lui
adminiſtrer les Sacremens ; ce qui eſt effectivement
arrivé, ayant eu la connoiſſance &
l’uſage de ſes ſens pendant une heure & demie ;
après quoi il eſt tombé dans un délire ſi
furieux, qu’à peine a-t-on pû l’empêcher, par
des ligatures qu’on lui a faites, de défaire ſon
appareil. Les vomiſſemens bilieux & un aſſoupiſſement
léthargique ayant ſuccédé à ces
grandes inquiétudes, le mauvais état où j’ai
trouvé la playe à la levée du premier appareil,
font des préſages ſûrs de ſa mort prochaine.
Fait à Paris, le 26e jour du mois &
an que deſſus.
Raport d’une Playe contuſe à la Tête, qui ſe trouva de difficile curation, à l’occaſion du Virus vérolique.
Ous ſouſſignés Médecin & Chirurgiens
du Roi en ſon Châtelet de Paris, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant Criminel, en date du 14 Mai
1695, nous avons été en la priſon du Fort-l’Évêque,
pour voir & viſiter le nommé Molers,
auquel nous avons trouvé un ulcère
virulent ſur la partie moyenne de l’os pariétal
droit, avec des bords endurcis, & dénudation
& noirceur dudit os, de la grandeur
d’une piece de trente ſols ; lequel ulcère rend
une ſanie jaunâtre, viſqueuſe & fétide ; & ledit
Molers nous ayant dit que cet ulcère étoit
la ſuite d’une playe qu’il avoit reçûe en cet
endroit il y a deux mois, ſans pouvoir guérir,
nous l’avons interrogé ſur ſa diſpoſition, &
nous avons ſçû, par ſes réponſes, qu’il avoit
du mal au goſier & au fondement ; ce qui
nous ayant porté à viſiter ces parties, nous
lui avons trouvé deux ulcères véroliques au
goſier, & le fondement environné de puſtules
d’un pareil caractere. Sur quoi nous eſtimons
que le même virus a fait dégénérer la playe
en ce mauvais ulcère, dont il ne pourra guérir
que pr le traitement de la vérole.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Article IV.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes du Viſage.
Es playes qui arrivent au Viſage ſont
aiſément connues par la Vûe, & par
l’attouchement du doigt, ou de la ſonde.
À l’égard du jugement que l’on en peut porter dans les Raports de Chirurgie, il doit ſe tirer des endroits où elles arrivent, & des circonſtances qui les accompagnent.
Par exemple, les playes du front qui coupent en travers les muſcles frontaux, cauſent un relâchement ſur la paupiere ſupérieure, qui l’empêche de ſe relever avec facilité, à-moins que ces playes ne ſoient d’abord ſoigneuſement réunies.
Les playes ſimples & ſuperficielles du viſage ſe réuniſſent avec facilité, par le moyen du bandage, ou d’une future ſeche quand le bandage n’a pas de lieu : mais celles qui traverſent les lèvres ou le muſcle buccinateur de part en part, ne peuvent être guéries que par des ſutures, dont les points laiſſent toûjours un peu de difformité.
De plus, les playes du viſage qui ſont larges, profondes, avec déperdition de ſubſtance, & où les os ſe trouvent intéreſſés, ſont difficiles à guérir, & laiſſent toûjours des cicatrices caves & très-difformes. Or il eſt important d’informer les Juges, en faiſant les Raports de ces playes, de la difformité qui pourra reſter en cette partie après leur guériſon, afin qu’ils adjugent aux bleſſés des intérêts proportionnés à la grandeur de cette difformité. Enfin les playes du viſage qui ouvrent les canaux ſalivaires, dégénerent ſouvent en des ulceres fiſtuleux, enſorte que l’on eſt obligé d’uſer de cauſtiques, tant pour détruire les calloſités, que pour fermer l’ouverture des conduits.
Modeles de Raports concernant les Playes du Viſage.
Raport d’une Playe dilacérée à la Joue, pénétrante de part en part.
Aporté par moi Maître Chirurgien Juré
à Paris, que ce jourd’hui 10e de Décembre
1697, j’ai été mandé, au Port S. Paul,
pour panſer François Gujot, Voiturier par
terre, que j’ai trouvé bleſſé d’une grande
playe à la joue, laquelle pénetre de part en
part, & s’étend depuis la partie ſupérieure &
poſtérieure de l’os de la pomette juſqu’au-deſſous
de la ſymphiſe des lèvres, enfonçant
de dehors en dedans la ſeconde dent molaire ;
laquelle playe le bleſſé & les aſſiſtans
m’ont dit lui avoir été faite par une écaille
d’huître, qui lui a été lancée avec beaucoup
de violence.
Sur quoi, après avoir relevé la dent enfoncée, j’ai fait à la playe deux points de ſuture entre-coupée avec de petites chevilles, pour en tenir les bords approchés, & en procurer la réunion ; & après avoir panſé le bleſſé, je l’ai ſaigné au bras, pour prévenir les accidens ordinaires des playes, comme fiévre, fluxion, inflammation, &c. Au ſurplus ledit Gujot a beſoin de garder le repos, & d’être nourri pendant dix à douze jours, d’alimens liquides, afin de ne point former d’obſtacle, par la maſtication, à la réunion de la playe. Au reſte j’eſtime qu’il pourra être guéri dans trois ſemaines, & obſervant de ſa part les choſes qui lui ſeront preſcrites.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport de pluſieurs Contuſions au Viſage.
Aporté par nous Médecin & Chirurgiens
ordinaires du Roi en ſa Cour de
Parlement, ſouſſignés, que ce jourd’hui, en
vertu de l’Ordonnance verable de Mgr. le
Premier Préſident, nous nous ſommes tranſportés,
rue Ste. Avoye, en l’Hôtel de Meſſire
Antoine de Meſmes, Conſeiller du Roi en
tous ſes Conseils, Préſident-à-Mortier en la
Cour de Parlement, que nous avons trouvé
bleſſé au viſage, d’une contuſion occupant
toute la lèvre ſupérieure du côté gauche juſqu’à
l’aîle du nez, de laquelle on nous a dit
être ſorti du ſang par le dedans de la bouche ;
& même nous avons remarqué que les dents
de la mâchoire ſupérieure, ſituées ſous cette
contuſion, en ont ſouffert quelque ébranlement :
Nous avons encore obſervé une autre
contuſion à la pomette de la joue du même
côté, de la grandeur d’une piece de quinze
ſols. Leſquelles contuſions on nous a dit avoir été faites par coups de poings, & ſemblables
inſtrumens ; ce qui nous a paru véritable, par
la rougeur & l’inégalité qui ſe trouvent aux
parties contuſes, & qui ſemblent être des
impreſſions faites par des ongles, ou par les
nœuds des doigts de la main fermée. Tous
leſquels accidens pourroient bien avoir quelque
ſuite fâcheuſe, ſans une précaution régulierement
priſe. Fait ce 21 Avril 1664.
Raport d’une Playe faite par inciſion à la Lèvre inférieure.
Aporté par moi Maître Chirurgien Juré
à Paris, que ce jourd’hui 19 Octobre
1697, j’ai été mandé, rue Frementeau, à
l’Hôtel de S. Louis, pour panſer le ſieur Mallot
de Champré, Garde-du-Corps du Roi,
d’une playe faite par inciſion à la lèvre inférieure,
avec briſûre d’une dent inciſive ;
laquelle playe a diviſé ladite lèvre dans toute
ſon épaiſſeur & en ſon milieu, depuis la partie
ſupérieure juſqu’à la ſymphiſe du menton ; &
laquelle je juge avoir été faite par un ſabre,
une épée bien tranchante, ou un autre inſtrument
ſemblable. Pour la réunion de laquelle
playe, j’ai été obligé de faire deux points de
ſuture entortillée, en tel cas requiſe ; au
moyen de quoi j’eſpere que cette playe ſe réunira
facilement, pourvû que le ſuſdit bleſſé
garde le repos, & obſerve le régime que je
lui ai preſcrit. Fait à Paris, les jour & an que
deſſus.
Raport d’une Fracture au Nez.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 15 Janvier
1704, j’ai été mandé, en la rue S. Germain
de l’Auxerrois, à deux heures après midi,
pour voir & viſiter le nommé Jacques
Emery, Archer de M. le Lieutenant-Criminel
de Robe-courte, qui venoit d’être
bleſſé au nez, avec fracture de l’os quadrangulaire
au côté droit, & ſéparation du cartilage.
Après la réduction faite de ladite fracture, &
l’application d’un bandage convenable, j’ai
encore remarqué au ſuſdit bleſſé une contuſion
demi-circulaire au-deſſus du molet de la
jambe gauche : leſquelles bleſſures je juge
avoir été faites par des coups de pieds & de
poings rudement portés. Pour raiſon de quoi
ledit Emery, qui a été ſaigné, doit garder le
repos, obſerver le régime convenable, & être
ſoigneuſement panſé, & aſſiſté de toutes les
choſes néceſſaires, pendant l’eſpace de vingt
jours, qui eſt le terme de la réunion de cette
eſpece de fracture, afin de prévenir les accidens,
& empêcher qu’il ne lui reſte de ſa fracture
quelque difformité au viſage.
Fait les jour & an que deſſus.
Raport de pluſieurs Contuſions, tant à la Conjonctive, qu’aux Paupieres des deux Yeux.
Aporté par moi Maître Chirurgien
Juré à Paris, que le 5 Avril 1683, j’ai été mandé rue Serpente, dans la maiſon des Filles
de S. Severin, pour voir & viſiter la nommée
Marie Roland, fille-de-chambre de Madame
la Comteſſe de R… que l’on m’a dit
être détenue au lit depuis ſept jours, à cauſe
des bleſſures qui ſuivent : 1o Deux grandes
contuſions & ecchymoſes cauſées par un ſang
extravaſé ſous les paupieres des deux yeux,
tant ſupérieurs qu’inférieures, qui ne pourront
ſe diſſiper de plus de douze jours : 2o
Une autre ecchymoſe de la grandeur de l’ongle,
ſous la membrane de l’œil droit dite
conjonctive : 3o Une excoriation à la partie
ſupérieure & latérale du nez du côté droit, &
une autre plus petite au-deſſous de la paupiere
inférieure de l’œil droit. Le pouls de ladite
bleſſée m’a de-plus paru fort agité, ſe plaignant
d’une grand douleur de tête, & d’avoir
perdu beaucoup de ſang dans le tems
qu’elle a reçu ſes bleſſures, que je juge lui
avoir été faites par des coups de pieds & de
poings, ou lui avoir été occaſionnées pour
être tombée ſur le pavé ; ce qui l’a engagée à
ſe faire ſaigner deux fois, comme il m’a paru
par deux cicatrices toutes récentes faites à
ſon bras droit, & ce qui doit l’obliger de garder
encore le lit & la chambre durant pluſieurs
jours : il faut appliquer ſur ſes ecchymoſes
des remedes ſpiritueux, pour en avancer
la réſolution, & prévenir les fâcheux accidens
qui pourroient arriver à la ſuſdite bleſſée, à moins qu’elle n’obſerve le régime convenable,
& qu’elle ne ſoit aſſiſtée de toutes
les choſes néceſſaires, juſqu’à ce qu’elle ſoit
en état de ſe montrer. Fait à Paris, &c.
Raport d’une Playe au Front, avec dilacération, contuſion & ecchymoſe, coupant tranſverſalement le Muſcle Frontal droit.
Aporté par Maître Chirurgien
Juré à Paris, que ce jourd’hui 20e de
Novembre 1696, j’ai été mandé en la Place
Dauphine au troiſieme étage d’une maiſon
dont la boutique eſt occupée par un Orfévre,
pour viſiter Jean-Baptiſte Pivot, garçon Lapidaire,
que j’ai trouvé bleſſé à la partie latérale
droite du front, d’une playe tranſverſale
de trois travers de doigt en ſa longueur, qui
pénetre juſqu’au péricrâne, coupe totalement
le muſcle frontal, eſt accompagnée d’une
grande contuſion & ecchymoſe : laquelle
playe ledit bleſſé m’a dit avoir reçûe il y a
quatre jours, ayant été pouſſé avec beaucoup
de violence contre le cercle d’une roue de
charette, nouvellement recouverte de gros
clous qui ſervent à attacher les bandes de fer
qui l’entourent ; & comme cette playe ne
peut être guérie qu’après une ample ſuppuration,
j’ai fort approuvé la conduite de celui
qui le panſe, de n’avoir point encore faite de
ſuture pour approcher les levres de cette
playe, qui ſont fort écartées ; ce qu’on devra néanmoins faire dans quelques jours, lorſque
le gonflement des parties ſera diminué, & la
ſuppuration fort avancée : il faudra cependant
continuer à panſer le bleſſé avec application,
le ſaigner pour la troiſieme fois, & lui faire
obſerver une diete exacte, pour éviter les accidens
fâcheux dont les playes de tête ſont
aſſez ſouvent ſuivies ; de l’évenement deſquels
on ne peut encore répondre à l’égard
du ſuſdit bleſſé.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’un Coup d’Arme-à-feu, avec brisûre de la Mâchoire inférieure.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que le 22e jour d’Août
1693, je me ſuis tranſporté au Village de
Brévanes, par l’ordre de M. de B… Capitaine
des Chaſſes de la Plaine de Creteil, aux
fins de faire mon Raport ſur la bleſſure de
Charles Beauviſé, l’un des Gardes de ladite
Plaine, que j’ai trouvé bleſſé d’un coup de fuſil,
ſitué à la partie moyenne de la mâchoire
inférieure au côté gauche, avec fracture dudit
os, & emportement de la dent canine, le
coup ayant eu ſon iſſue bornée dans la bouche,
d’où le Chirurgien qui le panſe, m’a dit
avoir tiré deux poſtes d’un petit calibre, qui
s’étoient nichées dans l’épaiſſeur de la langue ;
& ayant trouvé la playe extérieure conſidérablement
dilatée, le même Chirurgien m’a allégué qu’il avoit été obligé de le faire, tant
pour changer la figure ronde de la playe, que
pour avoir plus de facilité à tirer trois eſquilles,
leſquelles étant toutes détachées, devoient
être regardées comme des corps étrangers
qui demandoient leur iſſue. La playe en
queſtion, qui a été faite il y a dix jours, n’étant
point trop tuméfiée, & commençant
d’entrer en ſuppuration, me fait juger que le
bleſſé en guérira ; pourvû qu’il continue à
être ſoigneuſement panſé, qu’il obſerve une
diete exacte, & que l’on ait ſoin de tirer adroitement
différentes eſquilles, qui ſont déjà
fort ébranlées, à meſure que la ſuppuration
les dégagera de-plus-en-plus. Au-reſte cette
playe ne pourra être guérie parfaitement de
plus de deux mois, & laiſſera à la joue une cicatrice
cave & difforme. Fait audit lieu de
Brévanes, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Contuſion au Front.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 19e jour
d’Août 1696, j’ai été mandé, rue de la Truanderie,
pour voir & viſiter Laurent Royer,
Maître Couvreur, dans une maiſon à lui appartenante,
que j’ai trouvé bleſſé d’une contuſion
au front au-deſſus du ſourcil droit, de
la grandeur d’une piece d’un écu blanc, cauſée
par un coup de pierre, ou de bâton. Je lui
ai encore remarqué une petite contuſion au nez & à la levre ſupérieure du même côté,
qui lui a cauſé un violent ſaignement de nez ;
& quoique ſa contuſion au front ne lui ait cauſé
aucun accident à l’inſtant de ſa bleſſure, je
n’ai pas laiſſé de lui conſeiller de ſe faire tirer
du ſang, & de s’abſtenir de toute action violente,
pour prevenir les accidens dont les
coups de tête ſont quelquefois ſuivis, lorſqu’on
s’y attend le moins.
Fait les jour & an que deſſus.
Raport pour juger de l’état préſent d’un Bleſſé.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que, de l’Ordonnance de
M. le Lieutenant-Criminel, je me ſuis, ce
jourd’hui 31 Décembre 1689, tranſporté,
rue Traverſine, dans une maiſon appartenante
au ſieur Gergy, pour voir & viſiter le nommé
François Fontaine, âgé de vingt-neuf ans,
& rendre compte enſuite à mondit ſieur le
Lieutenant, de l’étant préſent dudit Fontaine :
auquel j’ai remarqué deux playes preſque
guéries & cicatriſées, pour leſquelles il a été
ſaigné trop fois ; la premiere eſt petite, avec
une cicatrice dure de la groſſeur d’un pois,
ſituée ſur la partie gauche de la levre ſupérieure,
qu’elle perçoit de part en part, & qui
eſt préſentement guérie ; la ſeconde eſt une
playe de la grandeur d’un pouce, ſituée tranſverſalement
entre la quatrieme & cinquieme
côte ſupérieure, au côté droit de la partie antérieure du thorax ; laquelle avoit été faite
par un coup d’épée, & qui eſt à-préſent entierement
remplie de chair, & prête à être
cicatriſée ; enſorte que ledit bleſſé n’étant à-préſent
aucunement indiſpoſé, n’a plus beſoin
d’aucun ſecours.
Fait les jour & an que deſſus.
Raport d’un Ulcere fiſtuleux à la Joue, cauſé par l’ouverture du Conduit Salival.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, qu’en vertu de la Sentence
de M. le Lieutenant-Criminel en date du 29
Mai 1962, à moi ſignifiée le premier Juin,
ſuivant laquelle il ordonne que le nommé
Martin Picart, Officier de M. le M. de C…
ſera par moi vû & viſité, pour dire mon ſentiment
ſur une playe qu’il a reçûe à la joue
droite, il y a environ trois mois, & raporter
ſi elle eſt guériſſable, ou non. Après le ſerment
fait en tel cas requis, & ledit Picart vû
& viſité, mon ſentiment eſt que l’ulcere que
j’ai remarqué au milieu de ſa joue droite, &
que l’on peut à bon droit nommer un ulcere
fiſtuleux, eſt guériſſable, pourvû que ledit
Picart veuille bien ſouffrir l’opération qui eſt
requiſe pour ſa guériſon ; ſçavoir, de dilater ſa
playe ſur ſon ancien veſtige, &, après avoir
détruit le cercle calleux de l’ulcere, appliquer
ſur l’ouverture du conduit ſalival (qui a juſqu’ici
fourni la liqueur claire & limpide que l’on a toujours vû ſortir de cette fiſtule) un
cauſtique capable de boucher cette ouverture ;
l’iſſue involontaire de la ſalive étant le ſeul
obſtacle qui ſe ſoit oppoſé à la guériſon de la
playe en queſtion, & qui l’a fait dégénérer
en un ulcere fiſtuleux.
Fait à Paris, le 2e dudit mois & an.
Deux Raports ſucceſſifs d’une Playe à la Joue, & d’une fracture à la Jambe.
Premier Raport.
Aporté par moi Chirurgien du Roi au
Châtelet de Paris, que le 27 Décembre
1718, le ſieur de la Haye, Lieutenant du Roi
en la Ville & Château de Joinville, a été apporté
chez moi, pour le viſiter & panſer ; que
l’ayant examiné, je l’ai trouvé bleſſé d’une
playe au viſage, & ſa jambe gauche fracturée ;
& que ne le pouvant panſer chez moi de
ladite jambe, je l’ai fait tranſporter chez lui
rue de la Vannerie, où pend pour enſeigne
l’image de Ste Brigitte, où je l’ai panſé d’abord
de ſa playe à la joue gauche, qui étoit
de la grandeur de deux travers de doigt, &
pénétrante dans les chairs, à laquelle j’ai fait
deux points d’aiguille, pour en procurer une
réunion plus prompte & moins difforme.
Des deux os de ſa jambe gauche, le péroné
ſeul s’étant trouvé fracturé dans ſa partie inférieure,
je l’ai réduit ; &, pour le maintenir dans ſa réduction, j’ai appliqué ſur la partie
les médicamens & bandages convenables.
Et comme cette fracture eſt accompagnée
d’une contuſion conſidérable, j’ai ſaigné le
bleſſé à l’heure même, & me ſuis propoſé
de réitérer demain la ſaignée matin & ſoir.
Au ſurplus, le ſuſdit bleſſé a beſoin d’obſerver
le régime exact que je lui ai preſcrit, &
de garder le lit indiſpenſablement pendant
tout le tems qui conviendra pour ſa guériſon,
que je ne puis encore fixer, à cauſe des fâcheux
accidens qui peuvent ſurvenir à ſes bleſſures.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Second Raport.
Aporté par moi Chirurgien du Roi au
Châtelet de Paris, qu’ayant eu ordre de
M. le Lieutenant-Criminel, de l’informer
par un ſecond Raport de l’état où ſe trouve le
ſieur de la Haye, depuis les douze jours écoulés
de ſon premier panſement ; ce que je puis
en dire, c’eſt que la grande contuſion énoncée
dans mon premier Raport, a fait ſouffrir
au bleſſé de grandes douleurs, la fracture de
l’os ſe trouvant tout auprès de la jointure du
pied, laquelle eſt une partie très-ſenſible ;
qu’à la levée du premier appareil, j’ai trouvé
l’os dans une bonne ſituation & bien conformé ;
mais que quatre ſaignées promptement
faites n’ayant pû empêcher que l’ecchymoſe
n’ait produit un peu de ſuppuration, il faut un tems conſidérable pour le guérir, qui ne
peut être moins de deux mois, quelque attention
qu’on apporte à ſon traitement.
Fait à Paris, ce 8 Janvier 1719.
Article V.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes des Yeux.
Es playes des Yeux ſont faciles à connoître,
par le deſordre qu’elles cauſent
à ces organes, & par les plaintes dont les
bleſſés ſe fatiguent eux-mêmes, auſſi-bien
que ceux qui les approchent.
À l’égard du prognoſtic, il ne peut être que très-mauvais, & cela pour pluſieurs raiſons :
1o Parce que le globe de l’Œil étant tout nerveux & membraneux, il ne peut être bleſſé le moins du monde, que les violentes douleurs n’occaſionnent une longue ſuite de fâcheux accidens, que l’on ne peut maîtriſer & ennuyeux traitement.
2o Cet organe a une telle liaiſon avec le Cerveau, qu’il ne ſauroit être bleſſé ſans que la douleur & l’inflammation ſe communiquent au Cerveau, & même d’un Œil à l’autre.
3o La moindre playe ou contuſion qui arrive à l’Œil, met le bleſſé en danger de tomber dans l’aveuglement, qui eſt le plus grand malheur qui puiſſe arriver à un homme, après celui de perdre la vie.
4o Les playes des Yeux ont cela de particulier, qu’elles mettent non-ſeulement les bleſſés hors d’état de s’appliquer à quoi que ce ſoit juſqu’à leur parfaite guériſon ; mais qu’elles les réduiſent encore dans la dépendance des autres pour toute ſorte de ſecours.
5o Les playes qui pénetrent le globe de l’Œil, ſont preſque toujours incurables, tant à cauſe de l’écoulement de l’humeur aqueuſe, qui flétrit l’Œil, que du phlegmon qui ſurvient à la playe, dont les ſymptômes cauſent un deſordre très-grand dans cet organe, & juſques dans le principe des nerfs qui lui fourniſſent la grande quantité d’eſprits animaux dont il a beſoin pour faire ſa fonction.
Or toutes ces conſéquences doivent être inſinuées aux Juges dans les Raports que l’on fait des playes des Yeux, pour leur donner lieu de rendre aux Parties la juſtice qu’elles méritent.
Modeles de Raports concernant les Playes des Yeux.
Raport d’une grande Contuſion ſur l’Œil.
Aporté pour moi Chirurgien du Roi au
Châtelet de Paris, que le 21 Juin 1717,
j’ai été mandé chez M. Moreau, Procureur
au Châtelet, rue Ste Croix de la Bretonnerie, pour viſiter & panſer la nommée Marie-Anne
Gelin, ſa domeſtique, que j’ai trouvée dans
ſœn lit le viſage tout couvert ; que lui ayant
demandé de quoi elle ſe plaignoit, elle m’a
répondu qu’elle venoit de recevoir un coup
de cuillier-à-pot ſur le viſage ; que l’ayant
examinée, je l’ai trouvée bleſſée d’une contuſion
très-conſidérable ſur le haut du viſage,
accompagnée d’une grande ecchymoſe, laquelle
s’étend non-ſeulemnt ſur la moitié de
la joue, mais encore ſur toute la circonférence
de l’œil droit, qui eſt fort enflammé &
tout fermé, en ſorte qu’il y a lieu de croire
que le coup lui a été porté avec beaucoup de
violence : c’eſt pourquoi ladite bleſſée a beſoin
de garder le repos, d’être ſaignée une ou
deux fois, d’obſerver le régime, d’uſer de
topiques anodyns & réſolutifs, & d’être aſſiſtée
de toutes les choſes néceſſaires, au moins
pendant quinze jours, qu’il faudra pour obtenir
ſa guériſon, pourvû même que la contuſion
n’excite pas de fâcheux accidens ſur le
corps de l’œil.
Fait à Paris, les jour & an que ci-deſſus.
Raport d’un coup d’Aiguille pénétrant le Globe de l’Œil.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 27e
d’Octobre 1717, j’ai été mandé, en la rue St
Honoré, au troiſieme étage d’une maiſon où pend pour enſeigne la belle Image ; auquel
lieu j’ai trouvé la fille du ſieur Petit, Maître
Brodeur, âgée de douze ans, bleſſée d’une
petite playe à l’œil droit, pénétrant ſon globe,
ſur le cercle de l’iris, que l’on m’a dit
avoir été faite par une aiguille à travailler en
tapiſſerie : ladite bleſſée ſe plaignant de reſſentir
une grande douleur non-ſeulement à
ſon œil bleſſé, mais dans tout le côté de la
tête, & ayant déja les ſignes d’une grande
fluxion & inflammation en cette partie, comme
tenſion & rougeur aux vaiſſeaux de la
conjonctive, écoulement de larmes fort âcres,
& une extrême difficulté de tenir ſon œil ouvert
& expoſé à la lumiere. Pour raiſon dequoi,
après avoir introduit ſur le globe de
l’œil le ſang de pigeon, comme un puiſſant
anodyn, & appliqué à l’extérieur des compreſſes
imbibées de deffenſifs convenables,
j’ai ſaigné ladite bleſſée, lui ai preſcrit ſon régime,
& l’ai fait coucher dans un lieu obſcur,
pour prévenir les fâcheux accidens qui
peuvent ſurvenir aux playes d’une partie ſi
ſenſible ; outre que l’écoulement de l’humeur
aqueuſe par la playe, peut cauſer l’aveuglement,
dont on ne peut répondre que la fougue
des premiers accidens ne ſoit appaiſée.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe au Globe de l’Œil, faite par le tranchant d’un Couteau, qui n’avoit qu’effleuré la Conjonctive.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 4 Juillet
1695, j’ai été mandé, rue des Juifs, pour
voir le ſieur Iſaac Chédé, Huiſſier-à-cheval
au Châtelet de Paris, qui s’eſt plaint à moi
d’avoir été bleſſé à l’œil gauche par le tranchant
d’un couteau. Sur quoi ayant examiné
ſon œil bleſſé, j’y ai remarqué une légere
trace de l’inſtrument tranchant, lequel effleurant
la premiere tunique du globe de
l’œil, appellée la conjonctive, a ouvert quelques
vénules, qui ont occaſionné un ſuintement
de ſang très-léger : ce qu’ayant apperçû,
après avoir appliqué ſur l’œil bleſſé un deffenſif
convenable, j’ai ſaigné ledit Chédé,
& lui ai conſeillé de ſe tenir en repos, d’obſerver
le régime, de ne ſe point expoſer au
grand jour, & de s’abſtenir de toute action
qui puiſſe peiner ſes yeux, pour éviter la fluxion,
l’inflammation, la fiévre, & les autres
accidens des playes ; cette légere effloraiſon
de la conjonctive n’étant pas capable
par elle-même d’intéreſſer l’action de ſon œil.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une groſſe Contuſion des deux Paupieres, avec inflammation & gonflement du corps de l’Œil.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que le 16 Février 1719, j’ai été
mandé en la maiſon de M. le Commiſſaire
Soquard, rue des Arcis, pour viſiter & panſer
le ſieur de la Veuë, ancien Garde de Mgr.
le Duc d’Orléans, auquel j’ai trouvé ſur l’œil
droit exactement fermé, une ecchymoſe
énorme, qui s’étend non-ſeulement ſur toute
la circonférence de cet œil, mais encore ſur
toute la joue ; outre deux playes contuſes,
une ſur le nez, & l’autre au grand angle du
même œil, qui ne ſont pas profondes : leſquelles,
tant contuſion que playes, me paroiſſent
avoir été faites par un coup violent
d’un inſtrument orbe & contondant, comme
d’un bâton, ou choſe ſemblable. Deux heures
après avoir panſé ledit bleſſé, j’ai été le
voir dans ſon Auberge, rue Maubué, à l’enſeigne
du St. Esprit, où je l’ai ſaigné ; & comme
ſes playes avoient rendu beaucoup de
ſang, j’ai été obligé de le panſer de nouveau ;
mais auparavant j’ai voulu voir en quel état
étoit le corps de l’œil ; & l’ayant découvert
avec beaucoup de peine, je l’ai trouvé fort
gonflé & enflammé ; enſorte qu’ayant demandé
audit ſieur de la Veuë s’il appercevoit
la lumiere, il m’a dit que non. Sur quoi j’eſtime qu’il n’y a pas de meilleur moyen poru
détourner cet orage d’une partie ſi délicate,
que de réitérer la ſaignée plus que moins, de
tenir le bleſſé dans un régime exact, & d’uſer
ſur l’œil bleſſé de fomentations émollientes
& réſolutives ; ne pouvant, que dans quelques
jours, marquer quel ſera le tems de ſa
guériſon, non-plus que l’événement de ſa bleſſure,
parce que ſon œil eſt dans un état où il
y a beaucoup à craindre.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une brûlure à l’Œil, faite par le feu d’une Fuſée.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que le 23e jour de Juin 1693,
ſur les onze heures du ſoir, j’ai été mandé,
rue de l’Arbreſec, en la maiſon du ſieur Libar,
Maître Sellier à Paris, pour panſer ſon
fils, âgé de huit à neuf ans, qui venoit d’être
bleſſé d’une fuſée allumée, laquelle ayant
raſé ſon œil gauche, y avoit fait entrer quelques
parcelles de poudre enflammée, qui lui
avoient cauſé des douleurs extraordinaires,
& une fluxion & inflammation ſubite ſur cette
partie : ayant examiné les impreſſions que ces
particules ignées pouvoient avoir faites ſur
le globe de cet œil, il m’a paru qu’elles
étoient très-conſidérables ; & que ces impreſſions
cauſeroient, en ſuppurant, des ulceres
dont les ſuites pourroient être d’une grande conſéquence pour la viſion. Pour raiſon
de quoi, après avoir appliqué ſur cet œil
ainſi bleſſé les anodyns, & les deffenſifs néceſſaires,
j’ai ſaigné le bleſſé, & j’ai fait entendre
aux aſſiſtans l’importance de cette brûlure,
qui pourra bien cauſer la perte de l’organe,
quelque diligence que l’on apporte à corriger
la violence de ces fâcheux accidens.
Fait à Paris, le 25 des mois & an que deſſus.
Raport du pluſieurs Ulceres à l’Œil, cauſés par l’impreſſion d’une Eau cauſtique.
Aporté par nous Médecin & Chirurgiens
du Roi en ſon Châtelet de Paris,
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant-Criminel
audit Châtelet, en date
du 4 Septembre 1695, nous nous ſommes tranſportés
en la rue S. Nicaiſe, pour voir & viſiter
Dame Eliſabeth de S… femme du Sieur
Jean de B… Vicomte de V… Capitaine au
Régiment du Roi, à laquelle nous avons
trouvé pluſieurs ulceres non encore cicatriſés,
qui couvrent non-ſeulemnt toute la
prunelle de ſon œil gauche, mais qui s’étendent
encore ſur le blanc dudit œil, en ſorte
que preſque toute la face extérieure de ſon
globe en eſt atteinte : leſquels ulceres ſont
les fuites des eſcares qui ſe ſont ſéparées aux
endroits qu’ils s’occupent, & qui ont été occaſionnés
par l’impreſſion d’un cauſtique très-violent,
que la malade en queſtion nous a dit avoir été de l’eau-forte : Sur quoi nous
eſtimons qu’elle ſera pour toujours, comme
elle eſt dès-à-préſent, privée de l’action dudit
organe, les cicatrices qui reſteront après
ſa guériſon, étant plus que ſuffiſantes pour
former des obſtacles invincibles au paſſage
des rayons de lumiere.
Fait à Paris, le 11e jour du mois & an que deſſus.
Article VI.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes du Nez, de la Bouche, & des Oreilles.
L n’y a point de difficulté à appercevoir
les playes du nez & des oreilles, & même
leur retranchement tout entier. Il en eſt à
peu-près de même des playes de la Bouche,
que l’on apperçoit aiſément en ouvrant les
mâchoires, & en examinant avec ſoin l’intérieur
de cette partie.
Quant au prognoſtic de ces playes, on peut dire qu’il eſt rare qu’elles mettent les bleſſés en danger de perdre la vie, à-moins qu’elles n’ayent des complications extraordinaires ; comme, par exemple, lorſqu’elles ſont accompagnées de grandes fractures aux os, ou de l’ouverture de quelques vaiſſeaux cachés au fond de ces organes, ſur l’orifice deſquels on ne peut porter des remedes aſtringens & cathérétique, & dont on ne peut faire la ligature.
Auſſi eſt-il arrivé bien des fois que des coups d’épée, ou d’autres armes offenſives, ayant été portés profondément dans le nez, ou dans la bouche, ont fait périr les bleſſés, non pour avoir intéreſſé ces organes, mais pour avoir pénétré le crâne & bleſſé le cerveau, ou pour avoir ouvert des arteres conſidérables dans leur progrès ; ce qui avoit occaſionné des hémorrhagies mortelles.
Mais quand les playes n’intéreſſent que l’oreille extérieure, ou les tégumens & les cartilages du nez, elles cauſent plus de difformité que de péril à ceux qui les ont reçûes, & elles ſont aiſément réunies par la ſuture, pourvû que les portions diviſées ayent encore quelque adhérence à leur tout.
Il eſt vrai néanmoins que le retranchement abſolu de l’oreille extérieure nuit à l’action de l’ouïe, ceux qui ſont ainſi mutilés ne pouvant recevoir les ſons que confuſément, & s’imaginant toujours entendre le bruit d’une riviere, ou le chant de la cigale ; parce que le ſon ſe diſſipe trop promptement dans l’air, faute d’une cavité aſſez profonde pour le recueillir & le raſſembler.
Il ne faut pas oublier auſſi qu’une inciſion fort légere que l’on fait ſous la Langue des enfans pour leur couper le filet, leur a quelquefois malheureuſement cauſé la mort, lorſqu’en faiſant cette inciſion trop profondément, il eſt arrivé aux Chirurgiens de couper les veines & les arteres que l’on nomme ranules : car ſi l’on demandoit, en cas pareil, la viſite de l’enfant mort, & un Raport en conſéquence, il ſeroit difficile de diſculper l’Opérateur d’impéritie, ou plûtôt de négligence ; puiſque l’on peut toujours ſe mettre hors de danger de faire cette faute, lorſqu’on fait cette petite ſection à la faveur d’un petit inſtrument en forme de fourchette, qui ſoûleve en même tems la Langue de l’enfant, & préſerve les vaiſſeaux que l’on peut intéreſſer, des atteintes de l’inſtrument tranchant.
Du-reſte, les playes ſimples de la Bouche ſont faciles à réunir, en les lavant avec quelque décoction déterſive & vulnéraire.
Enfin, je ne puis m’empêcher de dire ici que le retranchement total du Nez ne ſeroit pas d’un ſi grande conſidération, même par raport à la difformité que cauſe une telle perte, ſi l’on étoit bien sûr de la vérité de ce que Tagliacotius, fameux Chirurgien de Boulogne, a avancé, dans une Lettre qu’il écrivoit ſur la reſtauration du Nez, vers la fin du ſiécle précédent, à Mercurialis, Profeſſeur de Padouë, & dans un Traité qu’il fit imprimer peu de tems après concernant cette Chirurgie particuliere. Car cet Auteur, après avoir expliqué la maniere doit il entoit un Nez nouveau ſur les veſtiges de celui qui avoit été coupé, dit que cette proſtheſe lui réuſſiſſoit ſi heureuſement, que l’art en cela faiſoit honte à la nature, étant impoſſible, à la couleur près, qui étoit d’abord un peu moins vive à la partie réparée, de diſtinguer un Nez refait à ſa maniere, d’un autre formé par la nature. Et il prend pour témoins de ce qu’il avance, tous ceux qui avoient vû quatre opérations qu’il avoit faites dans le cours de cette année, ſur quatre différens ſujets, dont trois étoient Italiens de la Ville de Plaiſance, & l’autre un Gentilhomme Flamand de la Ville d’Anvers.
Il répond enſuite à une objection que les Médecins & Chirurgiens de ſon tems faiſoient contre cette Chirurgie, alléguans que cette opération ne ſe pouvoit faire ſans mettre les malades à une longue & ennuyeuſe torture pendant quarante jours, ce que peu de gens étoient capables d’endurer ; outre que cette opération étoit très-difficile pour le Chirurgien. L’Auteur prétend au contraire que ces gens-là ſe trompoient, & que l’état où il falloit que les malades reſtaſſent pour favoriſer le ſuccès de cette opération, étoit très-ſuportable, & qu’il y a beaucoup d’opérations à faire dans la Chirurgie, qui ſont plus épineuſes & plus difficiles que celle-là.
Mais comme il eſt aſſez naturel de croire qu’un Nez ainſi réparé demanderoit plus de ménagement qu’un autre, de crainte qu’on ne s’expoſât à détruire ſon adhérence dans les efforts que l’on cauſeroit à cet organe en ſe mouchant, Musitanus répond qu’un Nez ainſi renouvellé contracte des adhérences ſi fermes après un certain tems, qu’il faudroit autant de violence pour l’arracher, qui ſi c’étoit un nez formé ſelon l’ordre naturel.
Ce dernier Auteur rapporte, pour prouver ce qu’il avance, l’hiſtoire aſſez plaiſante d’un Gentilhomme Italien, à qui l’on avoit refait un Nez de ſa propre chair, au lieu de celui qui lui avoit été emporté par accident ; diſant que ce Gentilhomme, après ſa guériſon, ayant toujours peur en ſe mouchant d’arracher ſon nouveau Nez, ſe contentoit, au-lieu de ſe moucher avec effort, comme l’on fait d’ordinaire, d’inſinuer dans ſes narines, le coin de ſon mouchoir tourné en forme de tente, pour les nettoyer : ce qu’ayant un jour apperçû le Chirurgien qui l’avoit guéri, il demanda à ſon ancien malade ce qui l’obligeoit à en uſer comme il faiſoit ; & le malade lui ayant fait entendre la peur qu’il avoit d’arracher ſon Nez en ſe mouchant avec effort, ce Chirurgien le prit par le Nez, & le traîna ainſi tout autour de ſa chambre, pour le convaincre que ſon Nez avoit des attaches beaucoup plus fermes qu’il ne s’imaginoit.
Au reſte, ſans vouloir traiter de pure ſable les faits rapportés par Tagliacotius, qui étoit en ſon tems le plus fameux Chirurgien d’Italie, après Fabrice d’Aquapendenté, au ſentiment d’un Auteur contemporain, ces mêmes faits étant d’ailleurs atteſtés par de grands perſonnages auxquels on doit toute créance, il reſte encore là-deſſus pluſieurs difficultés qui ne ſont pas faciles à lever ; comme, par exemple, de ſçavoir :
1o Pourquoi une Chirurgie ſi utile, & dans laquelle il entre même du merveilleux, n’a pas continué d’être pratiquée.
2o Pourquoi parmi un grand nombre d’excellens Chirurgiens qui ont fleuri en Italie & ailleurs, il y en a eu ſi peu qui l’ayent miſe en uſage : car nous ne voyons pas que cette reſtauration du Nez ait été faite par d’autres que par Branca, Sicilien, Chirurgien de Catanea, par Baltazar Pavonus ſon diſciple, par Tagliagotius, & par Arantlus, tous deux Chirurgiens de Boulogne.
3o Comment il s’eſt pû faire qu’aucun Chirurgien François ne l’ait tentée dans ce ſiécle, la Chirurgie s’étant élevée en France au plus haut point de perfection où elle ait été depuis qu’Hipocrate nous en a donné les préceptes, car dans ce ſiécle-ci la fureur des guerres a donné lieu à un grand nombre de mutilations, pour leſquelles cette Chirurgie auroit été d’un grand ſecours, s’il eſt vrai qu’elle puiſſe réuſſir auſſi heureuſement que Tagliacotius & d’autres Auteurs l’aſſûrent.
Au reſte, il ne faut pas s’imaginer que les Chirurgiens d’Italie que nous avons cités, ayent été les inventeurs de cette Chirurgie ; puiſque Celse en a parlé dans ſon VII. Liv. chap. 9e, & en a marqué les avantages & les inconvéniens. Elle n’étoit pas non-plus inconnue à Guy de Chauliac ; puiſque dans l’article des playes du Nez, il traite de cauſeurs ridicules ceux qui comptoient alors ſur la poſſibilité du ſuccès de cette reſtauration. Et notre illuſtre Ambroise Paré, qui a été le plus habile Chirurgien de ſon tems, ſe déclare lui-même témoin de la réuſſite de cette opération merveilleuſe, en la perſonne d’un Gentilhomme qu’il nomme Cadet de la Maiſon de Saint-Thoüan, lequel étant las de porter un Nez d’argent, qui l’expoſoit à la raillerie des gens de ſon âge, ſe détermina à faire un voyage en Italie, pour ſe mettre entre les mains d’un habile Chirurgien qui refaiſoit des Nez de chair ; ce qu’il exécuta, & il en revint avec un Nez de chair qui fut admiré de tout le monde.
Mais quoi que l’on puiſſe dire ou croire de la poſſibilité de cette Chirurgie, je ne puis m’empêcher, en finiſſant cet article, de faire encore un récit ſingulier d’une reſtauration du Nez, rapportée par Van-Helmont dans ſon Traité de la guériſon magnétique des playes. Voici comme il parle :
« Un Particulier de la Ville de Bruxelles ayant eu le Nez coupé dans un combat, alla en Italie trouver Tagliacotius, Chirurgien de Boulogne, pour qu’il lui refît un Nez ; & ne voulant pas ſouffrir l’inciſion qu’il auroit fallu faire à ſon propre bras, il traita avec un Crocheteur, qui voulut bien pour une certaine ſomme, que l’on prît dans le ſien la matiere d’un nouveau Nez. Mais, treize mois ou environ après le retour de ce Particulier à Bruxelles, ce nouveau Nez, que l’on avoit enté ſur les veſtiges de celui qu’il avoit perdu, ſe refroidit ſoudainement, &, quelques jours après, tomba en pourriture. Or la cauſe d’un changement ſi ſubit ayant été curieuſement recherchée, il ſe trouva que le Crocheteur qui avoit fourni la matiere de cet organe, étoit mort dans le même tems que le Nez s’étoit refroidi. Il y a encore, dit-il, à Bruxelles pluſieurs témoins de ce fait. » [2]
Modeles de Raports concernant les Playes du Nez, de la Bouche, & des Oreilles.
Raport d’une Playe contuſe, avec Fracture de l’Os du Nez.
Aporté pour moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 16 Novembre 1695, j’ai été mandé, rue Montorgueil,
pour panſer Jacques Gitaureau, Maître
Serrurier à Paris, que j’ai trouvé bleſſé
d’une grande playe au nez, avec fracas des
os qui le ſoûtiennent, grande contuſion, ecchymoſe,
& dilacération aux tégumens de
cet organe : laquelle playe je juge avoir été
faite par quelque inſtrument orbe & meurtriſſant,
comme canne, bâton, pierre, ou
autre ſemblable. Pour raiſon de quoi, après
avoir ſoigneuſement examiné la playe en
queſtion, qui étoit fort béante, j’y ai fait trois
points d’aiguille, pour rapprocher les levres :
& quoiqu’il y eût des pieces d’os abſolument
détachées, & que j’aurois pû tirer, je les ai
néanmoins laiſſées ; mais, au moyen d’un inſtrument
plat que j’ai introduit dans les narines,
joint à l’action de mes doigts au-dehors,
j’ai mis ces fragmens dans la ſituation
la meilleure qu’il m’a été poſſible de leur
donner, pour éviter la difformité, & faciliter
l’union des pieces offenſées : enſuite, pour
conſerver la liberté des deux conduits, j’y ai
introduit de chaque côté une canule couverte
d’un linge délié, enduit d’un médicament
convenable ; &, après avoir appliqué extérieurement
les topiques en tel cas requis, & le
reſte de l’appareil, j’ai ſaigné le ſuſdit bleſſé,
lui ai preſcrit une diete très-exacte, & l’ai
fait mettre en ſon lit, pour prévenir la fiévre,
la fluxion, l’inflammation, l’abſcès, la putréfaction, & autres fâcheux ſymptômes qui
pourroient arriver à une playe de cette qualité,
laquelle, quoiqu’elle ne ſoit pas mortelle
par elle-même, ne laiſſera pas d’être longue
& difficile à guérir ; outre la difformité
qu’elle pourra laiſſer à la partie bleſſée.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une diviſion preſque totale d’une grande portion du Nez.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 15 Janvier
1693, j’ai été mandé, en la rue des Fontaines,
près le Temple, pour panſer Damoiſelle
Marguerite du Ryer de Sénaucour, que
j’ai trouvée bleſſée d’une playe au nez, faite
par un inſtrument tranchant, comme épée,
couteau, raſoir, ou autre ; laquelle playe a été
cauſée par un coup donné tranſverſalement
ſur le nez, à l’endroit de la conjonction du
cartilage avec les os : & elle s’étend obliquement
de devant en arriere, de côté & d’autre,
juſqu’à deux ou trois lignes de l’extrémité des
aîles du nez, à laquelle toute la maſſe de cet
organe étoit encore attachée & pendante.
Pour raiſon de quoi, après avoir rapproché
de ſon tout cette portion coupée, & l’y avoir
affrontée le plus réguliérement qu’il m’a été
poſſible, j’ai fait à la playe trois points de ſuture
enchevillée, pour maintenir la partie
dans ſa naturelle diſpoſition ; &, après avoir appliqué ſur ladite playe le reſte de l’appareil,
j’ai introduit dans chaque narine une canule
appropriée pour maintenir cet édifice ; & j’ai
fait enſorte que le tout fût ſuffiſamment ſoûtenu
par un bandage convenable. Après cela
j’ai ſaigné la ſuſdite bleſſé, & lui ai fait entendre
que ſa prompte guériſon dépendoit
d’un grand repos de corps & d’eſprit, & d’un
bon régime de vie, afin d’éviter la fiévre, la fluxion,
l’inflammation, & les autres accidens
des playes. Ce que je certifie véritable.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’un coup d’épée perçant les Joues, & la Langue tranſverſalement preſque en ſon entier.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 11 jour
d’Août 1694, j’ai été mandé, rue du Crucifix
S. Jacques, au quatrieme étage d’une maiſon
dont la boutique eſt occupée par un Corroyeur,
pour panſer le nommé Chriſtophle
Servet, dit Vaugirard, Archer de M. le Prevôt
de l’Iſle, que j’ai trouvé bleſſé d’un coup
d’épée, dont l’entrée perce la joue gauche au-deſſus
de la premiere dent molaire de la mâchoire
inférieure, & dont la ſortie traverſe la
joue droite au-deſſus de la derniere dent de
ladite mâchoire, dans une des attaches inférieures
du muſcle maſſeter, coupant, dans ſon
progrès, la langue preſque en ſon entier, à
trois travers de doigt de ſon extrémité.
Pour raiſon de quoi, après avoir fait à la langue diviſée trois points d’aiguille, pour faciliter ſa réunion, & appliqué aux playes des joues les remedes néceſſaires, tant intérieurement qu’extérieurement, j’ai ſaigné ledit Vaugirard, & lui ai conſeillé de garder le repos, de ſe nourrir d’alimens liquides, & de donner à ſa langue le moins de mouvement qu’il pourra, afin de favoriſer l’union de cette partie, & de prévenir les fâcheux ſymptômes qui pourroient ſurvenir à ſes playes, comme fiévre, fluxion, inflammation, & autres ; & cela pendant plus de trois ſemaines qu’il ſera à guérir, quand il ne lui arriveroit aucun ſymptôme extraordinaire.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Oreille preſque abbattue par un coup de ſabre.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 9 Mars
1692, j’ai été mandé, dans la rue du grand
Chantier, en l’Hôtel de M. le C. de G… pour
panſer le nommé Georges Gifroy, dit la Marche,
l’un de ſes laquais, que j’ai trouvé bleſſé
d’un coup de ſabre ſur l’oreille droite, qui la
lui a preſque abbattue, en ſorte qu’elle étoit
pendante, & ne tenoit qu’à trois lignes ou environ
de ſon lobe. Quoique cette partie ainſi
mutilée m’ait paru fort froide, je n’ai pas laiſſé
de la rejoindre à ſon tout par pluſieurs points d’aiguille, & de l’envelopper de compreſſes imbues
de liqueurs chaudes & ſpiritueuſes, afin
d’y rappeller la chaleur naturelle, & de tâcher
à en procurer la réunion ; car cette extrémité,
toute indifférente qu’elle eſt pour la vie, ne
laiſſe pourtant pas d’être très-utile, tant pour
la perfection de l’ouie, que pour l’ornement.
Au reſte on ne peut répondre du ſuccès de
cette réunion, qu’il n’y ait quelques jours d’écoulés.
Fait à Paris, les jours & an que deſſus.
Article VII.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes du Cou, de la Trachée-Artere, & de l’Œſophage.
N connoît aſſez par la vûe & par l’attouchement,
les playes qui arrivent aux
parties extérieures du Cou : mais il n’en eſt
pas de même de celles des parties intérieures,
qui ne peuvent être bien déſignées que par un
habile Anatomiſte ; & il faut même qu’elles
ſe manifeſtent par leurs propres accidens.
Le prognoſtic de ces playes conſiſte en ce que celles qui ſont extérieures ne laiſſent pas de faire quelque difficulté dans leur traitement, tant parce qu’on ne peut gueres les comprimer, qu’à cauſe que les tégumens de ces parties étant lâches & molaſſes, il s’y peut aiſément former des abſcès : & la moleſſe & lâcheté de ces tégumens doit porter les Chirurgiens à ne pas ſonder ces playes trop curieuſement, pour en connoître la profondeur, particulierement quand il n’y a pas d’accidens qui les y obligent, parce que la ſonde peut aiſément ſe tracer une route dans ces parties lâches ; ce qui donneroit lieu à des Chirurgiens peu expérimentés, d’y faire des inciſions qui ne ſeroient pas néceſſaires.
Quand les parties intérieures du cou ſont bleſſées, c’eſt-à-dire, les muſcles qui appartiennent à la langue, au larynx, au pharynx, à l’os hyoïde, & à la tête ; auſſi bien que les principaux nerfs, veines & arteres, les vertebres, & la moëlle de l’épine, ces playes ſont très-périlleuſes, & ſouvent mortelles : car celles qui arrivent aux Muſcles du Cou, peuvent intéreſſer les mouvemens de la tête, de la mâchoire inférieure, du larynx, de la langue ; & ainſi ces playes peuvent beaucoup nuire à la parole & à la voix.
Lorſque les principaux Vaiſſeaux du Cou ſont bleſſés, ſi ce ſont les nerfs, la voix peut être abolie par la ſection des récurrens ; & ſi ce ſont les grandes arteres ou les grandes veines, les hémorrhagies ſont mortelles, à cauſe que les arteres profondes du Cou ne peuvent être ni liées ni comprimées.
Les playes qui pénetrent la Moëlle de l’Épine, ne ſont pas moins funeſtes que celles du cerveau même, cette Moëlle en étant une ſuite : & ſi les bleſſés ſurvivent à ces playes pendant quelques jours, toutes les parties qui ſont ſituées au-deſſous, ſont privées de mouvement & de ſentiment, ne recevant plus l’influence des eſprits qui leur viennent du cerveau par les nerfs que cette Moëlle leur diſtribue. Lorſque la Moëlle de l’Épine n’eſt bleſſée que d’un côté, le côté bleſſé devient paralytique.
Quand les playes du Cou qui bleſſent la Trachée-Artere, ſont fort-larges & fort étendues, on apperçoit très-aiſément la bleſſure de ce conduit : mais quand elles ſont petites ou profondes, on connoît que la Trachée-Artere eſt bleſſée, par l’air qui ſort par la playe ; ou par la foibleſſe ou la perte entiere de la voix du bleſſé ; ou par l’emphyſême, lorſque la playe des tégumens ne répond pas directement à celle de ce conduit, en ſorte que l’air qui s’eſt inſinué ſous les tégumens, gonfle extraordinairement le cou, la tête, la poitrine, & le bas-ventre du bleſſé, juſqu’à ce qu’on ait donné une iſſue libre à cet air par la dilatation de la playe ; car pour lors l’emphyſême ſe diſſipe aiſément par l’uſage des fomentations faites avec les liqueurs ſpiritueuſes.
Les playes de la Trachée-Artere les plus légeres ſont toujours difficiles à guérir ; & celles qui ſont conſidérables & avec perte de ſubſtance, ſont très-dangereuſes & ſouvent mortelles.
La difficulté qui ſe trouve à réunir les playes de la Trachée-Artere, vient de ce que ce canal n’eſt jamais dans un parfait repos, étant ſans ceſſe obligé à ſe contracter & à s’étendre, pour donner entrée & iſſue à l’air qui ſert à la reſpiration & à la parole : outre que la ſubſtance cartilagineuſe dont ce canal eſt tiſſu en partie, eſt très-peu ſuſceptible de réunion.
De plus, quand la playe de ce conduit eſt compliquée par l’ouverture des vaiſſeaux ſanguins, les bleſſés ſont en danger de ſuffocation par l’irruption du ſang dans la Trachée-Artere.
Quand le canal de la Trachée-Artere eſt totalement coupé dans un de ſes cercles cartilagineux, la réunion en eſt impoſſible ; au lieu que les diviſions de ce canal qui arrivent entre deux cartilages, peuvent ſe réunir, pourvû que la tumeur, l’inflammation, & les autres ſymptômes du phlegmon, ſurvenant à ces playes, n’interceptent pas la reſpiration, & n’occaſionnent pas la pourriture, qui emporte les bleſſés en peu de temps.
Les playes qui arrivent à l’Œſophage, ſont faites ou par quelque coup qui a été porté du dehors au dedans, ou par quelque corps étranger capable de piquer & de déchirer cet organe, & qui ſe trouve fortuitement mêlé avec les alimens, comme ſont les petits os & les arrêtes, ou bien quelqu’autre corps tranchant & piquant que l’on met dans ſa bouche, & que l’on avale inconſidérément, comme une épingle, une aiguille, ou quelque choſe de ſemblable.
Les premieres ſont connues par la vûe, par la ſonde, par la ſituation de la playe, & par l’iſſue de quelque portion des alimens, tant ſolides que liquides, à-travers la playe ; & les dernieres ſont connues par le vomiſſement de ſang, & par le récit du bleſſé ou des aſſiſtans.
Les grandes playes de l’Œſophage ſont très-dangereuſes ; parce qu’il y a beaucoup de fibres longitudinales & circulaires de ce conduit diviſées & déchirées ; ce qui fait que ſon action eſt fort affoiblie, laquelle étant abſolument néceſſaire à la vie, les bleſſés périſſent bien-tôt lorſque cette action manque à ſe faire.
L’inflammation & le gonflement qui arrivent à l’Œſophage à l’occaſion des playes, rétréciſſant ſon canal, empêchent la déglutition ; ce qui fait mourir les bleſſés faute de nourriture.
Les playes de ce conduit qui ſont fort larges, donnent paſſage à tout ce que les bleſſés avaient d’alimens ſolides & liquides ; de ſorte que les bleſſés périſſent de faim & de foibleſſe.
De plus, les accidens qui arrivent aux playes de l’Œſophage, comme ſont l’inflammation & la tumeur, peuvent tellement comprimer la trachée-artere, que les bleſſés ſe trouvent par-là en danger de ſuffocation.
Enfin, il n’eſt pas ſans exemple que l’Œſophage ayant été bleſſé dans l’intérieur par le paſſage de quelque corps étranger, la douleur de la playe intérieure ait fait croire aux bleſſés que le corps étranger y étoit encore arrêté ; ce qui leur faiſoit appeller tant de gens à leur ſecours, que les attouchemens réitérés, même avec violence, pour tirer, enlever, ou détacher ces prétendus corps étrangers, leur ont été funeſtes ayant occaſionné dans les conduits l’inflammation & les autres ſymptômes du phlegmon à un tel point, qu’ils en ont été ſuffoqués, tant par la difficulté d’avaler, que par celle de reſpirer.
Modeles de Raports concernant les Playes du Cou, de la Trachée-Artere, & de l’Œſophage.
Raport d’un coup d’épée au Cou, ouvrant l’Artere Carotide.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 23 juin
1691, j’ai été mandé, dans la rue Simon-le-franc,
en la maiſon de M. le C… Procureur
au Parlement, pour panſer le nommé Thomas
Pluviant, l’un de ſes Clercs, qui j’ai
trouvé bleſſé d’un coup d’épée qu’il venoit de
recevoir à la partie latérale droite du cou, pénétrant
profondément, & ouvrant dans ſon
progrès un vaiſſeau ſanguin conſidérable, ainſi que je l’ai connu, tant par la grande perte
du ſang qu’il avoit déja faite, que par l’épanchement
qu’il s’étoit fait ſous les tégumens &
dans les eſpaces de muſcles. Une pulſation
profonde, que j’ai reſſentie en touchant la
tumeur énorme qui environnoit la playe,
m’a donné lieu de juger que l’artere carotide
étoit ouverte ; & les forces du bleſſé diminuant
à vûe d’œil à meſure que cette tumeur
augmentoit, m’ont empêché de pouvoir rien
faire pour ſon ſecours, jugeant bien qu’il périroit
entre mes mains encore plûtôt, ſi j’entreprenois
de découvrir un vaiſſeau que je
n’aurois pû enſuite ni lier ni comprimer :
étant ainſi forcé de l’abandonner à ſon mauvais
ſort, il eſt mort en moins d’un quart-d’heure.
Fait à Paris, les jour & an que ci-deſſus.
Raport d’un coup d’arme-à-feu briſant pluſieurs anneaux de la Trachée-Artere.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi
en ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés,
certifions qu’en vertu de l’Ordonnance de
M. le Lieutenant-Criminel, en date du 14
Décembre 1691, nous avons vû & viſité Germain
Robertot, demeurant dans la grande rue
du Faubourg S. Antoine, que nous avons
trouvé bleſſé depuis ſix jours, ainſi qu’il nous
a été rapporté par le ſieur D… qui l’a panſé
d’abord, d’un coup de piſtolet ſitué à la partie antérieure du cou, au-deſſous du larynx,
pénétrant la trachée-artère, & briſant cinq
à ſix de ſes premiers anneaux, dont ledit ſieur
D… nous a montré quelques fragmens, ainſi
que deux poſtes de moyen calibre, que le
bleſſé rejetta, peu de tems après ſa bleſſure,
au moyen des violens efforts de la toux. Or
le gonflement des tégumens & des chairs muſculeuſes
ayant empêché la libre iſſue de l’air
par l’ouverture de la trachée-artère, a donné
lieu à cet air de s’échaper ſous les tégumens
& dans les eſpaces des muſcles, & de cauſer
un emphyſême énorme au cou, à la têt,
& tout-autour de la poitrine dudit bleſſé,
dont il étoit gonflé comme un balon, & dans
l’état d’une ſuffocation prochaine : ce qui
nous a porté à nous expliquer avec ledit
ſieur D… ſur la cauſe de ce ſymptôme, &
à lui conſeiller de dilater au-plûtôt cette
playe, qui en avoit un très-grand beſoin ;
& l’ayant fait à l’heure même, le bleſſé a
commencé à reſpirer plus librement qu’il ne
faiſoit auparavant, l’air s’échapant alors
avec plus de facilité par l’ouverture de ſon
canal. Ce qui ne nous empêche pourtant pas
de regarder cette playe comme très-dangereuſe,
& dont l’union ſera très-difficile &
très-longue à obtenir, tant à cauſe de la déperdition
de ſubſtance de la trachée-artère,
que de l’uſage de cet organe.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe au Cou, perçant l’Œſophage.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, certifions qu’aujourd’hui
22e jour d’Août 1691, en vertu de
l’Ordonnance de M. le Lieutenant Criminel,
en date du 21 dudit mois & an, nous nous
ſommes tranſportés en la maiſon du ſieur
Exupere Jolier, Marchand Épicier, demeurant
rue S. Honoré, près les Quinze-vingts,
pour voir & viſiter la nommée Louiſe Crochet,
ſa ſervante, qui a été bleſſée il y a dix
jours d’un coup d’épée, ſitué à la partie
moyenne & latérale du cou au côté gauche,
pénétrant juſqu’au conduit de l’œſophage,
ainſi que nous l’avons connu en lui faiſant
avaler un peu de bouillon, dont une partie a
paſſé par la playe, & l’autre a été rejettée par
le vomiſſement. De plus nous avons trouvé à
ladite Crochet une forté fiévre, avec de grandes
inquiétudes & des hoquets fréquents ; ce
qui nous donne lieu de juger que la bleſſée en
queſtion eſt dans le danger d’une mort prochaine.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Article VIII.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes de la Poitrine.
Es playes extérieures de la poitrine ſont
connues à la vûe, & par l’attouchement
du doigt ou de la ſonde : mais les playes qui pénetrent dans ſa cavité, & qui intéreſſent
les viſceres qui y ſont contenus, ne peuvent
être dûement caractériſées que par des Chirurgiens
expérimentés & bien verſés dans
l’Anatomie.
Quand l’orifice des playes pénétrantes dans la cavité du Thorax, eſt fort ample & fort ouvert, la vûe ſeule ſuffit pour en appercevoir la pénétration ; & l’air en ſort avec tant de force, qu’il ſouffle d’abord la chandelle allumée dès qu’on l’approche de la playe. Mais il eſt plus difficile de connoître la profondeur de celles qui ont été faites par des épées fort étroites, par des ſtilets, & par tous les inſtrumens qui ne laiſſent que de légers veſtiges de leur paſſage, ou qui ont ſuivi une ligne oblique dans leur progrès, ou lorſqu’un muſcle contraint dans ſon action, vient, dans le tems de la bleſſure, à boucher la playe, en ſe déplaçant dans ſon relâchement.
Dans le dernier cas, la peine que l’on a à découvrir avec le ſtilet la route de la playe, engage le Chirurgien qui la veut connoître, à faire mettre le bleſſé dans la même ſituation où il étoit quand il a reçû ſa bleſſure.
Il arrive néanmoins pour l’ordinaire que l’air qui s’eſt gliſſé ſous les tégumens, forme un emphyſême plus ou moins conſidérable aux environs de la playe, à l’occaſion duquel on eſt ſûr que la playe pénetre dans la capacité.
Quelquefois auſſi la piece d’une côte fracturée par un coup d’arme-à-feu, venant à reprendre ſa place, par une eſpece de reſſort, après l’effet de l’inſtrument qui a fait la playe, en bouche tellement l’ouverture intérieure, qu’il n’en ſort point d’air ; & pour-lors on en connoît la pénétration, par la difficulté de reſpirer, le crachement de ſang, la douleur poignante, l’inflammation, la fiévre, & les autres accidens.
Les ſignes des playes qui arrivent aux parties qui ſont contenues dans la cavité du Thorax, ſont différentes, ſelon les divers organes qui peuvent être bleſſés : ces organes ſont le Poûmon, la fin du tronc & la diviſion des principales branches de la Trachée-artère, le Péricarde, le Cœur, l’Aorte aſcendante, la Veine-cave deſcendante, & le diaphragme. Il y a d’ailleurs des ſignes particuliers de l’épanchement du ſang, & de l’emphyſême formé dans le Thorax.
On connoît que le Poûmon eſt bleſſé, par la grande difficulté de reſpirer, & la toux continuelle ; en touſſant le bleſſé rejette par la bouche un ſang écumeux, pareil à celui qui ſort par la playe ; il reſſent de tems en tems de grandes douleurs aux côtés de la poitrine, & principalement au côté bleſſé ; les veines du cou ſont fort groſſes ; la langue eſt décolorée, & la couleur du viſage change fréquemment de la rougeur à la pâleur, ſi ce n’eſt que la grande perte du ſang la faſſe reſter dans une pâleur permanente.
Quand les principales branches de la Trachée-artère ſont bleſſées près de ſon tronc, l’hémorrhagie n’eſt pas conſidérable, le bleſſé reſſent une grande douleur au dos, ſa voix devient rauque, & il eſt fort incommodé de la toux.
La léſion du Péricarde eſt remarquable par une douleur poignante que le bleſſé reſſent au fond de ſa playe, & par les fréquentes foibleſſes qui lui arrivent ; la fiévre & les friſſons ſurviennent dans la ſuite ; & quand il ſurvit à ſa bleſſure pendant quelques jours, on voit ſortir par ſa playe la ſéroſité jaunâtre qui s’engendre dans cette poche membraneuſe.
Les atteintes du Cœur ſont ſuivies 1o d’une ſueur froide ; 2o d’un grand froid aux extrémités ; 3o de ſyncopes fréquentes ; 4o d’un grand abattement de toutes les forces, qui ſe manifeſte par le pouls retiré & languiſſant. Et ſi, outre les ſignes précédens, on voit ſortir par la playe un ſang noir, ou très vermeil, on aura lieu de juger lequel des deux ventricules eſt bleſſé ; car le ſang noir doit ſortir du ventricule droit, & il doit ſortir un ſang plus vermeil du ventricule gauche.
Quand la playe eſt du côté droit, & qu’il en ſort du ſang noir & groſſier en grande quantité, ſans qu’il paroiſſe que le Cœur ſoit bleſſé par les ſignes que nous avons marqués, il faut alors que la Veine-cave ſoit bleſſée ; & ſi la playe eſt du côté gauche, qu’il y ait une défaillance de pouls, & qu’un ſang ſubtil & vermeil ſorte en grande abondance, l’Aorte, c’eſt-à-dire la groſſe Artère, eſt bleſſée. Dans tous ces cas le bleſſé meurt ſur le champ, ou peu de tems après ſa bleſſure.
On connoît que le Diaphragme eſt bleſſé, par la ſituation de la playe, qui doit être au long des cartilages des fauſſes-côtes ; & quand la playe ſeroit plus ſupérieure, ſi l’on remarque que ſon progrès ſoit de haut en bas, le Diaphragme peut bien être bleſſé. Les playes de ce muſcle ſont encore accompagnées d’une reſpiration très-fréquente & très-difficile, d’une toux douloureuſe, rauque, & qui frappe les oreilles d’un ſon qui part du fond de la poitrine.
De plus le bleſſé reſſent des douleurs très-vives & beaucoup de peſanteur autour des fauſſes côtes, & il eſt bien-tôt attaqué d’une fiévre aiguë, qui eſt ſuivie du délire & de la phrénéſie. Il eſt fort incommodé de nauſées, & d’un grand dégoût pour toutes ſortes d’alimens ; parce que l’inflammation de ce muſcle ſe communique à l’orifice ſupérieur de l’eſtomac, & que ſa tenſion le ſerre & le comprime étroitement.
Enfin lorſque le diaphragme eſt bleſſé dans ſes tendons, le malade meurt avec la convulnon des lèvres qui eſt appellée ris Sardonique, parce que cette convulſion des lèvres arrive auſſi à ceux qui uſent mal-à-propos d’une certain plante nommée Sardoine[3].
L’épanchement du ſang ſur le Diaphragme dans les playes qui pénetrent le Thorax, ſe manifeſte par la grande difficulté de reſpirer accompagnée de râlement, & par la peſanteur que le bleſſé reſſent autour des fauſſes-côtes ; & dans la ſuite le pus épanché ſe fait connoître par la fiévre ardente, les friſſons irréguliers, la rougeur des joues, le brillant des yeux, la ſéchereſſe de la langue, les ſueurs fréquentes, & la puanteur d’haleine.
On juge différemment des playes qui arrivent à la Poitrine, ſelon leur diverſité.
Quand ces playes ne pénetrent pas dans la cavité, & qu’elles n’intéreſſent que les tégumens & les muſcles qui couvrent les côtes, elles ne ſont pas plus conſidérables qu’ailleurs, ſi ce n’eſt en ce qu’elles rendent par accident la reſpiration un peu plus difficile : mais ce ſymptôme paſſe aiſément dès que ces playes ſuppurent ; & quand ce ſont des ſujets pléthoriques, cet accident eſt calmé par le moyen de la ſaignée réitérée deux ou trois fois.
Il arrive encore que des coups portés au pli de l’Aiſſelle, qui paroiſſent n’avoir cauſé qu’une playe légere, ne laiſſent pas de faire périr les bleſſés en fort peu de temps, par l’ouverture des Veines & Artères Axillaires, à l’hémorrhagie deſquelles il n’eſt pas poſſible d’apporter un aſſez prompt ſecours par les moyens les plus efficaces, qui ſont la compreſion, la ligature, & l’application des médicamens ſoit ſtyptiques, ſoit brûlans.
La ligature de ces vaiſſeaux n’eſt pas faiſable ; parce qu’il faut, pour les découvrir, faire des inciſions très-grandes, & que pendant ce tems on ne peut pas ſe ſervir du tourniquet pour empêcher l’iſſue du ſang, qui fort en ſi grande abondance, que le bleſſé meurt avant que le vaiſſeau ſoit decouvert.
La compreſſion n’a pas de lieu quand ces vaiſſeaux ſont ouverts ; parce qu’ils n’ont pas d’appui ſur des parties ſolides qui la puiſſent favoriſer : & l’application des médicamens ſoit ſtyptiques, ſoit cauſtiques, ne réuſſit pas mieux ; parce qu’elle n’eſt utile qu’autant qu’elle eſt aidée par la compreſſion.
Les playes qui pénetrent dans la cavité du Thorax ſans bleſſer les parties qui y ſont contenues, ne laiſſent pas d’être conſidérables pour deux raiſons.
Premierement, parce que l’air extérieur qui entre ſans préparation par la playe, eſt nuiſible aux parties contenues dans la Poitrine, & que la chaleur interne qui ſe diſſipe par la même playe, affoiblit le bleſſé.
Secondement, parce qu’une playe ne peut pénétrer dans le vuide du Thorax ſans ouvrir la plévre, qui eſt une membrane douée d’un ſentiment très-exquis, dont l’inflammation ſe peut communiquer à toute la poitrine, & à tous les viſceres auxquels elle eſt commune ; ce qui occaſionne de grandes douleurs, & une fiévre conſidérable, avec grande difficulté de reſpirer, & tous ces accidens mettent le bleſſé en danger de périr.
À l’égard des playes qui pénetrent dans la Poitrine, & qui bleſſent les parties qui y ſont contenues, on peut dire, généralement parlante, que celles qui ſont cauſées par l’effet des armes-à-feu, ſont bien plus fâcheuſes que celles qui ſont faites par des inſtrumens piquans & tranchans ; & cela pour deux raiſons.
Premierement, à cauſe de la déperdition de ſubſtance, & de la grande contuſion & dilacération que l’impreſſion de ces inſtrumens occaſionne à ces organes, dont l’action eſt abſolument néceſſaire à la vie.
Secondement, à cauſe de la grande fonte qui ſe fait dans la ſuppuration de ces playes, laquelle occaſionne une grande putréfaction, & des épanchemens très-fâcheux ſur le diaphragme.
L’on peut dire enfin, parlant en général, que toutes les playes qui pénetrent dans la cavité du Thorax, avec léſion des parties internes, ſont d’une conſéquence très-périlleuſe ; parce qu’elles font mourir les bleſſés à l’heure même, ou qu’elles dégénerent en empyême, ou en ulcères fiſtuleux, qui jettent les bleſſés dans un état très-déplorable, & dont le traitement eſt très-long & très-difficile.
Pour ce qui eſt du prognoſtic particulier de ces playes, par raport aux différentes parties qu’elles intéreſſent dans la cavité du Thorax, il faut convenir que les grandes playes qui traverſent le Poûmon avec léſion de ſes branches & de ſes principaux vaiſſeaux, mettent les bleſſés dans un danger preſque certain de perdre la vie, & que le nombre de ceux qui en guériſſent eſt très-petit en comparaiſon de celui des bleſſés qui en meurent.
Que celles au contraire qui bleſſent le Poûmon légerement & ſans intéreſſer ſes principaux vaiſſeaux, ne ſont pas ſans danger, quoique les bleſſés en guériſſent quelquefois, ou que ces playes les jettent dans une phthiſie qui les conduit à la mort, après les avoir laiſſé vivre dans les ſouffrances pendant quelque tems.
De plus quand l’inflammation ſurvient à la playe du Poûmon, il n’y a gueres lieu d’eſpérer que le bleſſé en guériſſe ; parce que la ſuppuration de cette playe ne ſe peut évacuer que par la toux, qui met un continuel obſtacle à ſa réunion.
Les playes qui arrivent au Péricarde, ſont toûjours mortelles quand on en voit ſortir l’eau jaunâtre qu’il contient : & il ne faut pas compter, en pratique, ſur ce que Benivenius & d’autres Auteurs alleguent des cures qu’ils prétendent avoir faites de playes au Péricarde, même avec déperdition de ſubſtance ; car ce ſont des faits rares, ſur leſquels on ne doit pas ſe regler.
Les playes du Cœur ſont néceſſairement mortelles ; parce qu’il n’y a pas de moyen plus ſûr pour détruire une machine, que d’empêcher l’action de ſon principal reſſort.
Quand les playes pénetrent juſqu’aux ventricules, les bleſſés meurent à l’inſtant, à cauſe de la grande & prompte diſſipation qui ſe fait du ſang artériel & des eſprits, principalement quand le ventricule gauche eſt ouvert ; au lieu que quand la playe n’intéreſſe que la chair du Cœur, le bleſſé peut vivre pendant quelques heures, & même pendant quelques jours, comme des Praticiens dignes de foi le rapportent.
Les playes de la Veine-cave, de l’Aorte, de l’Artère & de la Veine du Poûmon, auſſi-bien que celles de leurs principales diviſions, ſont encore abſolument mortelles, parce qu’il eſt impoſſible de porter aucun remede aux playes de ces vaiſſeaux pour en arrêter l’hémorrhagie ; de ſorte que la grande quantité de ſang qui en ſort, rempliſſant toute la Poitrine, ſuffoque bien tôt le bleſſé.
Les playes qui arrivent à la partie charnue du Diaphragme, ſont très-périlleuſes ; cependant l’on en voit guérir quelques-unes : mais quand les tendons de ce muſcle ſont bleſſés, les playes ſont toûjours mortelles, étant bien-tôt ſuivies d’une très grande difficulté de reſpirer, de la fiévre, du délire, & de convulſions aux lèvres & aux mâchoires, que l’on appelle ris Sardonique, pendant lequel les bleſſés meurent.
Or ce dernier ſymptôme arrive aux playes du diaphragme, parce que ce muſcle reçoit ſes nerfs de ceux qui ſortent de la troiſieme & quatrieme vertebre, qui en fourniſſent auſſi aux muſcles des lèvres & des mâchoires ; de ſorte que les rameaux des nerfs qui viennent au diaphragme, entrant en convulſion, ils occaſionnent en même-tems la contraction de ceux qui ſe diſtribuent aux lèvres & aux mâchoires, avec leſquels ils ſont unis dans leur origine ; ce qui cauſe des ſecouſſes involontaires aux parties auxquelles ces nerfs ſe diſtribuent, & donne lieu à ce ris funeſte, lequel eſt bien-tôt ſuivi de la mort des bleſſés, qui ſemblent mourir en riant.
Modeles de Raports concernant les Playes de la Poitrine.
Raport d’une Playe à la Poitrine, non pénétrante.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant-Criminel,
en date du 16 Février
1694, nous avons viſité le nommé Ignace
Taureau, dit Champenois, Valet-de-pied
de M. le Duc du C… qui a été bleſſé, il y a
huit jours, d’un coup d’épée ſitué ſur la partie
latérale, & un peu antérieure du thorax,
le long de la quatriéme des vraies côtes,
ſous le muſcle pectoral, ayant ſon iſſuë à la
marge du ſternum ; lequel bleſſé nous avons
trouvé attaqué d’une groſſe fiévre, avec
grande difficulté de reſpirer : ce que nous ne
pouvons attribuer qu’à la ſuppuration de ſa
playe, qui n’entre point dans la capacité, &
dont le pus commence d’être aſſez louable &
abondant, qui n’entre point dans la capacité, &
dont le pus commence d’être aſſez louable &
abondant, depuis qu’on a fait les inciſions qui
étoient néceſſaires pour faciliter ſon écoulement.
Au reſte ledit Champenois a beſoin de
ſe tenir dans un grand calme de corps & d’eſprit,
d’obſerver une diéte exacte, & que l’on
continue à le panſer avec beaucoup de ſoin
& d’application, tant pour appaiſer les accidens
préſens, que pour parvenir plus promptement à ſa guériſon, qui ne pourra
être parfaite qu’après plus de cinq ſemaines
de panſement.
Fait à Paris les jour & an que deſſus.
Raport d’un coup d’épée ſous l’Aiſelle.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que le jour d’hier 22 Janvier
1691, l’on me vint chercher avec empreſſement,
ſur les dix heures du ſoir, pour
aller un la maiſon de M. H… Avocat au
Conſeil, afin d’y panſer Jacques Piſtolier,
ſon Clerc, âgé de vingt-deux à vingt-trois
ans, que je trouvai bleſſé d’un coup d’épée,
qu’il venoit de recevoir, pénétrant profondément
ſous l’aiſſelle, avec léſion de l’artere
axillaire, ainſi qu’il me parut d’abord à l’attouchement
d’une groſſe tumeur faite de ſang
épanché ſous les tégumens & dans les eſpaces
des muſcles, à laquelle j’apperçus une pulſation
profonde & fort obſcure. De plus, je
trouvai le ſuſdit bleſſé, ſans connoiſſance,
avec une ſueur froide, & un grand abbattement
de toutes ſes forces ; leſquels ſymptômes
le menaçant d’une mort prochaine, je ne
jugeai pas à propos de faire aucune dilatation
à ſa playe, pour découvrir l’ouverture de
l’artere, de crainte qu’il ne pérît entre mes
mains ; ce qui étoit très-poſitif, puiſqu’il
mourut en moins d’un demi-quart d’heure.
Fait à Paris, le 23 dudit mois & an.
Raport d’une Playe pénétrante dans la capacité de la Poitrine, faite par une arme-à-feu.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que le 21 Mai 1717, j’ai viſité
& panſé le nommé Claude Renault, Maître
Boutonnier, qui avoit une playe pénétrante
dans la poitrine, avec épanchement d’une
ſéroſité ſanguinolente, dont je lui tirai plus
de trois demi-ſeptiers, au moyen de l’opération
de l’empyême que je lui fis le lendemain
pour l’empêcher de ſuffoquer ; ce qui étoit
prêt de lui arriver, pour peu que j’euſſe tardé
à lui donner ce ſecours.
Je continuai à le panſer pendant trois ſemaines ; mais ne pouvant pas ſoûtenir plus long-tems les frais d’une longue maladie, il fut conduit au grand Hôpital de la Charité : m’étant venu voir depuis qu’il en eſt ſorti, je lui ai trouvé une ouverture au côté droit, à laquelle on a été obligé de mettre une cannule pour l’évacuation des matieres ; d’où je conclus que ledit bleſſé pourra bien garder toute ſa vie cette fiſtule, qui le met hors d’état d’entreprendre aucun métier, étant même tous les jours en danger de ſa vie.
Fait les jour & an que deſſus.
Autre Raport d’une Playe d’arme-à-feu, faite à la Poitrine.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que le 6 Août 1718, vers les onze heures du ſoir, j’ai été mandé à l’Apport
de Paris, dans la maiſon du ſieur Tardif,
Marchand de vin, où pend pour enſeigne
l’Image S. François, pour viſiter & panſer
le nommé Jacques Huot, Archer de la Compagnie
de M. le Lieutenant-Criminel de Robe-Courte.
Que l’ayant examiné, je l’ai trouvé
bleſſé à la poitrine d’une playe faite par
un coup d’arme-à-feu, pénétrante dans la
capacité ; laquelle playe eſt ſituée extérieurement,
quatre doigts au-deſſous de la clavicule
au côté gauche, entre le troiſiéme &
le quatriéme os du ſternum, & dont il étoit
ſorti une bale que les camarades dudit Huot
m’ont fait voir.
J’ai fait à ladite playe, pour en changer la figure, & la diſpoſer à mieux ſuppurer, une inciſion de la longueur de trois travers de doigt, en attendant que les accidens indiquent la néceſſité & les moyens d’y faire d’autres opérations, en cas que la vie du bleſſé ſe ſoutienne, que j’eſtime être dans un très-grand & prochain danger.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’un coup porté à la partie antérieure & moyenne de la Poitrine.
Aporté par moi Chirurgien du Roi au
Châtelet de Paris, que le 13 Octobre
1719, j’ai été mandé, dans la rue Jean-de-l’Épine,
chez le ſieur Jean-François Berry, Bourgeois de Paris, pour voir & viſiter Françoiſe
le Begue, ſa femme, que j’ai trouvée
au lit ayant la fiévre & une grande difficulté
de reſpirer, & ſe plaignant d’avoir été fort
maltraitée, & ſur-tout d’avoir reçû un coup
à la partie antérieure & moyenne de la poitrine,
me diſant qu’elle avoit alors ſes menſtrues,
qui ont été auſſi-tôt ſupprimés. En
l’examinant plus particuliérement, je lui ai
trouvé un gonflement conſidérable à l’endroit
de la poitrine où elle a été frappée ;
elle a vomi, à deux diverſes fois, du ſang en
ma préſence ; & elle eſt auſſi tombée pluſieurs
fois en foibleſſe. C’eſt pourquoi je l’ai
ſaignée du pied, & lui ai conſeillé de garder
un régime exact, tel qu’on le doit obſerver
dans une maladie très-ſérieuſe, & d’uſer de
remedes convenables à ſes maux, dont je ne
ſçaurois fixer le tems de la guériſon, ni prévoir
les ſuites de l’état de la malade, que l’on
n’ait vû l’effet des premiers remedes, & s’ils
ſeront ſecondés par la nature.
Raport d’une Playe pénétrante dans la Poitrine, rendue mortelle par la ſection d’une branche de l’Artere Intercoſtale, & de la Veine Azygos.
Ous Médecin & Chirurgien du Roi en
ſon Châtelet de Paris, certifions qu’en
vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant-Criminel,
& de l’aſſignation à nous donnée
le 5 Mai 1677, nous avons vû & viſité M. T… Conſeiller du Roi, Payeur des Rentes
de l’Hôtel-de-Ville de Paris, demeurant rue
de la Chanverrerie, que nous avons trouvé
au lit extrêmement malade, à cauſe d’une
playe oblique ſituée en la partie latérale de
la poitrine au côté gauche, entre la quatriéme
& la cinquiéme des fauſſes-côtes, comptant
de bas en haut ; laquelle playe pénétre
dans la capacité, & nous paroît avoir été
faite par un inſtrument tranchant & piquant,
comme une épée, un poignard, ou autre
ſemblable. De plus, ladite playe ayant cauſé
une grand épanchement ſur le diaphragme, on
a été obligé de la dilater, afin de faciliter la
ſortie à plus de deux pintes de matiere ſanguinolente,
que nous avons vû couler à pluſieurs
repriſes. C’eſt pourquoi nous eſtimons
que le ſieur T… eſt dans un péril éminent,
tant à cauſe de la grandeur de ſa playe, que
pour les ſymptômes fâcheux qui l’accompagnent,
& qui ſont la fiévre, des friſſons irréguliers,
une grande difficulté de reſpirer, une
toux fort incommode, & une diſpoſition au
flux de ventre ; la violence deſquels ſymptômes
ne pourra qu’à peine être ſurmontée par
la force de la conſtitution dudit bleſſé, &
par le traitement le plus ſoigneux & le plus
méthodique.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport de l’ouverture du Corps mort du Bleſſé précédent.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, certifions que de
l’Ordonnance & en préſence de M. le Lieutenant-Criminel,
ce jourd’hui 15e jour de Mai
1677, à une heure de relevée, nous avons de
nouveau viſité le corps de feu M. T… de ſon
vivant Conſeiller du Roi, Payeur des Rentes
de l’Hôtel-de-Ville de Paris ; & que nous
avons de rechef examiné la playe dont il a
été fait mention dans notre Raport du 5 du
préſent mois, laquelle eſt ſituée à la partie latérale
de la poitrine, au côté gauche, entre la
quatrieme & cinquieme des fauſſes-côtes,
pénétrante dans la capacité ; ce qui ſans doute
a cauſé la mort audit ſieur T… Et, pour nous
en rendre plus certains, nous avons ſur les
neuf heures du ſoir audit jour, fait l’ouverture
du cadavre dudit défunt, &, après une
exacte recherche, nous avons trouvé que
l’inſtrument qui a fait ladite playe, en entrant
dans la poitrine, a découvert la partie inférieure
de la côte ſupérieure à ladite playe, &
a ouvert la veine azygos & l’artere intercoſtale
qui ſe gliſſent au long de la rainure de ladite
côte ; l’ouverture deſquels vaiſſeaux a
donné lieu à un grand épanchement dans la
poitrine, d’où ſe ſont enſuivis tous les accidens
qui ont fait périr le bleſſé, enſorte qu’on peut dire que la playe ci-devant énoncée a
été la ſeule & unique cauſe de ſa mort.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Autre Raport de ſymptômes arrivés à une Playe pénétrante, avec leſion de Poûmon.
Aporté par nous Maîtres Chirurgiens-Jurés
à Paris, que le Samedi 15 du préſent
mois d’Août 1693, nous avons été mandés,
en la rue de la Mortellerie, à la deſcente
de la rue des Barres, en la maiſon du ſieur D.
M… l’un de nos Confreres, conjointement
avec lequel nous avons vû & viſité le ſieur
Jacques V… âgé de dix-huit ans, ou environ,
étudiant en Droit, pour aviſer enſemble
à ce qu’il y avoit à faire pour le tirer du
danger extrême où il étoit réduit, à l’occaſion
d’un coup d’épée pénétrant en la poitrine,
avec ouverture au poûmon, deux doigts au-deſſous
du mammelon droit, lequel coup il
avoit reçu ſept jours auparavant. Sur quoi
ayant trouvé le ſuſdit bleſſé avec une fiévre
des plus aiguës, accompagnée d’une très-grande
difficulté de reſpirer, nous convinmes
de dilater la playe ; &, au moyen de cette
dilatation, on lui tira ſur l’heure près d’une
pinte de ſang épanché dans la poitrine, qui
en ſortit avec aſſez de facilité ; pour raiſon
de quoi nous différâmes à faire la contre-ouverture,
croyant qu’il ſe pourroit peut-être
faire une entiere évacuation de toutes les excrétions de la playe par cette ouverture qui
nous paroiſſoit aſſez déclive. Mais les parens
du bleſſé ayant ſouhaité que nous continuaſſions
à la viſiter les jours ſuivans, pour tâcher
de mettre ſa playe, s’il étoit poſſible, en voie
de guériſon, nous apprîmes dès le lendemain
qu’il avoit eu un friſſon fâcheux qui avoit duré
aſſez long-tems ; nous le trouvâmes encore
attaqué d’une fiévre très-forte, avec la
reſpiration toujours très-difficile, le ſang
épanché continuant à ſortir avec abondance ;
& le jour ſuivant nous le trouvâmes travaillé
d’un flux de ventre, & d’un hoquet fâcheux.
Ces derniers accidens, quoiqu’un peu modérés les deux jours après par l’uſage des remedes que nous lui avions preſcrit intérieurement, la fiévre, la difficulté de reſpirer continuant à le tourmenter, & l’écoulement d’une ſanie ſanglante & mal digérée continuant auſſi à ſe faire, mais avec peine, par la playe dilatée, nous crûmes qu’il étoit abſolument néceſſaire de faire au ſuſdit bleſſé la contre-ouverture nommée vulgairement empyême ; laquelle ayant été faite, le douzieme jour de ſa bleſſure, avec toute ſorte de ſuccès, nous avons depuis remarqué la ſuppuration du poûmon bleſſé par les fragmens de la propre ſubſtance de ce viſcere, qui ſe ſont échapés avec le pus & les injections, tant par l’ouverture antérieure de la playe, que par la contre-ouverture. Depuis lequel temps, bien que la fiévre & la difficulté de reſpirer notablement diminuées, & la ſuppuration plus louable, nous donnent quelque étincelle d’eſpérance ſur le ſalut du bleſſé, que nous n’avions point avant cette décharge ainſi procurée, nous l’eſtimerons pourtant toujours en danger de ſa vie, tant que la fiévre ſubſiſtant comme elle fait encore, & que la ſuppuration continuant auſſi d’être abondante, ſeront en état de diſſiper les forces dudit bleſſé, & de le réduire dans un funeſte épuiſement. Aſſûrant au ſurplus qu’une playe ſemblable, prenant le meilleur train que l’on puiſſe deſirer, en cas que la nature, dans la vigueur de l’âge, puiſſe ſeconder les ſecours dont le bleſſé doit être aſſiſté, ſera toujours d’un traitement très-long & très-difficile. Fait à Paris, &c.
Raport d’une Playe au Poûmon, devenue mortelle par l’épanchement du ſang dans la Poitrine.
Ous Médecins & Chirurgiens du Roi
en ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés,
certifions que de l’ordre verbal de M. le Procureur
du Roi audit Châtelet, nous nous ſommes
tranſportés, rue S. Antoine, en l’Hôtellerie
de la Banniere de France, pour faire
l’ouverture du corps mort du nommé François
Hodiot, dit de Saint-Colombe, ci-devant
Garde-du-Corps du Roi ; auquel nous
avons trouvé une playe au côté droit de la poitrine, ſituée entre la deuxieme & troiſieme
des vraies côtes, pénétrant dans la capacité,
perçant un lobe de poûmon, & traverſant
le médiaſtin ; avec un grand épanchement
de ſang, cauſé par l’ouverture des gros
vaiſſeaux qui ſe ſont trouvés dans le paſſage
de l’inſtrument tranchant ; lequel épanchement
ayant rempli toute la cavité de la poitrine,
a cauſé la mort audit de Sainte-Colombe.
Fait à Paris, le 17 Novembre 1676.
Raport d’une Playe mortelle par la bleſſure du Médiaſtin & du Péricarde.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant-Criminel,
en date du 21 Mai
1675, nous avons viſité le cadavre de défunt
le ſieur Jacques Guilloteau, Capitaine au Régiment
de Champagne ; auquel nous avons
remarqué une playe ſituée à la partie ſupérieure
& antérieure de la poitrine au côté
droit, entre la premiere & la ſeconde des
vraies côtes, pénétrant dans la capacité, traverſant
le médiaſtin dans ſon progrès, perçant
le péricarde en ſa baſe, & ſe terminant
dans la ſubſtance du poûmon gauche, n’ayant
pû manquer d’ouvrir dans ſon trajet pluſieurs
vaiſſeaux conſidérables, comme il nous a paru
par le grand épanchement qui s’eſt fait ſur
le diaphragme ; laquelle playe a cauſé la mort
audit ſieur Guilloteau bien-tôt après ſa bleſſure, tant par l’importance des parties bleſſées,
que par la ſuffocation qui lui a été cauſée
par l’épanchement du ſang dans la poitrine.
Fait à Paris, le 24 du mois & an que deſſus.
Raport de deux grandes Playes, tiré du Traité des Raports du Sr Gendry, Chirurgien d’Angers.
Aporté par nous ſouſſignés Chirurgiens
ordinaires du Préſidial d’Angers, que ce
jourd’hui, en vertu du Mandement de M. le
Prévôt de la Maréchauſſée de ladite Ville,
nous nous ſommes tranſportés en la maiſon
de Laurent Fridel, près de l’égliſe de S. Maurice ;
lequel nous avons trouvé couché au lit,
avec fiévre, inquiétudes & douleurs, qui lui
procédent de pluſieurs coups reçûs en diverſes
parties, & notamment d’une playe au côté
droit de la poitrine, pénétrant dans la capacité,
entre la cinquiéme & ſixiéme des vraies
côtes, avec léſion des poûmons ; plus, d’une
playe près de l’ombilic, laquelle pénétre dans
le ventre, avec ſortie de l’épiploon, l’une &
l’autre ayant à leur entrée la grandeur d’un
travers de doigt : leſquelles playes paroiſſent
avoir été faites audit bleſſé par quelque inſtrument
tranchant, comme épée, dague ou
autre ſemblable. Sur quoi l’on peut dire que
leſdites playes mettent ce bleſſé dans un péril
éminent de ſa vie & qu’il a par conſéquent
beſoin d’un prompt & efficace ſecours.
Fait le 16 Février 1646.
Raport d’une Playe au Cœur.
Ous Médecin & Chirurgien du roi en
ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le
Lieutenant-Criminel, en date du 10 Mars
1676, nous avons vû & viſité le cadavre du
nommé Claude Bernay, ſieur du Coudray ;
auquel nous avons trouvé, pour cauſe de
mort, un coup d’épée paſſant de part en
part à travers la poitrine, dont l’entrée eſt à
trois doigts au-deſſus de l’aiſſelle gauche,
& la ſortie au pareil endroit du côté oppoſé ;
laquelle playe dans ſon progrès perce le
cœur dans ſa baſe. Fait à Paris, le 11e jour
du mois & an que deſſus.
Raport d’une Playe pénétrante dans la ſubſtance du Diaphragme en ſa partie charnue.
Aporté par moi Maître Chirurgien Juré
à Paris, que le 21 Août 1720, j’ai été
mandé, en la rue de la Tiſſeranderie, au
troiſieme étage de la maiſon d’un Cordonnier,
pour viſiter & panſer le ſieur Pierre
Pézan, Commis, que j’ai trouvé au lit ; &
l’ayant examiné, je lui ai remarqué, à la partie
antérieure de la poitrine, une playe ſituée
entre la deuxieme & troiſieme des fauſſes-côtes
au côté droit, de la largeur d’un demi-travers
de doigt, pénétrante dans la ſubſtance
charnue du diaphragme, qui a été faite par un inſtrument tranchant & piquant. Pour
raiſon de quoi ledit ſieur Pézan a beſoin d’obſerver
un régime exact, d’être ſaigné pluſieurs
fois, de garder le repos, & d’être ſoigneuſement
panſé, & aſſiſté des choſes néceſſaires.
À l’égard du ſuccès de cette bleſſure, je le
regarde comme très-incertain, toutes les
playes qui intéreſſent le diaphragme, ſeulement
même en ſa patrie charnue, étant toûjours
très-dangereuſes.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe perçante le Diaphragme en deux endroits.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le
Lieutenant Criminel, nous avons fait l’ouverture
du corps mort de Jean Ogleby ; auquel
nous avons trouvé une playe ſituée à la
partie inférieure & antérieure de la poitrine
au côté gauche, à trois travers de doigt du
cartilage xiphoïde, coupant le cartilage qui
joint la quatrieme fauſſe-côte avec le ſternum,
pénétrant dans la capacité, & perçant
d’abord la portion charnue du diaphragme ;
puis paſſant du côté gauche au côté droit de
bas en haut, elle a percé de nouveau le même
muſcle en ſon tendon, & a fait dans la poitrine
un épanchement de ſang aſſez médiocre ;
laquelle playe a cauſé la mort audit ſieur Ogleby, trois jours après ſa bleſſure,
dans la violence de la fiévre ; du délire, & de
la convulſion ſardonienne[4], ainſi qu’il nous
a été rapporté par le ſieur Michault, Chirurgien
Juré à Paris, notre Confrere, qui avoit
panſé depuis ce tems-là ledit bleſſé.
Fait à Paris, &c.
Article IX.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes du Bas-Ventre.
Es playes qui arrivent aux tégumens tant
communs que propres du Bas-Ventre,
ſont connues, de même que la plûpart des
autres playes, par la vûe, & par l’attouchement
du doigt ou de la ſonde. Ce dernier
moyen peut néanmoins tromper le Chirurgien,
parce que la ſonde ſi gliſſe aiſément
dans les eſpaces des muſcles, & peut par-là
lui donner lieu de croire que la playe eſt pénétrante.
Quelquefois au contraire la playe
pénetre, ſans que le Chirurgien puiſſe pouſſer
ſa ſonde juſques dans la capacité, en ſuivant
le progres de la playe ; & cela pour deux raiſons,
ſçavoir :
1o Parce que les chairs ſe ſont tellement gonflées, qu’il eſt impoſſible d’y introduire le ſtilet, & d’en ſuivre la route.
2o Parce que le corps du bleſſé n’étant plus dans la ſituation où il étoit quand il a reçu ſa bleſſure, il arrive qu’une portion de muſcle vient à traverſer la playe dans ſon trajet, quand le corps du bleſſé change de ſituation, & forme ainſi un obſtacle à la ſonde, qui l’empêche de ſuivre ſa route juſques dans la capacité du ventre.
La ſonde n’eſt donc pas un moyen infaillible pour s’aſſurer ſi les playes du Bas-Ventre pénetrent ou ne pénetrent pas dans ſa capacité. Mais au défaut de ce moyen, les playes qui pénetrent dans le Bas-Ventre ſont connues par l’iſſue des parties, par la ſituation, par les excrétions, & par les propres accidens : & tous ces ſignes varient ſelon les différentes parties qui peuvent être bleſſées dans cette capacité.
Une épée, ou quelqu’autre inſtrument offenſif pouſſé avec violence, ne peut gueres pénétrer dans la cavité du Bas-Ventre, ſans bleſſer les Inteſtins ; & pour-lors, ſi les Inteſtins grêles ſont bleſſés, la playe ſera ſituée au milieu du ventre plutôt qu’ailleurs, les hypocondres ſeront tendues & plus durs qu’à l’ordinaire, le bleſſé vomira la bile, & reſſentira de grandes douleurs dans le ventre ; il lui ſurviendra de grandes inquiétudes & des défaillances, une forte fiévre, des convulſions, des hoquets, des nauſées continuelles ; & l’on verra ſortir par la playe un chyle mal digéré, & des reſtes de la boiſſon.
Quand les gros Inteſtins ſont offenſés, les accidens ſont moins fâcheux ; les excrémens groſſiers ſortent par la playe, & ſe font ſentir à l’odorat, les bleſſés rendent d’abord du ſang par les bleſſés, & dans la ſuite des matieres purulentes.
On connoît la léſion de l’Eſtomac par ſa ſituation de la playe, qui ſe trouve à la région épigaſtrique ou aux environs ; le bleſſé eſt attaqué de tranchées & du hoquet ; il rend les alimens par le vomiſſement & par ſa playe ; il vomit la bile, & quelquefois du ſang ; & il reſſent une vive douleur à l’endroit bleſſé.
Si la playe ſe trouve à l’orifice ſupérieur du Ventricule, il ſurvient inflammation, fiévre, délire, des foibleſſes fréquentes, des ſueurs froides ; & ces accidens préſagent une mort prochaine.
On a lieu de craindre que le Foye ne ſoit bleſſé, quand on a introduit la ſonde de la longueur du doigt & plus, en ligne directe, dans une playe qui pénetre l’hypocondre droit ; & l’on s’en aſſure abſolument par les accidens qui ſurviennent à cette playe, ſçavoir :
1o Par la quantité de ſang qui ſort par la playe, & qui s’épanche dans le bas-ventre.
2o Par la douleur poignante que le bleſſé reſſent à l’endroit de la playe, & qui ſe communique aux parties voiſines, s’étendant même juſqu’à la clavicule & à l’épaule droite.
3o Le bleſſé a beaucoup de penchant à ſe coucher ſur le ventre ; il a une toux ſéche & fort incommode ; il reſſent une grande peſanteur à la partie bleſſée, qui ſemble l’entraîner en bas ; ſon ventre eſt fort tendu ; ſes ſelles & ſes urines ſont ſanglantes ; & il lui ſurvient aſſez ſouvent une hémorrhagie par le nez.
Comme la Rate occupe beaucoup moins d’eſpace dans l’hypocondre gauche, que le foye n’en occupe dans le droit, l’introduction du doigt & de la ſonde dans les playes qui arrivent à cette région, ne ſont pas un bon moyen pour connoître la léſion de ce viſcere : mais on en juge plus ſurement par d’autres ſignes, qui ſont :
1o Un ſang groſſier & féculent, qui ſort de la playe, & que le bleſſé rend auſſi quelquefois par le vomiſſement & par les ſelles.
2o Le bleſſé reſſent une grande douleur à tout l’hypocondre gauche, accompagnée d’une tenſion qui ſe communique à l’eſtomac & juſqu’à la clavicule.
3o Il a une grande difficulté de reſpirer, qui eſt une fuite du conſentement qu’a le diaphragme avec ce viſcere.
4o La fiévre augmente dans la ſuite, avec le délire & la convulſion.
La léſion des Reins ſe manifeſte par la ſituation de la playe, qui ſe trouve à la région lombaire : quand la playe eſt grande, on en voit ſortir l’urine enſanglantée ; & quand elle eſt petite, l’urine eſt quelquefois ſupprimée ; ou bien le peu que le bleſſé en rend par le conduit ordinaire, eſt mêlé de ſang, & la douleur s’étend de la région lombaire juſqu’à l’aîne & au teſticule. De plus la playe ſe borne quelquefois dans la ſubſtance du Rein, & pour-lors il n’en ſort que du ſang ſeul en grande abondance ; & quand elle pénetre juſqu’au baſſinet, on voit l’urine ſortir avec le ſang.
Lorſqu’une playe ſe trouve ſituée au bas de l’Hypogaſtre, & qu’elle pénetre dans la capacité, on a lieu de ſoupçonner que la Veſſie urinaire eſt bleſſée ; & pour-lors le bleſſé reſſent beaucoup de douleur autour du pubis : il rend ſon urine ſanglante par le conduit ordinaire, & quelquefois auſſi il en ſort par la playe. Le conſentement qu’a cet organe avec l’eſtomac, occaſionne un vomiſſement de bile, & le hoquet.
Le ſphincter de la Veſſie étant bleſſé, l’urine ſort involontairement, comme il arrive dans la diviſion que l’on fait pour tirer la pierre, & comme il arrive encore aux femmes à qui l’on a dilacéré le cou de la Veſſie pour leur faire la même extraction, ou pour faire celle de l’enfant dans les travaux extrêmement laborieux ; car leur playe étant guérie, le délabrement des fibres du ſphincter eſt cauſe qu’elles ne peuvent retenir leur urine.
On connoît que la Matrice eſt bleſſée, hors du tems de la groſſeſſe, tant par la ſituation de la playe, que par ſa profondeur, & par l’écoulement du ſang qui ſe fait par la vulve ; & dans la ſuite la fiévre ſurvient, l’inflammation ſe communique à tout l’hypogaſtre, les nauſées ſuccèdent, de même que le hoquet, le délire, & les convulſions.
Dans les derniers tems de la groſſeſſe, les playes de la Matrice ſont encore bien plus faciles à connoître ; parce que l’on en eſt convaincu par la vûe, par l’attouchement, & par les accidens ſuſdits : l’on connoît la mort de l’enfant qui y eſt contenu, parce qu’il ceſſe de ſe mouvoir par lui-même, & qu’il n’a d’autre mouvement que celui qui lui arrive accidentellement quand ſa mere change de ſituation ; & c’eſt un mouvement de décidence, auquel l’enfant n’a aucune part. De plus il arrive à la mere des ſyncopes & des convulſions fréquentes ; outre que l’hémorrhagie eſt bien plus conſidérable dans le tems de la groſſeſſe que dans un autre tems, à cauſe que la grande quantité de ſang qui ſe porte en ce tems-là à la Matrice, dilate extraordinairement ſes vaiſſeaux.
Les playes qui arrivent aux Parties génitales des hommes, ſont facilement apperçûes à la vûe & au toucher ; outre qu’elles ſont ſouvent accompagnées d’une hémorrhagie conſidérable, quand les vaiſſeaux ſpermatiques s’y trouvent intéreſſés, principalement dans la ſection totale de la Verge, & du Scrotum.
On juge différemment des événemens des playes du Bas-Ventre, ſelon les différences de ces mêmes playes, & ſelon les différentes parties qui ſont bleſſées. On peut dire généralement parlant, que les playes qui n’intéreſſent que les tégumens du Bas-Ventre tant communs que propres, ſont guériſſables, mais un peu plus difficilement que les autres playes qui arrivent à la ſurface du Corps, à cauſe du mouvement de la reſpiration, qui ne permet pas à ces parties de demeurer dans le parfait repos qui facilite beaucoup l’union des playes.
Il faut de plus convenir que les playes qui pénetrent dans la capacité du Bas-Ventre, étant ou grandes & fort amples, ou plus petites & plus étroites, les grandes ſont ſujettes à occaſionner la ſortie de l’Epiploon, ou de l’Inteſtin, ou de l’un & de l’autre en même tems ; & que cet accident donne ſouvent de la peine au Chirurgien, à cauſe de la difficulté qu’il y a de réduire ces parties dans le lieu d’où elles ſe ſont échappées, ſans les bleſſer : outre que l’air extérieur eſt fort nuiſible à ces organes, qui n’ont pas coûtume d’y être expoſés, & principalement à l’Epiploon, qui s’altere fort promptement ; enſorte qu’il le faut lier & extirper quand il eſt refroidi, & que ſa couleur eſt changée, plûtôt que de le réduire au-dedans.
À l’égard de l’Inteſtin qui eſt ſorti hors des playes du ventre, il eſt auſſi en grand danger de ſe corrompre, quand il ſe trouve ſerré entre les lèvres d’une playe étroite ; & le Chirurgien a ſouvent de la peine à le réduire en ſon lieu, parce qu’il n’eſt pas facile de dilater la playe ſans lui donner quelque atteinte, d’autant que plus il reſte expoſé à l’air, plus il ſe gonfle de ventoſités.
Pour ce qui eſt des playes du Bas-Ventre qui pénétrent ſans iſſue de parties, mais qui ſont avec léſion de celles qui ſont contenues dans ſa cavité, il en faut juger ſelon la différence des parties bleſſées, qui font l’Eſtomac, les Inteſtins, le Foye, la Rate, les Reins, la Matrice, les grands Vaiſſeaux, &c.
Les playes de l’Eſtomac ou Ventricule ſont abſolument mortelles, ſi l’on en croit Hippocrate, Aphor. 18. Section vi. Cependant, comme on l’a quelques exemples de playes guéries au Ventricule, il faut uſer de diſtinction, & dire 1o que les playes de cet organe, qui ſont petites & ſuperficielles, laiſſent quelque eſpérance de guériſon, mais que celles qui ſont grandes, & qui percent l’Eſtomac dans toute ſon épaiſſeur, ſont de celles dont il meurt beaucoup plus de bleſſés qu’il n’en échape. 2o Que les playes qui arrivent vers l’orifice ſupérieur de l’Eſtomac, font mourir les bleſſés dans le hoquet & dans les convulſions ; au lieu que celles qui arrivent en ſon fond, ont plus de diſpoſition à guérir, à cauſe que cet endroit eſt plus charnu, & que les remedes peuvent ſéjourner ſur la playe ; cependant quand les alimens s’épanchent dans la cavité du ventre, les bleſſés périſſent bien-tôt.
Les playes des Inteſtins ſont cenſées mortelles dans l’Aphoriſme d’Hippocrate, que j’ai déjà cité : & cette ſentence ſe vérifie beaucoup mieux, dans la pratique, à l’égard des Inteſtins grêles, que des gros, leſquels ſe réuniſſent beaucoup plus facilement, parce qu’ils ſont plus charnus que les grêles, & que leur fonction n’eſt pas ſi importante : les grêles étant deſtinés à la perfection & à la diſtribution du chyle, & les gros à charier les excrémens hors du Corps.
Les playes du Foye qui pénetrent dans ce viſcere un peu profondément, & qui ouvrent des vaiſſeaux conſidérables, ſont abſolument mortelles, tant à cauſe de l’inflammation qui met obſtacle à l’action de ce viſcere, qu’à cauſe de l’hémorrhagie, que l’on ne peut arrêter, & qui forment un épanchement mortel dans le Bas-Ventre. Les exemples des playes du Foye qui ont été guéries, même avec déperdition de ſubſtance, ou ſont de pures fables, ou des miracles de l’art, ſur leſquels il ne faut pas compter dans la pratique ordinaire.
Il faut porter un jugement des playes de la Rate, à peu près pareil à celui des playes du Foye ; c’eſt-à-dire que les playes qui pénetrent profondément dans la ſubſtance de cet organe, & qui ouvrent les grands vaiſſeaux, ſont mortelles, à cauſe de l’épanchement du ſang dans le Bas-Ventre, & de l’impoſſibilité qu’il y a d’arrêter l’hémorrhagie. Ce qui ne s’accorde pas cependant avec la penſée du vulgaire, qui regarde la Rate comme une partie inutile, & que l’on peut enlever ſans que l’animal périſſe ; & cela ſur de fauſſes traditions, qui portent que des hommes ont ſouffert qu’on leur ôtât la Rate, pour être plus diſpos à la courſe : ce que beaucoup de gens ont crû véritable, ayant apperçû que des chiens à qui l’on avoit ôté ce viſcere, étoient plus alègres & plus gais qu’auparavant ; mais cette opération qui eſt faite ſur ces animaux, ne l’eſt pas ſur les hommes, pour les raiſons qui ſont connues des Anatomiſtes.
Les playes des Reins qui pénetrent profondément dans leur ſubſtance, & qui ouvrent les grands vaiſſeaux, ne laiſſent pas vivre long-tems les bleſſés : & celles qui ſont ſuperficielles ne laiſſent pas d’être dangereuſes, & d’être fort longues à guérir, à cauſe du continuel abord qui s’y fait des humidités ſéreuſes ; ce qui les fait ordinairement dégénérer en fiſtules.
Or les playes du Rein ſont dangereuſes, à cauſe de l’inflammation qu’elles peuvent cauſer à cet organe, laquelle ne manque pas de ſupprimer l’urine ; & quand elles continuent de donner lieu à l’épanchement de cette liqueur dans la capacité du ventre, ce qui fait mourir bientôt les bleſſés.
Les playes de la Veſſie Urinaire ſont mortelles pour trois raiſons principales :
1o À cauſe des accidens qui ſurviennent bien-tôt à ces playes, comme ſont l’inflammation, le vomiſſement, la fievre, les friſſons irréguliers, le délire, les convulſions, & le flux-de-ventre.
2o Par la difficulté qu’il y a le plus ſouvent à porter les médicamens ſur la playe, & à les y faire ſéjourner.
3o À cauſe de l’épanchement qui ſe fait de l’urine dans le bas-ventre, laquelle ne pouvant avoir ſon iſſue, ſe corrompt, & cauſe la mort.
On convient cependant après cela que les playes de la Veſſie ſont plus périlleuſes en ſon corps & en ſon fond, que vers ſon cou, & que les playes de cet organe ſont fort ſujettes à dégénérer en fiſtules ; ce qui eſt confirmé tous les jours par les accidens qui arrivent à ceux à qui l’on a fait l’opération de la lithotomie.
Les playes de la Matrice ſont mortelles à la mere & à l’enfant au tems de la groſſeſſe ; & hors de ce tems même, elles ne ſont pas guériſſables pour pluſieurs raiſons ;
1o À cauſe de l’intime union qu’a ce viſcere avec le cerveau, & avec d’autres organes d’une grande conſidération, tels que ſont l’eſtomac, le poulmon, le cœur, les reins, & toutes les parties du bas-ventre.
2o À cauſe de la difficulté qu’il y a d’y porter les remedes.
3o À cauſe de l’épanchement du ſang dans l’hypogaſtre.
Les grandes playes qui arrivent aux Parties Génitales des hommes, ſont très-dangereuſes, tant pour la vie des bleſſés, dont l’hémorragie, les grandes douleurs, la fluxion, l’inflammation, & la gangrene peuvent occaſionner la perte, qu’à cauſe de l’impuiſſance d’engendrer, qui eſt une ſuite néceſſaire de la privation de ces Parties.
Modeles de Raports concernant les Playes du Bas-Ventre.
Raport d’une Playe au Bas-Ventre, non pénétrante.
Aporté par moi Maître Chirurgien
Juré à Paris, que ce jourd’hui 17 Octobre
1691, j’ai été mandé en la rue de
l’Ourſine, Faubourg S. Marceau, pour panſer
Pierre Verinet, Jardinier-Fleuriſte, que
j’ai trouvé bleſſé d’une playe au bas-ventre,
ſituée en la région lombaire droite, & pénétrante
de devant en arriere de la longueur de cinq pouces, entre le muſcle oblique interne
& le tranſverſal ; laquelle playe je juge avoir
été faite par un inſrument tranchant & poignant,
comme épée, poignard, ou autre
ſemblable. Et comme la ſinuoſité de cette
playe, fort inférieure à ſon orifice, ne manqueroit
pas de cauſer des accidens dans la
ſuite à l’occaſion du ſéjour du pus, j’ai jugé
à propos d’y faire une contre-ouverture, au
moyen de quoi la ſuppuration aura ſa libre
iſſue ; ce qui ne m’a pas empêché de ſaigner le
bleſſé, de lui preſcrire une diete exacte, &
de lui conſeiller de ſe tenir dans un grand
calme, tant du corps que de l’eſprit, pour
prévenir les fâcheux accidens qui pourroient
traverſer ſa guériſon, tels que la fievre, la fluxion,
l’inflammation, & autres ſemblables,
de l’évenement deſquels on ne peut répondre
qu’après pluſieurs jours.
Fait à Paris, les jours & an que deſſus.
Autre Rapport d’une Playe au Bas-Ventre, non pénétrante.
Aporté par moi Chirurgien du Roi au
Châtelet de Paris, que le 4 Avril 1723,
le ſieur Jean-Charles Taſſoureau de Fontaine
eſt venu chez moi, pour être viſité & panſé
à raiſon de quelques bleſſures toutes récentes ;
ſçavoir, de deux petites coupures à la main
droite, l’une au doigt du milieu, & l’autre au
doigt annulaire ; mais ſur-tout d’une playe au bas-ventre, ſituée en l’hypocondre droiti,
laquelle penetre en gliſſant dans les chairs de
la longueur de deux travers de doigt, & a été
faite, ainſi que les coupures des doigts, par un
inſtrument piquant & tranchant, comme
épée, couteau, ou autre ſemblable : leſquelles
bleſſures ſeront guéries dans ſept ou huit
jours, à moins qu’il ne ſurvienne quelque accident
imprévû à la playe du bas-ventre.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe pénétrante dans la capacité du Bas-Ventre.
Aporté par nous Chirurgiens du Roi
en ſon Châtelet de Paris, que ce jourd’hui
10 Avril 1725, nous nous ſommes
tranſportés, rue Jean-de-l’Épine, au quatrieme
étage d’une maiſon où pend pour enſeigne
la fleur-de-lys, pour voir & viſiter le nommé
Blaiſe Math, compagnon Couvreur, que nous
avons trouvé au lit ſans connoiſſance ; &
l’ayant examiné, nous lui avons remarqué
une playe au bas-ventre, ſituée au côté gauche,
à quatre doigts ou environ de l’ombilic,
qui pénetre dans la capacité ; laquelle playe
nous croyons avoir été faite par un coup
d’épée. Nous avons jugé à propos de la dilater,
afin de procurer une iſſue libre au ſang
épanché, & nous eſtimons que ledit Math a
beſoin d’être aſſiſté de toutes les choſes néceſſaires, étant dans un très-grand danger de
ſa vie. Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Autre Raport de deux Playes, dont l’une pénétroit dans la même capacité.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que le 22 Juillet 1725, j’ai
été mandé, rue de la Tiſſéranderie, chez un
Épicier, où étant monté au troiſieme étage,
j’ai vû & viſité le ſieur Jean François Savary,
Commis, que j’ai trouvé au lit dans une extrême
foibleſſe, & vomiſſant ſans ceſſe :
l’ayant examiné plus particulierement, je lui
ai remarqué deux playes au bas-ventre, dont
l’une eſt ſituée à la région épigaſtrique, près
du cartilage xiphoïde, laquelle eſt longue de
deux petits travers de doigt, à cauſe de l’inciſion
que l’on y a faite, & qui pénetre dans la
capacité ; & l’autre eſt placée dans l’hypogaſtre,
éloignée de trois travers de doigt de
l’ombilic : cette derniere eſt longue d’un demi-travers
de doigt, & ne s’étend que dans
les chairs. Ces deux playes me paroiſſent
avoir été faites par un inſtrument piquant &
tranchant ; & ledit bleſſé a beſoin d’être aſſiſté
de toutes les choſes néceſſaires, étant dans
un très grand danger de ſa vie.
Fait les jours & an que deſſus.
Raport de la viſite d’un Corps mort d’un coup d’arme-à-feu au Bas-Ventre, extrait du Traité des Raports du ſieur Gendry, Chirurgien d’Angers.
Aporté par nous Chirurgiens ordinaires
du Préſidial d’Angers, que, de l’Ordonnance
de M. le Procureur du Roi audit
Préſidial, nous avons viſité le corps mort,
depuis deux jours, d’un nommé Pinſon, dit la
Vallée, d’un poil rouſſeau, âgé de vingt-cinq
à trente ans, que nous avons trouvé bleſſé de
pluſieurs coups, & particulierement d’un
coup d’arme-à-feu donné dans le bas-ventre,
partie moyenne & inférieure, comme il paroît
par la playe ronde, contuſe, livide, & dure
en ſes environs, pénétrante au-travers du
corps, à ſa ſortie plus large & plus déchirée,
vers la partie gauche & inférieure du
dos, faiſant pluſieurs tuyaux, & ouvrant pluſieurs
vaiſſeaux qui ont épanché une grande
quantité de ſang, comme on l’a vû dans l’ouverture
du cadavre ; laquelle bleſſure a été
la cauſe de ſa mort.
Raport d’une Playe pénétrante, avec iſſue de l’Epiploon & de l’Inteſtin.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 13e jour
de Février 1679, j’ai été mandé au Faubourg
S. Denis, pour panſer le nommé Léopold Hemsker, Suiſſe de la Garde du Roi,
que j’ai trouvé bleſſé d’une grande playe au
bas-ventre, ſituée en la région ombilicale, à
cinq travers de doigt de l’ombilic au côté
droit, ayant deux bons travers de doigt de
longueur, avec iſſue de l’inteſtin jéjunum, &
d’une petite portion de l’épiploon ; laquelle
playe je juge avoir été faite par une épée large,
un eſpadon, ou autre inſtrument ſemblable
poignant & tranchant. Pour raiſon
dequoi, après avoir réduit avec aſſez de facilité
l’inteſtin & l’epiplon, qui étoient ſortis,
& qui ne s’étoient pas encore gonflés,
j’ai fait à la playe un point de ſuture dite gaſtroraphie,
tant pour faciliter ſa réunion, que
pour empêcher les parties contenues de ſortir
de nouveau hors du ventre ; j’ai ſaigné le
bleſſé, je l’ai ſitué dans ſon lit, & lui ai fortement
recommandé tant le repos que la diete
exacte, pour prévenir la fievre, la fluxion,
l’inflammation, & les autres accidens des
playes, capables d’en traverſer la guériſon, &
qui dans le cas préſent rendroient la ſuture
inutile. Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’un coup d’épée traverſant le Foye & l’Eſtomac.
Ous ſouſſignés Médecin & Chirurgiens
du Roi en ſon Châtelet de Paris,
certifions qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant-Criminel,
en date du 29 Mai 1694, nous avons vû & viſité le corps mort
de Henry-Charles de Farcy Sieur de la Fauconnerie,
auquel nous avons trouvé une playe
ſituée en l’hypocondre droit, pénétrante dans
la capacité du ventre, entre la troiſieme & la
quatrieme des fauſſes-côtes, un peu antérieurement,
traverſant le foye dans toute ſon
épaiſſeur, & perçant enſuite l’eſtomac vers
ſon orifice ſupérieur ; laquelle playe, faite
ſelon les apparences par une épée large, ou un
poignard, a cauſé la mort au ſieur de Farcy,
peu de tems après l’avoir reçûe.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport de pluſieurs Playes, & d’une mortelle au Bas-Ventre, perçant l’Inteſtin Iléon.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roy
en ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant-Criminel,
en date du 21 Février
1675, nous avons viſité, dans l’Hôpital de la
Charité des Hommes, Charles le Févre, Palfernier
de M. le Marquis de C… auquel
nous avons trouvé onze playes ; ſçavoir, deux
ſur le parietal droit, une ſur le gauche, une
ſur l’occiput, une ſur la partie ſupérieure de
l’os coronal, pénétrante juſqu’au péricrâne ;
une autre ſur la partie inférieure du même
os, plus étendue que les autres, avec dénudation
d’os ; une ſur le nez, une à la joue gauche
au-deſſus de l’os de la pommette, une autre ſur le doigt indice, & une autre ſur le
doigt medius de la main gauche : toutes leſquelles
playes ont été faites par un inſtrument
tranchant, comme le taillant d’une épée, ou
autre ſemblable. La onzieme playe, qui eſt la
plus fâcheuſe, eſt ſituée en la partie ſupérieure
de l’hypogaſtre au côté gauche, à quatre
doigts au-deſſous & à côté de l’ombilic,
pénétrante dans la capacité, avec léſion de
l’inteſtin iléon, comme il nous a paru par les
accidens qui ſont arrivés audit bleſſé, ſçavoir,
fievre, vomiſſement, hoquet, grande foibleſſe ;
laquelle playe a été pareillement faite par
quelque inſtrument tranchant & poignant,
comme une épée, une dague, un poignard,
ou autre arme de pareille qualité. À raiſon
dequoi nous eſtimons que le ſuſdit bleſſé eſt
en grand danger de ſa vie, & qu’il a beſoin
d’être ſoigneuſement panſé & médicamenté.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une grande Playe au Bas-Ventre, en voye de guériſon.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roy
en ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés,
certifions qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant
Criminel, en date du 26 Août
1678, nous avons vû & viſité Nicolas de
Longchamp, l’un des Gardes-du-Corps de
S. A. S. Monſieur ; auquel nous avons trouvé
une très-grande playe en la partie inférieure de l’hypocondre gauche, qui nous a
paru avoir pénétré en la capacité du bas-ventre,
& que les inciſions qu’on a été obligé
d’y faire, ont preſqu’étendue juſqu’à la crête
de l’os deiles du même côté, ayant encore
plus de quatre travers de doigt en longueur,
& deux en largeur : laquelle playe nous jugeons
avoir été faite par quelque inſtrument
tranchant & poignant, comme une épée, un
poignard, ou autre arme ſemblable. Nous
eſtimons de-plus que ledit Longchamp,
quoique bleſſé il y a plus d’un mois, n’eſt
point encore abſolument hors de danger, &
a encore beſoin d’être ſoigneuſement panſé
pendant plus de cinq ſemaines, & d’obſerver
un bon régime de vie, ne pouvant être plûtôt
en état de monter à cheval pour faire ſa
fonction ordinaire.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une autre Playe pénétrante dans la capacité du Ventre inférieur.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi
en ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés,
certifions qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant-Criminel,
en date du 31 Août
1675, nous avons viſité Antoine Gaſpard J.
fils de Jacques J. Chirurgien-Juré à Paris ;
auquel nous avons trouvé une playe ſituée en
la partie ſupérieure de l’épigaſtre au côté
droit, à un travers de doigt du cartilage xiphoïde, ayant environ un pouce de longueur,
& pénétrante dans la capacité du ventre inférieur,
entre le diaphragme & le foye : laquelle
playe nous jugeons avoir été faite par
quelque inſtrument tranchant & piquant,
comme une épée, une dague, un poignard, ou
autre arme ſemblable. Pour raiſon dequoi le ſuſdit
bleſſé a beſoin d’être bien & ſoigneuſement
panſé, & d’obſerver un régime de vie
très-exact, pour prévenir les accidens mortels
qui peuvent lui arriver, tant à cauſe de
l’importance des organes ſitués dans l’endroit
où la playe pénetre, qu’à cauſe du ſang qui
peut y être épanché ; de l’évenement deſquels
ſymptômes on ne peut répondre certainement,
qu’il n’y ait encore pluſieurs jours d’écoulés.
Fait à Paris, les jours & an que deſſus.
Raport d’un coup d’arme-à-feu au Bas-Ventre, perçant la Veſſie Urinaire.
E ſouſſigné Chirurgien-Major du Régiment
Royal Cavalerie, certifie à tous qu’il
appartiendra, que j’ai commencé, il y a trois
jours, à panſer Jacques de l’Ecluzel, dit Saint-Romain,
Cavalier dudit Régiment dans la
Compagnie de M. de la Butiere, d’un coup
de piſtolet dans l’hypogaſtre, qui a ſon entrée
au côté droit ſur la crête de l’os des iles,
& ſa ſortie au pli de l’aîne gauche, perçant la
veſſie urinaire dans ſon trajet, ainſi qu’il me
paroît, tant par la ſituation de ladite playe, que par un continuel écoulement d’urine ſanguinolente.
Pour raiſon dequoi jeſtime que
ledit ſieur de Saint-Romain eſt dans un grand
danger de perdre la vie : car outre que les
playes de la veſſie ſont cenſées mortelles, ladite
playe a été ſuivie de pluſieurs ſymptômes
des plus fâcheux, comme fievre avec friſſons
irréguliers, vomiſſement bilieux, hoquets
fréquens, rêverie, & grand abattement de
toutes les forces. Ce que je certifie véritable.
Fait à Dunkerque, quartier du Régiment, le 26 de Février 1693.
Raport d’un coup d’épée perçant la Matrice & le Fœtus.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 8 Mars
1695, l’on m’eſt venu chercher avec empreſſement,
pour panſer Jeanne Ravichot, femme
de Jacques Berthot, dit Jolicœur, Soldat au
Régiment des Gardes, groſſe de huit mois ;
laquelle venoit d’être bleſſée d’un coup d’épée
au bas-ventre, à trois travers de doigt
de l’ombilic, pénétrante dans la capacité, &
perçant la matrice, auſſi bien que le fœtus
contenu en icelle. La bleſſée étant morte de
la perte de ſang, avant que j’aye eu le tems
de mettre aucun appareil ſur la playe, il m’a
été ordonné par M. le Commiſſaire A… ſur
les neuf heures du ſoir, de venir faire l’ouverture
du cadavre ; au moyen dequoi j’ai découvert que le coup d’épée porté à la mere, après
avoir percé la matrice près de ſon fond, s’eſt
perdu dans la poitrine du fœtus, & a occaſionné
un très grand épanchement de ſang
dans le bas-ventre : ce qui a cauſé la mort
tant à la mere qu’à l’enfant.
Fait à Paris, le 9 du mois & an que deſſus.
Raport d’une Playe pénétrante dans le Baſſinet du Rein.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 27e jour de
Juillet 1679, j’ai été mandé rue de Poitou
au Marais du Temple, en la maiſon de Pierre-Paſcal
Engilbert, Maître Maréchal à Paris,
pour panſer le nommé Michel Coré, dit la
Fortune, un de ſes garçons, que j’ai trouvé
bleſſé d’un coup d’épée, ſitué en la région
lombaire droite partie moyenne, pénétrant
profondément juſqu’au baſſinet du rein, comme
il m’eſt apparu en introduiſant une ſonde
canulée dans ſa playe, par le moyen de laquelle
il s’eſt échapé une ſéroſité ſanglante en
aſſez grande quantité, & le bleſſé a été incontinent
attaqué de nauſées & de vomiſſemens.
Pour raiſon de quoi j’eſtime que ledit
la Fortune eſt dans un grand danger de perdre
la vie ; & que quand même ſa bonne conſtitution,
& le bon traitement de ſa playe lui
donneroient lieu de réſiſter à la violence des
ſymptômes que l’on peut appréhender à la ſuite d’une bleſſure de cette importance, il eſt
toujours à craindre que ſa playe ne dégénere
en fiſtule.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’un coup d’épée pénétrant la Rate.
Ous Médecin & Chirurgien du Roi en
ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant-Criminel,
en date du 16 Mai
1690, nous avons viſité Robert Arbinet,
Huiſſier-à-cheval au Châtelet, auquel nous
avons trouvé une playe ſituée à la partie inférieure
de l’hypocondre gauche, pénétrante
dans la capacité du ventre, entre la deuxieme
& troiſieme des fauſſes-côtes, avec léſion
de la rate, ainſi que nous l’avons connu par
le ſang groſſier & féculent qui ſort de ladite
playe ; laquelle nous jugeons avoir été faite
par quelque inſtrument poignant & tranchant,
comme une épée, une dague, un poignard,
ou autre arme ſemblable. Pour raiſon
de quoi nous eſtimons que ledit Arbinet
eſt en grand danger de perdre la vie ; parce
qu’outre la léſion de la rate, qui eſt d’une très-grande
conſidération dans l’œconomie animale,
ledit bleſſé a encore été attaqué, depuis
ſa bleſſure, des ſymptômes les plus fâcheux,
comme fievre, nauſées, vomiſſemens,
hoquets, & grand abattement de toutes ſes
forces ; enſorte que ces accidens continuant, il eſt à craindre qu’il ne périſſe dans peu de
jours. Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’un coup d’épée ſéparant l’Épididyme d’avec le Teſticule.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 23 Décembre
1692, j’ai été mandé, en la grande rue
du Faubourg Saint Victor, au quatrieme
étage d’une maiſon où pend pour enſeigne le
Tambour, pour panſer le nommé Euſtache
Giraut, dit la Ramée, Soldat au Régiment
des Gardes, que j’ai trouvé bleſſé d’un coup
d’épée, traverſant la cellule droite du ſcrotum,
& la coupant tranſverſalement de dedans en
dehors en ſa partie inférieure, l’épée ayant
paſſé entre l’épididyme & le teſticule, dont
elle a coupé les deux attaches ; laquelle ſection
rendant le teſticule inutile, j’ai jugé à
propos d’en décharger ladite bourſe, comme
d’un poids incommode : après quoi j’ai panſé
la playe, ſaigné le bleſſé, & lui ai recommandé
le repos & la diete exacte, pour éviter
les accidens qui peuvent ſurvenir à ſa
playe, comme fievre, fluxion, inflammation,
abſcès, pourriture, &c. de l’événement
deſquels on ne peut répondre qu’après
pluſieurs jours.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Article X.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes qui arrivent aux Extrémités ſupérieures & inférieures.
A vue & la ſonde ſuffiſent pour connoître
les playes ſuperficielles des extrémités
du corps ; & quand elles ſont grandes,
profondes, & fort compliquées, la ſituation
de la playe, la conformation du membre, &
les propres accidens, donnent lieu de juger
quelles ſont les parties qui s’y trouvent intéreſſées.
Ces parties ne peuvent être qu’un ou
pluſieurs Muſcles, les Nerfs, les Tendons,
les Vaiſſeaux ſanguins, & les Os.
On connoît, par exemple, qu’un tel Muſcle & d’autres qui en ſont proches ſont bleſſés, par la ſituation de la playe ; par ſon progrès, quand elle traverſe le membre de part en part ; & par le doigt, ou la ſonde, quand la profondeur de la playe eſt bornée dans la partie bleſſée.
La bleſſure d’un Tendon, & même de pluſieurs, ſe connoît par la vûe à l’égard des Tendons ſuperficiels ; & à l’égard de ceux qui ſont ſitués profondément, par la ſituation de la playe, par l’impuiſſance de l’action, & par les propres accidens, qui ſont les grandes douleurs, le grand dépôt qui ſe fait en fort peu de temps ſur la partie bleſſée, la fievre continue, le délire, & les convulſions.
On connoit la léſion des grands Vaiſſeaux dans les playes des extrémités, par la grande hémoragie ; ou, ſi l’entrée de la playe eſt fort éloignée de l’ouverture du vaiſſeau, par une tumeur, formée par l’épanchement du ſang, qui ſe fait ſous les tégumens & dans les eſpaces des Muſcles, laquelle eſt appellée thrombus, ou abſcès de ſang, quuand c’eſt une veine qui le fournit ; & anévriſme vrai, ou faux, quand c’eſt une artere ; anévriſme vrai, quand la capſule de l’artere eſt ſimplement ouverte ; & faux anévriſme, quand l’artere eſt ouverte dans toute ſon épaiſſeur, enſorte que le ſang s’épanche en grande quantité ſous les tégumens, dans les cellules des membranes, & dans les eſpaces des Muſcles.
On connoît que les Os ſont bleſſés dans les playes qui arrivent aux bras & aux jambes, par différens ſignes ; ſelon les différentes atteintes que ces corps durs peuvent avoir reçûes ; car, par exemple, on connoît à la vûe qu’une playe a pénétré juſqu’à L’os, quand elle eſt fort large & fort ouverte.
On connoît par le moyen de la ſonde, qu’une playe qui eſt faite par ponction, a pénétré juſqu’à l’Os ; & la mauvaiſe conformation du membre, ſon peu de ſoûtien, & ſon impuiſſance, font connoître la fracture, ou la diſlocation des Os.
L’iſſue des playes qui arrivent aux extrémités, eſt différente ſelon les circonſtances qui accompagnent ces playes, ou les différens organes qui s’y trouvent intéreſſés.
Les playes ſimples qui n’intéreſſent que les tégumens & la chair muſculeuſe, ſont ſans danger, & guériſſent aſſez facilement, quand elles ſont bien traitées, & que les bleſſés n’ont chez eux aucun vice habituel qui puiſſe les faire dégénérer en de mauvais ulceres, comme ſont le levain de la vérole, celui du ſcorbut, & le levain ſcrophuleux.
Celles qui pénetrent profondément, ſont plus dangereuſes, parce qu’elles peuvent faire périr les bleſſés par l’hémorrhagie, la gangrene, & la mortification, quand les grands vaiſſeaux, les tendons des muſcles, & les gros nerfs y ſont intéreſſés, ou quand elles ſont compliquées de grandes fractures, diſlocations, & dilacérations des ligamens : ou ſi les bleſſés guériſſent de ces grandes playes, ils ſont ſouvent dans l’impuiſſance d’agir.
De plus, les playes tranſverſales des extrémités, ſont beaucoup plus fâcheuſes à guérir que celles qui ſont faites ſelon la longueur des parties, parce que les muſcles coupés tranſverſalement, ſe réuniſſent avec beaucoup de peine, & peuvent jetter les bleſſés dans l’impuiſſance du mouvement auquel le muſcle eſt deſtiné, quand on n’en peut procurer la réunion ni par le bandage, ni par la ſuture.
Enfin les playes des Jointures ſont toujours difficiles à guérir ; & cela tant parce qu’elles demandent pour leur union le repos de la Jointure, qui nuit dans la ſuite à ſon mouvement, qu’à cauſe que ces playes ſont ſuſceptibles d’un accident qui n’arrive point ailleurs ; c’eſt la ſynovie, qui conſiſte dans l’écoulement de cette humeur glaireuſe qui ſuinte des glandes, pour enduire les articles & faciliter le mouvement ; laquelle a dégénéré de ſa conſtitution naturelle en une acidité vicieuſe, qui occaſionne de grandes douleurs, & des ulceres très-difficiles à guérir, & qui jette ſouvent les bleſſés dans l’impuiſſance du mouvement de la partie affectée. Outre que la violence des accidens eſt quelquefois ſi extrême, que les bleſſés périſſent par les pernicieux effets de ces fâcheux ſymptômes.
Modeles de Raports concernant les Playes des Extrémités ſupérieures & inférieures.
Raport d’un coup d’épée à la Cuiſſe.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi
en ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés,
certifions qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le Lieutenant-Criminel,
en date du 26 Juillet
1675, nous avons vû & viſité Jean Colinet,
Éguilletier, lequel nous avons trouvé
giſant au lit, à cauſe d’une playe ſituée à la
partie ſupérieure & poſtérieure de la cuiſſe droite au-deſſus du grand trochanter, & qui ſe
gliſſant de bas-en-haut ſous les muſcles feſſiers,
ſe va terminer vers l’articulation du femur ;
laquelle playe nous a paru faite par un
inſtrument tranchant & poignant, comme
une épée, une dague, un poignard, ou autre
inſtrument ſemblable. Or nous eſtimons que
ledit Colinet ne peut être guéri de plus d’un
mois, parce qu’il faut encore lui faire des inciſions
pour obtenir ſa guériſon ; pendant lequel
tems il a beſoin d’être nourri d’alimens
convenables, & d’être, comme il a été juſqu’à
préſent, ſoigneuſement panſé & médicamenté.
Fait à Paris, &c.
Raport d’une Contuſion ſur l’Os du Bras, avec Fracture d’Os en la jointure.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, qu’en vertu d’une Sentence
contradictoire rendue en l’Hôtel-de-Ville de
Paris, par MM. les Prevôt des Marchands &
Échevins de ladite Ville, en date du 10 Décembre
1676, à moi ſignifiée le 15 ſuivant,
laquelle m’a nommé d’office pour viſiter le
nommé Nicolas du Mirail, Juré-Porteur de
bled, & fair mon Raport de ſon état. Après
le ſerment prêté en tel cas requis, je me ſuis
tranſporté en la rue de la Mortellerie, au ſecond
étage d’une maiſon où pend pour enſeigne
le Heaume, auquel lieu j’ai trouvé ledit
du Mirail giſant au lit, à cauſe d’une très-grande contuſion qu’il a reçue, il y a environ
quinze jours, ſur la partie inférieure & poſtérieure
de l’os du bras droit, deux pouces
ou environ au-deſſus de l’olécrane, accompagnée
d’une grande meurtriſſure & ecchymoſe,
qui commence d’être en voye de réſolution ;
& examinant enſuite la jointure du
coude, j’ai ſenti le craquement de quelqu’un
des os qui s’articulent à cette jointure, ſans
néanmoins avoir voulu m’éclaircir préciſément
de celui qui eſt fracturé, de crainte de
faire perdre à cet os ſa bonne & naturelle
ſituation : laquelle contuſion & fracture je
juge avoir été cauſées par quelque inſtrument
orbe & contondant, comme un bâton,
un levier, une groſſe canne, ou autre choſe
ſemblable, dont il a été frappé avec beaucoup
de violence. Pour raiſon de quoi ledit
bleſſé a beſoin de ſe tenir en repos, d’obſerver
un bon régime de vie, & de continuer à
être ſoigneuſement panſé & médicamenté
pendant plus de ſix ſemaines à compter de ce
jour ; les fractures qui ſont près des jointures
étant toujours long-tems à guerir, & laiſſant
même après l’union des os fracturés, une longue
difficulté de mouvement auxdites jointures.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport au ſujet d’une Fracture de l’Os de l’Avant-Bras, nommé Radius, arrivée à un enfant de ſept mois.
Aporté par moi Chirurgien du Roi,
Juré au Châtelet de Paris, que ce jourd’hui
17 Février 1727, on a apporté chez moi
la nommée Madeleine Pia, fille d’Antoine
Pia, Horlogeur, âgée de ſept mois, me
priant de dire mon ſentiment ſur l’état de ſon
bras droit. En examinant ledit bras, je l’ai
trouvé d’une maigreur extraordinaire ; & j’y
ai remarqué une difformité, avec une petite
cicatrice à la partie ſupérieure, antérieure &
externe de l’avant-bras, & un écartement
des os radius & cubitus ; ce qui me perſuade
qu’il y a eu fracture dudit os radius : C’eſt
pourquoi j’eſtime que le bras de cette enfant
n’eſt pas dans ſon état naturel, & me fait appréhender
qu’il ne reſte à cet organe une foibleſſe
incurable. Fait les jour & an que deſſus.
Autre Raport d’une Fracture à l’Os du Coude.
Aporté par nous Chirurgiens ordinaires
du Roi en ſon Châtelet de Paris, que
le 18 Avril 1726, nous nous ſommes tranſportés,
rue & vieille place aux Veaux, à l’enſeigne
de la Vierge ; & qu’étant montés au
deuxieme étage ſur le derriere de cette maiſon,
nous avons vû & viſité la nommée Jeanne
Jolivet, veuve de Gilles Morien, dit la Forge, que nous avons trouvée au lit. L’ayant examinée
conjointement avec ſon Chirurgien
ordinaire, nous lui avons remarqué une fracture
à l’os cubitus du bras droit, à deux travers
de doigt de la jointure du poignet, que
nous jugeons avoir été cauſée par une chute,
ou quelque coup orbe déchargé ſur cette partie.
Pour raiſon de quoi nous eſtimons que ladite
Jolivet a beſoin d’être ſoigneuſement
panſée pendant le tems de ſix ſemaines ou environ,
qui eſt le terme le plus ordinaire de la
guériſon de ces ſortes de fractures, quand il
n’arrive point d’accidens extraordinaires.
Fait les jour & an que deſſus.
Raport de deux Contuſions conſidérables au Bras droit d’un particulier.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
& ordinaire du Roi au Châtelet de Paris,
que ce jourd’hui 23 Juin 1728, j’ai été
mandé rue de la haute Vannerie, à l’enſeigne
de l’Araignée ; & qu’étant monté au deuxieme
étage, j’ai vû & viſité Joſeph Agnus,
Huiſſier-à-verge, auquel j’ai remarqué deux
contuſions au bras droit ; ſçavoir, l’une qui
s’étend depuis le pli du bras juſqu’au poignet,
qui eſt très-conſidérable, & qui occupant
toute la circonférence du bras, ne lui permet
de faire ſes mouvemens qu’avec une très-grande
difficulté ; & l’autre ſituée ſur la main,
entre le pouce & les doigts indice & du milieu, dont il a beaucoup de peine à ſe ſervir :
leſquelles contuſions ont été faites par quelques
inſtrumens contondans, comme des bâtons
ferrés, ou autres choſes ſemblables.
Pour raiſon de quoi j’ai ſaigné ledit bleſſé, lui
ai conſeillé de garder le repos, d’obſerver un
bon régime, & d’uſer ſur ſes contuſions des
topiques les plus convenables. J’eſtime enfin
qu’il ſera guéri dans quinze ou vingt jours,
pourvû qu’il n’arrive point de dépôt ; ce qu’on
a lieu de craindre dans la cure des grandes
contuſions. Fait les jour & an que deſſus.
Raport ſur une Playe, avec emportement du Doigt Annulaire.
Aporté par moi Chirurgien ordinaire
du Roi en ſon Châtelet de Paris, que le
27 Avril 1728, je me ſuis tranſporté rue Culture
S. Gervais, dans la maiſon du ſieur Coude,
Officier des Gardes-de-nuit, premiere
chambre ſur le derriere, à l’effet de voir &
viſiter le nommé François du Goüin, Garde
ſédentaire à la Gabelle de Paris. L’ayant examiné,
je lui ai remarqué à la main gauche
une playe au doigt annulaire de la grandeur
d’un travers de doigt, & le petit doigt entiérement
emporté, dont il reſte une playe
large de deux travers de doigt, & l’extrémité
de la troiſieme phalange dudit doigt eſt
découverte avec eſquille : leſquelles playes je
juge avoir été faites par quelque inſtrument contondant, écraſant, & dilacérant, ſous lequel
ces parties ſe ſont trouvées. Pour quoi
j’eſtime que ledit du Gouin a beſoin d’être
ſoigneuſement panſé, qu’il doit garder le repos,
obſerver un régime convenable, & être
aſſiſté de toutes choſes néceſſaires pendant ſix
ſemaines qui ſes playes ſeront à guérir, à
cauſe de la ſéparation des eſquilles & de l’exfoliation
de l’os. Fait les jour & an que deſſus.
Raport d’une grande Playe à la Jambe, faite par morſure.
Aporté pour moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 12e de
Novembre 1677, j’ai été mandé, en la rue
S. Louis au Marais du Temple, en l’Hôtel de
M. C… Maître des Requêtes, pour panſer
Jean-Baptiſte Prolier, dit la Brie, un de ſes laquais,
que j’ai trouvé giſant au lit, à cauſe
d’une grande playe à la partie antérieure &
moyenne de la jambe droite, ayant quatre
travers de doigt d’étendue tant en longueur
qu’en largeur, avec pluſieurs dilacérations, &
déperdition de ſubſtance, tant aux tégumens
qui couvrent la face extérieure du tibia, qu’à
la chair muſculeuſe du muſcle fléchiſſeur du
pied, nommé le jambier antérieur, & dénudation
en différens endroits dudit os tibia : laquelle
playe je juge avoir été faite par la morſure
de quelque animal fort & vigoureux,
comme dogue, chien de garde, ou autre ſemblable. Pour raiſon de quoi, après avoir
appliqué ſur la partie bleſſée les anodyns & les
deffenſifs convenables en premier appareil,
j’ai ſaigné ledit la Brie, lui ai preſcrit un régime
exact & un grand repos, pour prévenir,
autant qu’il ſera poſſible, la fiévre, la fluxion,
l’inflammation, l’apoſtumation, & la pourriture,
que les grandes douleurs & le délabrement
fait en cette partie ne manqueront
pas d’attirer ; de l’évenement deſquels on ne
peut répondre qu’il n’y ait pluſieurs jours d’écoulés.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’un coup d’épée ouvrant l’Artere au Pli du Coude.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 7e jour de
Mars 1674, j’ai été mandé, en la rue
des Boucheries, Faubourg S. Germain, au troiſieme
étage d’une maiſon dont le bas eſt occupé
par le ſieur P… Maître Rotiſſeur, pour
conſulter ſur la bleſſure de Jean-Pierre Rouvery,
Prévôt-de-Salle du ſieur L… Maître
en fait d’Armes, que j’ai trouvé bleſſé d’un
coup d’épée, qu’il a reçû il y a quatre jours,
lequel a ſon entrée à la partie inférieure &
interne de l’avant-bras, trois travers de doigt
au-deſſus de la jointure du poignet, & ſe
gliſſant de-bas-en-haut entre les fléchiſſeurs
des doigts, nommés ſublime & profond, vient
ſe terminer au pli du coude ſous les tégumens, où il ouvre l’artere qui accompagne la baſilique,
ainſi que je l’ai reconnu par une tumeur
circonſcrite de la groſſeur d’un pain de deux
liards, à laquelle j’ai obſervé une pulſation
profonde. De plus, j’ai remarqué un dépôt
conſidérable ſur tout l’avant-bras & ſur toute
la main, & une groſſe fiévre au bleſſé, qui ſe
plaint auſſi de reſſentir de grandes douleurs
dans tout le progrès de la playe, laquelle n’a
été que très-légerement dilatée à ſon orifice
par le ſieur D… Chirurgien privilégié, qui
l’a panſé d’abord ; lequel m’ayant propoſé
d’augmenter la dilatation, je lui ai fait comprendre
qu’il étoit dangereux de dilater cette
playe depuis ſon orifice juſqu’à la fin de ſon
progrès, tant à cauſe de l’éloignement, qu’à
raiſon des atteintes fâcheuſes que l’on pourroit
donner au muſcle ſublime & à la membrane
qui enveloppe l’avant-bras ; & que la
principale indication devoit tendre à guérir
l’anévriſme qui s’étoit formé au pli du coude,
par la même opération que l’on fait d’ordinaire
quand l’artere a été ouverte en cet
endroit par la ſaignée : ce qu’ayant été requis
d’exécuter à l’heure même, j’ai fait l’ouverture
de la tumeur, & j’ai lié l’artere au deſſus
de ſon ouverture ; au moyen de quoi j’eſpere
que les accidens s’appaiſeront bien-tôt, & que
le bleſſé pourra être guéri dans ſix ſemaines,
au cas qu’il garde le repos, qu’il obſerve un
bon régime, & qu’il continue d’être ſoigneuſement panſé & médicamenté. Fait à Paris,
les jour & an que deſſus.
Raport d’un coup d’arme-à-feu à la Jointure du Coude.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi
au Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le
Grand-Prevôt de l’Iſle de France, en date du
26 Mars 1697, nous avons vû & viſité le
nommé François Morquet, dit la Rancune,
l’un de ſes Archers, que nous avons trouvé
bleſſé d’un grand coup d’arme-à-feu, qu’il a
reçû depuis trois jours en la jointure du coude
du bras droit, avec un tel fracas des extrémités
des trois os qui compoſent cette
jointure, & un tel délabrement des ligamens
& des vaiſſeaux qui s’y rencontrent, que
cette jointure n’ayant plus de ſoûtien, &
ne pouvant plus recevoir l’influence des
eſprits par le moyen des vaiſſeaux, nous eſtimons
que l’on ne peut eſpérer de ſauver la
vie au bleſſé en queſtion (qui nous paroît
d’ailleurs être d’une conſtitution ſaine, forte
& robuſte), qu’en lui coupant le bras au-deſſus
de ladite bleſſure ; ce que nous avons
conſeillé au ſieur L… Chirurgien-Juré,
notre Confrere, qui panſe le bleſſé, de faire
au plûtôt.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’un Chirurgien qui auroit été mandé en conſultation, pendant le traitement d’une grande Bleſſure à la Jambe, & au ſentiment duquel les Parties ſe rapporteroient, tant pour la reconnoiſſance dûe au Chirurgien ordinaire, que pour le dédommagement de la perſonne bleſſée.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que le 23 du mois d’Août dernier,
je fus mandé une premiere fois pour
conſulter ſur la bleſſure que Marie Renaut,
veuve de Guillaume du Freſne, avoit reçûe,
dès le 19 du même mois, à ſa jambe droite,
que je trouvai extraordinairement gonflée
dans toute ſon étendue, avec des impreſſions
profondes à la peau des deux malléoles, accompagnées
d’une grande tenſion & de pluſieurs
phlyctenes, qui étoient des marques
d’une prochaine mortification : que ces accidens
ayant continué, malgré toute la diligence
que l’on avoit apportée à les appaiſer,
je fus mandé de nouveau le 3 Septembre ſuivant ;
& qu’ayant examiné avec application
la partie bleſſée, je reconnus à l’extérieur de
ladite jambe, l’inondation profonde, obſcure
& aſſez équivoque de quelque matiere étrangere
épanchée ſous les tégumens. Cela me
porta à conſeiller au ſieur V… ſon Chirurgien
ordinaire, d’y faire une ouverture ; ce
qu’il exécuta par une inciſion, qu’il commença
de faire deux travers de doigt au-deſſus de la malléole externe, & qu’il continua
juſqu’au-delà de la partie moyenne de ladite
jambe ; par laquelle ouverture il ſortit à l’inſtant
trois au quatre palettes de ſang coagulé,
noir & pourri : & je remarquai de plus une
altération notable, tant aux chairs qu’aux tégumens
qui avoient reçû les impreſſions de
ces matieres corrompues. Or, comme le traitement
de cette playe a été continué pendant
deux mois & demi, que ſondit Chirurgien a
été obligé de la panſer deux fois par jour durant
les premiers tems, & une fois ſeulement
à la fin, & qu’il a fallu employer beaucoup
de remedes tant intérieurs qu’extérieurs, &
de bonnes nourritures, pour ſa parfaite guériſon ;
outre que pendant tout ce tems-là ladite
Renaut n’a pû vacquer à aucun travail,
& qu’elle ne peut même encore marcher qu’avec
beaucoup de peine, ainſi qu’elle fera pendant
tout l’hyver, à cauſe que ſa jambe s’enfle
tous les ſoirs conſidérablement, & que ſon
âge ne permet pas qu’elle ſe rétabliſſe aiſément
dans une ſaiſon ſi fâcheuſe ; Madame la
Comteſſe de L… émûe de charité envers
cette pauvre femme, que ſon caroſſe a bleſſée
par accident, voulant bien s’en remettre à
mon avis, tant pour le payement des panſemens
& médicamens qui lui ont été faits &
fournis par ſon Chirurgien ordinaire, que
pour celui de ſa nourriture, le dédommagement
de la perte de ſon tems, & le ſecours dont elle a beſoin pendant la ſaiſon fâcheuſe,
juſqu’au rétabliſſement de ſes forces, mon
ſentiment eſt que Madame la Comteſſe de
L… ne peut moins donner au ſieur V…
Chirurgien, que la ſomme de cent livres,
pour ſes panſemens, médicamens, ſoins &
aſſiduités ; & à la bleſſée en queſtion, celle
de trois cens cinquante livres, pour ſes nourritures
& autres dédommagemens.
Fait à Paris, ce 25 Novembre 1705.
Article XI.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes des Nerfs.
Uand on parle des playes des Nerfs,
l’uſage eſt, parmi les Chirurgiens, d’entendre
parler de celles qui arrivent à tous les
organes qui ſont compris ſous le genre nerveux.
Ces organes ſont de trois ſortes, ſçavoir,
1o Les Nerfs proprement pris, qui partent immédiatement du cerveau, ou de la moëlle de l’épine, par le moyen deſquels l’eſprit animal influe & eſt diſtribué à toutes les parties du Corps.
2o Les Cordes ou Tendons qui ſe trouvent aux extrémités des muſcles, & qui ſont des corps moyens entre les Nerfs proprement pris, & les Ligamens.
3o Les Liens ou Ligamens qui attachent les os qui forment des jointures mobiles, qui ſortent d’un os & ſe terminent à un autre os. Ces derniers organes étant peu ſenſibles, ne ſont appellés Nerfs qu’improprement.
Or ces différens organes compris ſous le genre nerveux, peuvent être bleſſés en trois manieres ; ſçavoir, par ponction manifeste, ou cachée ; par inciſion longitidunale, ou tranſverſale ; & par contuſion ; & quelquefois même de toutes ces manieres en même-tems.
On connoît que les Nerfs ſont bleſſés, pra la ſituation de la playe, parce que l’Anatomie nous apprend les lieux où ſe trouvent ces organes : c’eſt pour cela qu’il faut examiner ſi la playe eſt ſituée à l’origine de quelque muſcle, ou à ſon extrémité, ou ſur quelque jointure ; car on a lieu de préſumer que le Nerf proprement pris peut être bleſſé, quand une playe eſt ſituée ſur l’origine d’un muſcle : lorſqu’elle ſe trouve ſur l’extrémité du muſcle, on peut croire que l’aponevroſe ou le tendon ſe trouveront intéreſſés ; & ſi elle eſt ſur une jointure, pour peu qu’elle pénetre, le ligament doit être bleſſé.
La cruelle douleur dont le bleſſé eſt attaqué incontinent après ſa bleſſure, eſt encore un ſigne de la bleſſure du Nerf ; & cette douleur véhémente eſt bien tôt ſuivie d’une fluxion énorme, & d’une très-grande inflammation, du délire, & des convulſions, qui ſont le propre ſigne des bleſſures des Nerfs, parce qu’elles attirent le Cerveau en compaſſion, les Nerfs n’étant, pour ainſi dire, qu’une continuation du Cerveau même : la fiévre continue, accompagnée de friſſons irréguliers, eſt auſſi de la partie ; & quand le Nerf eſt conſidérable, tous les Muſcles auſquels il ſe diſtribue, perdent leur action, principalement ſi le Nerf eſt coupé totalement : & pour lors le délire & les convulſions n’arrivent point, parce que le Nerf ainſi diviſé n’a plus de communication avec le Cerveau ; mais les parties où ſe fait la diſtribution du Nerf, reſtent paralytiques.
La bleſſure du Tendon eſt connue par les mêmes ſignes que celle du Nerf proprement pris ; à l’exception que le Tendon eſt doué d’un ſentiment moins délicat que le Nerf, la fougue des accidens qui ſurviennent à ſa bleſſure, eſt moins prompte & moins impétueuſe : cependant ſa piquûre, qui eſt plus fâcheuſe que ſa ſection & ſa contuſion, ne laiſſe pas de ſe manifeſter par de grandes douleurs, par la fiévre continue, par la grande fluxion & inflammation, de même que par le délire & les convulſions.
Les playes des Ligamens ne ſont pas ordinairement ſuivies de ſymptômes ſi violens, à moins qu’elles ne ſoient irritées par le fer, ou par de mauvais médicamens capables d’occaſionner la ſynovie, qui eſt un accident très-fâcheux & très-difficile à réprimer.
Pour ce qui eſt du prognoſtic des playes qui arrivent aux Parties Nerveuſes, on peut dire en général que toutes ces playes ſont très fâcheuſes & très-difficiles à guérir à cauſe des violens ſymptômes dont elles ſont ſuivies, principalement lorſqu’elles tombent entre les mains de Chirurgiens ignorans ou négligens. L’ignorance de ceux qui traitent ces playes, les empêchant d’en prévoir les conſéquences, ou leur négligence étant cauſe qu’ils ne donnent pas d’abord toute l’attention qu’ils devroient à prévenir la furie de leurs accidens, ont eſt ſouvent obligé d’en venir à l’extirpation des membres ; ou, ſi l’on eſt aſſez heureux pour les ſauver, les bleſſés en reſtent eſtropiés, manchots, ou boiteux.
Les playes qui ſont faites par ponction aux Nerfs proprement pris, ou aux Tendons, ſont très-périlleuſes, principalement quand elles arrivent à des ſujets d’une mauvaiſe conſtitution ; parce que le ſuc qui s’échappe de ces piquûres venant à s’aigrir, irrite ces parties, dont le ſentiment eſt très-délicat, & occaſionne des douleurs inſupportables, des fluxions énormes, le délire, & les convulſions, qui mettent ces playes au rang de celles qu’Hippocrate a jugé mortelles, dans le 2e Aphoriſme de la Section V.
Il y a des conſéquences plus ou moins fâcheuſes à appréhender des playes faites par inciſion, ſelon que cette inciſion eſt longitudinale, ou tranſverſale, totale, ou partiale.
Les inciſions longitudinales produiſent moins d’accidens que les tranſverſales : & les inciſions tranſverſales qui ne coupent qu’une portion des Nerfs & des tendons, ſont plus fâcheuſes que celles qui les coupent totalement ; parce que ces inciſions partiales ſont ſuivies de grandes douleurs, de fluxions, de fiévres, d’inflammations ; & ces accidens ſe communiquant au Cerveau, le délire & les convulſions ſurviennent.
À l’égard des inciſions totales des Nerfs, elles ne ſont pas ſuivies de ſi violens ſymptômes ; mais les parties auſquelles les Nerfs ſe diſtribuent, reſtent paralytiques ; & les Tendons coupés laiſſent les membres privés de leur action.
De plus les playes des Nerfs & des Tendons ſont fort ſuſceptibles de putréfaction ; & même leur putréfaction gagne aiſément les parties voiſines & les plus éloignées : d’où il arrive qu’un tendon du doigt étant bleſſé, il ſe fait des inflammations, des fluxions, des abſcès tout le long du bras & juſques ſous l’aiſſelle ; & qu’un tendon du pied ſe trouvant intéreſſé, ces mêmes accidens arrivent à la jambe, à la cuiſſe, & juſqu’aux aînes. Enfin, on a des exemples du paſſage des ſymptômes d’un côté à l’autre, & des nerfs & des tendons d’un côté aux nerfs & aux tendons oppoſés.
Au reſte, les playes qui arrivent aux parties nerveuſes, & particulierement à celles qui entourent les jointures, ſont ſujettes à la ſynovie, qui empêche la guériſon, qui produit de mauvais ulceres, & qui entraîne ſouvent apres elle l’atrophie du membre, & même, par une ſuite fâcheuſe, celle de tout le corps.
Modeles de Raports concernant les Playes des Parties Nerveuſes.
Raport d’un coup d’arme-à-feu, avec fracture de l’Os Sacrum, & paralyſie de l’Extrémité inférieure.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
que, de l’Ordonnance de M. le Lieutenant-Criminel,
en date du 21 Juin 1676,
nous nous ſommes tranſportés au Bourg
d’Argenteuil, pour voir & viſiter Charles
Boutreux, Vigneron, habitant audit lieu,
que nous avons trouvé giſant au lit, à cauſe
d’un coup de fuſil qu’il nous a dit avoir reçû
il y a deux mois, dont nous avons vû la cicatrice
fort avancée ſur l’os ſacrum, partie ſupérieure
& latérale droite, avec une déperdition
conſidérable de ſubſtance audit os, laquelle
nous avons reconnue, tant par la profondeur,
& les inégalités de ladite cicatrice,
que par la vûe de pluſieurs eſquilles que le Sr
Avoral, Maître Chirurgien audit lieu, nous
a dit avoir tirées de la playe en queſtion. Nous avons de plus obſervé que ledit Boutreux
a l’extrémité inférieure du même côté
de ſa bleſſure, exténuée, flétrie, dépourvûe
de chaleur, & abſolument paralytique ; ce
que nous attribuons à la léſion des nerfs qui
ſortent par les trous dudit os ſacrum, pour ſe
porter aux muſcles qui font mouvoir la cuiſſe
& la jambe : Ce qui cauſera au ſuſdit bleſſé,
même après la guériſon de la playe, une impuiſſance
incurable de cette extrémité inférieure.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe tranſverſale, avec ſection des Tendons extenſeurs du Poûce.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 18e jour de
Février 1696, j’ai vû & viſité le ſieur L…
D… l’un des douze Marchands de vin ſuivans
la Cour, que j’ai trouvé bleſſé d’une
playe tranſverſale, faite par un inſtrument
tranchant, ayant deux bons travers de pouce
en ſa longueur, & ſituée ſur la partie inférieure
de la premiere phalange du pouce de
la main gauche, à la diſtance de deux lignes
ou environ de la jointure de cette phalange
avec l’os du métacarpe qui la ſoutient ; dans
le progrès de laquelle non ſeulement les deux
extenſeurs du pouce, mais l’os même ſe trouve
preſque totalement coupé. Ce qui me fait
juger qu’encore que le ſuſdit bleſſé ait été fort
méthodiquement panſé depuis le 7 du préſent mois, auquel jour il a reçû ſa bleſſure, il
ne laiſſera pas d’être privé de l’extenſion du
pouce en queſtion, à cauſe de la ſection deſdits
tendons, dont la réunion n’a pas été tentée
dans les premiers jours où la ſuture auroit
pu prévenir cet inconvénient. Cependant
ledit D… a beſoin d’être panſé très régulièrement
pendant plus de trois ſemaines, d’obſerver
un régime exact, & de garder le repos,
pour éviter les fâcheux accidens qui
arrivent ordinairement aux playes des tendons
pendant leur ſuppuration.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe au Doigt Medius de la Main droite, avec ſection de ſon Tendon extenſeur.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que ce jourd’hui 12e jour d’Avril
1674, j’ai été mandé, en la place Royale,
dans l’Hôtel de M. le Pr. de B… pour conſulter
ſur la bleſſure de Zacharie Coquet,
ſon Valet de chambre, qui a été bleſſé, le
jour d’hier, d’une playe tranſverſale à la
main gauche, ſituée ſur la partie moyenne &
externe de la premiere phalange du doigt
medius, & pénétrante juſqu’à l’os, avec ſection
totale du muſcle extenſeur de ce doigt ;
de laquelle playe le ſieur F… Maître Chirurgien,
qui l’a panſé en premier appareil,
fit la ſuture à l’heure même, pour en faciliter
l’union. Or, quoique cette ſuture ait été faite dans les regles & avec toute la dextérité
poſſible, l’on ne peut pas cependant répondre
de ſon bon ſuccès, qu’il n’y ait pluſieurs
jours d’écoulés ; & quand même cette
réunion s’accompliroit ſans être traverſée
par aucun ſymptôme, ledit Coquet ſera toujours
plus de deux mois avant que de commencer
à mouvoir ſon doigt.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’une Playe faite par ponction au Doigt Index.
Aporté par moi Maître Chirurgien-Juré
à Paris, que le 16e jour de Décembre
1693, le nommé Claude Odé, Garçon Rôtiſſeur,
demeurant chez le ſieur D. L…
Maître Rôtiſſeur au Cimetiere S. Jean, me
vint trouver chez moi, vers les deux heures
de relevée, pour me faire voir ſa main gauche,
que je trouvai tuméfiée par excès, & à
laquelle il me fit remarquer une playe très-délicate,
ſituée à la face interne de la ſeconde
phalange du doigt index, que je trouvai
pareillement fort tuméfié, enflammé, & très-douloureux :
laquelle playe ledit Odé me dit
avoir été cauſée, quatre jours auparavant,
par ſa propre lardoire, qu’il tenoit en ſa main
droite, & qu’un de ſes camarades avoit pouſſée
très-rudement contre ſon doigt. Les exceſſives
douleurs qu’il avoit ſouffertes depuis ce tems-là, lui ayant cauſé une groſſe fiévre,
je lui fis entendre qu’il falloit le ſaigner juſqu’à
trois fois le plus promptement qu’il ſeroit
poſſible, & appliquer ſur ſa bleſſure les
anodyns & les défenſifs convenables ; ce qui
fut exécuté, tant le jour même, que le lendemain ;
& les accidens, au lieu de ſe modérer,
augmentant toujours, en ſorte que la
douleur étoit prête à le jetter dans le délire,
je jugeai à propos de dilater ſa playe ; au
moyen de quoi, après avoir évacué une aſſez
grande quantité de ſanie purulente, je trouvai
les tendons fléchiſſeurs, tant du ſublime
que du profond, découverts & altérés ; &
quoique, depuis huit jours que cette dilatation
a été faite, les grands accidens ſoient
appaiſés, je ne puis pourtant répondre que
ces tendons ne ſe pourriſſent, & que le doigt
bleſſé ne reſte dans l’impuiſſance de faire ſon
action.
Raport d’un coup d’épée à la Malléole, qui avoit occaſionné la Synovie.
Ous Médecin & Chirurgiens ordinaires
du Roi en ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés,
certifions qu’en vertu de l’Ordonnance
de M. le Lieutenant-Criminel, en date
du 19 Juillet 1960, nous nous ſommes aſſemblés
en l’Infirmerie de la Geole dudit Châtelet,
à l’effet de voir & viſiter le nommé Gilles Picardant, priſonnier, auquel nous
avons trouvé un mauvais ulcere, ſitué ſur la
malléole externe du pied gauche ; lequel ulcere
il nous a dit être la ſuite d’un coup
d’épée qu’il a reçû il y a plus de ſix ſemaines,
& qui loin de s’avancer vers la guériſon,
s’aigrit de plus en plus, & lui cauſe des
douleurs inſupportables tant le jour que la
nuit, particuliérement depuis dix ou douze
jours qu’on lui a fait deux inciſions, pour
ouvrir deux ſinus où il s’amaſſoit toujours
beaucoup de ſanie viſqueuſe, glaireuſe, &
jaunâtre, telle que ledit ulcere la fournit encore
avec abondance. De plus, nous avons
trouvé ledit Picardant avec une fiévre lente,
& fort exténué de tout ſon corps, pendant
que ſon pied malade ſe trouve extrêmement
gonflé, & ſi douloureux, qu’il ne
peut le mouvoir tant ſoit peu ſans faire des
cris perçans. Tous leſquels ſymptômes nous
font connoître que ledit bleſſé eſt en état de
périr par la ſynovie qui eſt à ſon ulcere, à
moins que l’on ne s’applique inceſſamment à
le panſer avec plus de ſoin & de ménagement
que l’on n’a fait juſqu’à préſent.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport tiré du Traité des Raports du ſieur Gendry, Chirurgien d’Angers, au ſujet d’une impuiſſance d’agir cauſée par Paralyſie, que l’on prétendoit, après deux mois de guériſon, être la ſuite d’une Playe reçûe au pli du Bras, où le Tendon du Biceps s’étoit trouvé intéreſſé.
Aporté par moi Chirurgien-Juré de la
Ville d’Angers, & Chirurgien ordinaire
du Préſidial de ladite Ville, que ce jourd’hui
15 Mars 1640, en vertu de l’Ordonnance de
M. le Lieutenant-Général, par laquelle il me
nomme pour voir & viſiter le nommé Gilles
Lidet, Maître Menuiſier, attaqué de paralyſie,
& déclarer enſuite, par mon Raport, ſi
ladite paralyſie vient de cauſe interne, ou
ſi c’eſt une ſuite de la playe dont il a été
traité & guéri il y a deux mois.
Ce jourd’hui 17 Mars, pour ſatisfaire à ladite Ordonnance, qui m’a été ſignifiée le jour précédent, je me ſuis tranſporté près l’Égliſe de S. Nicolas de ladite Ville, où eſt la demeure dudit Lidet, que j’ai trouvé chez lui aſſis ſur un ſiége commode, ſe plaignant d’être depuis huit jours attaqué d’une paralyſie de tout le côté gauche, qui le met dans l’impuiſſance de mouvoir tous les organes qui compoſent cette moitié de ſon corps. L’ayant enſuite examiné avec attention, il m’a paru, par l’inſpection de ſon viſage bouffi, ſa parole béguayante, & par le reſte de ſon corps molaſſe & peu échauffé, que ſa paralyſie & impuiſſance d’agir ne lui viennent point par playe, coup, ni autre bleſſure, ayant joui, pendant deux mois entiers depuis ſa playe guérie, du plein & entier uſage de tous ſes membres : Et je ſuis perſuadé que ſa paralyſie n’a d’autre cauſe qu’un catarrhe tombé du cerveau ſur les nerfs diſtribués à toutes les parties paralytiques. En foi de quoi j’ai ſigné le préſent Raport, les jour & an que deſſus.
Article XII.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes qui ſont faites par des Armes empoiſonnées.
N connoît que les Armes qui ont occaſionné
certaines playes, étoient empoiſonnées,
par les accidens qui ſurviennent
bien-tôt après ces bleſſures.
Ces accidens ſont une douleur violente & très-poignante à la partie bleſſée ; la couleur livide, puis la noirceur, qui environnent la playe, & qui ſont des ſignes de gangrene & de putréfaction ; l’inflammation & la tumeur, qui ſurviennent quelquefois preſque auſſi-tôt que la playe eſt faite, quoiqu’elle ſoit très-légere en apparence.
Quelquefois auſſi une playe de cette nature cauſe une chaleur brûlante à tout le corps, & quelquefois un engourdiſſement univerſel ; d’autres fois elle cauſe un mal de cœur, des foibleſſes, un tremblement général, la lipothymie, la ſyncope, & beaucoup d’autres accidens, ſelon la qualité du venin dont les armes ont été infectées.
Il faut pourtant en ces occaſions, examiner ſoigneuſement ſi tous ces accidents ne procedent point d’autre cauſe que du poiſon, que l’on pourroit ſoupçonner mal-à-propos, parce que la reſſemblance des ſignes peut facilement en impoſer.
Touchant le prognoſtic de ces playes, on peut dire en général que le poiſon qu’elles ont contracté, peut rendre les plus légeres très-périlleuſes & même mortelles. Outre cela, ces playes ſont d’autant plus dangereuſes, qu’elles ſont accompagnées d’un plus grand nombre de fâcheux accidens, & plus rébelles aux remedes ; & elles ſont encore d’autant plus périlleuſes, qu’elles ſont plus proches des parties nobles, ou que n’ayant pas été connues d’abord pour être empoiſonnées, l’on a donné plus de tems au poiſon pour corrompre la maſſe du ſang.
Au reſte, quoique l’empoiſonnement des armes ne ſoit guéres en uſage parmi les Européens, il eſt bon que les Chirurgiens qui s’engagent à faire des voyages de long cours, ſoient informés que les Américains & les Habitans des Indes Orientales, ont cet uſage très-familier ; comme on peut le juſtifier par pluſieurs relations modernes, & notamment par celle des derniers voyages que les François ont fait au Royaume de Siam, où il eſt marqué que les peuples de ces pays ſe ſervoient de poiſons ſi actifs & ſi malins, pour empoiſonner leurs armes, que tous les ſecours de la Chirurgie & de la Pharmacie ne pouvoient empêcher les bleſſés de périr du venin dont leurs playes étoient infectées.
Les Raports en Chirurgie ſemblent n’avoir pas de lieu contre l’empoiſonnement des Armes dans les Combats, dont on ne peut tirer raiſon par aucune procédure judiciaire : cependant comme la Guerre, toute licentieuſe qu’elle eſt, ne laiſſe pas d’avoir ſes loix, principalement entre des Peuples civiliſés, il y a apparence que l’un des Partis venant à uſer de cette barbarie, le Général du Parti contraire ſeroit bien fondé à ſignifier à celui qui permettroit que ſes gens fiſſent une ſi mauvaiſe Guerre, que s’ils continuoient d’en agir auſſi mal, il ſeroit obligé d’uſer de repréſailles contre ceux qui tomberoient entre ſes mains, en les puniſſant comme des empoiſonneurs : ce qui ne ſe feroit pas ſans avoir un Raport autentique du Médecin de l’Armée, & des principaux Chirurgiens, lequel pourroit être conçû en ces termes
Ous Conſeiller du Roi, Médecin des
Camps & Armées de Sa Majeſté, Chirurgiens-Conſultans,
& Chirurgien-Major
deſdits Camps & Armées, ſouſſignés, certifions
que, pour ſatisfaire à l’ordre qui nous a été donné par S. A. S. Mgr. le P. D… Généraliſſime
des Armées du Roi en… de dire
notre ſentiment par écrit ſur la nature &
qualité des playes que nous avons traitées
dans les Hôpitaux établis à … après la bataille
de… Nous avons examiné avec ſoin
quantité de bales tirées des playes de nos
Officiers & Soldats bleſſés, fourrées, chargées,
& maſtiquées de préparations de différentes
couleurs, mais toutes de ſaveur mordicantes,
âcre, brûlantes, & corroſive ; &
ayant fait à l’épreuve de ces matieres ſur différens
animaux, auſquels nous en avons fait
avaler, ou ſur les playes deſquels nous en
avons appliqué pluſieurs fois, nous les avons
reconnues pour des poiſons très-actifs, tant
intérieurement pris, qu’extérieurement appliqués ;
enſorte que ces animaux ont tous
péri un peu plûtôt ou un peu plus tard, après
avoir avalé de ces drogues, ou après en avoir
reçû l’impreſſion vénéneuſe par la ſimple application
que nous avons faite ſur leurs
playes, qui n’étoient point ouvertes par elles-mêmes,
& dans leſquelles ces drogues
introduites ont occaſionné une pourriture inſurmontable,
laquelle ſe communiquant bientôt
à toute la maſſe de leur ſang & de leurs
humeurs, leur ont cauſé ces chaleurs dévorantes,
de grands vomiſſemens, des convulſions
univerſelles, des ſyncopes, & la mort.
Que dans le traitement des bleſſures cauſées par ces ſortes de bales, les mêmes accidens ſont arrivés à nos bleſſés, même après des bleſſures peu conſidérables ; de maniere que nous n’en avons pû ſauver qu’un très-petit nombre, au moyen des aléxitaires les plus puiſſans & des antidotes les plus efficaces, donnés intérieurement, ou mêlés avec nos topiques.
Ce qui nous perſuade que ces bales n’ont été ainſi préparées que pour faire périr nos bleſſés plus ſûrement, tant par l’effet de ces poiſons, que par la violence de ces poiſons, que par la violence de leurs bleſſures. Fait au Camp de… ce, &c.
Article XIII.
Des Signes & du Prognoſtic des Playes faites par les Armes-à-feu.
E n’eſt pas aſſez au Chirurgien, pour
bien connoître les playes d’Arquebuſades,
de ſçavoir diſtinquer une playe faite par
une Arme-à-feu, d’une autre playe, il faut encore
qu’il ſçache connoître ſon progrès & les
parties qui s’y trouvent intéreſſées. Or on diſtingue
de la maniere ſuivante, les playes faites
par des Armes-à-feu, des autres playes :
1o Au moyen de leur figure, qui eſt ronde pour l’ordinaire ; parce que les bales dont on charge ces armes, ont ordinairement une figure ſemblable.
2o En ce que playes ſont environnées d’un cercle livide, tendant à noirceur, lequel eſt pourtant varié d’une couleur jaunâtre.
3o Parce qu’il ſort peu de ſang de ces ſortes de playes, à cauſe de la grande contuſion & attrition qu’elles cauſent aux parties.
4o Les bleſſés ſe plaignent d’une douleur aggravante, & ſe trouvent à l’heure même dans une eſpece de ſtupeur & de conſternation.
5o Loin que ces ſortes de playes donnent à l’extérieur des marques du délabrement qu’elles cauſent dans leur progrès, elles ſe reſſerrent tellement à leur entrée, que l’on a ſouvent beaucoup de peine à les ſonder & à en ſuivre la route.
On juge du progrès de ces sortes de playes par la conſidération de l’eſpace qu’il y a de leur entrée à leur ſortie, lorſque le corps étranger a pénétré la partie bleſſée de part en part ; parce que l’Anatomie doit apprendre aux Chirurgiens quels ſont les organes qui peuvent être compris dans cet eſpace ; & quand la playe n’a point de ſortie, on juge des parties que la balle peut avoir offenſées dans ſon trajet :
1o Par la ſonde, que l’on ne peut ſouvent introduire bien aiſément, ſans mettre le bleſſé dans la ſituation où il étoit quand il a reçû le coup.
2o Par les ſignes propres à la léſion des différentes parties qui peuvent être bleſſées ; ainſi la léſion des nerfs eſt connue par les violentes douleurs ; la fracture de l’os, par la mauvaiſe configuration des parties bleſſées ; l’ouverture des grands vaiſſeaux ſanguins, par l’hémorrhagie, l’anévriſme, ou l’ecchymoſe ; & la pénétration de ces playes dans les principales cavités, par l’iſſue des parties qui y ſont contenues, ou par l’évacuation des liqueurs ou des excrémens qu’elles renferment.
À l’égard du prognoſtic des playes cauſées par les Armes-à-feu, l’on peut dire en général qu’elles ſont plus dangereuſes & d’une guériſon plus difficile que les playes faites par des inſtrumens poignans, tranchans, & même contondans ordinaires ; & cela pour trois raiſons :
1o Parce qu’elles ne touchent point les parties, ſans leur faire une extrême violence, & ſans cauſer un grand trouble au ſang & aux eſprits.
2o Parce qu’elles occaſionnent une grande déperdition de ſubſtance.
3o Parce qu’elles ne ſont jamais ſimples, mais toûjours compliquées, tant par une contuſion énorme qui va juſqu’à mortifier les parties, que par la léſion des nerfs, des veines, des artères, des tendons, des fibres, &c.
De plus, les playes d’Armes-à-feu qui arrivent à des ſujets cacochymes, ſont bien plus dangereuſes que celles qui attaquent des ſujets d’une forte conſtitution & d’une bonne habitude.
Celles qui cauſent de grands fracas aux os, de grandes dilacérations aux chairs & aux vaiſſeaux, entraînent ſouvent après elles la perte du membre, & même celle des bleſſés, quand elles ſont négligées ou mal panſées dans les commencemens.
Celles qui ſont faites par des bales empoiſonnées, ſont toûjours très-dangereuſes, quand elles n’intéreſſeroient pas des parties d’une grande conſidération, & ſont preſque toûjours mortelles lorſqu’elles pénetrent dans l’intérieur.
Quand ces ſortes de playes pénetrent l’une des trois principales cavités du corps, ſçavoir, la tête, la poitrine & le bas-ventre, elles ſont preſque toûjours mortelles.
Celles qui attaquent les jointures, & qui briſent les extrémités des os qui les compoſent, ſont d’une très-dangereuſe conſéquence, & d’une très-difficile curation ; le plus ſûr eſt, en ces occaſions, d’amputer les membres, plûtôt que de laiſſer périr les bleſſés, après un traitement inutile, fort long & fort ennuyeux.
En un mot, on peut dire que les moindres playes faites par les Armes-à-feu, doivent être panſées avec toute l’application poſſible, & par des Chirurgiens conſommés dans la pratique de leur Art, afin de pouvoir remédier aux fâcheux accidens dont ces playes ſont ordinairement ſuivies.
Modeles de Raports concernant les Playes d’Arquebuſades.
Raport d’un coup d’Arme-à-feu fracturant un des Pariétaux.
E ſouſſigné, Chirurgien-Major de l’Hôpital
Royal établi à P… pour ſatisfaire à
l’ordre que j’ai reçû de M. de … Miniſtre &
Secrétaire d’État, d’envoyer inceſſamment
en Cour mon Raport ſur l’état & qualité de
la bleſſure dont je panſe actuellement M. le
M. D… Colonel du Régiment d’A… certifie
que le 18e du préſent mois de Décembre
1691, vers les quatre heures du ſoir, M. le M…
ayant été rapporté dans cette Ville,
d’une demi-lieue d’ici, où il avoit été bleſſé à
la tête d’un coup de piſtolet, je fus auſſi-tôt
appellé pour le panſer. Je le trouvai ſans connoiſſance ;
& après avoir examiné ſa playe, je
reconnus qu’il étoit bleſſé d’un coup d’arme-à-feu
avec fracture de l’os pariétal droit
en pluſieurs pieces, ſans qu’il y eût néanmoins
aucune dépreſſion ni enfonçûre apparente
de cet os ſur la dure-mere : j’enlevai
avec facilité trois eſquilles conſidérables des
deux tables de cet os, au moyen de quoi je
donnai iſſue à une bonne quantité de ſang
épanché ſur la dure-mere ; ce qui fit auſſi-tôt
revenir le bleſſé à lui, & le mit en état de
recevoir les Sacremens. Ayant continué depuis ce tems-là à le panſer avec toute l’application
poſſible, il ne lui eſt ſurvenu aucun
accident conſidérable juſqu’au ſeptieme
jour, qu’il eut un petit friſſon & la fiévre enſuite,
ſans que ſa playe eût ceſſé pour cela
de fournir une ſuppuration aſſez louable, &
la dure-mere d’avoir une libre pulſation,
que le jour d’hier, qui étoit l’onzieme de ſa
bleſſure, ſa fiévre s’étant augmenté, ſa playe
parut plus ſéche, les chairs moins colorées,
le battement de la dure-mere ſe rendit plus
obſcur, & l’on remarqua de légers égaremens
dans ſes diſcours, & de l’altération à ſa mémoire.
Mais la nuit derniere étant tombé
dans un entier délire, accompagné de mouvemens
convulſifs, & ſa playe nous ayant
paru livide, la dure-mere fort tendue ſans
battement, il ne nous reſte plus aucune eſpérance
de guériſon.
Fait à P… le 18 dudit mois & an.
Raport d’un coup d’Arme-à-feu pénétrant le Thorax.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le
Lieutenant-Criminel, en date du 7 Septembre
1692, nous avons viſité le nommé Laurent
Bonval, dit Tintamare, Archer du Guet,
auquel nous avons trouvé un coup d’arme-à-feu,
ſitué ſur l’omoplate droite, qui en eſt toute briſée, & pénétrant dans la capacité
entre la troiſieme & la quatrieme des côtes
ſupérieures, ſans iſſue ; laquelle playe il nous
a dit avoir reçue il y a huit jours : & l’épanchement
qu’elle a cauſé dans la poitrine,
ayant obligé celui qui le panſe à lui faire une
contr’ouverture, nous en avons vû ſortir juſqu’à
trois demi-ſeptiers d’une ſéroſité ſanieuse,
ſanglante, & fort fétide. Nous avons de
plus trouvé le ſuſdit bleſſé avec une groſſe
fiévre, une grande difficulté de reſpirer, &
dans un grand abattement de toutes ſes forces.
Leſquels ſymptômes nous font connoître
que ledit Bonval eſt dans un péril éminent.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport de l’ouverture du Cadavre d’un homme mort d’un coup d’Arme-à-feu.
Aporté par nous Médecin & Chirurgiens
ordinaires du Roi, & Jurés à Paris, que
de l’Ordonnance de M. le Lieutenant Criminel,
qui eſt au bas du Procès-verbal du Commiſſaire
Gorillon, nous nous ſommes tranſportés
dans l’Égliſe du village de Dugny près
de Saint-Denis, pour y faire la viſite & ouverture
du cadavre du ſieur Ourſe Victor A…
de Bruxelles. Qu’ayant d’abord examiné les
parties externes dudit cadavre, nous avons
remarqué qu’on avoit ouvert les tégumens
du crâne, depuis la partie inférieure du coronal
juſqu’au milieu de l’occipital ; & qu’il y avoit un trou ou une playe dans leſdits tégumens
à l’endroit de la partie moyenne gauche
du coronal, & nulle autre dans le reſte
dudit cadavre ; laquelle playe étoit preſque
de figure ronde, d’un grand pouce de largeur,
& faite par un coup d’arme-à-feu. Qu’ayant
écarté leſdits tégumens, avant que de rien
déranger, nous avons demandé à un Chirurgien
qui étoit préſent à notre viſite, & qui
avoit viſité avec ſon pere ledit cadavre, ſi
les parties étoient encore dans la même ſituation
où elles étoient dans le tems qu’ils
l’avoient viſité ; & il nous a répondu que oui.
Nous avons enſuite examiné le tout, & voici ce que nous avons obſervé : Les deux pariétaux étoient fracturés : Il y avoit un trou à la partie ci-deſſus marquée du coronal, qui répondoit à celui de la peau, & qui étoit à peu près de la même figure & de la même largeur : La piece emportée du coronal étoit enfoncée à plat dans la ſubſtance du cerveau, d’environ un travers de doigt de profondeur. Puis ayant ſcié le crâne, nous avons remarqué que la ſubſtance du cerveau, depuis la partie antérieure juſqu’à la poſtérieure, étoit déchirée preſque en ligne droite, & ſelon la direction du trou, d’environ un pouce de diametre ; que dans le milieu dudit trajet, il y avoit quelques eſquilles d’os, & pluſieurs dragées de plomb diſperſées à droite & à gauche, & beaucoup de dragées ſeulement à la fin du même trajet, qui étoient proches les unes des autres ; & que la baſe du crâne étoit pleine de ſang.
Nous avons enſuite ouvert le ventre, & enfin la poitrine ; & nous avons trouvé les parties qui y ſont contenues dans un état naturel.
De ce que nous venons de dire, on peut inférer que le coup a été tiré d’aſſez près : autrement le plomb ſe ſeroit écarté, & alors auroit fait pluſieurs playes, & n’auroit pas eu aſſez de force pour caſſer les os pariétaux & le coronal, ſéparer entierement une piece dudit coronal, la pouſſer dans la cavité du crâne, & l’engager dans la ſubſtance même du cerveau. Enfin nous eſtimons que la fracture des trois os du crâne, la ſubſtance du cerveau déchirée, & le ſang épanché dans la cavité du crâne, ſont la cauſe de la mort prompte & ſubite du défunt.
Fait à Paris, le 7 Septembre 1707.
Raport de la condition d’un coup d’Arme-à-feu : pour ſçavoir, ſi l’Arme a crevé dans la main du Bleſſé, ou ſi le coup a été tiré exprès ſur ſa personne.
Aporté par moi ſouſſigné Maître Chirurgien
Juré à Paris, que, de l’Ordonnance
verbale de Noſſeigneurs du Grand-Conſeil,
j’ai vû & viſité le nommé Edmo
Hamon, dit Langevin, en préſence de Me Lucas, Procureur de la Partie, qui ont requis de
moi ſi les bleſſures dudit Langevin ont été
faites par une arme-à-feu crevée dans les
mains du bleſſé, ou par un coup de cette
arme, qui lui auroit été porté en dehors. Après
avoir conſidéré avec attention toutes les cicatrices,
leur figure & leur ſituation, je les ai
trouvées trop ramaſſées entr’elles pour procéder
d’une arme crevée entre les mains du
bleſſé, laquelle cauſe toûjours à la main de
terribles écartemens, qui produiſent des cicatrices
fort étendues. Ce qui me fait croire
que ces cicatrices ont ſuccédé à un coup, qui
a été tiré de propos délibéré ſur la perſonne
dudit Langevin. Fait le 14 Avril 1662.
Raport d’un coup d’Arme-à-feu dans le Bas-Ventre.
Aporté par moi Maître Chirurgien Juré
à Paris, que ce jourd’hui 12e d’Octobre
1679, j’ai été mandé, rue des Tournelles, en
l’Hôtel de M. le Duc de… pour panſer le
nommé Joſeph Beauregard, l’un des Valets-de-pied
de Madame la D. lequel j’ai trouvé
bleſſé d’un coup d’arme-à-feu, ſitué à la région
lombaire droite, pénétrant dans la capacité
du ventre, & ayant ſon iſſue dans la
région du flanc droit, trois doigts au-deſſus
du pli de l’aîne. Or la bale n’ayant pû parcourir
ce trajet ſans bleſſer l’inteſtin iléon,
j’eſtime que ledit Beauregard eſt dans un grand danger de perdre la vie, tant à cauſe
des fâcheux ſymptômes qui ſurviendront à
ſa playe, qu’à raiſon de l’épanchement des
matieres chyleuſes & excrémenteuſes, qui
ſe fera dans l’hypogaſtre.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport d’un coup d’Arme-à-feu briſant la Jointure du Pied.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
que le 24 Novembre 1678, nous avons,
de l’ordre verbal de M. le Procureur du Roi,
vû & viſité le nommé Robert Amelot, compagnon
Menuiſier, auquel nous avons trouvé
une playe faite par arme-à-feu, ayant ſon entrée
à la partie externe & inférieure de la
jambe droite, & ſon iſſue à la malléole interne,
fracaſſant dans ſon progrès la partie
inférieure du péroné, & l’apophyſe du tibia
formant ladite malléole, avec dilacération
du tendon d’Achille, & des ligamens qui entourent
la jointure du pied : laquelle playe
ledit bleſſé nous a dit avoir reçue il y a cinq
jours. Sur quoi nous eſtimons que c’eſt inutilement
que le ſieur G… ſon Chirurgien
ordinaire, ſe flate, en traitant une pareille
playe, de la pouvoir mener à guériſon ; car
un tel fracas & délabrement dans une jointure
eſt abſolument incurable. Et nous croyons
que l’amputation de la jambe, faite au plûtôt, eſt le ſeul moyen capable de ſauver ce bleſſé,
qui nous a paru d’ailleurs être d’une bonne
& forte conſtitution.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Article XIV.
Des Signes & du Prognoſtic des Piquures & Morſures vénimeuſes.
Es piquures & les morſures des Animaux
vénimeux ſont aiſément connues, tant
par le récit du bleſſé & des aſſiſtans, que par
la furie des ſymptômes dont elles ſont incontinent
ſuivies.
Une playe cauſée par ces ſortes de piquures ou morſures, eſt petite, ſeule, ou multipliée, de figure ronde, ou triangulaire, & elle laiſſe d’abord couler un peu de ſang : Le bleſſé ſe plaint enſuite d’une douleur lancinante qui s’augmente inſenſiblement ; & bien-tôt après la partie ſe tuméfie à un tel excès, qu’elle eſt menacée de mortification : la couleur du membre bleſſé varie du pâle au jaune, au vert, au rouge-brun, & au noir : une chaleur brûlante ſe fait ſentir au bleſſé dans l’intérieur de la partie bleſſée, laquelle ſe communique enſuite à tout le corps ; & il s’éleve des veſſies & des puſtules ſur tout le membre bleſſé, mais particulierement autour de la playe.
Dans le même tems le malade eſt attaqué d’un dégoût général, de nauſées, du vomiſſement de bile, du hoquet, de la foibleſſe, de la ſtupeur, du tremblement, d’une difficulté de reſpirer. Il tombe enſuite en lipothymie, ſon pouls devient petit & profond, l’aſſoupiſſement le ſaiſit, puis la ſyncope ; & il meurt en peu de tems, s’il n’eſt ſecouru ſans délai par les antidotes les plus efficaces.
Ce grand nombre de fâcheux ſymptômes qui arrivent bien-tôt après ces piquures & morſures, donne lieu d’en faire un très-mauvais prognoſtic ; & l’expérience nous apprend que ces playes, quelque légeres & ſuperficielles qu’elles ſoient, ne laiſſent pas d’être très-périlleuſes, & même mortelles plus ou moins promptement, ſelon qu’elles ſont plus ou moins éloignées des parties principales ; & qui ſi l’on tarde plus ou moins à ſecourir les bleſſés, le venin a plus ou moins de tems pour corrompre la maſſe du ſang & des ſucs néceſſaires à la vie.
De plus ces ſortes de playes vénimeuſes tuent les bleſſés plus ou moins promptement, ſelon l’activité plus ou moins grande du venin des inſectes qui les ont produites ; car il y en a dont le venin eſt ſi actif, qu’il tue les bleſſés en moins d’une heure, comme ſont les piquures de l’aſpic, du ſerpent cornu, & du baſilic, d’autres laiſſent vivre les bleſſés un, deux, trois jours, & quelquefois davantage, comme la morſure de la vipere ; enfin d’autres venins agiſſent encore plus lentement, comme celui du ſcorpion, & de la tarentule.
Outre cela, il eſt d’expérience que dans une même ſorte d’inſectes, comme dans les viperes, par exemple, le venin des femelles eſt plus dangereux encore que celui des mâles. On ſçait encore que les inſectes vénimeux qui ſe trouvent ſur les montagnes, dans les lieux ſecs, & parmi les cailloux, font des bleſſures plus dangereuſes que ceux qui vivent dans les lieux aquatiques & marécageux ; que ceux qui ſont affamés bleſſent plus dangereuſement que ceux qui ſont bien nourris ; & que ceux qui ſont beaucoup irrités ſont plus à craindre que ceux qui ne le ſont pas. Enfin l’expérience prouve que toutes les playes faites par des animaux vénimeux, ſont plus pernicieuſes pendant l’été que durant l’hiver.
Or toutes ces circonſtances rendant les remedes plus ou moins efficaces, font auſſi que les bleſſés guériſſent plus aiſément ou plus difficilement, ou qu’ils meurent plus tôt ou plus tard, quand leurs playes ne ſont pas guériſſables.
Quoiqu’il ne ſoit pas ordinaire de donner des Raports de Chirurgie pour des Playes faites par piquure ou morſure vénimeuſe, il peut pourtant arriver qu’un Particulier qui auroit un emploi dans une grande Ville, ayant été mordu à la campagne par quelque inſecte vénimeux, tomberoit dans des accidens qui l’empêcheroient de retourner à la Ville auſſi-tôt qu’il ſeroit néceſſaire pour y exercer ſon emploi ; auquel cas il auroit beſoin d’un Certificat d’excuſe, pour faire connoître à ſes Supérieurs l’importance de ſa bleſſure, & le légitime empêchement où il ſe trouveroit de ſatisfaire à ſes fonctions. Ce Certificat pourroit être conçû en ces termes :
E ſouſſigné Maître Chirurgien à Poitiers,
certifie à tous qu’il appartiendra, que, le
jour d’hier 24 Juin 1693, ayant été mandé
au Bourg D… éloigné de quatre lieues de
ladite Ville, pour y voir un Particulier que
l’on m’avoit dit avoir un preſſant beſoin de
mon ſecours, je m’y tranſportai à l’heure-même,
& j’y trouvai le Sr Jacques Pérégrin,
Contrôleur du plat pays à Poitiers, logé à
l’Hôtellerie de l’Arbaleſte, qui étoit fort foible,
& avoit un dépôt énorme ſur la main &
ſur le bras gauche, que les aſſiſtans me diſent
lui avoir été cauſé par la morſure d’une vipere,
qui lui avoit été faite, après ſon dîné, étant
couché ſur l’herbe dans le jardin de ladite Hôtellerie.
Qu’ayant examiné ladite morſure, laquelle
étoit ſituée ſur l’os du métacarpe de la
main gauche, qui ſoûtient le doigt nommé
medius, je lui fis quelques ſcarifications autour
de ſa playe, ſur laquelle j’appliquai enſuite la
thériaque en forme de cataplaſme ; & ayant
fait prendre audit Pérégrin pluſieurs doſes
de ſel volatil de vipere dans du vin, il reprit un peu ſes ſens, ſa reſpiration devint plus aiſée,
& ſes extrémités, qui étoient refroidies,
reprirent un peu de chaleur. Mais, quoique
la diminution de ces ſymptômes donne lieu
d’eſpérer quelque choſe de ſa guériſon, il ne
laiſſe pas d’avoir beſoin que ces remedes lui
ſoient continués pendant pluſieurs jours, outre
le tems qu’il lui faudra pour reprendre ſes
forces ; en ſorte qu’il ne pourra de plus de
trois ſemaines revenir à la Ville, pour exercer
ſes fonctions à l’ordinaire.
Fait audit lieu D… le 25e jour du mois & an que deſſus.
Article XV.
Des Signes & du Prognoſtic des Morſures faites par des Animaux enragés.
L eſt important de ſçavoir diſtinguer les
Morſures des Animaux enragés, des ſimples
morſures ; & cela pour deux raiſons :
1o Parce que les animaux domeſtiques étant ſujets à la rage, il n’y a perſonne qui ne puiſſe être atteint de ces tâcheuſes playes, lorſqu’il y penſe le moins.
2o Parce que ſi l’on manque à ſe préſerver des inſultes de ce venin dans les commencemens, il n’est plus tems d’y remédier lorſque ſes accidens ſe manifeſtent.
Or les ſignes par leſquels on peut diſtinguer les morſures des animaux enragés, des ſimples morſures, ſe tirent de deux choſes : 1o de l’état où étoit l’animal qui a fait la playe ; 2o des accidents qui ſurviennent au bleſſé après l’avoir reçûe.
L’animal eſt reconnu malade de la rage, lorſqu’il ceſſe tout-d’un-coup de boire & de manger à ſon ordinaire ; qu’il maigrit en fort peu de tems ; qu’il marche lentement, les oreilles baiſſées & la queue entre les jambes ; que la langue lui ſort hors de la gueule ; & qu’au lieu de marcher droit d’un lieu à un autre, la peſanteur de ſa tête le fait trébucher à droite & à gauche, & heurter contre tout ce qu’il rencontre. De plus ſa voix eſt rauque & fort baſſe ; il rend beaucoup d’écume par le nez & par la gueule ; ſes yeux ſont contournés & étincelans ; & il ſe jette indifféremment ſur toutes ſortes de perſonnes connues & inconnues, auſſi-bien que ſur toutes ſortes d’animaux, pour les mordre, & cela ſans abboyer, ni donner aucun ſigne de colere.
De plus, quand un chien enragé a une fois mordu un autre animal, il s’en éloigne auſſi-tôt, & ne le mord pas davantage ; mais il cherche à ſe jetter ſur d’autres qu’il puiſſe maltraiter.
On obſerve encore que les chiens qui ſont ſains, fuient celui qui eſt malade ; & ſi on les force de l’approcher, ils le flattent comme pour l’adoucir, dans la crainte qu’ils ont d’en être inſultés.
Deux expériences ſont encore connoître ſi le chien qui a mordu, eſt enragé, ou non. C’eſt 1o de laiſſer pendant la nuit des noix écraſées ou du grain ſur la morſure, & le préſentant après cela à une poule, ſi le chien qui a mordu eſt enragé, elle mourra le lendemain.
2o Ayant frotté la morſure avec du pain qui ſoit imbibé du ſang ou de la ſanie de la playe, puis le préſentant à des chiens affamés, s’ils refuſent de le manger & de le flairer, on conclud que le chien qui a mordu étoit enragé.
Au reſte, la morſure d’un animal enragé ne differant pas de celle qu’il auroit pû faire en jouant, ou étant un peu irrité ſans autre maladie, elle eſt ſouvent traitée de bagatelle : cependant elle ne ſe conſolide jamais parfaitement ; & après quarante jours, pour l’ordinaire, mais quelquefois plûtôt ou plus tard, les accidens commencent à paroître. Ces accidens ſont les ſuivans :
1o La playe ſe r’ouvre de nouveau.
2o Le bleſſé s’arrête ſans aucun ſujet, devient penſif, & ſe trouve, contre ſon ordinaire, tout-à-fait abſorbé dans la mélancolie.
3o Il s’imagine en dormant voir des chiens furieux, qui ſont prêts à ſe jetter ſur lui pour le dévorer ; & dans la vûe de demander du ſecours, il fait des cris qui l’éveillent.
4o Ses craintes & ſes illuſions s’augmentent inſenſiblement ; & ſon eſprit s’aliénant de-plus-en-plus, il cherche l’obſcurité & la ſolitude, & marmote entre ſes dents quelques mots ſans ſuite & ſans raiſonnement.
5o Il jette un regard farouche ſur ceux qui s’approchent pour lui parler.
6o Son viſage rougit, ſes yeux deviennent étincelans, la fiévre lui ſurvient, avec des convulſions aux extrémités tant ſupérieures qu’inférieures.
7o Quelques-uns de ceux qui ont été mordus par des chiens, font des cris qui reſſemblent à l’abboyement de ces animaux ; & d’autres qui ont été mordus par des loups, font des hurlemens.
8o Ils ſe jettent, ſans diſtinction, ſur tous ceux qu’ils croyent pouvoir atteindre ; & cela contre leur volonté, & dans le tems même qu’ils les avertiſſent de s’éloigner d’eux.
9o On en voit qui ſont dans le délire long-tems avant leur mort, & d’autres qui conſervent leur raiſon juſqu’à ce qu’ils meurent.
10o Enfin, l’accident qui arrive indifféremment à tous ceux qui ſont attaqués de cette terrible maladie, eſt d’avoir une horreur inſurmontable pour l’eau & pour toute ſorte de liquide ; juſques-là même que le nom ſeul ou le bruit de l’eau leur cauſe une terreur ſi violente, qu’il ſuffit de leur en préſenter pour leur entendre faire des cris horribles ; & l’aſpect de tout ce qui eſt liquide, les fait trembler, ſuer, tomber en foibleſſe, & les engage à faire des contorſions auſſi violentes que ſi l’on étoit prêt de les jetter dans le feu. Cette horreur de l’eau eſt le ſigne funeſte de l’impoſſibilité abſolue de ſecourir ces perſonnes par aucun remede.
Quant au prognoſtic des morſures des chiens & des autres animaux que la rage peut ſaiſir, il faut conſidérer qu’ils peuvent mordre en trois états différens, ſçavoir, en jouant, étant irrités, ou enragés.
Les morſures qu’ils font en jouant ne ſont d’aucune conſéquence ; celles qu’ils font étant irrités ſont plus difficiles à guérir : mais les morſures des animaux enragés, ne manquent jamais de communiquer la rage à ceux qui ont le malheur d’en être bleſſés ; elles ſont mortelles, comme je l’ai déjà ſuffiſamment inſinué, pour peu qu’on les néglige ; ce qui arrive ou parce que l’on ne croit pas ces animaux malades, ou parce que l’on n’a pas recours aſſez promptement aux remedes capables d’empêcher le progrès de l’action du venin qui cauſe cette cruelle maladie, ou parce qu’on ne fait pas ces remedes avec aſſez d’exactitude, ou parce qu’on n’en uſe pas pendant tout le tems qu’il faudroit pour abſorber ce pernicieux levain, & l’éteindre abſolument.
Il faut encore obſerver que le venin de la rage eſt tellement contagieux, qu’il n’a pas beſoin d’être introduit dans le ſang d’un autre animal par une morſure effective ; mais qu’on peut fort bien le contracter par le ſeul attouchement de la ſalive ou écume de l’animal malade, & même par l’attouchement de quelque choſe que ce ſoit qui aura été imprégnée de cette ſalive ou écume.
Or, outre que l’autorité des plus célebres Médecins établit la poſſibilité de ces ſortes de communications, l’expérience en fournit tous les jours des exemples. Mais ce que Zacutus Lusitanus rapporte, au Livre III de ſa Pratique Admirable, Obſerv. 83 eſt ſingulier. Il y eſt dit que trois perſonnes ayant été bleſſées d’une épée dont on avoit tué huit années auparavant un chien enragé, moururent de la rage trois ans après leurs bleſſures guéries : & dans l’Obſerv. 86 du même Livre, il aſſûre qu’une femme contracta cette maladie, pour avoir baiſé ſon petit chien qui en étoit mort. Ce que rapporte Fabrice de Hilden, en la 86e Obſervation de ſa premiere Centurie, n’eſt pas moins remarquable : il raconte qu’une femme, dont la robe avoit été déchirée par un chien enragé, ayant rompu avec ſes dents le fil dont elle ſe ſervoit pour la rentraire, contracta la rage trois mois après.
Il eſt encore à remarquer que le venin de la rage ſe manifeſte par ſes effets quelquefois bien tôt après la morſure, & quelquefois après un long tems, & même après pluſieurs années. C’eſt ce que dit Fracastor, au Livre II des Maladies Contagieuſes, Chap. X en ces termes : « Ce venin ſe cache ſouvent pendant un long intervalle, & ſe produit rarement avant le vingtieme jour, très-ſouvent après le trentieme, quelquefois après quatre, ſix mois, ou un an entier. Quelques-uns même aſſûrent qu’il s’eſt caché en certains ſujets pendant plus de cinq ans. Pour moi (ajoûte-t-il) j’ai vû un enfant qui n’eut les ſignes de cette maladie, que huit mois après qu’il eut été mordu ». Les Livres des Auteurs ſont remplis d’exemples de la fiévre que ce mal a donnée aux bleſſés, pendant des ſix, ſept, & juſqu’à douze années.
Vander Linden raporte l’exemple d’une hydrophobie mortelle, qui arriva 30 ans après la morſure dont elle avoit été précédée.
Enfin Guainerius, dans ſon Traité des Venins, dit que le venin de la rage, qui s’étoit tenu caché pendant dix-huit années dans le corps d’un particuliers, parut enfin un beau jour qu’il s’étoit couché ſous un cormier, pour ſe mettre à l’ombre ; & il ajoûte que ce malade mourut enragé trois jours après.
En un mot, on peut dire qu’il y a quelque eſpérance de guériſon pour ceux qui ont été mordus par des animaux enragés, quand il ſort à l’heure même beaucoup de ſang par la playe, qu’elle rend enſuite beaucoup de pus bien conditionné, & qu’après avoir fourni une louable ſuppuration, elle s’incarne & ſe conſolide ſans peine ; quand il eſt arrivé, pendant le traitement de la même playe, de grandes ſueurs aux bleſſés, de grands flux d’urine, ou d’autres évacuations ſpontanées fort conſidérables, ou qu’on leur en a procuré par des médicamens convenables ; quand les bleſſés ont obſervé avec exactitude, pendant ce même traitement, ou long-tems après la conſolidation de la morſure, le régime que d’habiles Médecins leur ont preſcrit, & qu’ils ont uſé des alexiteres & des ſpécifiques contre le venin de ce mal, autant de tems que ces Médecins l’ont jugé néceſſaire.
Mais au contraire, ſi les bleſſés ne faiſant pas de cas de leur playe, pour n’en pas connoître la conſéquence, ou ſe croyant en ſûreté après l’uſage de quelques drogues qu’on leur aura vantées mal-à-propos, ſont quelque tems après ſurpris des accidens dont nous avons déjà parlé, & particulierement de l’hydrophobie, ils ſont alors tout-à-fait déplorés ; &, quelques moyens que l’on employe pour leur ſecours, ils meurent en peu de jours, car on ne les voit gueres ſurvivre à ces accidens plus d’une ſemaine.
Ce ſera donc ſur les enſeignemens que nous avons donnés dans les précédens Articles, que les jeunes Chirurgiens pourront juger équitablement de l’iſſue des playes, & en inſtruite les Magiſtrats dans leurs Raports de Chirurgien : mais comme il y a encore d’autres maladies dépendantes de cet Art, ſur leſquelles ils ſont ſouvent requis de faire des Raports ; nous nous croyons obligés de parler, dans les Chapitres ſuivans, des ſignes diagnoſtics, & des jugemens que l’on peut faire des fractures & diſlocations des os, & au ſujet des hernies, des écrouelles, de la groſſe vérole, de la lepre, du ſcorbut, de la teigne, de la groſſeſſe des femmes, de la virginité, & de l’impuiſſance dans les deux ſexes.
Modeles de Raports concernant la Rage.
Certificat de la néceſſité d’aller à la Mer, à l’occaſion de la Morſure d’un Chien Enragé.
E ſouſſigné Maître Chirurgien-Juré à Paris,
certifie à tous qu’il appartiendra, que
le ſieur Elie Barazé, Commis ambulant aux
Aydes, m’ayant fait appeller pour avoir mon
avis ſur l’état d’un chien dont il a été mordu à
la jambe, avec iſſue de ſang, ce matin 24e jour
de Juin 1690, j’ai examiné cet animal, auquel
j’ai remarqué les ſignes de la rage les plus
eſſentiels, comme de n’avoir pû être forcé à
boire ni à manger depuis trois jours entiers,
d’être beaucoup maigri depuis ce tems-là,
d’avoir les oreilles baiſſées, la queue cachée
entre ſes jambes, la démarche lente & mal
aſſûrée, la voix rauque & fort foible, la gueule
écumante, les yeux hagards & étincelans, ne reconnoiſſant perſonne, & ayant une diſpoſition
à mordre tout ce qu’il rencontre.
Sur quoi ledit ſieur Barazé m’ayant demandé
ce qu’il avoit à faire pour prévenir les effets
du venin qu’il avoit pû contracter par cette
morſure, je lui ai conſeillé de partir au plûtôt
pour aller ſe faire plonger dans la mer, l’utilité
de cette précaution étant juſtifiée par un
grand nombre d’expériences : & cependant
je lui ai fait autour de ſa playe les ſcarifications
en tel cas requiſes, & l’application des
oignons pilés avec la thériaque, pour attirer
le venin au-dehors : Je lui ai de plus conſeillé
d’obſerver un bon régime, & de prendre
de-tems-en-tems quelques doſes des antidotes
uſités contre les venins.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Raport de viſite de trois Perſonnes qui avoient les accidens de la Rage.
Ous Médecin & Chirurgiens du Roi en
ſon Châtelet de Paris, ſouſſignés, certifions
qu’en vertu de l’Ordonnance de M. le
Lieutenant Général de Police, en date du
17 Juillet 1679, nous nous ſommes tranſportés
au Faubourg S. Marcel, près du Pont-aux-Biches,
pour voir & viſiter trois malades
qui nous ont été indiqués par le ſieur…
Conſeiller du Roi, Commiſſaire-Enquêteur
& Examinateur au Châtelet de Paris, & en
conſéquence faire notre Raport de leur état préſent, ainſi qu’il eſt porté par ladite Ordonnance.
Qu’étant montés au ſecond étage
d’une maiſon où pend pour enſeigne le Cadran,
nous avons trouvé les nommés Jean Hublin,
& Catherine Peſcherat, ſa femme, l’un &
l’autre liés en deux lits différens, mais tous
deux également travaillés d’un délire mélancolique,
qui les porte à croire qu’ils voyent
des chiens irrités qui veulent les dévorer, &
faiſans par intervalle des cris terribles, jettans
des regards farouches ſur tous ceux qui veulent
les approcher, & beaucoup plus encore
quand on leur préſente quelque boiſſon ou
nourriture liquide, faiſant alors des bonds &
des contorſions qui ne ſe peuvent exprimer.
Que nous avons de plus viſité dans une chambre
voiſine le nommé Robert Dubois, compagnion
Menuiſier, lequel nous avons trouvé
atteint des mêmes ſymptômes. Que nous
étant informés des aſſiſtans de quelle maniere
ces trois perſonnes étoient tombées dans cet
état fâcheux, ils nous ont raporté qu’un mois
auparavant, ou environ, un chien malade les
avoit mordus ; ſçavoir, ledit Hublin au pouce
de la main droite, ladite Peſcherat ſa femme
à la jambe gauche, & ledit Dubois au
poignet du côté droit : que leurs playes, qui
avoient paru guéries, s’étoient r’ouvertes,
comme nous les voyions, depuis qu’ils avoient
commencé à ſe trouver mal : que ce même
chien avoit mordu pluſieurs autres chiens dans le voiſinage, quelques-uns deſquels
ayant eu, peu de jours après, des ſignes de la
même maladie, avoient été jettés à l’eau.
Sur quoi nous eſtimons que les trois malades
en queſtion ſont réellement & de fait attaqués
de la rage, & que les ſymptômes dont
ils ſont travaillés, ne les quitteront qu’à la
mort, dont ils ſont inceſſamment menacés ;
& nous croyons que les gens de leur voiſinage
qui ont des chiens qui peuvent avoir été
mordus de celui qui a bleſſé ces malades, doivent
être inceſſamment contraints à s’en défaire,
de crainte qu’une maladie ſi fâcheuſe
ne ſoit funeſte à d’autres perſonnes dans le
même quartier.
Fait à Paris, les jour & an que deſſus.
Symptômes d’un Homme attaqué de la Rage, tirés du Traité des Raports du ſieur Gendry, Chirurgien d’Angers.
L’Homme Enragé hurle, & ſe déchire, ſes yeux ſont pleins de feu, il montre les dents, il a la bouche écumeuſe, il rugit, & tombe en défaillance au ſeul ſouvenir de l’eau, & croit voir toujours un chien qui le veut mordre. Cet homme eſt enragé, & ſans eſpérance de guérir.
Symptômes d’un Maniaque.
Le viſage enflammé, les yeux égarés & remuans ſans ceſſe, la bouche toujours mouillée de ſalive, le corps deſſéché, les jambes ulcérées, & le ſilence, nous font juger qu’un homme eſt Maniaque.
- ↑ Il eſt à propos de conſulter ſur les Signes Diagnoſtics & Prognoſtics des Playes de la Tête, &c. dont il eſt parlé dans chacun des trois Articles précédens, la ſixiéme Démonſtration des Opérations de Chirurgie de M. Dionis, page 481 & ſuiv. de la quatriéme édition ; & principalement les très-utiles Remarques de M. de la Faye, ibid. pag. 487. 488. 490. &c. On peut encore voir là-deſſus l’Anatomie Chirurgicale de M. Palfin, Tome I. pag. 321. 322. 326. 327. & Tome II. pag. 29. 36. 37. 52. 53. édition de 1734.
- ↑ On peut voir ſur toute cette matiere, la belle & ſavante Theſe de Mr Dubois, Docteur Régent de la Médecine de Paris, ſoûtenue aux Écoles de cette Faculté le 29 Avril 1742 : An curtæ Nares ex Brachio reficiendæ ?
- ↑ Il n’y a point de plante qui porte ce nom en françois. Celle dont l’Auteur veut parler, s’appelle en latin Herba Sardonia, ou Ranunculus apii folio, ou Ranunculus pratenſis repens hirſutus C. B. P. en françois, Renoncule ou Bacinet des prés.
- ↑ Voyez ci-deſſus page 135, où l’on a expliqué ce que c’eſt que cette ſorte de convulſion.