L’Association dans la Démocratie

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L’Association dans la Démocratie
Revue des Deux Mondes4e période, tome 153 (p. 677-692).
L’ASSOCIATION
DANS LA DÉMOCRATIE

Entre tous les spectacles que la France se prépare à offrir à la curiosité de l’univers, il n’en est pas de plus rare assurément, — ni de plus paradoxal, — que celui d’une république où le droit d’association n’existe pas. Ce n’est pourtant point faute d’en parler ou faute d’en sentir le besoin et la force. Depuis une dizaine d’années seulement, combien de fois ne nous a-t-on pas promis une loi sur les associations, et serait-il difficile de nommer tel ou tel homme politique qui s’en était fait comme une spécialité ? Nous, il est vrai, nous avions là-dessus quelque méfiance, sachant que, le temps, le milieu, les circonstances étant ce qu’ils étaient, et le courant des choses nous emportant où il nous emportait, ce ne serait probablement pas une loi libérale dont on nous gratifierait, et que sous la pensée qu’on proclamait se cachait une arrière-pensée. Aussi n’étions-nous pas pressés d’en faire l’expérience. Nous nous reposions d’ailleurs sur cette conviction que, si les articles 291 et suivans du Code pénal, visant les associations de plus de vingt personnes, n’étaient pas formellement, positivement abrogés, ils étaient du moins tombés en désuétude et comme en sommeil ; que de toutes parts se formaient, sans que le glaive de la loi se levât, toutes sortes d’associations ou de sociétés, et à toutes fins : comités électoraux, groupes d’études, orphéons et fanfares ; et dans ce silence bienveillant, — per arnica silentia lunæ, — nous nous réjouissions de voir la liberté s’épanouir en sa fleur et porter son fruit : l’association.

Mais il paraît que nous nous trompions et que le tribunal correctionnel a, encore aujourd’hui, son mot à dire en cette affaire. L’article 291 dort ou ne dort pas, selon le bon ou le mauvais vouloir du gouvernement, qui l’applique s’il veut, quand il veut, à qui il veut : et c’est ce qu’on appelle la loi. D’où il suit que l’association vit ou ne vit pas, selon le bon ou le mauvais vouloir du gouvernement, qui l’autorise rarement, — car il lui faudrait prendre une responsabilité ! — mais la tolère, s’il veut, quand il veut, autant qu’il veut : et c’est ce qu’on appelle la République. Pour être justes, ajoutons tout de suite que le ministère lui-même a senti le ridicule et le danger d’une telle situation, et qu’un projet de loi sur les associations, d’initiative gouvernementale, est soumis au Conseil d’État qui s’ingénie à le rendre prochainement présentable. Ce projet nouveau, nous n’avons pas à le juger, et du reste nous ne le connaissons que par une indiscrétion, ce qui permettrait toujours de nous objecter que nous ne le connaissons pas. Nous en savons assez peut-être pour craindre que la loi en élaboration ne soit, elle aussi, — au moins en ce qui concerne certaines associations, — plus léonine, de la part de l’État, que libérale ; mais ce n’est pas le moment de le démontrer ; et il suffit de constater ici que, le projet n’étant pas encore déposé à la Chambre, il s’écoulera du temps, — avec les aptitudes qui éclatent, les sages dispositions qui règnent, et les bonnes méthodes qui sont en honneur dans le parlement, — avant qu’il soit voté, promulgué et devienne loi. En attendant, qu’on se le dise ; l’article 291 du Code pénal existe, et par conséquent, comme nous le posions en principe, le droit d’association n’existe pas.

Sans nous attarder à choisir entre les divers systèmes que les savans ont inventés pour le classement des associations : associations naturelles et associations volontaires ; associations de droit privé et associations politiques ; associations permanentes ou nécessaires et associations temporaires ou accidentelles ; associations professionnelles, à but lucratif et associations intellectuelles ou morales à but désintéressé, convenons que nous aurons surtout et d’abord en vue les associations professionnelles, les associations volontaires, privées, permanentes, et en un certain sens nécessaires. Toutes ces associations, c’est dans l’État moderne, en face de cet État et par rapport à lui, que nous voulons les considérer, dans l’État de demain économique et politique, dont précisément, de l’aveu des théoriciens les plus accrédités, « le caractère fondamental, » comme « l’élément essentiel, doit être la libre association et union[1]. » Mais, en manière d’introduction, un court exposé des faits, un rapide historique ne sera sans doute pas inutile, et, pour en bien marquer la suite, il faut le prendre au point de départ.


I

Le point de départ, c’est la Révolution. C’est la loi des 14-27 juin 1791 : « L’anéantissement de toutes les espèces de corporations des citoyens du même état et profession étant une des bases de la Constitution française, il est défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte et quelque forme que ce soit. » Défense à cesdits citoyens d’un même état ou profession, aux entrepreneurs, à ceux qui ont boutique ouverte, aux ouvriers et compagnons d’un art quelconque, lorsqu’ils se trouveront ensemble, de nommer ni président, ni secrétaire, ni syndics, de tenir des registres, de prendre des arrêtés ou délibérations, de former des règlemens sur leurs prétendus — leurs prétendus ! — intérêts communs. Cela, au nom de la liberté, conformément à la Constitution, en vertu de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ! On croit rêver, et la stupeur ne se dissipe que lorsqu’on réfléchit à ce que fut et à ce que fit la Révolution. C’est là qu’elle apparaît sous son aspect négatif, destructif, ou du moins inconstructif. Elle renverse, Dieu merci, bien des choses qui n’étaient pas bonnes, ou qui, se corrompant et se détériorant, étaient devenues mauvaises, mais, à leur place, elle ne met et ne souffre rien. Elle jette bas l’État ancien, mais elle ne bâtit pas l’Etat moderne. Elle crie : Liberté, Égalité, Fraternité, mais seulement comme protestation contre ce qui était auparavant, et qui n’était, en effet, ni la Fraternité, ni l’Égalité, ni la Liberté. Elle proscrit, elle abolit, et elle a raison, — car, au lieu d’une protection, ce n’est plus qu’une tyrannie, — la corporation fermée, mais elle ne conçoit pas que la corporation puisse s’ouvrir, et en s’ouvrant se féconder, et en se fécondant servir, et en servant se légitimer.

Elle vient annoncer aux peuples les droits de l’homme, et à plusieurs reprises elle les leur rappelle. Elle leur dit, en 1791 : « Les hommes naissent libres[2]. — Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression[3]. — La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui[4]… — La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société[5]… » Elle le répète en 1795 et elle insiste : « La sûreté résulte du concours de tous à assurer les droits de chacun[6]. » Mais, dans le même moment, elle édicté : Toutes les espèces de corporations de citoyens du même état ou profession sont interdites. La contradiction ne l’arrête pas, comme si la liberté pouvait être complète, ou la propriété accessible au plus grand nombre, ou la sûreté garantie, ou la résistance à l’oppression possible, sans l’association ! Elle énumère les droits naturels de l’homme, et elle n’oublie pas, non, mais elle nie délibérément le plus naturel de ces droits, si, après tout, il n’y a de droits naturels qu’en corrélation avec des faits naturels et si aucun fait n’est plus naturel aux hommes que de se rapprocher et de s’associer. Elle fixe les limites de la loi, et, du même coup, dans le même texte, elle les transgresse. Néanmoins elle parle d’association politique, « dont le but est justement la conservation des droits imprescriptibles de l’homme, » mais elle entend par ce mot une seule et unique association : l’État, devant lequel il n’y a que poussière d’individus. Et dans l’intervalle, en 1793, plutôt que de consentir à ce que les citoyens puissent, en dehors de l’Etat et au besoin contre lui, s’associer paisiblement pour l’exercice et « la conservation de leurs droits », elle aime mieux accorder que, dans les cas extrêmes, l’insurrection peut être « le plus indispensable des devoirs[7]. »

En fait, de 1791 à 1795, ce sont principalement les associations professionnelles dont on a peur et que l’on traque : on écarte, on repousse en elles le spectre de la corporation. Envers les associations politiques, l’Etat ne se sent vraiment de soupçon et de jalousie que lorsqu’il les sent plus puissantes que lui, lorsqu’il se voit en péril de se disperser et de se dissoudre dans les clubs. — Jusqu’alors, la Révolution a été plus indulgente pour les associations politiques, par lesquelles, en grande partie, elle s’est faite, que pour les associations professionnelles, s’étant faite, en partie, contre la corporation, et n’imaginant l’association que comme la corporation ressuscitée.

Mais bientôt l’Empire arriva et confondit les unes et les autres dans le triomphant anathème du Code pénal de 1810. Vingt personnes, ne se réunissant pas tous les jours ou à certains jours marqués pour s’occuper d’objets religieux, littéraires, politiques ou autres, — c’est-à-dire de n’importe quoi, — n’étaient point regardées, par condescendance de la loi, comme ébranlant ou menaçant l’État ; mais, dès qu’elles étaient vingt et une, si elles se réunissaient tous les jours, ou à certains jours marqués, pour s’occuper de quoi que ce fût, — elles devenaient des ennemis publics, et l’État s’abattait sur elles de tout son poids. À tout le moins leur fallait-il, pour se former en association, « l’agrément du gouvernement, » qui ne le prodiguait pas, st ne le donnait, plus souvent tacite qu’explicite, que si elles avaient l’heur de lui agréer très fort et sous les conditions qu’il lui plaisait, — la Révolution n’avait même pas banni de la loi cette formule, — qu’il plaisait à l’autorité de leur imposer[8]. Au moindre accroc, dissolution, après amende de seize à deux cents francs[9]. Pour peu qu’il y ait eu ou que l’on ait cru deviner « par discours, exhortations, invocations ou prières, en quelque langue que ce soit, par lecture, affiche, publication ou distribution d’écrits quelconques, quelque provocation à des crimes ou à des délits, — les crimes ou délits politiques sont-ils parmi ces crimes et qu’est-ce qui est ou qu’est-ce qui ne peut pas être un délit politique ? — amende de cent à trois cents francs, avec emprisonnement de trois mois à deux ans contre « les chefs, directeurs et administrateurs, » sans préjudice des peines plus fortes portées « contre les individus personnellement coupables de la provocation. » Ce n’est pas fini : amende de seize à deux cents francs contre quiconque aurait, sans la permission de l’autorité municipale, prêté sa maison ou son appartement « pour la réunion des membres d’une association même autorisée[10]. » Et il n’y a pas à songer, pour éviter des ennuis au brave homme, à réunir l’association, même autorisée, dans la rue, — car toutes les législations sont unanimes à châtier comme la dernière des séditions ces réunions en plein vent et à rompre etiam manu militari les attroupemens qui ne « circulent » pas.

Louis XVIII, Charles X passèrent, et Louis-Philippe vint. La monarchie « libérale » ne voulut pas demeurer en reste sur l’Empire, et, sans doute pressée par la nécessité de se défendre et travaillée sourdement par l’émeute, elle surenchérit. Le Code pénal disait : « Nulle association de plus de vingt personnes. » La loi du 10 avril 1834 spécifia : « Même si ces associations sont partagées en sections d’un nombre moindre. » Il y avait là une issue par laquelle de subtils conspirateurs pouvaient s’enfuir : et vite on la fermait. Le Code pénal voulait, en outre, que les réu ions fussent quotidiennes ou leur périodicité régulière. La loi de 1834 corrigea : « Alors même que les associations ne se réuniraient pas tous les jours ou à des jours marqués[11]. » L’amende encourue, non plus seulement par les « chefs, directeurs, administrateurs, » mais par tous les membres d’une association non autorisée, — l’autorisation étant d’ailleurs à chaque instant révocable, — était élevée comme minimum de seize à cinquante, et comme maximum de deux cents à mille francs ; on l’additionnait de prison : de deux mois à un an ; le tout doublé en cas de récidive et renforcé par la surveillance de la haute police[12]. Sous le couvert de cette loi protectrice, et à l’abri de ce rempart formidable, qui empêchait vingt citoyens de s’entendre, même par sections de quatre ou cinq, la monarchie de Juillet marcha tout droit à la révolution de 1848.

La seconde République voulut être généreuse, et, préoccupée des questions sociales, elle pensa tout de suite aux ouvriers : « Le gouvernement provisoire reconnaît que les ouvriers doivent s’associer entre eux pour jouir du bénéfice de leur travail[13]. » Les associations politiques purent, elles aussi, se croire libres, sinon désirées pendant quelques mois, mais, dès le 27 juillet de la même année 1848, intervint une loi sévère, qui ne s’adoucit un peu que vingt ans après, en 4868, lorsque l’Empire se libéralisa.

Entre temps, le 21 juin 1865, avait été promulguée une loi sur les « associations syndicales, » associations très différentes des syndicats professionnels et que forment les propriétaires intéressés pour l’exécution et l’entretien des travaux de défense contre la mer, les fleuves, les torrens, les rivières ; de curage, de redressement, de régularisation des canaux ; de dessèchement des marais, etc. Ce serait assez d’en avoir fait mention, si elle ne portait que les « associations syndicales, » — lisez : les syndicats de propriétaires, — pourraient, libres ou autorisées, « ester en justice par leurs syndics, acquérir, vendre, échanger, transiger, emprunter et hypothéquer ; » autrement dit seraient dotées de la personnalité civile et, en un mot, vivraient, existeraient.

Vingt années encore s’écoulèrent, au bout desquelles on s’avisa qu’il y avait, dans la société, d’autres intérêts que des intérêts de propriétaires, d’autres entreprises d’utilité collective que de dessécher des marais, de redresser des canaux ou d’endiguer des fleuves ; que la force-travail n’était pas, nécessairement et en soi, plus perturbatrice de l’État que la force-argent ; que, s’il était permis d’associer les capitaux, il devait être permis aussi d’associer les bras ; et la loi du 21 mars 1884 fut enfin votée : loi de réparation et de préparation. Elle commençait par abroger la loi des 14-27 juin 1791 — contre les corporations, — et l’art. 416 du Code pénal — contre les coalitions ; — déclarait non applicables aux « syndicats professionnels » les articles 291 à 294 du même Code et la loi de 1834 contre les associations de plus de vingt personnes ; dispensait ces syndicats de l’autorisation gouvernementale, et les invitait à se constituer librement, quoique, à la vérité, elle y apportât plus d’une restriction, quant à la qualité des membres appelés à en faire partie, qui doivent exercer actuellement la profession, et quant à l’objet poursuivi, qui ne peut être que « l’étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles. » D’autre part, elle exigeait l’accomplissement de formalités qui tendaient à maintenir le droit de contrôle auquel l’État ne saurait, en effet, absolument renoncer. Voilà donc les syndicats professionnels créés, les voilà pourvus d’un état civil : le sont-ils réellement d’une personnalité ? Ils vivent, puisqu’ils sont nés et qu’ils ont un nom ; mais de quoi subsisteront-ils ? En ce point capital, ils ne sont guère favorisés. « Ils pourront employer les sommes provenant des cotisations ; toutefois ils ne pourront acquérir d’autres immeubles que ceux qui seront nécessaires à leurs réunions, à leurs bibliothèques et à des cours d’instruction professionnelle. » Ils pourront, en outre, constituer entre leurs membres des caisses spéciales de secours mutuels et de retraites, créer et administrer des offices de renseignemens pour les offres et les demandes de travail, enfin ester en justice. — C’est à peu près tout, mais non ; il y a autre chose, et quelque chose qui serait important, si la loi ne le limitait pas de très court : une espèce de droit de coalition entre syndicats. « Les syndicats régulièrement constitués pourront librement se concerter pour l’étude et la défense de leurs intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles. Mais ces unions ne pourront posséder aucun immeuble ni ester en justice. » La personnalité civile, même restreinte, que la loi accorde aux syndicats professionnels dont elles sont composées, on la retire à ces unions ou bien on ne l’étend pas jusqu’à elles. L’être inférieur est doué d’une vie supérieure à celle de l’être supérieur, dont on ne consent à faire qu’un être artificiel et intermittent, à peine un être, et à qui l’on ne donne la vie qu’en lui refusant ou en lui mesurant d’une main avare les moyens de vivre.

Et c’est pourquoi la loi de 1884, qui est une loi de réparation, n’est en même temps qu’une loi de préparation. Telle qu’elle est, il y avait quatre-vingt-quinze ans qu’on l’attendait. Il y avait quatre-vingt-quinze ans que le droit naturel d’association était légalement supprimé, et ce droit imprescriptible semblait prescrit dans la France de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous avions traversé, depuis la grande Révolution, trois autres révolutions, grandes, moyennes ou petites : celle de juillet 1830, celle de février 1848, celle de septembre 1870, sans compter les insurrections, dont quelques-unes terribles : les journées de Juin, la Commune ; subi deux coups d’Etat : le 18 Brumaire et le Deux Décembre ; essayé de tous les régimes et de toutes les formes de tous les régimes ; connu tour à tour la République conventionnelle, la République directoriale, trois phases de la République consulaire, l’Empire, la première Restauration, les Cent Jours, deux règnes de la seconde Restauration, la Monarchie censitaire et bourgeoise, la deuxième République, la présidence du prince Louis-Napoléon, le second Empire, autoritaire, puis libéral, le gouvernement de la Défense nationale, la magistrature de M. Thiers, la troisième République jusqu’en 1877, et à partir de 1877, — la République sans les républicains, et la République aux républicains ; — nous avions successivement usé une douzaine de constitutions ; nous avions entendu, à la tribune de dix-huit ou dix-neuf assemblées, quantité de discours, — et tel ou tel fort beau, — sur « les libertés nécessaires ; » mais la liberté d’association en était toujours au point où on l’avait réduite en 1791 : elle n’était pas ; ou en 1810 : elle n’était que par l’arbitraire, le bon plaisir, le caprice de l’Etat. Et qu’était-ce que le caprice de l’Etat de 1810 ? Le bon plaisir de l’Ancien Régime, par lequel le roi faisait défense à vingt gentilshommes de s’assembler sans sa permission[14].


II

Cependant la France se piquait d’être à présent une démocratie. Et cependant la Constitution belge de 1831 disait : « Les Belges ont le droit de s’associer ; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive. » La Constitution néerlandaise de 1848 : « Les habitans ont le droit de s’associer et de s’assembler. » La Constitution suisse : « Les citoyens ont le droit de former des associations, pourvu qu’il n’y ait dans l’objet de ces associations ou dans les moyens qu’elles emploient rien d’illicite ou de dangereux pour l’Etat. » La Constitution allemande de 1849, œuvre du parlement de Francfort : « Les Allemands ont le droit de s’associer. Ce droit ne peut être restreint par aucune mesure préventive. » La Constitution prussienne de 1850 : « Tous les Prussiens ont le droit de former des associations dont le but n’est pas contraire aux lois pénales. » La loi fondamentale autrichienne de 1849 : « Les citoyens autrichiens ont le droit de se réunir et de s’associer, en tant que le but, les moyens ou la forme de l’association ne sont pas contraires au droit général, ni dangereuses pour l’État ; et celle de 1867 la confirme en la reproduisant. La Constitution espagnole de 1876 : « Tout Espagnol a le droit de s’associer pour les fins de la vie humaine. »

Avec l’Angleterre, on n’ose même pas établir de comparaison. Le droit anglais proclame la liberté des associations politiques comme une chose allant de soi et, de plus, aux yeux de tout Anglais, le droit de s’associer pour un objet privé, littéraire, de bienfaisance ou de plaisir est par lui-même un simple droit privé, où rien ne peut justifier une intervention de l’Etat. Les Américains, sur ce chapitre, sont du même avis que les Anglais, malgré les inquiétudes que Washington a pu autrefois exprimer à l’égard de certaines associations politiques et le peu de tendresse qu’il leur montrait en 1786 et jusqu’en 1794[15]. Aussi, quand, après une longue compression, l’association politique a reparu, est-ce en pays anglo-saxon qu’elle s’est retrouvée comme chez elle, et tout acclimatée, incorporée au sol, pour ainsi parler, ou fondue dans l’atmosphère.

Les races germaniques, sur le continent, avec un amour presque égal, se nourrissent de cette liberté ou la respirent. Ecoutez un Allemand : « Les associations sont l’un des pouvoirs de la nation, l’œuvre libre de la société ou des particuliers. Chacun doit pouvoir y entrer et en sortir librement. Ces groupemens multiples enrichissent la vie sociale, et ont une influence indirecte sur l’Etat, dont ils préparent ou préviennent l’action<ref> Bluntschli. le Droit public général, p. 407 : la Politique, p. 128. </ref/>. »

Retenons ceci : la libre association enrichit la vie sociale. Par elle-même, elle ne contrarie pas l’État, elle le décharge, l’aide et le double ; elle ne l’affaiblit pas, elle le consolide ; elle ne l’entame pas, elle le complète ; elle n’empiète pas sur lui, elle lui fait des dessous. Le mal profond de la société française, la cause de ses tremblemens et de son instabilité, c’est que l’État n’y a point de dessous, qu’il ne porte sur rien, que, comme on dit, il est en l’air. Et c’est la faute de la Révolution, qui a démoli et n’a pas réédifié, qui a été — je ne sais pas de terme plus juste — inconstructive. Mais il y a mieux à faire que de le lui reprocher : sans vouloir rebâtir ce qu’elle a détruit, — et qu’elle a bien fait de détruire, — construisons ce qu’elle n’a pas construit. Elle a détruit la corporation fermée, et elle a bien fait, mais elle n’a pas construit l’association libre ; construisons-la. « Enrichissons » par la libre association la vie nationale : rendons-lui sa place dans la vie économique d’abord, et ensuite dans la vie politique de la France : asseyons et fixons sur elle l’État enfin réorganisé.


III

Premièrement dans l’ordre économique. La « cellule » est ici l’association professionnelle. La loi du 21 mars 1884 n’est pas mauvaise ; elle est imparfaite ; elle ne pèche que par insuffisance : il faut donc la reprendre, l’achever ; et comment ? Cette loi, on l’a vu, crée ou reconnaît des êtres moraux ou légaux de deux degrés : les syndicats et les unions de syndicats ; mais, aux uns, elle ne laisse que relativement peu de ressources, aux autres pas du tout. Elle paraît avoir voulu donner et retirer à la fois, faire et déjà se repentir d’avoir fait. Mais, si ce n’est une hypocrisie de la loi, c’est une faiblesse, on ne sait quelle vague terreur dont elle doit maintenant se guérir. De deux choses l’une, en effet ; ou il est bon qu’il y ait des syndicats et des unions de syndicats, et alors il faut qu’ils puissent être, et être le plus utilement, le plus productivement, le plus abondamment, le plus pleinement possible ; ou il y a des inconvéniens à ce qu’ils soient autrement que comme des apparences, et alors ce n’est pas la peine qu’ils soient. Mais ce sont incontestablement les avantages qui l’emportent : il est bon qu’il y ait des associations professionnelles, et qu’elles soient nombreuses, et qu’elles soient fortes, et qu’elles soient riches ; car, plus riches elles seront, plus elles vivront, et plus elles vivront, plus elles « enrichiront la vie sociale. »

Voyez l’Angleterre des Trade-Unions. À la fin de 1897, on n’y comptait pas moins de 1 287 Unions, qui, d’un bout à l’autre du pays, groupaient à peu près 1 610 000 adhérens. Le budget de ces unions était royal, puisque les cent plus importantes d’entre elles, à elles seules, après avoir, dans l’année, encaissé 1 981 971 livres sterling (en chiffres ronds cinquante millions de francs) et dépensé 1 896 072 livres (presque quarante-huit millions) avaient encore en réserve 2 273 619 livres sterling, soit 56 840 475 francs, pour 1 050 000 membres environ ; plus de deux livres sterling par tête[16].

Et que dire des gigantesques « Unions » américaines : de la Socialist Trade and Labor Alliance, avec ses 25 000 compagnons, des 200 000 Knights of Labor ou Chevaliers du travail, des 650 000 sociétaires de l’American Federation of Labor, dans laquelle trouvent leur centre 7 000 unions locales, dont une de 60 000, deux de 40 000, une dizaine au-dessus de 20 000 membres ? Aux États-Unis comme en Angleterre, l’association est très puissante ; on ne s’aperçoit pourtant pas que ni l’Etat anglais, ni l’Etat américain soient débiles.

Chez nous, en dépit de ses réserves et de ses lacunes, la loi de 1884 est loin d’avoir été vaine. À voir ce que les syndicats ont pu faire en quinze ans et avec si peu de ressources[17], on est émerveillé de la variété de leurs efforts et de leurs aptitudes ; et, grâce à eux, grâce à ces vies associées et des millions de fois multipliées par la vertu de l’association, l’on voit s’étendre indéfiniment devant soi, de plus en plus riche, le riche tissu de la vie sociale, de moins en moins lourde, de plus en plus humaine.

Que faut-il pour que l’association professionnelle fasse plus de bien encore et rende tout ce qu’elle peut rendre de services ? Qu’on ne lui en marchande pas les moyens, qu’on ne l’entrave pas, qu’on ne la paralyse pas, qu’on ne prétende pas qu’elle fonctionne à vide, s’alimente d’air, et se chauffe sans combustible ; qu’on permette aux syndicats et aux unions de syndicats d’« acquérir, vendre, échanger, transiger, emprunter, hypothéquer, ester en justice. » L’association professionnelle a prouvé qu’elle était assez grande personne pour avoir toute sa personnalité : qu’on la lui donne. La Belgique l’a fait récemment, et s’en félicite. La législation allemande, la législation autrichienne, de leur côté, sont moins dures ou moins chiches que la nôtre. — Hâtons-nous d’imiter toutes ces monarchies. Nous ne saurions rien faire de plus démocratique.

Je dis « de plus démocratique, » parce que, dans l’acception étendue du mot, économiquement comme politiquement, et plus encore peut-être, nous sommes une démocratie. Or, économiquement comme politiquement, on ne conçoit point comment une démocratie pourrait s’organiser et vivre sans les multiples formes de l’association. Pour ce qui est de l’ordre économique, tout d’abord, elle ne le peut absolument pas ; et si, par miracle, une démocratie ancienne l’eût pu, une démocratie moderne ne le peut absolument plus. Ce n’est pas une révolution que nous avons subie depuis la fin du XVIIIe siècle, c’est deux : j’entends que ce n’est pas seulement une révolution politique, mais aussi une révolution économique, toutes les deux participant d’une révolution sociale et, à elles deux, la réalisant. Economiquement, nous avons vu, par les applications des énergies naturelles domestiquées, s’opérer une concentration de la force, par elle une concentration de l’industrie, et, par la concentration du travail dans l’usine, la concentration des travailleurs autour de l’usine. Les conditions de la vie en ont été changées, et celles de la société, et celles de l’Etat lui-même. Ainsi le travail a perdu son caractère individuel ou particulier, pour revêtir un caractère en quelque sorte ou dans quelque mesure collectif, et de nouvelles « espèces d’intérêt collectif » ont surgi, auxquelles l’association seule peut donner satisfaction. Et comme le capital, aussi, s’est concentré par le fait même de la concentration du travail, comme, dans la plupart des cas, le capital des entreprises industrielles est une association de capitaux, le seul contrepoids, la seule chance d’équilibre, la seule garantie de justice ne peut être, vis-à-vis de l’argent associé, que la main-d’œuvre associée. — Je hais et tâche de bannir toute déclamation, mais est-il excessif de dire que, vis-à-vis du banquier, du bailleur de fonds, du patron collectif et souvent lointain, qui occupe tant d’hommes qu’ils ne sont plus pour lui qu’une force humaine anonyme, des muscles ajoutés à la vapeur, vis-à-vis de lui la libre association a la même fonction à remplir que la corporation d’autrefois vis-à-vis du seigneur ? Sans doute, beaucoup de patrons, — et c’est même la majorité, — ont le sentiment le plus haut et le plus noble de leur devoir, sont demeurés vraiment des « patrons, » mais ce n’est pas une raison pour que l’association soit inutile ; et il suffirait, au contraire, qu’elle pût, en certaines occasions, — fussent-elles exceptionnelles, — être utile, pour que la liberté d’association fût nécessaire.

D’ailleurs, l’association libre n’a pas seulement à empêcher : elle a à faire ; ce n’est pas seulement un instrument de défense ou de résistance ; ce n’est pas seulement un agent de paix sociale par le respect assuré ou imposé du droit ; elle n’est pas seulement inerte et passive : c’est un agent de paix sociale par le progrès, un propulseur autant qu’un frein ; son œuvre en ce monde n’est pas seulement de s’opposer à toute diminution d’humanité parmi les hommes, mais de coopérer à ce qu’il y en ait davantage, et, même au point de vue matériel, elle n’est pas seulement un modérateur, mais un créateur et un répartiteur de richesse. Une démocratie ne peut donc, sans s’appauvrir et se compromettre, sans courir un perpétuel péril, sans s’exposer à des envahissemens et peu à peu à un accaparement partiel, sans se diminuer et s’amputer, sans subir un déchet certain et à la longue se dédémocratiser, — aucune démocratie moderne, et la démocratie française moins qu’aucune autre, — ne peut, dans sa vie économique, retrancher d’elle-même l’association.

Mais aucune non plus, — et moins qu’aucune autre la démocratie française, — ne peut la rejeter, l’exclure de sa vie politique. Quand l’association existera, vivra économiquement, nous nous en servirons pour régulariser, accroître, enrichir politiquement la vie de l’État ; disons-le : pour organiser la démocratie en organisant le suffrage universel. La Révolution, politiquement comme économiquement, a isolé, abstrait, « déraciné » l’individu ; politiquement aussi, il faut lui faire reprendre racine, le replacer dans le concret, le rattacher quelque part à quelque chose. C’est le grand problème : ne point usurper sur la liberté de l’individu et ne point laisser dégénérer en anarchie l’excès de cette liberté même ; en tirer ou y réintroduire un ordre ; refaire de l’homme, tout en lui garantissant les droits solennellement proclamés et même en lui en donnant un de plus, refaire de lui, par un rapprochement légitime avec ceux qui lui sont le plus semblables parmi les hommes, un composant et non un décomposant social.

De cette organisation future, de cette organisation prochaine, l’association nous fournira les cadres ; nous instaurerons par elle un suffrage universel plus sincère et plus équitable, plus universel. Nous fonderons sur elle un régime représentatif plus intégral ou plus total, où seront représentés, avec l’individu en son lieu professionnel, en sa circonscription sociale, les intérêts collectifs, les forces collectives, les vies collectives. Et ainsi nous instituerons le grand conseil, non plus seulement des communes, mais des associations de France. Et ainsi nous constituerons, dans la démocratie française, cette portion ou cette réserve d’aristocratie, cependant toute démocratique, qu’il lui importe si éminemment de se constituer ; et ainsi nous monterons, et avec nous, par l’association, elle montera vers une forme plus élevée, plus stable et plus durable ; et ainsi elle passera de l’état inorganique, qui n’est que confusion, incertitude et agitation, à l’état organisé, qui est harmonie, sécurité et véritablement progrès, si le progrès, c’est l’ordre en mouvement.

Pour cette besogne d’avenir, nous comptons, avant tout et par-dessus tout, sur les associations que j’ai appelées permanentes, dont le type est l’association professionnelle. Nous ne nous en remettons pas à l’accident du soin de parer aux accidens : nous aimons mieux les éviter. Nous pensons aux associations qui sont, s’il est permis de s’exprimer de la sorte, intérieures à l’Etat, et en forment comme la charpente, plutôt qu’à celles qui lui sont extérieures et qui, par les temps d’orage, peuvent pousser à sa surface. — Il en est, de ces dernières, de certaines associations politiques qui naissent des circonstances, comme de certaines fleurs superbes, d’une beauté singulière : elles éclosent, dans l’Etat en carence ou en défaillance, sur les pouvoirs en dissolution, comme les orchidées sur les bois pourris. Un gouvernement sain et sage ne s’en effraie pas, parce qu’il est sûr que, s’il est sain et sage, elles ne sauraient confondre leur objet avec le sien propre. En tout cas, la meilleure guerre qu’il puisse leur faire, c’est de s’appliquer à les rendre le plus rares possible. — Mais, même envers les autres associations, envers celles qui sont vraiment l’ossature de l’État, nous ne prétendrons pas, du reste, que l’Etat soit désarmé : si elles ont des droits envers lui, il n’en a pas moins envers elles. Nous nous bornons à désirer que ces droits soient répressifs et non préventifs ; qu’ils prohibent l’abus et non l’usage ; que la liberté soit la loi des associations, jusqu’à ce que, par des excès manifestes, elles se soient montrées incapables ou indignes de la liberté ; et, puisque ce sont des personnes, que leurs fautes soient personnelles, chacune ne répondant que de soi et toutes ne devant pas payer pour quelques-unes.

Telles sont les destinées que nous rêvons pour l’association, et telles, par l’association, les destinées que nous rêvons pour la démocratie. Si maintenant quelque homme prudent nous arrête et nous avertit que nous nous rencontrons en cela avec les socialistes ou du moins avec des socialistes, — car l’amour de l’association libre est loin d’être un caractère spécifique du socialisme, — il ne nous retiendra ni ne nous embarrassera. La réponse, en effet, est aisée, et elle est triple. — D’abord, quoique nous nous rencontrions en cela avec eux, en cela nous nous rencontrons également, — dix exemples extraits des constitutions de l’Europe l’ont prouvé, — avec les monarchies les plus conservatrices, et il y a compensation. — Puis, quand bien même nous ne nous rencontrerions qu’avec eux, avec M. Deville, M. Millerand ou M. Deslinières, et quand bien même la foi en l’association serait, — ce qu’elle n’est pas, — un dogme socialiste, nous nous dirions encore qu’une idée juste est juste par elle-même, presque indépendamment de ceux qui la soutiennent et la propagent ; que l’association ne cesse pas d’être bonne parce que les socialistes l’estiment bonne ; et que nous ne devons pas la chasser de l’Etat que nous voulons construire, parce que le socialisme lui ferait une place honorable dans l’État qu’il imagine. — Et enfin, s’il y a des idées justes dans le programme socialiste, n’est-ce pas encore le combattre que de les lui prendre ? Or il y a certainement, dans ce programme, au milieu de beaucoup d’utopies, des choses qui sont réalisables, qui seront un jour réalisées, et qui, par rapport à ce qui est, marqueraient une amélioration. Ne lui en abandonnons donc pas le monopole. Faisons une politique plus hardie, plus intelligente, plus souple, plus compréhensive, plus vivante que cette politique aveugle et sourde. Habituons-nous à regarder un peu moins avec qui nous sommes, un peu plus vers quoi nous marchons. Vidons le socialisme de ce qu’il a de positif et de pratique, et laissons-le avec son enveloppe de chimères, si léger que le vent l’emportera dans les nuages. Et, pour y réussir, quelles que soient les espérances qu’il puisse fonder sur l’association, répandons-la, et apprenons à nous en servir.

Quand la société aura retrouvé sa forme, quand la nation aura de nouveau des cadres, quand le grand organisme de l’Etat n’étouffera plus les organismes plus petits, devant cette multitude de petits organismes bien vivans, communes et associations, les grandes questions contemporaines ne se poseront plus dans les mêmes termes : elles se fractionneront ; la question sociale se morcellera en questions communales ou corporatives ; le socialisme s’infusera, se diluera et, par conséquent, s’atténuera dans les institutions locales et les associations libres.

Faut-il une autre conclusion et n’a-t-on pas déjà conclu ? Nous ne savons que trop ce que la démocratie inorganique a fait de nous ; nous commençons à pressentir ce que la démocratie organisée en pourrait refaire. Organisons donc, économiquement et politiquement, par l’association, la démocratie française, qui se perdrait et nous perdrait à vouloir tenir la gageure de vivre sans organes de démocratie. Enseignons-lui, répétons-lui, persuadons-lui que, de ces organes, l’association libre est le premier et le plus efficace. — Et, si l’on aime les formules, malgré ce qu’elles ont de rigide, et les prédictions, malgré ce qu’elles ont d’aventureux, en voici une que je veux bien risquer, tant les signes sont évidens : La démocratie française s’organisera par l’association, — ou elle ne sera pas.


CHARLES BENOIST.

  1. Franz de Holtzendorff, Principes de la Politique, traduction de M. Ernest Lehr, p. 166.
  2. Déclaration des droits de 1791, art. Ier.
  3. Déclaration de 1791, art. 2.
  4. Ibid., art. 4.
  5. Ibid., art. 5.
  6. Déclaration des droits de 1795, art. 4.
  7. Déclaration de 1793, art. 35.
  8. Code pénal, art. 291.
  9. Ibid., art. 292.
  10. Ibid., art. 293 et 294.
  11. Loi du 10 avril 1834.
  12. Ibid., art. 2.
  13. Décret des 25-29 février 1848.
  14. Voy. Taine, Origines de la France contemporaine, 22e édit. (in-16), t. Ier, p. 56.
  15. Lettres de Washington du 30 septembre 1786 et du 26 août 1794.
  16. Fifth annual Abstract of Labour statistics of the United Kingdom, 1897-98.
  17. Voyez Annuaire des syndicats professionnels, publication de l’Office du travail, 9e année, 1897, p. XXXI, XXXII et p. LIII.