L’Astronomie/01

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L’ASTRONOMIE
EN 1852 ET 1853.

Quid dem, quid non dem ?
(Horace.)
Que dire, que taire ?

Autant il est agréable de répondre, dans un salon, aux questions que les gens du monde adressent à ceux qu’ils savent s’occuper des phénomènes du ciel, autant il est périlleux de traiter en astronomie un sujet déterminé quand il n’est indiqué ni par la curiosité du lecteur ni par l’à-propos de quelque nouvelle scientifique. Depuis que les influences de la lune, des éclipses, des planètes et des comètes ont été reléguées dans l’astrologie, et celle-ci elle-même reléguée dans l’immense magasin des vieilles erreurs que l’esprit humain a abandonnées en arrivant à l’âge mûr, les brillans phénomènes célestes ont beaucoup perdu de l’intérêt populaire qui s’y rattachait, quand on croyait y trouver des pronostics de médecine, de politique ou de religion. On ne s’occupe plus maintenant de l’âge de la lune dans les soins qu’on donne aux malades et dans les travaux de l’agriculture. Les comètes n’annoncent plus la mort des rois ; on ne tire plus l’horoscope des princes. Wallenstein, s’il eût vécu de nos jours, n’aurait point eu sa planète Jupiter. Enfin l’indifférence naturelle du public pour ce qui ne peut être ni objet de crainte ni sujet d’espérance a mis d’étroites bornes à la curiosité active qui s’enquérait autrefois des mouvemens des astres, et rappelle l’expression singulière de l’astronome Delambre, qui qualifiait d’inutiles les petites étoiles qui ne servaient pas à rectifier les instrumens des observatoires, ou à déterminer d’une manière plus précise les mouvemens du soleil, de la lune, des planètes et des comètes au travers du ciel étoile.

Ainsi donc, à part les savans spéciaux et ceux qui sont voués aux arts pratiques qui se rapportent à l’astronomie, — comme la marine, la géographie, les voyages de découverte, la chronologie, la mesure des temps par toute sorte d’horloges, la détermination de la figure de la terre, — c’est toujours la pure curiosité, sans mélange d’intérêt matériel, qui fait que le public interroge un astronome, comme il interrogerait un voyageur qui arriverait d’un pays inconnu, mais avec lequel on ne pourrait aucunement présumer avoir un jour à lier des relations d’un ordre quelconque. Les taches du soleil, les montagnes de la lune, l’absence d’habitans sur cette vaste masse si près de nous, les phases de Mercure et de Vénus, les éclipses de soleil et de lune, les étoiles que cache la lune en passant entre elles et nous, les lunes nombreuses de Jupiter, de Saturne et d’Uranus, les nuages mobiles de Jupiter, les neiges que l’on voit s’amasser sur chaque pôle de la planète Mars, quand le soleil les abandonne, exactement comme sur la terre, les étoiles doubles qui tournent l’une à l’entour de l’autre et nous donnent dans le ciel de véritables cadrans séculaires qui enregistrent les longues dates chronologiques comme nos calendriers le font pour nos années ; enfin toutes les perturbations que développe l’action mutuelle de tous les corps planétaires qui circulent autour du soleil, corps dont la terre fait partie, — tout cela et mille autres résultats intéressans de l’observation et du calcul tirent, je le répète, leur plus grand prix aux yeux du public de la circonstance fortuite qui appelle son attention sur telle ou telle partie de la science.

D’ailleurs l’astronomie, séparée de son utile et mensongère sœur l’astrologie, qui s’adressait aux imaginations et au sentiment de l’amour du merveilleux inné dans l’homme, n’offre rien de dramatique, rien d’imprévu, rien qui soit le résultat de la volonté, du choix, de la spontanéité, encore moins de la passion. Les comètes elles-mêmes, quoique leur apparition ne puisse être prévue, marchent avec une telle régularité, qu’après trois observations l’astronome fixe leur marche subséquente. Le soleil parcourt éternellement l’écliptique ; la lune ne sort jamais du zodiaque pour aller éclipser l’étoile polaire. Plusieurs siècles à l’avance, on peut prédire la direction où l’astronome, qui sera aussi loin de nous dans l’avenir que Jules César, l’auteur de notre année solaire, l’est dans le passé, devra pointer son télescope pour trouver une des planètes dont les éphémérides de notre Bureau des Longitudes donnent annuellement la position aux marins, aux géographes, aux voyageurs, aux horlogers et aux astronomes eux-mêmes.

Cependant l’astronomie, réduite aux exigences sévères de la plus mathématique des sciences, n’est point abandonnée par les peuples que la civilisation met au premier rang pour la puissance comme pour le développement intellectuel. Les deux plus anciens observatoires du monde, celui de Paris et celui de Greenwich, près de Londres, ont été imités dans un grand nombre de nations. L’Allemagne, la Russie, l’Italie, et depuis peu les États-Unis d’Amérique, n’ont rien maintenant à envier à la France et à l’Angleterre. De plus, chez les deux peuples qui parlent la langue anglaise aux deux bords de 1 Atlantique, et dont la population surpasse aujourd’hui cinquante millions d’âmes, la distribution moins égale de la richesse parmi les particuliers, les grandes fortunes aristocratiques et commerciales, ont permis à plusieurs amateurs opulens d’élever de magnifiques instrumens spéciaux dans des observatoires privés. Il suffira de citer le télescope presque fabuleux de lord Rosse en Irlande. Ce télescope a six pieds anglais d’ouverture et une longueur totale de près de soixante pieds ; il est porté sur des murs de soixante-douze pieds de long et cinquante de hauteur ; il pèse quinze mille kilogrammes et a coûté 300 000 francs à son noble constructeur. Qu’on se figure un moment l’œil d’un géant dont la prunelle aurait six pieds de diamètre ! Les observatoires de Paris, de Poulkova près Saint-Pétersbourg et de Cambridge près Boston, aux États-Unis, possèdent en outre d’immenses lunettes de quatorze pouces français de diamètre. L’année dernière, 1852, a vu établir en Angleterre, chez un modeste ecclésiastique, une lunette dont les verres sont encore plus grands, mais dont les effets comparatifs ne sont pas encore bien appréciés.

Qu’a-t-on fait de tous ces moyens d’observation dans ces dernières années, notamment en 1852 ? Commençons par les étoiles.

I.

Il n’est personne qui ne sache que notre soleil fait partie d’une vaste agglomération de soleils semblables au nôtre qui sont les étoiles innombrables dont le ciel serein nous semble parsemé ; mais ce que l’on sait beaucoup moins, c’est que cet amas prodigieux de soleils forme dans le ciel un ensemble limité, une sorte d’agglomération distincte dont l’imagination peut à peine se figurer l’étendue, quand on pense que le soleil le plus voisin du nôtre est au moins deux cent mille fois plus loin de nous que la terre ne l’est du soleil, et que cette dernière distance de la terre au soleil est au moins douze mille fois l’épaisseur de la terre. Tout cet ensemble de soleils, fondus à l’œil par la distance, forme ce que l’œil aperçoit tout autour du ciel sous la ferme d’une clarté pâle et blanchâtre et qu’on nomme la voie lactée. Il n’est point de chiffres, point de nombres qui puissent représenter la quantité de ces soleils accumulés, entassés les uns derrière les autres dans ce vaste système de soleils qui couvre pour nous une immense région du ciel. À mesure que les télescopes, en se perfectionnant, ont pénétré plus avant dans cette masse d’étoiles, on en a aperçu de nouvelles derrière celles que le télescope pouvait atteindre et distinguer. Faisons de cet ensemble, de cette voie lactée de soleils tous distincts, une île au milieu du ciel, suivant l’expression admirable de M. de Humboldt, et, malgré l’immensité des dimensions de cet amas d’étoiles, nous serons bien loin encore d’avoir peuplé, d’avoir rempli, d’avoir comblé les profondeurs de l’espace accessible à nos instrumens. En effet, l’ensemble des soleils dont le nôtre fait partie, — notre voie lactée, notre nébuleuse stellaire, — n’est pas le seul dans le monde. Avant le télescope de lord Rosse, ceux des deux Herschel, père et fils, avaient sondé à fond les espaces célestes. Mais combien de voies lactées, d’îles de soleils isolées les astronomes ont-ils trouvées avec leurs admirables instrumens et leur habileté encore plus extraordinaire ? Sont-ce deux ou trois nébuleuses, comme Huyghens en voyait vers la fin du xviie siècle, ou bien une centaine, comme Messier les cataloguait vers la fin du xviiie siècle ? Non, la dernière revue du ciel que vient de taire paraître M. John Herschel nous en enregistre plus de quatre mille ! Combien en verrait-on avec le télescope de lord Rosse ?

Ainsi nous marchons d’infini en infini. Notre terre, comparée à l’homme, semble infiniment grande ; elle n’est cependant qu’un point, comparée à notre soleil et à la distance qui sépare deux soleils voisins. De ces soleils, il y en a une infinité tout à fait incalculable dans notre voie lactée, et si, par l’imagination comme par le télescope, nous espaçons les unes derrière les autres les voies lactées dans l’univers comme le sont les soleils individuels dans chacune des voies lactées individuelles, nous arrivons à des limites tellement distantes de nous, que l’imagination la plus ambitieuse sent plutôt le besoin de se replier vers notre coin du monde que de poursuivre encore plus loin ces amas de soleils entassés les uns sur les autres à perte de vue télescopique.

Ceci bien compris, voici les résultats des dernières années et même des derniers mois dans l’observation astronomique de ces amas distincts d’étoiles que l’on désigne ordinairement sous le nom de nébuleuses, parce qu’ils ressemblent, comme les petites portions de la voie lactée ordinaire, à de petits nuages faiblement lumineux. Les télescopes et les lunettes de nos jours ont montré que toutes ces agglomérations nébuleuses n’étaient réellement que des amas d’étoiles qui se séparaient et se montraient distinctes sous la puissante inspection d’un instrument plus grand et plus parfait. Les limites du monde se sont ainsi trouvées reculées prodigieusement, car, suivant l’opinion qui voyait dans ces nébuleuses, non pas des entassemens de soleils, mais bien une véritable matière continue disséminée dans l’espace, rien n’obligeait à reculer ces limites, comme l’exige l’idée de soleils distincts et d’amas de soleils distincts espacés les uns à côté des autres à partir du point d’où nous les observons. Ainsi, d’après les observations modernes, de l’homme à la terre un infini, de la terre au soleil un second infini, du soleil à l’amas de soleils qui constitue la voie lactée un troisième infini, enfin un quatrième infini de la voie lactée à l’ensemble de toutes les voies lactées qui peuplent le ciel. Voilà quatre infinis successifs de grandeurs que nous franchissons à l’aide de nos instrumens d’optique, et personne ne pensera sans doute que nous ayons atteint les bornes du monde matériel.

Passons de ces ensembles illimités à l’observation individuelle des étoiles : un autre étonnement nous attend dans cette localité, aussi restreinte que le champ des nébuleuses était vaste. Dans plusieurs cas, à côté d’une étoile brillante on distingue une seconde étoile moins brillante, et qui semble presque la toucher, avec des instrumens de faible pouvoir. En observant ces étoiles doubles pendant plusieurs dizaines d’années, William Herschel le père constata que les deux étoiles tournaient l’une à l’entour de l’autre. Observées en plein ciel, tantôt la petite était au-dessus de la brillante, plus tard elle se voyait à côté, plus tard encore elle se voyait au-dessous. Il y a telle étoile double qui accomplit cette évolution en un tiers de siècle, telle autre en un demi-siècle ; d’autres exigent pour leur période plusieurs centaines d’années. Quel embarras peuvent maintenant trouver les chronologistes à fixer des ères éternellement stables, puisque telle année où telles étoiles doubles auront telle position relative entre elles ne pourra être confondue avec aucune autre année, dût-on prolonger le temps à dix mille, à cent mille années ? Il suffit déjà, pour établir ces grandes périodes, de prendre les étoiles doubles à mouvement bien connu que contient le grand ouvrage dont M. Struve, le directeur de l’observatoire impérial de Poulkova, vient d’enrichir la science des étoiles, qui semble son domaine exclusif et privilégié par le mérite et par la renommée.

Nous ne nous étendrons pas sur ce qui a été fait dans cette branche de l’astronomie : pour ce qui regarde la scintillation des étoiles expliquée par M. Arago, d’après sa théorie et ses observations sur les étoiles variables ainsi que sur bien d’autres récentes découvertes d’astronomie stellaire, les savantes et claires notices scientifiques insérées par l’illustre académicien dans l’Annuaire du Bureau des Longitudes n’ont laissé rien à dire. Dans ces notices, on reconnaît l’expérience d’un observateur consommé aidé de la science d’un mathématicien de l’école de Laplace et de connaissances complètes dans la science de la lumière, qui lui doit de son côté ses plus admirables progrès. Dans toutes les branches de la science des étoiles en un mot, l’année 1852 a continué partout l’activité des années précédentes.

En descendant des étoiles à notre soleil par un pas qui, comme nous l’avons déjà dit, n’est pas moindre que deux cent mille fois la distance de la terre au soleil, laquelle surpasse elle-même 150 millions de kilomètres, nous voilà dans la région des planètes entre lesquelles nous comptons notre terre. Les anciens, qui mettaient à tort le soleil et la lune au rang des planètes, en comptaient sept ; nous en connaissons maintenant, ou pour mieux dire aujourd’hui, trente et une. Je dis aujourd’hui et au moment où j’écris[1], car, quoique la dernière découverte date du 15 décembre 1852, il est possible que cette année, féconde en planètes (elle nous en a révélé huit), nous en donne encore une avant le 1er janvier 1853. On peut grouper commodément ces trente et une planètes, en remarquant qu’à partir du soleil quatre planètes de grosseur moyenne, Mercure, Vénus, la Terre, ou si l’on veut Cybèle, et Mars, circulent autour de cet astre central et dans son voisinage, tandis qu’aux limites du domaine du soleil quatre grosses planètes, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, se meuvent dans d’immenses orbites ; la dernière même est trente fois plus éloignée du soleil que ne l’est Cybèle. Entre ces deux groupes, c’est-à-dire entre Jupiter, le moins éloigné du soleil dans le groupe des grosses planètes, et Mars, la plus distante du soleil parmi les planètes moyennes voisines du soleil, sont venues se grouper vingt-trois petites planètes formant une sorte de volée de très petites planètes peu distantes les unes des autres, et occupant l’espace qui sépare l’orbite de Mars de celle de Jupiter. Voici les noms et les dates de découverte de ces vingt-trois petits corps célestes, avec les noms des astronomes à qui nous les devons ; on y voit que l’année 1852 nous a donné huit de ces corps célestes :

1801.
Cérès
Piazzi
Palerme.
1802.
Pallas
Olbers I
Brême.
1804.
Junon
Harding
Lilienthal.
1807.
Vesta
Olbers II
Brême.
1845.
Astrée
Hencke I
Driesen.
1847.
Hébé
Hencke II
Driesen.
1847.
Iris
Hind I
Londres.
1847.
Flore
Hind II
Londres.
1848.
Métis
Graham
Markree (Irlande).
1850.
Hygie
Gasparis I
Naples.
1850.
Parthénope
Gasparis II
Naples.
1850.
Victoria
Hind III
Londres.
1850.
Égérie
Gasparis III
Naples.
1851.
Irène
Hind IV
Londres.
1851.
Eunomia
Gasparis IV
Naples.
1852.
Psyché
Gasparis V
Naples.
1852.
Thétis
Luther
Dusseldorf.
1852.
Melpomène
Hind V
Londres.
1852.
Fortuna
Hind VI
Londres.
1852.
Massalia
Chacornac
Marseille.
1852.
Lutetia
Goldschmidt
Paris.
1852.
Calliope
Hind VII
Londres.
1852.
Thalie
Hind VIII
Londres.

On sera peut-être surpris du grand nombre de petites planètes que MM. Hind et Gasparis ont ajoutées et ajouteront sans doute encore au groupe placé entre Mars et Jupiter, Pour juger du mérite et de l’immensité du travail nécessaire pour découvrir des astres d’un si faible éclat, il nous suffira de dire que c’est en intercalant sur une carte d’étoiles déjà faite toutes les petites étoiles que le télescope peut atteindre, que l’on arrive, en y regardant bien soigneusement, à reconnaître que quelques-uns de ces points brillans ont changé de place et sont de véritables planètes dont on assigne ensuite la distance au soleil et le temps de la révolution. C’est ainsi qu’en 1846 M. Galle, à Berlin, sur les indications de M. Leverrier, reconnut la planète Neptune. Tout le monde sait encore qu’Uranus fut trouvé en 1781 par William Herschel. Quant aux planètes visibles à l’œil nu, on est libre de faire remonter jusqu’à Adam la date de leur première observation.

Les astronomes, si heureusement récompensés de leurs travaux en 1832 par la conquête de huit planètes, petites sœurs de notre terre, ne l’ont pas été moins dans la découverte des comètes télescopiques, c’est-à-dire invisibles à nos yeux sans l’aide des instrumens d’observatoire. Mais quel intérêt le public peut-il prendre aujourd’hui à l’un de ces mille petits nuages du chaos arrivant des profondeurs du ciel pour y retourner à jamais, incapables de servir ou de nuire, et si légers qu’on peut dire à la lettre que, sous le rapport de leur ténuité, de leur peu de solidité, de leur peu de substance matérielle enfin, ces astres, — plus légers cent mille fois que l’air qui constitue le souffle des vents, — ces astres, disons-nous, sont sur l’extrême limite de l’existence ? Il est difficile même de bien se figurer à quel point est diffuse la matière nuageuse dont ils sont formés. En empruntant aux anciens alchimistes l’expression par laquelle ils désignaient une certaine vapeur métallique très légère, nous dirons que les comètes sont un rien visible. Elles n’ont pour nous pas d’autre qualité, d’autre propriété physique que leur visibilité. — Eh bien ! alors, me disait un interlocuteur enchanté d’en finir avec les comètes, s’il en est ainsi, — comète, que me veux-tu ?

Je serais cependant fâché de diminuer l’importance scientifique réelle de ces astres, et surtout celle des quatre comètes à révolution fixe que nous connaissons déjà : savoir, celles qui portent les noms de Halley, de Encke, de Biéla, et de notre compatriote M. Faye. Ces comètes inutiles au public ont vérifié la loi de Newton sur l’attraction, permis de sonder les cieux autour du soleil à de grandes distances, donné des lumières sur la constitution des espaces célestes, et enfin, suivant les idées timidement mais obstinément présentées par l’illustre inventeur des locomotives, M. Séguin, de l’Institut de France, elles nous promettent des notions sur cet amas de petits corps, de matière chaotique, suivant l’expression de Chladni, qui circule autour du soleil dans la région zodiacale concurremment avec les grosses planètes, et qui nous donne les météores appelés étoiles filantes d’une part, et de l’autre ces redoutables bolides ou globes solides qui s’engagent parfois dans notre atmosphère, s’y échauffent et y font explosion en canonnant la terre, sur toute leur direction, de leurs éclats pierreux. Ces pierres tombées du ciel, comme on les appelle ordinairement, ont plusieurs fois tué des hommes et incendié des habitations. — Pour prendre ces malfaisans visiteurs des espaces célestes sous un point de vue moins sérieux, espérons qu’avec le progrès des sciences et la diffusion des connaissances astronomiques, les romanciers et les auteurs dramatiques trouveront dans les bolides de nouveaux moyens de punir le crime triomphant et de relever la vertu appauvrie et souffrante. Une masse de fer comme celle que Pallas observa en Sibérie viendra des espaces célestes écraser le pervers opulent, et un lingot d’or non moins immense tombera dans la triste retraite du juste indigent.

L’année 1852 a vu commencer la publication des beaux travaux ordonnés par l’empereur de Russie pour la détermination de la figure de la terre. Ces travaux sont dus à M. Struve : La géodésie, car c’est ainsi qu’on désigne la mesure de la terre et la détermination de sa figure, est vraiment une science française par l’initiative de notre nation. Écoutons l’astronome royal d’Angleterre, M. Airy, homme aussi élevé moralement au-dessus des injustes vanités nationales reprochées à sa nation qu’il l’est scientifiquement par ses beaux travaux de théorie et d’observation. M. Airy s’exprime ainsi : « On lit dans l’Histoire de la Civilisation, par M. Guizot, que la France a été le grand pionnier de la science ; que, généralement parlant, la civilisation est originaire de France. Je pense qu’en matière de science, il en est ainsi que l’affirme M. Guizot. Quand la question de la figure de la terre vint à être débattue, deux expéditions célèbres s’effectuèrent sous les auspices du gouvernement français. Ce furent les deux premières grandes expéditions inscrites dans l’histoire du monde. L’une fut envoyée en Laponie, près du pôle ; l’autre le fut au Pérou, sous l’équateur, — et jamais expéditions ne se rendirent plus justement célèbres que ces deux-là. » On était alors presque au milieu du xviiie siècle. Au commencement de celui-ci, les travaux faits en France ont continué la gloire nationale et illustré les noms de MM. Delambre, Méchain, Biot et Arago. L’Angleterre, dans son territoire restreint, a mesuré très exactement sa portion de surface terrestre dans les deux sens , et notamment de l’est à l’ouest, par le beau travail de M. Airy, dont je viens de citer le nom, mais, dans ses immenses possessions de l’Inde, l’Angleterre a fait mesurer un arc de même étendue que l’arc de France. Celui de Russie pose une de ses extrémités au cap Nord, et l’autre sur la Mer Noire. Enfin les États-Unis, en ce moment même, mesurent la terre sur leur vaste territoire. Les travaux, confiés à la direction de M. Bache, l’arrière-petit-fils de Franklin, sont dignes d’un peuple qui a tout un continent pour territoire, et dont la population, aujourd’hui presque égale à celle de la France, comptera en 1900 plus de cent vingt millions d’âmes. Dans la vie des peuples, 1800 c’était hier ; 1900, ce sera demain !

II.

Ainsi que le remarque Laplace, l’astronomie actuelle est la seule science en possession de prédire les événemens futurs plusieurs siècles à l’avance. Il est bien entendu que ces prédictions n’ont pour objet que la prescience des faits astronomiques, c’est-à-dire de la position des astres dont les mouvemens enchaînés par les calculs théoriques sont infailliblement nécessaires, autant infaillibles, par exemple, que l’heure du lever et du coucher du soleil dans telle localité, à tel jour de l’année. Où sera le pôle dans trente siècles ? Où sera le soleil ? Où seront les planètes ? Quel sera l’aspect des étoiles doubles ? Quelle longueur auront les différentes saisons ? Tout cela peut être prédit, et sous ce point de vue, la curiosité s’en rapporte volontiers à l’infaillibilité des mathématiques. Cherchons donc ce qui est moins certain. D’après l’activité scientifique universelle, essayons de préciser ce que nous pouvons espérer pour 1853.

La grande lunette de l’Observatoire de Paris, convenablement portée sur le pied parallactique voté par la chambre française, marquera une ère dans la science des astres, où, suivant Fontenelle, l’art d’observer, qui n’est que le fondement de la science, est lui-même une très-grande science. Tous les problèmes sur lesquels les observateurs de Paris doivent interroger le ciel sont déjà prêts. Les observatoires de France, d’Allemagne, d’Italie, de Russie, de l’inde, du cap de Bonne-Espérance, d’Angleterre, du Canada, les nombreux observatoires des États-Unis, tous les observatoires privés de l’Angleterre et de l’Amérique, ne resteront pas oisifs. Le nombre des petites planètes s’accroîtra sans doute jusqu’à trente, en descendant jusqu’aux points presque imperceptibles du ciel étoile, observés avec des télescopes de plus en plus puissans. La théorie de la lune, dont les positions guident le navigateur et le voyageur dans les déserts des océans et des pays inconnus, sera perfectionnée, et, au lieu d’atteindre un demi-siècle de prévisions exactes, franchira un ou deux siècles d’intervalle. Les comètes dont le retour est attendu se montreront à l’appel des éphémérides mathématiques ; d’autres seront découvertes, et on pourra raisonner sur leur ensemble. Enfin la géographie astronomique, en Russie et en Amérique surtout, atteindra la précision qu’elle a depuis longtemps en France et depuis plusieurs années en Angleterre. De nouvelles lunes seront, comme dans ces dernières années, ajoutées à celles que l’on connaissait déjà autour de Saturne, d’Uranus et de Neptune, et peut-être même autour de Jupiter et de Vénus. Les éclipses n’offriront pas, en 1853, grand intérêt. Les observateurs qui, en juillet 1851, s’étaient trouvés réunis en Norvège et en Prusse pour l’éclipse totale de soleil, se sont donné rendez-vous en Algérie pour celle de 1861. Enfin nous aurons la géographie de la lune, que les grands instrumens permettent d’observer à peu près aussi bien que du sommet du Puy-de-Dôme on observe la Limagne d’Auvergne, ou bien les vallées du Roussillon du sommet du Canigou, ou enfin les vallées suisses du sommet des Alpes. Cette géographie de la lune, ou plutôt cette géologie, plaines par plaines, volcans par volcans et même rochers par rochers, nous dévoilera de curieuses lois de formations de terrains sur ce vaste globe désert où rien ne change, rien ne végète, où il n’y a ni pluies, ni vents, ni mers, ni rivières, encore moins aucune trace ou empreinte des travaux ou de l’existence des êtres vivans, tandis que sur Mars, qui est quatre cents fois plus éloigné, et même sur Jupiter, bien plus éloigné encore, nous apercevons les effets de plusieurs des météores qui se développent sur une si grande échelle dans notre atmosphère. L’atmosphère elle-même semble totalement manquer à la lune. Lord Rosse nous promet une étude complète de la géologie de notre satellite, qui a déjà été l’objet de plusieurs observations de M. William Bond, de l’observatoire de Cambridge, près Boston, pourvu, comme nous l’avons dit, d’une lunette égale à celles des observatoires de Paris et de Saint-Pétersbourg.

Mais, dira-t-on, voilà de la science d’observatoire qu’il faut acheter au prix de la construction d’instrumens immenses, difficiles à se procurer et encore plus difficiles à manier et à utiliser dans le petit nombre d’heures où le ciel, parfaitement limpide et serein, permet de pousser les instrumens à toute la puissance dont ils sont susceptibles ! En défalquant les nuits où la clarté de la lune gêne les observations délicates autant que le jour gêne les observations ordinaires des étoiles, William Herschel, que l’on peut regarder comme l’incarnation du génie observateur, ne comptait pas en Angleterre plus de cent heures par an pour les observations parfaites ; nous n’en avons pas le double à Paris. Transporter les grands instrumens astronomiques au sommet des Alpes, des Pyrénées, des chaînes de l’Himalaya dans l’Inde ou des Cordillères d’Amérique, c’est ce qui se fera, mais qui est encore moins accessible au public que la construction des observatoires. N’y a-t-il donc rien pour l’astronomie bourgeoise, pour ainsi dire, pour l’astronomie populaire, peu ambitieuse, qui voudrait vérifier seulement les principaux phénomènes célestes, sauf à croire sur parole les observateurs que leur position professionnelle ou l’amour de la gloire porte à tenter ce qu’il y a de plus difficile dans cette difficile science d’observation ? Nous nous sommes occupé, il y a plus de vingt ans, de cette question d’un mérite modeste en apparence, mais en réalité recommandable par le grand nombre de personnes auxquelles elle ouvre la contemplation des plus beaux phénomènes célestes. Sous notre direction, M. Soleil, l’excellent opticien, après de persévérantes tentatives, a construit une lunette ou télescope astronomique et terrestre tout à fait portatif et de la même force à peu près que les instrumens avec lesquels, sur les places publiques de Paris, le public est admis, pour quelques centimes, à l’observation des objets les plus curieux que chaque saison nous présente dans le ciel.

Je suppose donc un instrument de cette force, qui est à peu près celle des lunettes employées dans la télégraphie non électrique ou par les capitaines de marine sur les vaisseaux bien approvisionnés ; je le suppose, dis-je, en 1853, entre les mains d’un amateur tout à fait inexpérimenté. Il mettra d’abord le tuyau des oculaires terrestres, et il se donnera le plaisir très vulgaire, mais toujours nouveau, de lire un livre à une distance d’une centaine de mètres ou l’heure sur un cadran beaucoup plus éloigné, de distinguer les arbres, les escarpemens des montagnes ou les vaisseaux en mer, de jour et de nuit, avec une merveilleuse facilité ; il discernera les détails microscopiques de la végétation et les mouvemens des insectes d’un bout à l’autre d’un jardin de grandeur ordinaire ; il verra enfin, par les ondulations de l’air, courir le vent sur les plaines et sur les collines, comme on le voit quand il fait ondoyer les épis d’une vaste moisson près de sa maturité. Déjà familier avec la vision télescopique, il substituera l’oculaire astronomique à l’oculaire terrestre, et, observant la lune avant son premier et après son dernier quartier, le soir ou le matin, il reconnaîtra les cavités arrondies de ses cratères volcaniques et les ombres que projettent les montagnes et les collines sur les plaines et sur le fond des abîmes des cratères. De jour en jour et presque d’heure en heure, l’aspect changera, comme changent les ombres terrestres, d’heure en heure, à mesure que le soleil s’élève ou s’abaisse. Tout cela se voit en tout temps. Voici pour 1853 : le 29 mars prochain, la lune éclipsera la brillante étoile Bêta, du scorpion ; l’étoile sera couverte par la lune vers midi trois quarts, et l’éclipse, quoiqu’en plein jour, sera parfaitement visible à la lunette astronomique. Une heure après, l’étoile reparaîtra à l’autre côté de la lune. Le même phénomène, avec la même étoile, se reproduira deux lunaisons plus tard, savoir le 22 mai prochain, au moment de la pleine lune. L’éclipse commencera à huit heures trois quarts du soir, et durera jusque vers neuf heures trois quarts. Dans la même année, la planète Mars sera éclipsée par la lune le 1er août, un peu avant six heures du matin ; l’éclipse durera plus d’une heure un quart. La facilité de pointer sur la lune rendra l’observation sûre ; la planète disparaîtra du côté brillant de la lune, et reparaîtra à sept heures un quart du côté obscur de cet astre.

L’observateur, après avoir armé son oculaire d’un verre noir disposé tout exprès, verra en 1853, comme dans toute autre année, les taches noires du soleil, que rien ne nous peut faire prévoir jusqu’ici, mais qui manquent rarement pendant plusieurs mois. En suivant la position de ces taches, il s’assurera que cet astre dominateur de notre système planétaire, et qui est quatorze cent mille fois plus gros que la terre, tourne sur lui-même en vingt-cinq ou vingt-six jours.

La planète Vénus n’offrira point cette année ces beaux croissans analogues à ceux de la lune, qui font la délectation des amateurs d’astronomie populaire, et qui servirent si bien à Galilée pour prouver, d’accord avec Copernic, que la terre n’est point le centre des mouvemens des planètes. Ce ne sera que tardivement, le 28 décembre 1853, qu’elle nous montrera son disque à demi illuminé et coupé en deux, comme la lune à son premier et à son dernier quartier. Ses beaux aspects en croissans, à cornes très aiguës, ne se montreront qu’en 1854.

Mercure, quoique plus petit et plus difficile à voir bien nettement, offrira des croissans très aigus le 5 et le 16 avril 1853, le 13 et le 23 août, le 1er et le 11 décembre ; il aura l’aspect d’une lune âgée de trois à quatre jours. Il sera préférable pour la netteté de la vision aussi bien que pour Vénus d’observer la planète avant la fin du crépuscule et quand le ciel est encore bien illuminé par le reflet atmosphérique des rayons solaires.

Mars n’offrira rien d’intéressant aux lunettes ordinaires,

Jupiter sera dans son plus grand éclat et dans sa plus grande proximité de la terre pendant le mois de juin, et à cette époque il sera en plein ciel à minuit. Quoique cette année cette belle planète soit très abaissée vers le sud, le télescope montrera très bien les bandes obscures qui suivent son équateur, et que l’on assimile à l’aspect que doivent offrir les courans de nos vents alisés pour les observateurs de la terre situés dans les autres planètes. Notez que dans Jupiter, où règne un printemps perpétuel, les courans atmosphériques doivent avoir une régularité qui ne peut appartenir aux courans aériens de notre terre, lesquels sont perpétuellement troublés par les changemens des saisons. Je renvoie aux éphémérides astronomiques ceux qui voudraient être témoins d’une de ces éclipses des quatre lunes de Jupiter si curieuses par leur analogie avec nos éclipses de lune. Ces quatre lunes elles-mêmes, avec toutes leurs configurations de chaque côté de la planète principale, sont un objet du plus haut intérêt, même pour les personnes les plus indifférentes aux notions astronomiques. La Connaissance des Temps pour 1853, publiée par le Bureau des Longitudes de France, donne pour chaque jour la configuration des quatre lunes de Jupiter des deux côtés de leur planète principale, et c’est toujours une surprise pour les personnes peu habituées à la précision astronomique de trouver dans le champ de la lunette l’aspect indiqué longtemps d’avance par le calcul — reproduit fidèlement dans le ciel.

Saturne et son anneau seront bien visibles au milieu de novembre 1833. Un faible télescope peut à peine atteindre à la visibilité du plus brillant de ses huit satellites ou lunes. Saturne, en 1853, sera très haut dans notre ciel boréal et très-favorablement situé pour l’observation. Quant à Uranus, qui, dit-on, était connu des habitans d’Otahiti, qui l’observaient à l’œil nu avant qu’Herschel le découvrît en Angleterre, il y a si peu de cas où son voisinage d’une étoile bien visible permette de l’observer commodément, qu’il serait superflu d’insister sur les moyens de le trouver, surtout quand on pense que le résultat de cette pénible recherche ne serait que la vue d’un point faiblement brillant tout semblable à une petite étoile.

Aucune des comètes à période connue ne revient en 1853. La comète attendue en 1848 manque depuis lors au rendez-vous et fait conjecturer quelque perturbation extraordinaire ; mais cela n’a rien à fournir à l’astronomie populaire.

Depuis qu’en Amérique le télégraphe électrique a été employé à la détermination des longitudes, cet admirable appareil peut être considéré comme un véritable instrument d’astronomie. Notre belle administration télégraphique française vient d’atteindre Marseille ces jours derniers, et dans le courant de 1853, le réseau télégraphique de la France sera complété. Déjà, en septembre 1851, le télégraphe électrique sous-marin avait relié l’Angleterre à la France et l’Observatoire de Paris à celui de Greenwich. Plus tard, l’occasion s’offrira peut-être de constater ici plusieurs des curieux résultats obtenus dans l’ancien et le nouveau continent par l’électricité de la pile de Volta. Je me bornerai à dire aujourd’hui que l’idée de faire traverser l’Atlantique tout entier à un câble électrique allant d’Europe aux États-Unis me semble d’une difficulté insurmontable, et que la seule voie pour relier télégraphiquement les deux mondes, c’est de passer par le détroit de Behring, qui, avec les îles qui le partagent en deux, n’offre pas plus de difficulté que la Manche pour la pose d’un câble électrique sous-marin.

Si les astres, en perdant toute influence sur les destinées des hommes, ont aux yeux du vulgaire perdu tout l’intérêt qui s’attachait à leurs mouvemens et à leur position, nous trouvons cependant un cas où cette influence se manifeste sur notre globe ; il est bien entendu que c’est une influence physique et non une influence morale : je veux parler des marées. Tous les jours, sous l’influence de la lune et du soleil, les océans terrestres se soulèvent et s’abaissent deux fois. Deux fois par jour, le rivage est envahi par le flux et ensuite abandonné par le reflux. Cette incessante énergie des astres moteurs, et cette perpétuelle obéissance des plaines liquides aux lois mécaniques de la nature, se traduisent par des mouvemens tellement continus, que l’Océan semble animé ; mais c’est surtout sur les côtes de France que ces alternatives se déploient sur une grande échelle. Un phénomène encore plus curieux est celui dont nous avons donné ici même la description et l’explication[2] : je veux parler de la barre ou mascaret de la Seine, c’est-à-dire de cet immense et formidable flot qui, aux époques des pleines lunes et des nouvelles lunes des équinoxes, envahit subitement le bassin de la Seine dans les parages de Quillebœuf, à l’embouchure du fleuve. Pour être témoin de ce grand mouvement des eaux, supposons en 1853 un curieux partant de Paris pour Rouen, et de cette dernière ville arrivant en peu d’heures à Quillebœuf, par la voie de Pont-Audemer. Si c’est au 26 ou au 27 mars 1853, au 24 ou au 25 avril, au 3 ou au 4 octobre, ou bien enfin au 2 ou au 3 novembre, il contemplera le plus beau et le plus curieux de tous les phénomènes de l’Océan. Des grèves à perte de vue, sablonneuses et vaseuses, des rives basses, une rivière indigente d’eau, comparativement à son lit immense, seront, à une heure prévue, inscrites dans les éphémérides astronomiques, envahies avec fracas par une profonde plaine liquide poussée d’un mouvement irrésistible, au milieu du calme le plus complet, et dans le silence des vents et des orages. Ce n’est pas savoir profiter des beautés de la nature que de ne point aller observer ces magiques coups de théâtre de l’Océan, quand ils sont si près de nous et d’un accès si facile.

Je terminerai en émettant le vœu que le goût et la pratique de l’astronomie deviennent assez populaires en France pour engager les amateurs à soulager autant que possible dans leurs travaux les astronomes de profession, écrasés par les observations et les calculs réguliers des grands observatoires. Pourquoi ne verrions-nous pas chez nous, comme en Angleterre et aux États-Unis, des amateurs intelligens et dévoués établir dans des observatoires privés des instrumens spéciaux, pour suivre telle ou telle branche de cette belle science de la nature, dont le domaine embrasse l’immensité de l’univers ? Le grand Herschel lui-même, qu’était-il par rapport à l’observatoire royal d’Angleterre, sinon un simple amateur ? Et cependant qui jamais a fait plus que lui pour l’astronomie ? À part toute bravade d’esprit national, la France, dans l’astronomie comme ailleurs, peut-elle accepter une infériorité ?

Babinet, de l’Institut.
  1. 25 décembre 1852.
  2. Voyez la Revue du 1er novembre 1852.