L’Avenir de l’intelligence/VI

La bibliothèque libre.
Nouvelle Librairie Nationale (p. 305-318).


APPENDICE i


Le premier numéro de Minerva avait publié la pièce suivante, sans nom d’auteur :


INVOCATION À MINERVE

L’homme, et non l’homme qui s’appelle Callas.
Aristote.


i

Déesse athénienne, invoquée sous le nom romain, rassure-toi sur le sens de notre cortège ; ne fais aucune erreur sur nos intentions, Minerva. Prends garde, Jeune fille, de ne pas nous confondre avec ces savants oublieux qui, t’ayant gravée au frontispice de leur volume, n’ont pas pu se défendre de rider ton front délicat. Les pauvres gens te voulaient faire à leur image : puisses-tu nous former, au contraire, sur ta beauté.

Ô Minerve, nous ne sommes pas des archéologues et, bien que plusieurs d’entre nous soient versés dans le doux mystère de ta fable, ce n’est pas la mythologie, ni l’épigraphe, ni aucune science particulière qui les a conduits dans nos rangs. N’alléguons même pas cette profession de poète ou de sage qui appartient également à certains. Des hommes, des hommes mortels, voilà leurs titres auprès de toi ! Mais ils s’avancent, ennemis des prétentions, des ambages vains ; simples, usant des mots qui sont entendus de chacun, celui-ci grave, un autre plus riant ou plus familier, tous des fruits à la main, la tête ceinte de couronnes, mus par une raison aussi générale que toi.

Des hommes, ô Minerve ! des hommes conscients autant que soucieux, de ce qui leur manque, dévorés du sacré désir. Que d’autres, moins pieux ou moins réfléchis, t’aient donné pour prison une case de leur pensée, qu’ils t’enferment en un point du temps, ou dans un lieu du monde ! Entends mieux nos propos : c’est la vie, la vie toute entière et non un fragment de la vie, toute science, et non telle science unique, tout art, toute morale, toute rêverie, tout amour qui te sont exposés afin que tu leur marques la cadence de l’univers.


ii

Bien plus tôt qu’on ne l’a écrit, et beaucoup au delà des temps qui lui sont assignés, ton histoire, ô déesse, te révèle l’amie de l’homme. De tous les animaux qui étaient épars sur la terre, tu connus qu’il était sans comparaison le plus triste, et tu choisis ce mécontent pour en faire ton préféré. Déesse, tu rendis sa mélancolie inventive ; il languissait, tu l’instruisis, tu lui montras comment changer la figure d’un monde qui lui déplaît.

Une bonne nourrice sait endormir la plainte de son petit enfant ; ainsi tu fis des pauvres hommes. Que de jouets tu fis descendre de la tête de Jupiter ! Les poètes n’ont oublié ni le feu de ton Prométhée, ni l’olive athénienne, ni les ruses de guerre suggérées aux héros, ni ta flûte savante qui accompagna les chanteurs. Mais il sied de te rendre une justice plus complète. La charrue, le vaisseau, le double pressoir, la navette, les murailles des villes et celle du toit familier, le pavé des chemins, les conduites de l’eau, les métaux devenus dociles, il n’y a rien du matériel primitif que le genre humain ne t’ai dû.

Ce que la tradition te refuse, ou ce qu’elle attribue à d’autres inventeurs, la réflexion qui nous ressaisit te le rend. Mais elle fait bien voir que nos derniers trésors sont également ton bienfait. Qu’il s’agisse de détruire ou d’édifier, l’ingéniosité, l’audace, la patience, l’heureux concept, cela est tien. Ce qu’on nomme progrès n’est que la conséquence d’impulsions que tu nous donnas. S’il est certain que l’invention du labourage ou l’idée de se confier aux forces des eaux ont mérité sans doute une admiration plus profonde que l’appareil de la télégraphie sans fil, celle-ci n’est point méprisable : j’y reconnais tes mains sublimes, ma déesse. La découverte occupe, elle exerce, elle amuse, et si le succès la couronne, elle rendra aux hommes des services inattendus. Fidèle compagne d’Ulysse, ô trois fois chère au genre humain, sois bénie de ta compassion ! Un impie seul te refusera son tribut.

Un impie ne peut être que l’esclave de sa paresse ! Il ne te connaît pas. Il ne sait point le vol suave des moments de la vie qui s’écoulent sous ton autel : leur nombre est infini ; cependant, ils se meuvent ! les abîmes qu’ouvre le Temps se laissent franchir. L’œuvre a beau varier, ton ouvrier participe des durées éternelles. Son effort, tant il est facile, est une grâce, et son plaisir, tant il est noble, une vertu. Content de soi ou, pour mieux dire, tout à fait oublieux de soi, l’homme que tu distrais se rue aux Heures éphémères sans en éprouver l’aiguillon.


iii

En un seul cas, Minerve, on pourra se plaindre de toi. C’est quand il nous arrive d’arrêter le travail et de considérer la seconde nature que tu nous permis de créer. Ô Chaos ! Ô père des monstres ! Car il se trouve que notre œuvre est effroyablement touffue et dense, comme si la forêt primitive, à peine éclaircie, avait donné le jour à de nouveaux peuples de ronces, moins faciles à pénétrer.

Que de fer ! Que de feu ! Que d’engins variés et que de complexes organes ! Que d’opérations presque inouïes, surajoutées ! Que de connaissances disparates amoncelées ! Supputons les terres nouvelles, les nations sorties de la nuit, les profondeurs du ciel ouvertes, l’imperceptible appréhendé. L’homme, qui inventait afin de s’asservir le monde, est tenu maintenant par les serviteurs nés de lui. Il en est à se demander ce qu’il fera des biens dont il perd le compte. Ô déesse, voilà l’inquiétude moderne. L’état de nos esprits réfléchit l’état de nos cœurs. L’industrie, et la civilisation les ont gravement compliqués.

Mais, Minerve, rien ne permet de conjecturer que tu ignoras notre mal. N’as-tu pas assisté à la naissance des civilisations de l’Asie ? Elles étaient tes filles, et tu sentis leur tumultueuse fureur. Tu vis bâtir les villes des ingénieux Mycéniens. Tu connus Tyr, Sidon, l’Égypte, l’Assyrie lointaine, les empires plus éloignés sur les deux bords du fleuve Indus. Athéna, Athéna, dis-nous ce que dit ta sagesse quand, d’entre ces barbares dociles à son conseil, de la plus belle époque de ces barbaries avancées, tu fis paraître en Grèce quelque chose de différent, qui fut meilleur.

Tes Grecs athéniens étaient les plus intelligents et les plus sensibles des hommes. Ils virent donc beaucoup plus vite les maux attachés à tout bien, et le génie leur parut un don plus cruel. Les premiers ils sourirent de la vanité des passe-temps que tu fournissais et de la monotonie inséparable des successions les plus variées. Ni le plaisir de faire une œuvre, ni la joie de la posséder, ni l’ivresse d’en imaginer de nouvelles ne composent un état qui soit satisfaisant. Ouvriers, artisans, législateurs, sages ou poètes, et je dirai même amoureuses et courtisanes, ce peuple magnanime ne fut point ta dupe longtemps. Il riait de ta peine comme Apollon ton frère de l’effort des mauvais chanteurs. Sa tristesse, dorée d’une courte espérance, n’avait fait que grandir. Elle ressemblait à la nôtre, de notre temps : débordés comme nous, quoique autrement que nous, par les créatures de leur génie, ils étaient où nous en serons quand nous aurons grandi un peu au-dessus de nous-mêmes. Tu les vis, Athénienne, et ton tendre cœur se rouvrit ; mais le nouveau présent passa de beaucoup le premier.


iv

On ne l’a pas nommé encore. Je ne peux appeler un nom ces désignations flottantes, riches en équivoques, passibles d’objections de la part de tes adversaires. Tantôt l’on dit Sagesse, tantôt Mesure, ou Perfection, ou Beauté, et peut-être Goût. D’autres préfèrent Rythme, Harmonie. Et d’autres, Raison. N’est-ce pas aussi la Pudeur ? N’est-ce pas le flambeau des Compositions éternelles ? La victorieuse du Nombre, la claire et douce Qualité ?

On l’a figurée comme un Lien mystérieux autour d’une gerbe, comme le Frein mis à la bouche de célestes chevaux, comme la Ligne pure cernant quelque noble effigie, comme un Ordre vivant qui distribue avec convenance chaque parcelle. Ô mélancoliques images, imparfaite allusion à la splendeur qui n’est qu’en toi ! J’arrive après les autres pour tenter de la définir. Mais j’aime mieux te dire, ô déesse, ce que j’en vois.

Qui la trouve, trouve la paix en même temps. Il s’arrête, sachant que l’au-delà ni l’en-deçà n’enferment plus rien qu’il ne tienne. L’homme vulgaire pense ; celui-ci pense bien. Les Grecs nous semblent aujourd’hui avoir bien abusé de cette fine particule qu’ils ont reçue de toi. Dis, la comprenons-nous ? Savons-nous ce que c’est que bien être, bien vivre, bien mourir, bien penser ? Sentie d’abord exactement, puis négligée, puis méconnue, la leçon de Minerve n’a cependant jamais été oubliée tout à fait ; nos pires déchéances se souviennent qu’il est des règles, des figures, pour tout dire des lois divines en vertu desquelles le bonheur se conçoit et se peut fixer la beauté.

Comme un navire qui descend sous le pli de la vague est trop bien construit pour sombrer : ta Civilisation, celle que l’on désigne entre toutes les autres quand on veut nommer l’excellente, ne s’est jamais perdue, quoiqu’on l’ait perdue quelquefois. On dit que l’homme crée un règne nouveau dans le monde : l’homme classique forme un règne dans le règne humain. Il s’étend sur le meilleur de l’œuvre romaine et française. L’Église a mis ton nom, Minerva, sur plus d’un autel ; en Italie, en Thrace, tu triomphes près de sa croix. Des coins de France gardent, eux aussi, ton vocable. La douceur de notre langage, la politesse de nos mœurs, le raffinement de l’amour ne seraient point nés sans Minerve. Ton influence agit de tout temps. Si elle a pu faiblir au cours d’un siècle, le dernier, la douce vérité, la vérité cruelle est qu’il en a souffert : plus il se compliquait, plus il eût été sage de s’adresser à toi, tant pour mettre en bon ordre des notions qui l’enrichissaient que pour distribuer le flot d’une humeur vagabonde.

Le siècle nouveau-né comprendra que l’heure le presse. Un degré de malaise permet le traitement ; un autre n’admet que la mort. Déesse, vois nos bras et nos mains que chargent les œuvres, écoute quels démons nous soufflent la vie, le plus lâche refuse de se retirer sans combattre, ah, nous ne sommes pas une race de suicides. L’activité circule dans les veines de notre peuple, aucun effort ne nous coûtera pour guérir. De tous les lieux, de tous les âges, immortelle, pourquoi refuserais-tu ton conseil ? Fille de la nature et supérieure à ta mère, ainsi produis de notre sol des générations meilleures que lui.

Nous relisons tous tes poètes. Ronsard, Racine, La Fontaine, Molière ont reparu à notre chevet. Comme nous reprenons le chemin de Versailles ! Sans dédaigner les jeunes merveilles du gothique, nous rendons à la colonnade unique, celle du Louvre, son rang. Notre Poussin commence d’être relevé de l’oubli. Lorsque nous parlons du grand siècle, nous ne pourrons plus ajouter comme Michelet autrefois : « c’est le xviiie », et, bien que nous n’ayons rejeté aucune vraie gloire, nous savons quelle est la plus belle. Le sentiment de nos destinées nous revient. Cependant il est vrai que le cœur chaud est resté sombre ; les mains sont maladroites et les têtes appesanties. Il dépendrait de toi de récompenser tant de vœux ! N’a-t-on pas dit que ton image, taillée en un marbre très pur, vient de reparaître au soleil d’une vieille ville[1] ? C’était à la fin du premier mois de l’année nouvelle. Cette statue te représente long voilée, tenant une pique, armée du bouclier où montent les hydres. Une découverte semblable annonça pour l’Italie la première des renaissances ; mais comme ce n’était qu’un portrait de Cypris, quelque chose manquait à la Renaissance italienne. Déesse amie de l’homme, ton charme seul est apte à nous introduire au divin !


APPENDICE ii


FORMULES POLITIQUES ET MORALES
D’AUGUSTE COMTE

L’esquisse générale du positivisme n’a pas permis de développer le détail de certaines idées politiques et morales qui ont beaucoup contribué, ces dernières années, à l’influence et au succès croissant d’Auguste Comte. Il me paraît utile de détacher un certain nombre de passages qui déterminent assez bien le caractère de sa doctrine sur quelques points controversés.

le positivisme dans son rapport
avec les catholiques et les protestants

« Je dois spécialement approuver, et même encourager, le projet de publication que vous me soumettez, et qui, s’il est bien exécuté, pourra beaucoup seconder notre propagande. Peut-être au lieu du mot « Anarchy », vaudrait-il mieux dans votre triple titre, mettre « Protestantism », surtout en vue de votre milieu, mais sans altérer l′équivalence radicale des deux termes. Le moment est venu de réaliser le vœu que je formais en 1841, dans une note de ma Philosophie positive (t. v, p. 327), de concentrer les discussions philosophiques et sociales entre les catholiques et les positivistes, en écartant, d’un commun accord, tous les métaphysiciens ou négativistes (protestants, déistes et sceptiques), comme radicalement incapables de coopérer à la construction qui doit distinguer le xixe siècle du xviiie. Il faut maintenant presser tous ceux qui croient en Dieu de revenir au catholicisme, au nom de la raison et de la morale ; tandis que, au même titre, tous ceux qui n’y croient pas doivent devenir positivistes.

« Quoiqu’on ne puisse pas espérer que cette netteté de situation se réalise dans le milieu britannique ou germanique, nous devons pourtant faire toujours sentir combien le protestantisme, sous tous ses modes, est contraire au siècle de la construction. Si, comme je l’espère, la France se débarrasse du budget ecclésiastique, il sera bientôt facile de combiner les catholiques avec les positivistes contre les négativistes quelconques. » (Lettre à John Metcalf, 1856.)


la vénération

« Si l’état révolutionnaire consiste chez les praticiens, en ce que tout le monde prétend commander, tandis que personne ne veut obéir, il prend chez les théoriciens une autre forme non moins désastreuse et plus universelle, où chacun prétend enseigner et personne ne veut apprendre… Si vous faisiez une lecture journalière de l’Imitation, vous reconnaîtriez cela, qui vous servirait mieux que les résultats, intellectuels ou moraux, d’une avide lecture des journaux, revues ou pamphlets. On ne peut, sans la vénération, ni rien apprendre, ni même rien goûter, ni surtout obtenir aucun état fixe de l’esprit comme du cœur, non seulement en morale ou en sociologie, mais aussi dans la géométrie ou l’arithmétique. » (Lettre à Dix-Hutton, 1855).


les dogmes de la révolution

« Une vaine métaphysique, se sentant incapable d’aborder sérieusement l’immense question de l’ordre, avait même tenté de l’interdire, en imposant matériellement un respect légal pour les dogmes révolutionnaires que toute doctrine vraiment organique doit préalablement exclure » (1857).


souveraineté du peuple et égalité

« Depuis trente ans que je tiens la plume philosophique j’ai toujours représenté la souveraineté du peuple comme une mystification oppressive et l’égalité comme un ignoble mensonge. » (Lettre au Gal Bonnet, 1er décembre 1855.)


le parlementarisme

« L’opinion française permit ensuite le seul essai sérieux qui pût être tenté parmi nous d’un régime particulier à la situation anglaise. Il nous convenait si peu que, malgré les bienfaits de la paix occidentale, sa prépondérance officielle pendant une génération nous devint encore plus funeste que la tyrannie impériale : en faussant les esprits par l’habitude des sophismes constitutionnels, corrompant les mœurs d’après des mœurs vénales ou anarchiques, et dégradant les caractères sous l’essor croissant des tactiques parlementaires. » (Pol. pos., ii.)


le césarisme administratif

« … Dernière conséquence générale de la dissolution du pouvoir spirituel, l’établissement de cette sorte d’autocratie moderne qui n’a point d’analogie exacte dans l’histoire et qu’on peut désigner, à défaut d’expression plus juste, sous le nom de ministérialisme ou de despotisme administratif. Son caractère organique propre est la centralisation du pouvoir poussée de plus en plus au delà de toutes les bornes raisonnables. Son moyen général d’action est la corruption systématisée. » (Considérations sur le pouvoir spirituel, 1826.)

Ce dernier fragment cité date de 1826, mais a été réimprimé en 1854 comme témoin d’une invariable doctrine.


la royauté

Reste à déterminer comment cet ennemi de la démocratie, de la bureaucratie, du parlementarisme, des principes de la Révolution et du protestantisme même, a pu être républicain. Jusqu’à quel point n’a-t-il pas été royaliste ? La république d’Auguste Comte prend pour devise « liberté et ordre public ». Elle est gouvernée par des hommes d’État, « purs de toute croyance anarchique » (Lettre au Dr Audiffrend) ; elle exclut le Parlement, la centralisation et le plébiscite. Elle est présidée par un dictateur, soumis au régime de l’hérédité sociocratique, c’est-à-dire qui choisit lui-même son successeur. On trouvera partout le mécanisme du système, qui est expérimenté au Brésil.

Page x de l’Appel aux conservateurs, écrit en 1855, c’est-à-dire trois ans après le Deux-Décembre, Auguste Comte envisage la royauté comme « le moyen de salut le plus extrême » auquel les amis de l’ordre pourraient être conduits en un cas, un seul cas bien spécifié, le cas où « l’anarchie parlementaire » se « rétablirait momentanément ». Cette éventualité paraissait alors impossible au philosophe. Il avouait que le retour de cette « anarchie », de cette « aberration » n’était pas concevable. Mais il ajoutait que, dans ce cas, sous la Monarchie nécessairement rappelée pour sortir du désordre, « le positivisme continuerait à se développer en utilisant les propriétés du régime qui protégea le premier essor de la synthèse universelle ». La légitimité lui avait toujours paru fournir le meilleur mode pour instituer la transition organique, et il appelait le ministère de Villèle (1821-1828), « le plus honnête, le plus noble et le plus libre de tous les régimes sous lequel il eût vécu jusqu’en 1855 ». Il conviait les « âmes aptes à représenter la postérité à ne pas oublier le nom du digne président de la dictature légitimiste ».

L’avantage d’un gouvernement où l’autorité se transmet selon le même mode que la propriété était loin de lui échapper. Il s’objectait que ce régime fut peu populaire. C’est pourquoi, pensait-il, cette monarchie ne pourrait revivre que « passagèrement ». Mais, en 1860, trois ans après la mort de Comte, l’empire devenant libéral rétablit un parlementarisme, qui devint, en 1870, démocratique et républicain, et cette double et triple « aberration anarchique » devait motiver, d’après Comte, la restauration de la monarchie légitime. Ce péril intérieur était d’ailleurs accompagné d’un bouleversement en Europe. Quatre grandes guerres, en 1859, 1866, 1870 et 1878, fortifiaient des dynasties déjà puissantes, développaient les compétitions nationales et redoublaient l’ambition des empires. Comte se demanderait certainement aujourd’hui si le péril extérieur n’est pas de nature à ramener vers la légitimité non seulement les hommes d’ordre, mais les « inclinations » de la foule elle-même.

  1. Poitiers.