L’Encyclopédie/1re édition/ABUS

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ABUS, s. m. se dit de l’usage irrégulier de quelque chose ; ou bien c’est l’introduction d’une chose contraire à l’intention que l’on avoit eue en l’admettant.

Ce mot est composé des mots ab, de, & usus, usage.

Les réformes & les visites sont faites pour corriger les abus qui se glissent insensiblement dans la discipline ou dans les mœurs. Constantin le Grand, en introduisant dans l’Eglise l’abondance des biens, y jetta les fondemens de cette multitude d’abus, sous lesquels ont gémi les siecles suivans.

Abus de soi-même. C’est une expression dont se servent quelques Auteurs modernes, pour dénoter le crime de la pollution volontaire. Voyez Pollution.

En Grammaire, appliquer un mot abusivement, ou dans un sens abusif, c’est en faire une mauvaise application, ou en pervertir le vrai sens. Voyez Catachrese. (H)

Abus, dans un sens plus particulier, signifie toute contravention commise par les Juges & Supérieurs ecclésiastiques en matiere de Droit.

Il résulte principalement de l’entreprise de la Jurisdiction ecclésiastique sur la laïque ; de la contravention à la police générale de l’Eglise ou du Royaume, réglée par les Canons, les Ordonnances ou les Arrêts.

La maniere de se pourvoir contre les jugemens & autres actes de supériorité des Ecclésiastiques, même de la Cour de Rome, où l’on prétend qu’il y a abus, est de recourir à l’autorité séculiere des Parlemens par appel, qu’on nomme pour le distinguer de l’appel simple, appel comme d’abus.

Le terme d’abus a été employé presque dans tous les tems dans le sens du présent article : mais l’appel comme d’abus n’a pas été d’usage dans tous les tems. On employa plusieurs moyens contre les entreprises des Ecclésiastiques & de la Cour de Rome avant de venir à ce dernier remede.

D’abord on imagina d’appeller du saint-Siége au saint Siége Apostolique, comme fit le Roi Philippe Auguste lors de l’interdit fulminé contre son Royaume par Innocent III.

Dans la suite on appella au futur Concile, ou au Pape mieux avisé, ad Papam melius consultum, comme fit Philippe-le-Bel qui appella ad Concilium de proximo congregandum, & ad futurum verum, & legitimum Pontificem, & ad illum seu ad illos ad quem vel ad quos de jure fuerit provocandum.

On joignit ensuite aux appels au futur Concile les protestations de poursuivre au Conseil du Roi, ou dans son Parlement, la cassation des actes prétendus abusifs, pour raison d’infraction des Canons & de la Pragmatique-Sanction. Voyez Pragmatique-Sanction.

Cette derniere voie acheminoit de bien près aux appels comme d’abus.

Enfin l’appel comme d’abus commença d’être en usage sous Philippe de Valois, & fut interjetté solemnellement par Pierre de Cugnieres, Avocat Général, & a toujours été pratiqué depuis au grand avantage de la Jurisdiction royale & des Sujets du Roi.

Le Ministere public est la véritable partie dans l’appel comme d’abus ; de sorte que les parties privées, l’appel une fois interjetté, ne peuvent plus transiger sur leurs intérêts au préjudice de l’appel, si ce n’est de l’avis & du consentement du Ministere public, lequel peut rejetter l’expédient proposé s’il y reconnoît quelque collusion préjudiciable au bien public.

Les Parlemens prononcent sur l’appel comme d’abus par ces mots il y a, ou il n’y a abus.

Quelquefois les Parlemens convertissent l’appel comme d’abus en appel simple ; c’est-à-dire, renvoient les parties pour se pourvoir par devant le Juge ecclésiastique, supérieur à celui d’où étoit émané le jugement prétendu abusif : quelquefois ils le convertissent aussi en simple opposition.

L’exception tirée du laps des tems n’est point admissible en matiere d’abus, ni celle tirée de la désertion d’appel en l’appel d’icelui.

L’appel comme d’abus est suspensif, si ce n’est en matiere de discipline ecclésiastique & de correction réguliere où il n’est que dévolutif.

Il se plaide en la Grand’Chambre, & se doit juger à l’audience, si ce n’est que le tiers des Juges soit d’avis d’appointer.

Les appels comme d’abus ne se relevent qu’au Parlement, & les lettres de relief se prennent au petit sceau, l’appellant y annexant la consultation de trois Avocats : mais ce n’est pas par forme de gradation de l’inférieur au supérieur que les appels comme d’abus sont portés aux Parlemens, mais comme aux dépositaires de la puissance & de la protection royale.

L’appellant qui succombe à l’appel comme d’abus est condamné, outre les dépens, à une amende de 75 livres. (H)

Abus. Ce mot est consacré en Médecine aux choses que les Médecins ont nommées non-naturelles, dont le bon usage conserve & fortifie la santé, pendant que l’abus ou le mauvais usage qu’on en fait, la détruit & produit des maladies. Voyez Non-naturelles. (N)