L’Encyclopédie/1re édition/ACCLAMATION

La bibliothèque libre.
Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 72-73).
◄  ACCISE
ACCLAMPER  ►

ACCLAMATION, s. f. marque de joie ou d’applaudissement par lequel le public témoigne son estime ou son approbation. L’antiquité nous a transmis plusieurs sortes d’acclamations. Les Hébreux avoient coûtume de crier hosanna ; les Grecs ἄγαθη τυχὴ, bonne fortune. Il est parlé dans les Historiens de quelques Magistrats d’Athenes qui étoient élûs par acclamation. Cette acclamation ne se manifestoit point par des cris, mais en élevant les mains. Les Barbares témoignoient leur approbation par un bruit confus de leurs armes. Nous connoissons plus en détail sur ce point les usages des Romains, dont on peut réduire les acclamations à trois especes différentes ; celles du peuple, celles du Sénat, & celles des assemblées des gens de Lettres.

Les acclamations du peuple avoient lieu aux entrées des Généraux & des Empereurs, aux spectacles donnés par les Princes ou les Magistrats, & aux triomphes des vainqueurs. D’abord ce n’étoit que les cris confus d’une multitude transportée de joie, & l’expression simple & sans fard de l’admiration publique, plausus tunc arte carebat, dit Ovide. Mais sous les Empereurs, & même dès Auguste, ce mouvement impétueux auquel le peuple s’abandonnoit comme par enthousiasme, devint un art, un concert apprêté. Un Musicien donnoit le ton, & le peuple faisant deux chœurs répétoit alternativement la formule d’acclamation. La fausse nouvelle de la convalescence de Germanicus s’étant répandue à Rome, le peuple courut en foule au Capitole avec des flambeaux & des victimes en chantant, salva Roma, salva patria, salvus est Germanicus. Néron passionné pour la musique, lorsqu’il joüoit de la lyre sur le théatre, avoit pour premiers acclamateurs Seneque & Burrhus, puis cinq mille soldats nommés Augustales, qui entonnoient ses louanges, que le reste des spectateurs étoit obligé de répéter. Ces acclamations en musique durerent jusqu’à Théodoric. Aux acclamations se joignoient les applaudissemens aussi en cadence. Les formules les plus ordinaires étoient feliciter, longiorem vitam, annos felices ; celles des triomphes étoient des vers à la loüange du Général, & les soldats & le peuple crioient par intervalles ïo triumphe : mais à ces loüanges le soldat mêloit quelquefois des traits piquans & satyriques contre le vainqueur.

Les acclamations du Sénat, quoique plus sérieuses, avoient le même but d’honorer le Prince, & souvent de le flatter. Les Sénateurs marquoient leur consentement à ses propositions par ces formules, omnes, omnes, æquum est, justum est. On a vû des élections d’Empereurs se faire par acclamation, sans aucune délibération précédente.

Les gens de Lettres récitoient ou déclamoient leurs pieces dans le Capitole ou dans les Temples, & en présence d’une nombreuse assemblée. Les acclamations s’y passoient à peu près comme celles des spectacles, tant pour la musique que pour les accompagnemens. Elles devoient convenir au sujet & aux personnes ; il y en avoit de propres pour les Philosophes, pour les Orateurs, pour les Historiens, pour les Poëtes. Une des formules les plus ordinaires étoit le sophos qu’on répétoit trois fois. Les comparaisons & les hyperboles n’étoient point épargnées, surtout par les admirateurs à gages payés pour applaudir ; car il y en avoit de ce genre, au rapport de Philostrate. (G)